ARRÊT N.
RG N : 14/ 00642
AFFAIRE :
M. Georges X..., M. Jean-Pierre X..., Mme Odette X... épouse Y..., Mme Françoise X... épouse Y...
C/
SA BNP PARIBAS
JCS/ PS
succession
Grosse délivrée à Me DURAND MARQUET, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 12 JANVIER 2016--- = = = oOo = = =---
Le DOUZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Georges X..., de nationalité Française, né le 02 Mars 1964 à ANTIBES (06), Profession : Métreur, demeurant... représenté par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Emmanuelle POUYADOUX, avocat au barreau de LIMOGES, et Me Pascal DUBOIS, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Françoise AUSSUDRE, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur Jean-Pierre X..., de nationalité Française né le 20 Mars 1953 à NICE (06), Profession : Architecte, demeurant... représenté par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Emmanuelle POUYADOUX, avocat au barreau de LIMOGES, et Me Pascal DUBOIS, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Françoise AUSSUDRE, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Odette X... épouse Y..., de nationalité Française, née le 30 Septembre 1956 à NICE (06) Profession : Secretaire, demeurant... représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Emmanuelle POUYADOUX, avocat au barreau de LIMOGES, et Me Pascal DUBOIS, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Françoise AUSSUDRE, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Françoise X... épouse Y..., de nationalité Française, née le 21 Août 1954 à NICE (06) Profession : Secretaire, demeurant... représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Emmanuelle POUYADOUX, avocat au barreau de LIMOGES, et Me Pascal DUBOIS, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Françoise AUSSUDRE, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 13 février 2014 par le tribunal de grande instance de LIMOGES
ET :
SA BNP PARIBAS, dont le siège social est 16, boulevard des Italiens-75009 PARIS CEDEX représentée par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMÉE
--- = = oO § Oo = =---
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 10 Novembre 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 8 décembre 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 octobre 2015.
A l'audience de plaidoirie du 10 Novembre 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Pascale SEGUELA, Greffier, Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leur client.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 12 Janvier 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Roger X... et son épouse, Yvonne Z..., séparés de biens, ont acquis courant 1979, en indivision, une propriété dite Château de La Grillère située sur la commune de SAINT GERMAIN LES BELLES.
Selon un acte du 12 septembre 1990 Yvonne Z... épouse X... a fait donation à ses enfants, Jean Pierre, Françoise, Georges et Odette X..., de ses parts et portions en pleine propriété sur ledit immeuble dont les donataires devenaient ainsi copropriétaires indivis avec leur père.
Un jugement du tribunal d'instance de SAINT YRIEIX LA PERCHE du 17 septembre 1991, définitif, a condamné Roger X... à payer à la BNP la somme de 90 400 Francs (13 781, 39 €) avec intérêts au taux contractuel à compter du 3 octobre 1990 et la somme de 17 960, 35 Francs (2738, 04 €) avec intérêts au taux légal à compter de la même date.
Un jugement du tribunal de grande instance de LIMOGES du 10 mai 2001 a ordonné à la demande de deux créanciers de Roger X..., Mrs A... et B..., la vente sur licitation du château de La Grillère.
Roger X... est décédé le 16 octobre 2003, laissant à sa succession son épouse, Yvonne Z... veuve X..., et les quatre enfants bénéficiaires de la donation précitée.
Ces derniers ont accepté la succession sous bénéfice d'inventaire selon déclarations faites au greffe du tribunal de grande instance de LIMOGES le 26 décembre 2003.
Un cinquième enfant qui n'est pas dans l'actuelle procédure, Madame Martine X... épouse C..., a accepté la succession sous bénéfice d'inventaire le 7 janvier 2004.
Le tribunal de grande instance de LIMOGES a par jugement du 14 décembre 2004, à la suite au dépôt du cahier des charges de la vente sur licitation ordonnée par sa précédente décision :
- constaté le décès de Roger X... ;
- renvoyé l'adjudication à l'audience du 5 avril 2005 ;
- dit que le jour de l'audience d'adjudication sur renvoi, Yvonne, Jean Pierre, Georges, Françoise et Odette X... devraient avoir pris parti sur la succession de Roger X..., faute de quoi la vente sur licitation pourrait être poursuivie contre eux en qualité d'acceptants purs et simple de ladite succession ;
- rappelé qu'en cas de renonciation de l'ensemble des héritiers à la succession de Georges X..., la vente sur licitation à la barre du tribunal ne pourrait être poursuivie qu'après qu'il ait été statué, à la requête de toute personne intéressée, sur cette succession non réclamée.
Yvonne Z... veuve X..., Jean Pierre, Françoise, Georges et Odette X... ont fait procéder à l'inventaire de la succession par acte de Maître DEBROSSE, notaire MAGNAC BOURG, en date du 28 février 2005.
Un jugement du tribunal de grande instance de LIMOGES du 29 novembre 2008 a adjugé le bien immobilier dit Château de la Grillère à une société HOLDING SYNERGIE SAS au prix de 225 158, 93 €.
Une procédure d'ordre a été ouverte à la suite de cette adjudication, procédure à l'issue de laquelle il a été constaté par un jugement du 19 février 2009 puis par un arrêt du 30 mars 2011 que la société BNP PARIBAS ne pouvait venir en rang utile sur la part revenant à la succession du débiteur qui a été distribuée entre les autres créanciers.
La société BNP PARIBAS a fait signifier aux héritiers de Roger X... le jugement du tribunal de SAINT YRIEIX LA PERCHE du 17 septembre 1991.
Une mise en demeure leur a été délivrée le 15 novembre 2011.
La banque a fait pratiquer le 8 février 2013 une saisie attribution auprès de la caisse des dépôts et consignation.
Par acte des 17 janvier et 11 février 2013, elle a fait assigner M. Jean Pierre X..., Madame Françoise X... épouse Y..., M. Georges X... et Madame Odette X... épouse Y... devant le tribunal de grande instance de LIMOGES pour qu'ils soient condamnés à lui payer en leur qualité d'héritiers de Roger X... les sommes dues en vertu du jugement précité.
Le tribunal a par jugement du 13 février 2014 :
- constaté que les défendeurs étaient acceptants purs et simple de la succession de Roger X..., décédé le 16 octobre 2003 ;
- condamné ces derniers, en leur qualité d'héritiers, à payer à la société BNP PARIBAS les sommes de :
-13 781, 39 € avec intérêts au taux conventionnel à compter du 3 octobre 1990 ;
-2 738, 04 € avec intérêts au taux légal à compter de la même date.
Les consorts X...-Y... ont été en outre condamnés aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 20 mai 2014.
**
Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 13 octobre 2015, M. Jean Pierre X..., Madame Françoise X... épouse Y..., M. Georges X... et Madame Odette X... épouse Y... demandent à la cour au regard, notamment, de l'article 800 (ancien) du code civil :
- de constater qu'ils n'ont exercé aucun acte emportant renonciation au bénéfice d'inventaire et qu'il n'existe contre eux aucun jugement passé en force de chose jugée ;
- de dire qu'il en résulte qu'ils ne peuvent pas, nonobstant le jugement prononcé le 14 décembre 2004 par le tribunal de grande instance de LIMOGES dans le cadre d'une procédure de licitation où ils n'intervenaient qu'en qualité de copropriétaires indivis, être considérés comme acceptants purs et simple de la succession de leur père dont l'inventaire du 28 février 2005 a fait ressortir le caractère déficitaire ;
- de débouter la société BNP PARIBAS de l'intégralité de ses demandes ;
- de la condamner à leur verser une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
**
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 1er octobre 2015, la SA BNP PARIBAS demande à la cour au regard, notamment, des articles 793, 794 et 795 (anciens) du code civil :
- de constater que les appelants n'ont pas fait inventaire, ni pris position dans les délais légaux ;
- de dire qu'il résulte du jugement du 14 décembre 2004 rendu dans le cadre d'une procédure d'exécution dans laquelle ils étaient poursuivis en qualité d'héritiers, qu'ils sont déchus de leur exception et doivent bien être considérés comme des héritiers purs et simple tenus personnellement des charges de la succession ;
- de confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions ;
- de condamner les consorts X... à lui verser une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Il n'est pas contesté que, la succession ayant été ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006 qui a réformé le droit des successions, les textes applicables sont les articles 793 et suivants du code civil dans leur ancienne rédaction.
**
Les héritiers de Roger X... ont déclaré par actes enregistrés au greffe du tribunal de grande instance de LIMOGES les 26 décembre 2003 et 4 janvier 2004, accepter la succession sous bénéfice d'inventaire.
Il est exact que l'inventaire n'a été établi que le 28 février 2005, alors que le délai prévu par l'article 794 avait expiré.
Toutefois, l'article 800 du code civil dispose que, nonobstant l'article 794 qui subordonne l'effet de la déclaration à l'établissement d'un inventaire dans les formes et délais de la loi, « l'héritier conserve, après l'expiration des délais, la faculté de faire encore inventaire et de se porter héritier bénéficiaire, s'il n'a pas fait d'ailleurs acte d'héritier ou s'il n'existe pas contre lui de jugement passé en force de chose jugée qui le condamne en qualité d'héritier pur et simple ».
Le jugement du tribunal de grande instance de LIMOGES du 14 décembre 2004 qui, dans le cadre d'une procédure de vente forcée ouverte à l'initiative de deux créanciers de Roger X..., a, suite au décès de celui-ci, renvoyé la vente du bien immobilier en indiquant que les héritiers devraient « prendre parti sur la succession faute de quoi la vente pourrait être poursuivie contre eux en qualité d'acceptants purs et simples » n'est pas un jugement de condamnation prononcé contre les héritiers en tant que tels.
M. Jean Pierre X..., Madame Françoise X... épouse Y..., M. Georges X... et Madame Odette X... épouse Y... se trouvaient dans cette procédure, non en qualité d'héritiers de Roger X..., mais en tant que copropriétaires indivis du bien saisi, qualité que leur avait donnée la donation que leur avait faite par un acte du 12 septembre 1991 leur mère, Yvonne Z... épouse de Roger X..., de la part qu'en 1979 elle avait acquise sur le bien, en indivision avec son mari.
Il y avait un cinquième héritier, Madame X... épouse C... qui, parce qu'elle n'était pas copropriétaire du bien a défaut d'avoir été concernée par la donation, n'était pas représentée dans la procédure de licitation.
Nonobstant les termes du jugement qui a renvoyé la vente, les appelants qui n'ont pas été condamnés en qualité d'héritiers à payer les dettes de la succession ne peuvent pas non plus être considérés comme ayant fait acte d'héritier.
Au contraire, ils ont fait établir le 28 février 2004, postérieurement à ce jugement, un inventaire de la succession qui a fait apparaître que celle-ci était largement déficitaire, ce à la suite de quoi ils ont laissé vendre le bien dont ils détenaient la moitié indivise, puis laissé les créanciers de leur auteur se répartir entre eux dans le cadre d'une procédure d'ordre, jusqu'à épuisement, la part qui dépendait de la succession.
La société BNP a participé à cette procédure d'ordre mais n'est pas venue en rang utile.
L'acceptation d'une succession qu'on sait déficitaire ne peut pas résulter du silence ou de l'inaction des héritiers.
Dés lors, les appelants sont héritiers sous bénéfice d'inventaire et il ne sont en rien déchu de l'inventaire, contrairement à ce que soutient la société intimée, en l'absence d'une quelconque renonciation ou cause de déchéance.
En réalité, ils ont pris parti en laissant les créanciers de leur père appréhender la totalité des biens de la succession de celui-ci.
La société BNP PARIBAS qui n'est pas venue en rang utile ne peut pas les poursuivre en qualité d'acceptants purs et simple en l'absence de jugement ou d'actes positifs de leur part susceptibles de leur conférer cette qualité.
Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la société BNP PARIBAS de l'intégralité de ses demandes.
Les consorts X... sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 2000 €.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau.
Déboute la SA BNP PARIBAS de l'intégralité de ses demandes.
La condamne à verser à M. Jean Pierre X..., Madame Françoise X... épouse Y..., M. Georges X... et Madame Odette X... épouse Y... une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA BNP PARIBAS aux dépens de première instance et d'appel ; dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Maître Christophe DURAND MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Pascale SEGUELA. Jean-Claude SABRON.