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24/09/2015 | FRANCE | N°14/00237

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 24 septembre 2015, 14/00237


ARRET N.
RG N : 14/ 00237
AFFAIRE :
M. Yves X...
C/
M. Philippe Y..., Mme Cécile, Catherine Z..., Melle Julie, Danielle Y..., Melle Louise, Colette Y..., M. Marc A..., Mme Pascale B...épouse A..., Mme Nathalie C..., SA AXA FRANCE IARD, SARL SARRAZIN COUTAL
JCS/ MCM

REPARATION DOMMAGE

Grosse délivrée à Me GARRELON et GAILLARD, avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2015--- = = = oOo = = =---

Le VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit

par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Yves X...de nationalité Fra...

ARRET N.
RG N : 14/ 00237
AFFAIRE :
M. Yves X...
C/
M. Philippe Y..., Mme Cécile, Catherine Z..., Melle Julie, Danielle Y..., Melle Louise, Colette Y..., M. Marc A..., Mme Pascale B...épouse A..., Mme Nathalie C..., SA AXA FRANCE IARD, SARL SARRAZIN COUTAL
JCS/ MCM

REPARATION DOMMAGE

Grosse délivrée à Me GARRELON et GAILLARD, avocats

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2015--- = = = oOo = = =---

Le VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Yves X...de nationalité Française, né le 19 Novembre 1959 à Brive (19100), Artisan, demeurant ...

représenté par Me Luc GAILLARD, avocat au barreau de CORREZE
APPELANT d'un jugement rendu le 24 JANVIER 2014 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
Monsieur Philippe Y...de nationalité Française, né le 16 Mars 1970 à BRIVE LA GAILLARDE (19100), Commerçant, demeurant ...

représenté par Me Emmanuel GARRELON, avocat au barreau de CORREZE
Madame Cécile, Catherine Z...de nationalité Française, née le 21 Février 1969 à COMMENTRY (03) (03600), Professeur, demeurant ...

représentée par Me Emmanuel GARRELON, avocat au barreau de CORREZE
Mademoiselle Julie, Danielle Y...de nationalité Française, née le 21 Novembre 2001 à TULLE (19) (19000), Sans profession, demeurant ...

représentée par Me Emmanuel GARRELON, avocat au barreau de CORREZE
Mademoiselle Louise, Colette Y...de nationalité Française, née le 21 Novembre 2001 à TULLE (19) (19000), Sans profession, demeurant ...

représentée par Me Emmanuel GARRELON, avocat au barreau de CORREZE

Monsieur Marc A...de nationalité Française, né le 03 Mai 1962 à PARIS (75019), Salarié, demeurant ...

représenté par Me Frédérique MARIAGE MEUNIER, avocat au barreau de CORREZE
Madame Pascale B...épouse A...de nationalité Française, Profession : Sans profession, demeurant ...n'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée ;

Madame Nathalie C...de nationalité Française, née le 12 Décembre 1967 à BORDEAUX, Architecte, demeurant ...

représentée par Me Hubert-antoine DASSE, avocat au barreau de LIMOGES
SA AXA FRANCE IARD dont le siège social est 26 rue Drouot-75009 PARIS

représentée par Me Emmanuel GARRELON, avocat au barreau de CORREZE
SARL SARRAZIN COUTAL Représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège dont le siège social est Avenue du Tour de Loyr-19360 MALEMORT SUR CORREZE

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Stéphane CHAGNAUD, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Philippe CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMES
--- = = oO § Oo = =---
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 25 Juin 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 24 Septembre 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2015.
A l'audience de plaidoirie du 25 Juin 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président SABRON a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 24 Septembre 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =---
LA COUR--- = = oO § Oo = =---

Monsieur et Madame A...ont fait construire courant 1996-1997 une maison d'habitation sur un terrain situé à MALEMORT SUR CORREZE.

Dans ce cadre ils ont confié à M. Yves X...la mise en place et le raccordement d'une canalisation de gaz propane reliant une citerne ANTARGAZ enterrée aux équipements de la maison.
Postérieurement, M. A...a fait réaliser en élévation sur cette canalisation et les gaines de passage des canalisations d'eau et d'électricité une chape en béton le long de la maison.
La déclaration d'achèvement des travaux a été déposée le 1er avril 1997.
En 2006, les époux A...ont vendu l'immeuble à M. Philippe Y...qui s'y est installé avec ses deux filles, Julie et Louise, nées le 21 novembre 2001, et avec sa compagne, Madame Cécile Z....
Selon un contrat du 13 février 2008, M. Philippe Y...a confié à Madame Nathalie C..., architecte d'intérieur, une mission complète de maîtrise d'¿ uvre en vue de la réalisation d'un patio et de la rénovation de l'ancien garage situé à proximité de la maison, mission qui excluait toutefois la surveillance des travaux effectués sur l'ouvrage, laquelle devait être assurée par les entrepreneurs.
Une réunion de chantier a eu lieu le 22 avril 2009 en présence de l'architecte et de la société SARRAZIN COUTAL, chargée des travaux de terrassement et de la démolition de la chape béton.
L'entreprise a procédé aux travaux de démolition de cette chape le même jour, quelques heures après la dite réunion de chantier.
Elle a utilisé pour ce faire une pelle mécanique dont un godet a atteint la canalisation de gaz posée 12 ans plus tôt par M. X..., ce qui a provoqué une fuite dans la buanderie et, après accumulation du gaz qui est entré en contact avec une source électrique, une explosion, suivie d'un incendie.
Cette explosion et l'incendie ont dévasté la maison qui a du être entièrement reconstruite ; les préjudices matériels ont été supportés par l'assureur de M. Y..., la SA AXA France IARD, et, pour la partie non couverte, par M. Y...lui-même.
Une ordonnance de référé du 18 juin 2009 a confié une mesure d'expertise à M. D...qui, dans un rapport du 20 avril 2011, a mis en évidence la cause du sinistre telle qu'elle est ci-dessus exposée et considéré que M. X...était principalement responsable de ce sinistre faute d'avoir respecté la norme exigeant la mise en place d'un dispositif de signalisation des canalisations enterrées, ou, les autres canalisations (eau et électricité) n'ayant pas été posées par lui-même, d'avoir satisfait à son obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage.
Par actes des 29 juillet et 3 août 2011, la société AXA France IARD, M. Y..., agissant à titre personnel et en qualité de représentant légal de ses deux filles mineures, et Madame Cécile Z...ont fait assigner en réparation de leur préjudice M. X..., Madame Nathalie C...et la SARL SARRAZIN COUTAL.
Le tribunal a par jugement du 24 janvier 2014 :
- déclaré M. X..., Madame C...et la SARL SARRAZIN COUTAL responsables in solidum de l'incendie ayant dévasté la maison de M. Y...;
- condamné in solidum ces trois derniers à payer :
. à la compagnie AXA France IARD la somme de 340 128 ¿ indexée sur l'indice du coût de la construction à compter du 20 avril 2011, date du rapport d'expertise, et devant porter intérêts de droit à compter de l'assignation du 3 août 2011 ;
. à M. Philippe Y...les sommes de 202 313, 62 ¿ au titre du préjudice matériel, avec indexation et intérêts légaux comme dit ci-dessus, et de 6 000 ¿ au titre du préjudice moral ;
. à Madame Z...les sommes de 5 000 ¿ au titre de la reconstitution de ses archives professionnelles et de 6 000 ¿ au titre de son préjudice moral ;
. à M. Y...et Madame Z...la somme de 10 000 ¿ au titre de la gestion du sinistre pendant 3 ans ;
- déclaré M. Y...irrecevable en son action en indemnisation du préjudice moral subi par ses deux filles mineures ;
- débouté les consorts Y...et M. X...de leurs demandes dirigées contre les époux A...;
- condamné in solidum M. X..., la SARL SARRAZIN COUTAL et Madame C...aux dépens ainsi qu'au paiement au profit de M. Y...et de Madame Z..., pour chacun, d'une indemnité de 5 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
**
M. Yves X...a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 26 février 2014.
La SARL SARRAZIN COUTAL a à son tour relevé appel par déclaration déposée le 4 avril 2014.
Madame C...et les consorts Y...-Z...ont formé par conclusions des appels incidents.
**
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 21 avril 2015, M. Yves X...demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité alors que les normes visées par l'expert ne s'appliquaient à l'époque des travaux qu'aux canalisations électriques et en ce qu'il a mis hors de cause M. A...qui, postérieurement à la pose de la canalisation de gaz, a mis en place les autres canalisations (eau et électricité) puis recouvert l'ensemble d'une chape en béton ;
- de dire qu'il n'est pas responsable du dommage qui est exclusivement imputable aux interventions fautives de M. A...en 1996 puis de l'entreprise SARRAZIN COUTAL et de Madame FAYE en 2009 ;
- de condamner solidairement M. Y..., Madame Z...et la compagnie AXA France IARD aux dépens et au versement à son profit d'une indemnité de 5 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
**
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 26 mai 2015, la SARL SARRAZIN COUTAL demande à la cour :
- si sa responsabilité devait être retenue, de dire que la part de celle-ci dans la réalisation du dommage n'excède pas 10 % ;
- de dire en toute hypothèse que M. X..., M. A...qui joué le rôle de maître d'¿ uvre lors de la construction de la maison, en 1996, et Madame C...à qui M. Y...a confié une mission de maîtrise d'¿ uvre complète en vue des travaux de 2009 qui sont à l'origine de l'incendie, sont responsables in solidum des conséquences de cet incendie, dans des proportions qu'il appartiendra à la cour de déterminer ;
- de rejeter les demandes d'indemnisation de préjudices annexes formées par les consorts Y..., notamment en ce qui concerne les frais d'eau et d'électricité, les frais de gestion du sinistre et d'entretien de la maison et les frais de reconstitution d'archives professionnelles ;
- de dire qu'elle sera relevée indemne par les autres défendeurs, tenus in solidum, de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;
- de condamner la partie succombante à lui verser une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 30 mars 2015, Madame C...demande à la cour :
- de débouter les consorts Y...-Z...de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre elle dés lors que le fait générateur de l'incendie est étranger à l'objet de sa mission qui excluait, notamment, la surveillance des entreprises, le contrôle des installations, le relevé des terrains, les études de sol et les diagnostics divers ;
- à titre subsidiaire, de dire que condamner M. A..., M. X...et la SARL SARRAZIN COUTAL devront la relever indemne de toute condamnation ;
- encore plus subsidiairement, de dire que la part de responsabilité lui incombant dans la réalisation du sinistre ne saurait excéder 10 % et de condamner les autres responsables à la relever indemne à hauteur de 90 % ;
- d'exclure toute condamnation in solidum à son égard à raison des dommages imputables aux autres intervenants ;
- de réduire à de plus justes proportions les demandes d'indemnisation des consorts Y...-Z...;
- de condamner la partie succombante à lui verser une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 1er août 2014, M. A...qui expose qu'il est divorcé de Madame B..., non comparante, demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause ;
- de condamner M. X...à lui verser des indemnités de 1000 et 2000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 30 mars 2015, M. Philippe Y..., à titre personnel et en qualité de représentant légal de ses filles mineures, Madame Cécile Z...et la société AXA ASSURANCES demandent à la cour :
- de confirmer la décision entreprise, sauf, le cas échéant, à ajouter aux personnes responsables M. et Madame A...dont, en toute hypothèse, la responsabilité ne peut être exclusive ;
- d'accueillir leur appel incident sur le montant des indemnités ;
- de dire que la condamnation prononcée au profit de M. Y...au titre de son préjudice matériel doit être portée à la somme de 206 300, 62 ¿ incluant celle de 2 700 ¿ au titre des frais de relogement du mois d'août 2012 au mois d'octobre 2012 et celle de 387 ¿ au titre des forfaits repas ;
- de porter le montant des autres indemnités aux sommes suivantes :
. 14 320 ¿ au titre du temps passé par M. Y...et Madame Z...dans la gestion du sinistre et l'entretien de la maison sinistrée ;
. 8 416 ¿ au titre de la reconstituions des archives professionnelles de Madame Cécile Z...;
. 10 000 ¿ au titre du préjudice moral subi par M. Y...;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes formées pour le compte de Julie et Louise Y...qui sont mineures et d'allouer à celles-ci, représentes par leur père, pour chacune, une indemnité de 3 000 ¿ au titre du préjudice moral ;
- de condamner les coresponsables à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure :
. à M. Y...et Madame Z..., pour chacun d'eux, une indemnité complémentaire de 3 000 ¿ ;
. à la société AXA ASSURANCES une indemnité de 8000 ¿.

**

Assignée, Madame Pascale B...divorcée A...n'a pas constitué avocat.

LES MOTIFS DE LA DECISION

La cause directe de l'explosion qui a détruit la maison que M. Y...avait acquise en 2006 des époux A...réside dans l'intervention de l'entreprise SARRAZIN COUTAL qui, le 22 avril 2009, a procédé sous la maîtrise d'oeuvre de Madame C..., dans le cadre de travaux de réalisation d'un patio et de rénovation d'un ancien garage, à la démolition de la chape en béton qui recouvrait la tranchée dans laquelle passaient les canalisations de gaz, d'électricité et d'eau.
Le godet de la pelle mécanique utilisée par la SARL SARRAZIN COUTAL, chargée de cette démolition, a heurté la canalisation de gaz dont l'élongation a provoqué une fuite de gaz dans la buanderie, à l'origine de l'explosion puis de l'incendie.
La SARL SARRAZIN COUTAL savait que la tranchée qui contenait les diverses canalisations desservant l'immeuble existant passait sous la chape puisque, lors de la réunion de chantier qui avait eu lieu quelques heures avant la démolition de la chape, l'architecte, Madame C..., lui avait recommandé de faire « attention au réseau sous la dalle béton du auvent (élec-eau-évacuation) ».
Certes, cette mise en garde ne semble concerner que le réseau contenant les canalisations d'eau et d'électricité. Toutefois, l'entreprise et l'architecte qui était investie d'une mission de maîtrise d'¿ uvre complète, incluant par conséquent la conception et l'implantation des travaux d'extension d'un immeuble existant, ne pouvaient pas ignorer que cet immeuble était alimenté en gaz propane, à partir d'une cuve ANTARGAZ située dans l'emprise du terrain.

La société SARRAZIN COUTAL a commis une faute de négligence manifeste en procédant à la démolition de la chape au moyen d'une pelle mécanique sans repérage préalable de la profondeur d'enfouissement des réseaux, parmi lesquels existait une canalisation de gaz.
C'est par conséquent à juste titre que le premier juge a retenu sa responsabilité, ce dans la réalisation de l'intégralité du dommage dés lors que celui-ci n'aurait pas eu lieu si elle avait agi avec prudence, en requérant, le cas échéant, les conseils de l'architecte.
Le contrat d'architecte de Madame C...portait sur une mission complète de conception et de maîtrise d'oeuvre excluant, il est vrai, « toute surveillance des travaux effectués sur l'ouvrage, surveillance assurée par les entrepreneurs ».
Toutefois, ce contrat stipule au même paragraphe que, pour son application, on entend par surveillance l'observation quotidienne du comportement de chaque intervenant à la construction, ce qui exigerait une présence permanente de l'architecte.
A défaut de vider de toute portée la mission de maîtrise d'¿ uvre de l'architecte, l'exclusion sus définie ne dispensait pas celui-ci de s'assurer que les prescriptions fournies par ses soins en vue d'une intervention destructrice précise susceptible d'occasionner de graves dommages étaient respectées.
Par ailleurs, si sa mission ne comprenait pas le relevé des terrains, elle incluait nécessairement celui de l'assiette de l'ouvrage construit en extension de l'immeuble préexistant dés lors que le contrat portait également sur la conception et l'implantation de cet ouvrage (la réalisation d'un patio et la rénovation de l'ancien garage).
Madame C...a par conséquent manqué à son obligation générale de surveillance du chantier qui découlait de sa mission de maîtrise d'¿ uvre en donnant à l'entreprise des directives insuffisamment précises sur le tracé de la canalisation de gaz enfouie qu'il lui appartenait au préalable, cette fois dans le cadre de sa mission de conception d'un ouvrage construit en extension d'un immeuble préexistant, de localiser dans son tracé et dans sa profondeur.
Cette obligation s'imposait d'autant plus que l'architecte ne pouvait ignorer que la maison existante était alimentée en gaz propane à partir d'une cuve visible sur le terrain et que les travaux de démolition de la chape sous laquelle passaient les différents réseaux étaient susceptible d'entraîner de graves dommages.
C'est également à bon droit que le premier juge a retenu la responsabilité de l'architecte, Madame C....
Les manquements de l'architecte ont contribué à la réalisation de l'entier dommage dans la mesure où ce dernier n'aurait pas eu lieu en l'absence desdits manquements.
Pour cette raison, Madame C...ne peut pas se prévaloir de la clause du contrat stipulant que l'architecte ne pourra être tenu responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d'autres intervenants.
En effet, les fautes qui lui sont imputables sont à l'origine de l'entier dommage et l'architecte serait tenu à réparation intégrale même si l'entreprise qui a simplement concouru avec lui à la réalisation du dommage n'était pas poursuivie ou se révélait insolvable.
Le dommage relève dans son intégralité de la responsabilité personnelle de l'architecte.
Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL SARRAZIN COUTAL et Madame C...à indemniser les consorts Y...et la société AXA ASSURANCES, assureur subrogé dans les droits de son assuré à hauteur des sommes qu'elle lui a versées au titre des travaux de reconstruction, de l'intégralité du montant des dommages causés par l'incendie du 22 avril 2009.
M. X...qui est plombier chauffagiste, et non pas électricien comme cela est indiqué dans le jugement, est intervenu ponctuellement en novembre 1996, 12 ans avant le sinistre, pour poser la canalisation de gaz et effectuer son raccordement à la cuve et aux équipements intérieurs.
Il n'a pas procédé à la pose des canalisations d'électricité et d'eau en place dans la même tranchée qui, postérieurement et dans le cadre de la construction de la maison d'origine, en 1996, a été recouverte par une chape en béton.
La proximité des canalisations entre elles n'a pas joué de rôle dans la réalisation du sinistre.
La réglementation qui est évoquée par l'expert s'agissant de la signalisation des canalisations enterrées par un dispositif avertisseur non corrodable placé au moins à 10 cm au-dessus d'elles vise plus particulièrement les canalisations électriques.
Le DTU applicable en avril 1982 aux installations de gaz mentionne simplement que « les tuyauteries enterrées, sous fourreau ou non, peuvent être signalées par le dispositif avertisseur visé à l'article 2. 8. 5 placé à environ 0, 20 cm au-dessus ».
On ne peut dés lors pas reprocher à M. X...de ne pas avoir muni la canalisation de gaz qu'il a posée et raccordée en 1996 d'un dispositif avertisseur dont l'existence n'était pas à cette époque obligatoire, ni, par conséquent, un manquement à son obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage, M. A..., qui a fait réaliser par des tiers l'implantation dans la même tranchée des conduites d'eau et d'électricité, puis fait recouvrir cette tranchée par une chape de béton.
Quoiqu'il en soit, la faute supposée de M. X...n'a pas eu d'incidence dans la réalisation du dommage qui est exclusivement imputable aux intervenants chargés des travaux d'extension de l'immeuble existant qui ont eu lieu en 2009.
En effet, ces intervenants savaient parfaitement que les réseaux desservant la maison, alimentée par du gaz propane à partir d'une cuve ANTARGAZ implantée sur le terrain de l'ouvrage existant, passaient sous la chape de béton dont la démolition avait été confiée à l'entreprise SARRAZIN COUTAL, peu important, dés lors, que ces réseaux aient été signalés ou non par un dispositif avertisseur.
La réalisation du sinistre qui a eu lieu en 2009 est uniquement imputable à la dite entreprise et à l'architecte qui avaient la charge de ces travaux et qui ne pouvaient pas ignorer la présence sous la chape d'une canalisation de gaz qu'ils ne se sont pas préoccupés de localiser avec précision.
La présence sous la chape d'un dispositif avertisseur n'aurait pas empêché le godet de la pelle inopportunément utilisée par l'entreprise SARRASIN COUTAL qui travaillait sous la maîtrise d'¿ uvre de Madame C...d'atteindre la canalisation dont la déformation a provoqué l'explosion, puis l'incendie de la maison.
Il y a lieu, dans ces conditions, d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. X...et de mettre celui-ci hors de cause.
Les époux A...n'ont pas procédé à la pose de la canalisation de gaz qui, jusqu'à ce qu'ils aient cédé la propriété de l'immeuble à M. Y..., n'avait jamais occasionné de dommages.
C'est à juste titre que le premier juge les a mis hors de cause.
Dans les rapports entre les deux co-responsables, le montant des condamnations sera supporté dans la proportion de deux tiers par la SARL SARRAZIN COUTAL et d'un tiers par Madame FAYE dont les fautes ont une gravité moindre que celles commises par l'entreprise.
**
Le jugement doit être confirmé par adoption des motifs en ses dispositions qui concernent l'indemnisation du préjudice subi par M. Y...et Madame Z..., ainsi qu'en ce qui concerne l'action subrogatoire exercée au côté de ces derniers par la société AXA ASSURANCES, assureur de M. Y....
En revanche, le tribunal ne pouvait pas dire irrecevables les demandes formées par M. Y...pour le compte de ses deux enfants mineurs qu'il a qualité pour représenter.
Il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point et, les deux filles de M. Y...ayant subi un préjudice de jouissance puisqu'elles occupaient avec leur père la maison détruite par l'incendie, d'allouer à chacune en réparation de ce préjudice des dommages-intérêts de 3. 000 ¿. **

M. X...forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile une demande qu'il dirige uniquement contre les consorts Y...-Z...et l'assureur de M. Y....
Il n'y a pas lieu, pour des considérations d'équité, de faire application de cet article au préjudice de ces derniers.
M. Y...et Mme Z...sont en droit de réclamer sur le fondement du texte précité contre la société SARRAZIN COUTAL et Madame C...une indemnité complémentaire de 3 000 ¿ pour chacun.
La société AXA ASSURANCES est elle aussi en droit de réclamer pour elle-même sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité que la cour limite à 3 000 ¿.

--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---

LA COUR
Statuant par décision rendue par défaut, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. Yves X...dans la réalisation du sinistre survenu le 22 avril 2009 au préjudice des consorts Y...-Z....

Statuant à nouveau, met M. X...hors de cause.
Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause M. Marc A...et Madame Pascale B..., divorcée A....
Dit que les condamnations prononcées au profit de M. Philippe Y..., de l'assureur de celui-ci, la société AXA ASSURANCES, et de Madame Cécile Z...ne doivent peser que sur la SARL SARRAZIN COUTAL et Madame Nathalie C...qui sont tenus in solidum à l'égard des bénéficiaires de ces condamnations.
Confirme le jugement en ce qui concerne le montant des sommes allouées à M. Y..., à la société AXA ASSURANCES et à Madame Z....
L'infirme en ce qu'il a rejeté les demandes formées pour le compte de Mesdemoiselles Julie et Louise Y....
Statuant à nouveau sur ce point, condamne in solidum la SARL SARRAZIN COUTAL et Madame Nathalie C...à payer à M. Philippe Y..., pris en qualité de représentant légal de ses deux filles mineures, Julie et Louise Y..., pour chacune, des dommages-intérêts de 3 000 ¿ au titre de leur préjudice moral.
Dit que, dans leurs rapports entre eux, les deux co-responsables supporteront la charge des indemnités allouées à M. Y..., à la société AXA ASSURANCES, à Madame Z..., à Mademoiselle Julie Y...et à Mademoiselle Louise Y...dans la proportion des deux tiers pour la SARL SARRAZIN COUTAL et d'un tiers pour Madame C....
Rejette la demande formée par M. X...au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'elle est exclusivement dirigée contre les victimes du sinistre et l'assureur subrogé.
Condamne in solidum la SARL SARRAZIN COUTAL et Madame C...à verser sur le fondement de l'article précité :
- à M. Y...et Madame Z..., pour chacun, une indemnité complémentaire de 3000 ¿ ;
- à la société AXA ASSURANCES une indemnité de 3000 ¿.
Condamne in solidum la SARL SARRAZIN COUTAL et Madame C...aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire, étant précisé que, dans leurs rapports entre eux, ces derniers se répartiront la charge de ces sommes, comme de celles allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dans les proportions du partage de responsabilité.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00237
Date de la décision : 24/09/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2015-09-24;14.00237 ?
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