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24/09/2015 | FRANCE | N°14/00893

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 24 septembre 2015, 14/00893


ARRET N.
RG N : 14/ 00893
AFFAIRE :
SA ALBINGIA, Société TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED
C/
SA X..., SAS SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE LFP

JCS/ MCM

DEMANDE EN PAIEMENT D'INDEMNITE D'ASSURANCE

Grosse délivrée à la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2015--- = = = oOo = = =---

Le VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :


SA ALBINGIA, représentée par son Président du Conseil d'Administration en exercice domicilié de d...

ARRET N.
RG N : 14/ 00893
AFFAIRE :
SA ALBINGIA, Société TOKIO MARINE EUROPE INSURANCE LIMITED
C/
SA X..., SAS SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE LFP

JCS/ MCM

DEMANDE EN PAIEMENT D'INDEMNITE D'ASSURANCE

Grosse délivrée à la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2015--- = = = oOo = = =---

Le VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
SA ALBINGIA, représentée par son Président du Conseil d'Administration en exercice domicilié de droit audit siège sis109/ 111, rue Victor Hugo-92300 LEVALLOIS PERRET

représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me Evelyne NABA, avocat au barreau de PARIS, Me François PALES, avocat au barreau de PARIS
Société TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED société de droit anglais dont le siège est 20 Fenchurch Street, EC3M 3BY à LONDRES (ROYAUME UNI), en son établissement français situé 6-8 boulevard Haussmann-75009- PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me Philippe CHABAUD de la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me Evelyne NABA, avocat au barreau de PARIS, Me François PALES, avocat au barreau de PARIS
APPELANTES d'un jugement rendu le 02 JUILLET 2014 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES et INTIMEES
ET :
SA X...représentée par son Président du Directoire en exercice, Monsieur Michel X...Société anonyme dont le siège social est 27 avenue Albert Thomas B. P. 1005-87050 LIMOGES CEDEX

représentée par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Xavier MARCHAND, avocat au barreau de PARIS
SAS SOCIETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE SLFP, représentée par son Président en exercice, Monsieur Michel X..., Société dont le siège social est 27, avenue Albert Thomas-87000 LIMOGES

représentée par Me Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC et ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES, Me Xavier MARCHAND, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES et APPELANTES
--- = = oO § Oo = =---
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 11 Juin 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 10 Septembre 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mai 2015.
A l'audience de plaidoirie du 11 Juin 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre et de Madame Christine MISSOUX, Conseiller, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président SABRON a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 24 Septembre 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---

Le groupe X...exerce une activité de fabrication d'articles de porcelaine de table sur deux sites, l'un situé à ORADOUR SUR GLANE, exploité par une filiale, la Société Limousine de Fabrication de Porcelaine (SLFP), site consacré à la production de porcelaine blanche, et le second à LIMOGES qui est exploité par la société mère, la SA X..., et où sont décorés les articles de porcelaine blanche.

La SA X...a souscrit le 1er janvier 2009 pour son compte et pour le comte de sa filiale une police d'assurance « Multirisque Industrielle » auprès des sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED qui intervenaient dans le cadre d'une coassurance, la première dans la proportion de 85 %.
Le 23 octobre 2011 un incendie ayant son origine dans une armoire électrique située dans l'atelier de décoration des porcelaines du site de LIMOGES a entraîné d'importantes dégradations des locaux, du matériel et du stock.
Le 23 février 2012, alors que les travaux de réfection étaient en cours, un deuxième incendie est survenu dans l'atelier d'un autre bâtiment qui abritait un four à émaux et céramiques techniques.
A la suite de la déclaration de ces sinistres, en conformité avec les stipulations du contrat d'assurance, une expertise amiable et contradictoire a été confiée à deux experts qui ont été missionnés courant novembre 2011, le premier, le cabinet ELEX, par l'assureur et le second, le cabinet GALTIER, par l'assuré.
Parallèlement, une ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de LIMOGES du 13 mars 2012 a désigné un expert judiciaire en la personne de M. Z....
En octobre 2012, les assureurs ont adjoint au cabinet ELEX le cabinet GMC pour l'appréciation des pertes d'exploitation sur laquelle sont apparues des divergences alors que les parties s'étaient accordées sur l'évaluation des préjudices directs, fixée à 5 233 651 ¿.
De son côté, le groupe X...a adjoint au cabinet GALTIER le cabinet MARSH sur le problème de la valorisation des pertes d'exploitation.
A la fin de l'année 2012, les assureurs avaient versé au groupe X...des provisions pour un total :
- de 4 220 000 ¿ au titre du préjudice matériel ;
- de 4 950 000 ¿ au titre des pertes d'exploitation.
Par lettre des 21 décembre 2012 et 4avril 2013, ils ont adressé à la SA X...des propositions d'indemnisation des préjudices matériels et des pertes d'exploitation dans lesquelles ils indiquaient faire application :
- pour les préjudices matériels et immatériels, d'une réduction de 0, 926 au titre de la règle proportionnelle de primes ;
- pour les pertes d'exploitation, évaluées par leur expert à 6 735 179 ¿, d'une réduction de 0, 935 au titre de la règle dite de réduction proportionnelle des capitaux ainsi que des franchises contractuelles (une pour chaque sinistre).
Les cabinets GMC et MARSH ont maintenu leurs divergences sur la valorisation des pertes d'exploitation et les parties n'ont pas trouvé d'accord sur la désignation du tiers arbitre qui, selon le contrat, devait être désigné dans un tel cas afin que soit donné collégialement un avis sur le préjudice subi, à la majorité des voix.
Les sociétés X...et SLFP ont alors, par acte du 25 avril 2013, fait assigner les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE en référé devant le président du tribunal de commerce de LIMOGES qui, accueillant pour l'essentiel leurs demandes, a par ordonnance du 7 mai 2013 :
- désigné en qualité de tiers expert M. Philippe Y...dont le nom avait été proposé par les assurés ;
- condamné les assureurs au paiement provisionnel d'une somme de 7 000 000 ¿.
Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE ont relevé appel de cette ordonnance.
Par acte du 7 mai 2013, la SA X...et sa filiale ont fait assigner les assureurs au fond devant le tribunal de commerce de LIMOGES pour obtenir le paiement de la somme de 25 000 000 ¿ au titre des indemnités dues en application du contrat d'assurance et de 6 432 696 ¿ à titre de dommages-intérêts.
Diverses péripéties procédurales ont affecté le cours de cette procédure.
Notamment, par un jugement du 26 mai 2014, le tribunal de commerce a sursis à statuer dans l'attente des décisions à intervenir sur une requête en suspicion légitime déposée par les assureurs et sur l'appel d'un jugement du 9 avril 2014 qui avait prononcé d'office la réouverture des débats pour que l'affaire soit à nouveau plaidée devant une autre composition.
Entre-temps, par un arrêt du 13 février 2014, la cour d'appel de LIMOGES avait, sur l'appel formé par les assureurs contre l'ordonnance de référé du 7 mai 2013, confirmé ladite ordonnance en ce qui concernait la désignation de M. Y...en qualité de tiers expert et, au regard de l'avis formulé par celui-ci fin 2013 sur la valorisation des pertes d'exploitation, réduit le montant de la provision allouée au groupe X...à 5 500 000 ¿.
Un deuxième arrêt de la cour d'appel de LIMOGES du 28 mai 2014 a rejeté la requête en suspicion légitime déposée par les assureurs ;
Une ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 juin 2014 a déclaré irrecevable l'appel nullité formé par les assureurs contre le jugement de réouverture des débats du 9 avril 2014
Les assureurs ont formé un déféré à l'encontre de cette ordonnance qui a été confirmée par un arrêt du 11 décembre 2014.
Par jugement du 2 juillet 2014, rendu avant qu'il ait été statué sur le déféré sus visé, le tribunal de commerce de LIMOGES a, sur le fond :
- condamné solidairement les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE à verser aux sociétés X...et SLFP les sommes de :
a) 15 886 504, 44 ¿ à titre d'indemnités sur les dommages matériels et immatériels ;
b) 476 595 ¿, représentant 3 % du total des indemnités, à titre de dommages-intérêts ;
- constaté que, compte tenu de la provision allouée par ordonnance de référé du 7 mai 2013, la SA X...et la société SLFP avaient d'ores et déjà perçu à titre d'acomptes la somme de 16 170 000 ¿ ;
- ordonné la compensation et condamné les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE à payer aux sociétés X...et SLFP la somme de 193 099, 44 ¿ ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné solidairement les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE aux dépens et au versement, au profit des sociétés X...et SLFP, d'une indemnité de 100 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED ont relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 17 juillet 2014.
La SA X...et la SAS SOCETE LIMOUSINE DE FABRICATION DE PORCELAINE (SLFP) ont elles aussi relevé appel par déclaration du 8 août 2014.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 5 mai 2015, les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE demandent à la cour :
- d'annuler le jugement en ce qu'il a statué sur le fond avant la cessation des causes du sursis qu'il avait ordonné ;
- de dire irrecevable les demandes formées par la SA X...en ce qu'elles incluent de manière indissociable des préjudices qui sont propres à la société SLFP qu'elle n'a pas qualité pour représenter ;
- de condamner la SA X...à rembourser la somme de 7 000 000 ¿ qui lui a été allouée par ordonnance de référé du 7 mai 2014 ;
- en toute hypothèse, de dire irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile la demande formée en appel par la SA X...d'une somme de 2 100 000 ¿ pour une prétendue perte de productivité ;
A titre subsidiaire, les appelantes demandent, sur le fond :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations au profit de la société SLFP qui n'en sollicitait pas et dont toute demande en appel serait déclarée irrecevable puisque nouvelle ;
- de constater qu'à ce jour, compte tenu de l'exécution provisoire, elles ont versé la somme totale de 16 363 099, 44 ¿ ;
- de dire qu'elles sont fondées à opposer au titre des deux sinistres incendie survenus le 23 octobre 2011 et le 23 février 2012 deux franchises représentant un montant total de 471 324 ¿, montant qui doit venir en déduction de toute demande des sociétés X...;
- de dire qu'elles sont en droit d'opposer une règle proportionnelle de primes au taux de 0, 926 tant au titre des dommages matériels qu'au titre des dommages immatériels, correspondant à l'aggravation de risque consécutive à la non conformité des installations électriques par rapport au risque tel qu'il avait été déclaré ;
- s'agissant des dommages matériels, de constater que les sociétés X...et SLFP ont déclaré accepter en première instance la proposition d'indemnité de la société ALBINGIA du 24 septembre 2013 à hauteur de 5 233 651, 41 ¿ comprenant 2 851 749, 92 ¿ au titre du premier sinistre, 1 906 115 ¿ au titre du second sinistre outre 10 % au titre des pertes indirectes, sommes desquelles doivent être déduites les franchises et la règle proportionnelle de primes ;
- de dire qu'elles sont en droit d'opposer en outre une règle proportionnelle de capitaux au taux de 0, 830 au titre de l'indemnisation de la perte d'exploitation, ce pour déclaration inexacte de la marge brute sur laquelle sont calculées les primes ;
- d'infirmer sur ce point le jugement qui n'a pas statué sur cette demande ;
- de dire en ce qui concerne les pertes d'exploitation, que les valorisations du cabinet MARSH, expert de la SA X..., et du tiers expert, M. Y..., ne respectent pas la définition donnée par l'article 8 du contrat d'assurance en ce qu'elles se basent uniquement sur une simple tendance statistique de l'activité, sans référence aux facteurs extérieurs et intérieurs ayant pu affecter l'activité des entreprises indépendamment des sinistres ;
- de dire que le montant de la perte d'exploitation réelle subie par les sociétés X...et SLFP ne peut excéder la somme de 6 815 153 ¿ retenue par le cabinet GMC dont l'estimation est seule conforme à la définition de l'article 8, soit, déduction faite des franchises et des règles proportionnelles, la somme de 5 492 550, 59 ¿ ;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli les demandes des intimées au titre d'une perte relative à la gamme CELSIUS qui n'a jamais été commercialisée, ni produite ;
- de condamner les sociétés X...et SLFP à leur rembourser un trop perçu de 6 750 071, 94 ¿ qui sera réparti entre elles au prorata de leurs parts respectives de coassurance ;
- à titre subsidiaire, de dire que l'indemnisation du préjudice d'exploitation ne saurait excéder la somme de 11 161 390 ¿ retenue par le tiers expert, déduction faite de la somme de 570 000 ¿ indûment prise en compte au titre de la gamme CELSIUS, soit la somme de 9 861 633, 04 ¿ franchises et règles proportionnelles de primes et de capitaux déduites ;
- dans ce cas, de condamner les sociétés X...et SLFP à rembourser le trop perçu de 2 871 630, 10 ¿ ;
- plus subsidiairement encore, de constater qu'il s'est dégagé à la majorité des voix des experts un accord sur le fait que le préjudice d'exploitation subi par les sociétés X...et SLFP ne peut pas excéder, en toute hypothèse, la somme de 12 431 390 ¿, soit 10 355 144, 74 ¿ franchises et règles proportionnelles de primes et de capitaux déduites ;
- dans ce cas, de condamner les sociétés X...et SLFP à leur rembourser un trop perçu de 2 433 544, 50 ¿ ;
- de constater que, par le fait des sociétés intimées qui ont communiqué tardivement les informations nécessaires, les experts n'ont été en mesure de se prononcer précisément sur la perte d'exploitation qu'à compter du mois de septembre 2013 ;
- de dire que les assureurs ont rempli leurs obligations contractuelles et qu'ils n'ont pas commis de faute ayant pu causer aux intimées un préjudice distinct ou extrinsèque ;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a alloué aux sociétés X...et SLFP des dommages-intérêts de 476 595 ¿ et de débouter ces dernières de toutes leurs demandes formées à ce titre ;
- de condamner in solidum les sociétés X...et SLFP à leur verser une indemnité de 30 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 30 avril 2015, les sociétés X...SA et SLFP qui sont elles aussi appelantes demandent à la cour :
- de rejeter la demande d'annulation du jugement ;
- de confirmer celui-ci en ce qu'il a condamné les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE au titre de l'application de la police d'assurance ainsi qu'au titre des dommages-intérêts ;
- de le réformer sur les quantums et, statuant à nouveau sur l'intégralité du litige ;
A titre principal :
- de condamner les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE à verser à la SA X..., es qualité de souscripteur, en deniers ou quittance, la somme de 21 656 082, 41 ¿ au titre des indemnités dues pour les sinistres des 23 octobre 2011 et 23 février 2012, outre intérêt au taux légal à compter du 7 mai 2013 ;
- de condamner in solidum les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE à verser à la société X...SA en réparation du préjudice extrinsèque causé par les fautes qu'elles ont commises dans la gestion du sinistre la somme de 11 749 590, 42 ¿ à titre de dommages-intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013 ;
A titre subsidiaire :
- de condamner les sociétés appelantes à verser au titre des indemnités dues pour les deux sinistres, à la SA X...la somme de 18 685 173, 41 ¿ et à la société SLFP la somme de 2 970 909 ¿, sommes à majorer des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013 ;
- de condamner les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE à verser au titre des dommages-intérêts, à la SA X...la somme de 10 162 193 ¿ et à la SLFP la somme de 1 587 397 ¿, sommes à majorer des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013.
En toute hypothèse, de condamner les sociétés appelantes à verser à la SA X...une indemnité de 350 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé de l'argumentation des parties.
LES MOTIFS DE LA DECISION

La nullité et les exceptions d'irrecevabilité invoquées par les appelantes.

Le jugement de sursis à statuer n'a pas précisé que la décision sur l'appel du jugement de réouverture des débats du 9 avril 2014 devait être définitive.
Dés lors le jugement entrepris qui a été prononcé le 2 juillet 2014 n'a pas statué avant la cessation de la cause du sursis puisque, par une ordonnance du 25 juin 2014, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de LIMOGES avait déclaré l'appel irrecevable.
Au surplus, le déféré formé par les assureurs contre cette ordonnance a donné lieu à un arrêt de la cour d'appel du 11 décembre 2014 qui a confirmé la décision d'irrecevabilité de l'appel rendue par le conseiller de la mise en état.
Serait-elle justifiée, la critique reprochée au jugement par les appelantes n'implique aucune conséquence préjudiciable pour les parties dont l'affaire a été jugée par une formation régulière, étant précisé qu'il n'est pas contesté que l'autre cause du sursis, afférente à l'issue de la requête en suspicion légitime dirigée contre le tribunal de commerce de LIMOGES avait cessé par l'effet de l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES du 28 mai 2014 qui avait rejeté cette requête.
Il y a lieu, au regard de ces observations, de rejeter la demande de nullité qui a d'ailleurs peu d'incidence sur le plan procédural puisqu'en toute hypothèse, l'effet dévolutif de l'appel obligerait à cour de statuer sur l'entier litige.
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La SA X...est recevable, en sa qualité de souscripteur du contrat d'assurance qui couvre aussi bien les dommages qu'elle subit personnellement que ceux de sa filiale, à formuler indistinctement des demandes pour elle-même et la société SLFP dont elle détient le capital dés lors que cette dernière qui reste une entité juridique distincte est présente à la procédure d'appel, comme c'était le cas en première instance.
Sa présence à la procédure ne permet pas d'invoquer la règle selon laquelle nul ne plaide par procureur.
Les rapports entre les deux entités n'intéressent pas les assureurs qui, comme le démontrent les échanges de courriers et propositions d'indemnisations, n'ont jamais contesté que la société SLFP était couverte par le contrat d'assurance comme l'était la société mère.
Ces courriers et propositions d'indemnisation démontrent au surplus, comme les expertises qui ont eu lieu dans le cadre de la gestion du sinistre, que ce qui revient à l'une et à l'autre des deux sociétés est parfaitement connu des assureurs.
Il est exact, en revanche que le premier juge ne pouvait pas, alors que les demandes étaient formées par la seule société mère, prononcer des condamnations au profit de cette dernière et de sa filiale.
Sous cette réserve, le moyen d'irrecevabilité tiré de ce que les demandes sont formulées par la SA X...de manière indissociable doit être rejetée.
**
Enfin, les demandes formées pour la première fois en appel par les sociétés X...et SLFP sont recevables en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile dés lors qu'elles tendent aux même fins que les demandes initiales, à savoir l'intégralité de la réparation des préjudices en relation avec les sinistres qui font l'objet du litige, et sont l'accessoire, ou le complément, de ces demandes.
Les exceptions de nullité et d'irrecevabilité développées par les sociétés appelantes ne sont pas fondées.
L'évaluation des dommages garantis par le contrat d'assurance.
Les dommages matériels sont évalués à 5 233 651, 41 ¿ pour les deux sinistres, somme qui inclut les indemnités différées et les dommages indirects.
Cette évaluation qui a reçu l'accord des experts des deux parties ne fait pas l'objet de contestation, sous réserve de la question des réductions proportionnelles et franchises qui sera examinée plus loin.
Les parties et leurs experts qui sont à cet égard la société GBC pour les assureurs et le cabinet MARSH pour le groupe X..., sont en revanche en désaccord sur l'évaluation des pertes d'exploitation ou, plus précisément, sur la principale composante de ce dommage qui est, selon le contrat, la perte de marge brute.
Le tiers expert qui a été désigné par ordonnance de référé du 7 mai 2013, M. Y..., a établi le 13 décembre 2013 un procès verbal signé par les trois experts faisant ressortir les éléments suivants :
Ces trois experts sont d'accord sur l'évaluation des frais supplémentaires (1 169 305 ¿) et des rebuts (882 687 ¿), soit au total 2 051 992 ¿.
Ils sont d'accord, également, sur les économies, chiffrées à 122 415 ¿.
Les trois experts divergent sur la prise en compte de la gamme CELSIUS dont la commercialisation n'était qu'à l'état de projet, chef de préjudice dont l'expert des assureurs conteste l'existence mais qui est pris en compte à hauteur de 1 646 658 ¿ par le cabinet MARSH et de 570 000 ¿ par le tiers expert.
Ils divergent également sur la perte de marge brute qui est valorisée :
- par le cabinet MARSH à 9 498 808 ¿ pour la SA X...et à 1 528 075 ¿ pour SLFP ;
- par le cabinet GMC, expert des assureurs, à 4 287 057 ¿ pour la SA X...et 598 519 ¿ pour SLFP ;
- par le tiers expert à 8 611 545 ¿ pour la SA X...et 1 320 268 ¿ pour sa filiale ;
Au total, le préjudice perte d'exploitation est chiffré par le cabinet MARSH, expert du groupe X..., à 14 603 119 ¿, par l'expert des assureurs à 6 815 153 ¿ et par le tiers expert à 12 431 390 ¿.
C'est à bon droit, sur la valorisation de la perte de marge brute, que le premier juge a retenu la valorisation du tiers expert qui ne s'impose pas plus que les autres mais qui repose sur une analyse critique des estimations des experts désignés par les parties et, contrairement à ce que soutiennent les appelants, se base sur la méthode d'évaluation définie par la police d'assurance qui est intégralement énoncée dans son rapport.
Cette estimation qui est intermédiaire entre celle de l'expert des assureurs qui dénie toute perspective de croissance au groupe X...alors que celui-ci avait réalisé des investissements en vue de consolider sa situation après une crise qu'il avait réussie à surmonter, et l'estimation du cabinet MARSH qui optimise à l'excès la tendance générale de l'évolution de l'entreprise sans prendre en compte les facteurs extérieurs et intérieurs défavorables.
C'est à bon droit, également, que le premier juge a retenu l'existence d'un préjudice au titre de la gamme CELSIUS qui, à l'époque du second sinistre qui a entraîné la destruction du four dédié à cette production, représentait, même si la production n'avait pas débuté, une chance de développement dont la SA X...a été accidentellement privée.
Le tiers expert a relevé à juste titre qu'on se trouvait en présence d'un préjudice d'opportunité, ou de perte de chance, et la somme de 570 000 ¿ à laquelle il a estimé cette perte de chance (sur la base de 75 % de la perte de marge brute) doit être retenue.
Les dommages s'établissent ainsi, hors application des règles proportionnelles et des franchises, à la somme de 5 233 651, 41 ¿ (dommages matériels) + 12 431 390 ¿ (perte d'exploitation), soit au total 17 665 041, 41 ¿.

Les franchises et les réductions proportionnelles de primes et de capitaux.

Les sociétés X...et SLFP contestent l'application des règles proportionnelles dites de primes et de capitaux ainsi que, devant la cour, l'application des franchises.
Les franchises dites 3 jours ouvrés qui s'élèvent, pour les deux sinistres, à 471 324 ¿ (242 811 au titre du premier sinistre + 228 513 ¿ au titre du second sinistre) s'appliquent à la marge brute ; elles concernent la garantie perte d'exploitation.
Contrairement à ce que soutient aujourd'hui le groupe X..., la franchise dite 3 jours ouvrés ne s'applique pas qu'aux seuls risques spéciaux et dommages électriques, mais, selon le tableau qui figure à la page 6 du contrat, au groupe « incendie et risques annexes, risques spéciaux, dommages électriques ».
Les franchises s'appliquent bien aux dommages perte d'exploitation qui résultent d'un incendie, ce que, ni les sociétés intimées, ni leurs experts n'ont contesté au cours des opérations d'expertise amiable.
**
La règle proportionnelle de capitaux est énoncée dans le contrat à la page 9 des conditions personnelles et à l'article 5 du chapitre « pertes d'exploitation » des conditions spéciales.
Il est stipulé au dernier alinéa de cet article 5 (page 53 de la police) qu'« en cas d'inexactitude dans la déclaration de la marge assurée, la règle proportionnelle de capitaux prévue à l'article L 121-5 du code des assurances redevient strictement applicable ».
L'article sus visé est ainsi rédigé :
« S'il résulte des estimations que la valeur de la chose assurée excède au jour du sinistre la somme garantie, l'assuré est considéré comme restant son propre assureur pour l'excédent et supporte, en conséquence, une part proportionnelle du dommage, sauf convention contraire ».
Or, il est constant qu'après le sinistre, les opérations d'expertise amiable ont révélé que la déclaration de marge brute faite par l'assuré dans le dernier avenant du 2 septembre 2011, applicable à la date des sinistres des 23 octobre 2011 et 23 avril 2012, mentionnait pour l'exercice 2010 une marge de 18 921 860 ¿ nettement inférieure à la marge brute effective qui, en rapportant les taux de marge au chiffre d'affaire réalisés en 2010 par les deux sociétés du groupe, couvertes par le contrat d'assurance dont les primes sont assises sur la marge brute, s'élevait en réalité à 22 798 530, 40 ¿.
Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE relèvent à bon droit qu'aucune régularisation n'a été faite avant la survenance des sinistres.
Par ailleurs, le différentiel qui est de 0, 830, soit 17 %, est supérieur au seuil de tolérance de 10 % qui est invoqué par les intimées.
Il résulte de ces observations que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge alors qu'il ne pouvait pas se baser sur l'arrêt du 13 février 2014 qui, statuant sur l'appel formé contre l'ordonnance de référé du 7 mai 2013, ne s'était pas prononcé sur l'application de la règle proportionnelle de capitaux, les assureurs sont en droit d'opposer cette règle aux sociétés du groupe X....
Sous réserve de l'opposabilité de la règle proportionnelle de primes, l'indemnité due par les assureurs au titre du dommage perte d'exploitation s'établirait en conséquence comme suit : 12 431 390 x 0, 830 = 10 318 053, 70 ¿.
Déduction faite du total des deux franchises qui sont spécifiques aux dommages perte d'exploitation, les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE seraient redevables à ce titre de la somme de 9 846 729, 70 ¿.
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La règle proportionnelle de primes résulte de l'application de l'article L 113-9 du code des assurances qui dispose dans son dernier alinéa que, lorsque l'omission ou la déclaration inexacte de l'assuré est constatée après la réalisation du sinistre, « l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés ».
En l'espèce, les risques n'ont pas été complètement et exactement déclarés dans la mesure où, par suite du manquement par l'assuré aux prescriptions du contrat qui lui faisaient obligation de faire vérifier chaque année les installations électriques, de communiquer les rapports annuels à l'assureur et de procéder aux travaux de remise en état, ce n'est qu'à l'examen d'un rapport d'intervention de l'APAVE du 11 octobre 2011 dont il n'a eu connaissance qu'après la survenance des sinistres que l'assureur a pu se rendre compte que les installations électriques des locaux assurés comportaient des défectuosités qui généraient des risques d'incendie.
La circonstance que les locaux aient pu être visités par les inspecteurs des assureurs en décembre 2011, à la suite du premier sinistre survenu le 23 octobre 2011, et que ces inspecteurs aient pu avoir eu connaissance du rapport APAVE du 10 octobre 2011 est indifférente dés lors que les deux sinistres sont couverts par le même contrat qui n'a pas été modifié et qu'à la date du second sinistre, les travaux de mise en conformité n'avaient pas été réalisés ; cette visite n'a pas emporté renonciation à la règle proportionnelle à l'égard du sinistre du 23 février 2012.
L'assureur qui relève qu'en réalité, il n'a eu connaissance dudit rapport qu'à l'occasion de l'expertise, après le second sinistre, a fait connaître dans le cadre de cette expertise qui s'est déroulée contradictoirement les règles qui régissaient le calcul des primes, lesquelles ont été nécessairement minorées par suite de l'ignorance des facteurs de risque incendie non déclarés ; ces règles sont opposables à l'assuré.
Il est indifférent que l'assureur ait résilié le contrat d'assurance dés lors que cette résiliation qui est intervenue postérieurement à la survenance du second sinistre ne le libère pas de sa garantie au titre des dommages en cause.
La règle proportionnelle de prime est applicable et elle concerne aussi bien les dommages matériels que les dommages immatériels (perte d'exploitation).
Le différentiel de primes est de 0, 926, de telle sorte que l'indemnité globale due par les assureurs s'établit en définitive de la façon suivante :
- perte d'exploitation : 12 431 390 x 0, 830 = 10 318 053, 70 ¿, X 0, 926 = 9 554 517, 73, soit, déduction faite de la somme de 471 324 ¿ au titre des franchises, une indemnité de 9 083 193, 73 ¿ ;
- dommages matériels, 5 233 651, 41 ¿ X 0, 926 = 4 846 361, 21 ¿.
L'indemnité due par les assureurs s'établit ainsi, au total, à 13 929 554, 94 ¿.

Les dommages-intérêts réclamés à l'encontre des assureurs.

Selon le groupe X..., les assureurs ont fait preuve d'une résistance abusive et les manquements à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi sont à l'origine d'un préjudice économique extrinsèque qui n'est pas réparé par les indemnités contractuelles.
Les assureurs estiment au contraire qu'ils ont parfaitement respecté le contrat, tant pour la couverture des préjudices matériels que pour la prise en charge de la perte d'exploitation.
De fait, il est constant qu'au 25 avril 2013, date à laquelle le groupe X...a fait assigner les assureurs en référé pour obtenir la désignation d'un tiers expert et le versement d'une provision de 7 000 000 ¿ (demande à laquelle il a été accédé par ordonnance du 7 mai 2013), ces derniers avaient versé :
- au titre du préjudice matériel, un total de provisions de 4 220 000 ¿ ;
- au titre de la perte d'exploitation, des provisions d'un total de 4 950 000 ¿.
Ces versements sont en cohérence avec la proposition qu'ils avaient faite par un courrier du 4 avril 2013 dans laquelle, déduction faite des règles proportionnelles et des franchises, ils évaluaient :
- les indemnités dues au titre des préjudices directs (bâtiment, matériels, marchandises, frais et perte) à 2 640 720, 43 ¿ pour le premier sinistre et à 1 765 062, 49 ¿ pour le second sinistre, sommes dans lesquelles sont incluses les indemnités différées, payables sur présentation des factures de travaux ;
- les indemnités dues au titre de la perte d'exploitation, pour les deux sinistres, à la somme totale de 5 393 179 ¿, étant précisé que ce dommage, hors application des franchises et des règles proportionnelles, avait été évalué par leur expert, le cabinet GMC, à 6 735 179 ¿ comme le rappelle la lettre.
A cette date, l'expertise amiable était toujours en cours, non par le fait des assureurs mais parce qu'il existait une divergence importante entre les experts des deux parties sur le chiffrage de la perte d'exploitation, nécessitant la désignation d'un tiers expert en application des stipulations du contrat.
A la date à laquelle a été rendue l'ordonnance de référé du 7 mai 2013 qui a procédé à la désignation de ce tiers expert, rien ne permettait de tenir pour certaine l'évaluation des sociétés du groupe X..., de telle sorte que la provision complémentaire de 7 000 000 ¿ par ailleurs allouée par ladite ordonnance avait un caractère excessif.
Elle a été ramenée à 5 500 000 ¿ par l'arrêt rendu le 13 février 2014 par la cour d'appel de LIMOGES qui s'est basée sur le rapport qui avait été déposé par le tiers expert à la fin de l'année 2013.
Le groupe X...ne s'est pas acquitté du trop perçu, alors qu'à cette date, il apparaissait comme fortement probable que les assureurs avaient réglé des sommes excédant celles auxquelles ils étaient tenus.
Les provisions versées au titre des préjudices directs ont permis d'effectuer les travaux de reconstruction des bâtiments sans retard puisque les travaux sur bâtiments ont été évalués en accord avec les experts des parties à 395 649 ¿ pour le premier sinistre et à 684 552 ¿ pour le second, soit au total 1 080 201 ¿.
Ces estimations qui ont été acceptées par les assureurs incluent les indemnités immédiates et différées alors que les indemnités différées ne sont exigibles que sur présentation des justificatifs.
Or le groupe X...a reçu au titre du premier sinistre qui est survenu le 23 octobre 2011 une première provision d'un montant de 1 000 000 ¿ le 16 novembre 2011 et au titre du second sinistre qui est survenu le 23 février 2012 une provision complémentaire de 220 000 ¿ le 20 mars 2012.
Ces provisions qui ont été versées dans le mois qui a suivi la survenance des sinistres permettaient de réaliser les travaux de remise en état dont le retard ne peut pas être imputé à une faute des assureurs.
Le restant des indemnités dues au titre des dommages directs a été couvert par les provisions complémentaires qui ont été versées à l'amiable par les assureurs le 5 décembre 2012 à hauteur de 1 500 000 ¿ pour le premier sinistre et de 1 500 000 ¿, également, pour le second.

A cette date, le montant total des provisions versées par les assureurs (4 200 000 ¿) couvrait presque l'intégralité des indemnités dont ils étaient redevables au titre des dommages directs pour un montant de 4 405 782, 92 ¿ après application des limitations contractuelles (règles proportionnelles et franchises).

La partie non couverte correspondait à un solde d'indemnités différées, lesquelles ne sont dues que sur justificatif de la réalisation des travaux financés par l'indemnité immédiate.
La dernière proposition du 4 avril 2013 qui a précédé l'assignation en référé délivrée le 25 avril 2013 par le groupe X...permettait d'apurer le solde.
En toute hypothèse, les sociétés assurées ont disposé avant la fin de l'année 2012 des sommes qui leur permettaient de réaliser les travaux de remise en état des bâtiments et du four détruit par le deuxième incendie ainsi que de remplacer les marchandises endommagées.
Il apparaît ainsi que les assureurs qui ont agi avec diligence, dans le respect des clauses du contrat et en conformité avec les résultats de l'expertise amiable et contradictoire prévue par ce dernier, n'ont pas commis de faute dans la gestion des dommages matériels et que les retards allégués par les sociétés assurées en ce qui concerne la remise en état des bâtiments et de l'outil de production ne peuvent pas leur être imputés.
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Les sociétés du groupe X...reprochent en second lieu aux assureurs une résistance abusive à les indemniser de la perte d'exploitation générée par les perturbations que les incendies qui ont dégradé une partie des locaux et matériels de l'entreprise ont causé dans le fonctionnement de cette dernière.
Il y a lieu d'observer toutefois que les sinistres n'ont pas entraîné une interruption de l'activité de l'entreprise qui a pu transférer les services affectés dans d'autres locaux ; il en est résulté une perturbation incontestable et importante, mais nullement une cessation d'activé qui aurait été de nature à mettre en péril la pérennité de l'entreprise.
L'activité s'est poursuivie en dépit de ces perturbations jusqu'au mois de décembre 2012 qui doit être considéré comme la date à laquelle cessait la période d'indemnisation.
Le préjudice économique en rapport avec les sinistres des 23 octobre 2011 et 23 février 2012 est uniquement constitué par une diminution du chiffre d'affaires qui, selon les tableaux qui figurent dans le procès verbal du tiers expert, est de l'ordre de 15 %.
En effet, suivant les tableaux qui figurent au procès verbal de tierce expertise, le chiffre d'affaires moyen mensuel de la société X...de janvier à septembre 2011 a été de l'ordre de 2 350 000 ¿ sur un chiffre total de 21 151 426 ¿ pour 9 mois et ce chiffre moyen mensuel est retombé à environ 2 000 000 ¿ pour la période d'octobre 2011, date du premier sinistre, à décembre 2012, date à laquelle les provisions versées par les assureurs au titre des dommages matériels permettaient de mettre fin aux perturbations.
Or, au cours de la période du 2 janvier 2012 au 17 septembre 2012 les assureurs ont versé à la SA X...au titre, cette fois, des dommages immatériels (perte d'exploitation), pour le compte de cette dernière et pour celui de sa filiale, les provisions suivantes :
-1 250 000 ¿ le 2 janvier 2012 ;
-1 000 000 ¿ le 21 février 2012 ;
-700 000 ¿ le 24 avril 2012 ;
-500 000 ¿ le 17 septembre 2012 ;
-700 000 ¿ le 16 octobre 2012 ;
A ces provisions qui se rapportent au 1er sinistre, s'ajoutent les provisions suivantes qui ont été versées au titre du second :
-300 000 ¿ le 24 avril 2012 ;
-500 000 ¿ le 17 septembre 2012.
Soit au total un montant de provisions de 4 950 000 ¿, ce qui, sur 12 mois, représente un complément moyen mensuel de 412 500 ¿.
On ne peut pas considérer que la période d'indemnisation aille au delà du mois de décembre 2012 comme le font les sociétés intimées dans la mesure où, comme il a été précisé plus haut, à cette date, l'entreprise avait disposé des sommes nécessaires à la reconstitution de son outil de production.
Or il résulte de la liste des versements provisionnels rappelée ci-dessus qu'au cours de la période de janvier à octobre 2012, l'assureur a effectué des versements réguliers qui ont compensé la diminution de chiffre d'affaires subie par la SA X...à raison des sinistres des 23 octobre 2011 et 23 février 2012, mais aussi par sa filiale dont le chiffre d'affaires représente 22, 12 % de celui de la société mère.
Par ailleurs, le total des acomptes versés par les assureurs au 16 octobre 2012 est proche de la somme de 5 393 179 ¿ à laquelle ils ont fixé l'indemnisation de la perte de d'exploitation dans leur proposition du 4 avril 2013 après application au chiffre de 6 735 179 ¿ retenu par leur expert des règles proportionnelles de primes et des franchises.
Le contrat d'assurance n'obligeait pas les assureurs de verser à leurs assurées au titre du dommage perte d'exploitation le montant retenu par l'expert de ces dernières qu'ils contestaient et dont l'intervention du tiers expert a confirmé le caractère excessif.
L'expertise amiable prévue par le contrat d'assurance était toujours en cours à la date de l'offre du 4 avril 2013 puisque, les experts des deux parties étant en désaccord sur la valorisation de la perte de marge brute, principale composante du dommage perte d'exploitation, il convenait d'attendre l'intervention d'un tiers expert comme le prévoyait le dit contrat.
Il ne peut évidemment pas être reproché aux assureurs de ne pas avoir présagé ce que serait l'estimation que devait retenir ce tiers expert qui a été désigné par l'ordonnance de référé du 7 mai 2013 et qui n'a remis son rapport qu'à la fin de l'année 2013.
On ne peut que constater, au regard des éléments qui n'étaient pas susceptibles de contestation à la date à laquelle le juge des référés a statué, que le montant de la provision de 7 000 000 ¿ que la décision précitée a alloué au groupe X...en même temps qu'elle désignait un tiers expert était en grande partie injustifié.
Cette provision a été versée en exécution de l'ordonnance de référé, ce dont il résulte aujourd'hui que, même en adoptant la valorisation retenue par le tiers expert qui constitue en quelque sorte la synthèse des trois expertises, le groupe X...est débiteur d'un trop perçu.
En toute hypothèse, il apparaît au regard des observations qui précède que les assureurs ont respecté les obligations du contrat d'assurance et qu'ils n'ont commis aucune faute à laquelle puissent être imputés les préjudices invoqués par les sociétés intimées au soutien de leur demande de dommage-intérêts.
Celle-ci doit être rejetée comme non fondée.
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Les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE ont versé au total, compte tenu des provisions et de l'exécution provisoire dont étaient assortis l'ordonnance de référé du 7 mai 2013 et le jugement entrepris, la somme totale de 16 363 099, 44 ¿.
Le total des indemnités dont elles sont contractuellement redevables est de 13 929 554, 94 ¿.
Les sociétés X...et SLFP sont dés lors débitrices d'un trop perçu de 2 433 544, 50 ¿.
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Il n'y a pas lieu, les sociétés appelantes échouant partiellement en leurs prétentions, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour la même raison, les parties conserveront la charge des sommes qu'elles ont exposées au titre des dépens d'appel.
En revanche, les dépens de première instance seront mis à la charge des sociétés X...et SLFP.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---

LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Rejette les exceptions de nullité et d'irrecevabilité formées par les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED.

Réforme le jugement rendu le 2 juillet 2014 par le tribunal de commerce de LIMOGES et, statuant à nouveau.

Dit que les sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED sont en droit d'opposer à la SA X...et à sa filiale, la société SLFP, la règle proportionnelle de primes, la règle proportionnelle de capitaux et les franchises dites « trois jours ouvrés ».
Fixe les indemnités dues par les assureurs au titre de la police « multirisque industrielle » souscrite par la SA X...pour son compte et pour le compte de sa filiale, la société SLFP, à la somme de 13 929 554, 94 ¿.
Déboute les sociétés X...et SLFP de leur demande de dommages-intérêts.
Constate qu'au regard des provisions versées par les assureurs et des sommes réglées en exécution du jugement entrepris et de l'ordonnance de référé rendue le 7 mai 2014 par le président du tribunal de commerce de LIMOGES, la SA X...et la société SLFP sont débitrices d'un trop perçu de 2 433 544, 50 ¿.
En tant que de besoin, les condamne à rembourser aux sociétés ALBINGIA et TOKIO MARINE KILN INSURANCE LIMITED ladite somme qui sera répartie entre ces dernières au prorata de leurs parts respectives de coassurance.
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Infirmant le jugement entrepris, déboute la SA X...de la demande formée en première instance sur le fondement de l'article précité.
Dit que les dépens de première instance doivent être supportés par la SA X...et la société SLFP.
Dit que les parties conserveront la charge des sommes qu'elles ont exposées au titre des dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00893
Date de la décision : 24/09/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2015-09-24;14.00893 ?
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