COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 14 AVRIL 2015--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 14/ 00781
AFFAIRE :
Mme Marie-Jeanne X...
C/
M. Michel Y...
prestation compensatoire
Le QUATORZE AVRIL DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Marie-Jeanne X...de nationalité Française demeurant ...
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Isabelle DUBOIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE d'un jugement rendu le 21 novembre 2013 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND.
ET :
Monsieur Michel Y...de nationalité Française né le 01 Mai 1943 à PIERRELATE, demeurant ...
représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Michèle BAUER, avocat au barreau de BORDEAUX.
INTIME
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L'affaire a été fixée à l'audience du 02 Mars 2015 par application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, la Cour étant composée de Madame Annie ANTOINE, Première Présidente, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, en chambre du conseil, Madame Christine MISSOUX, Conseiller a été entendue en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Annie ANTOINE, Première Présidente, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 14 Avril 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Michel Y...et Madame Marie-Jeanne X...se sont mariés le 18 novembre 1967.
Trois enfants sont issus de cette union.
Par un jugement du 22 juin 2005, le juge aux affaires familiales de CUSSET a prononcé le divorce des époux par consentement mutuel et homologué la convention des parties prévoyant notamment, à la charge de l'époux le versement à Mme X..., d'une prestation compensatoire :
- sous la forme de capital d'un montant de 34000 ¿ se compensant avec la soulte due par Mme X...,- sous forme d'une rente mensuelle sa vie durant, d'un montant de 1671, 29 ¿/ mois indexée sur les pensions, et ce, même si la situation de Mme X...venait à s'améliorer par suite de la perception d'une retraite, d'une donation ou d'un héritage.
Par une requête en date du 6 mars 2013, Monsieur Y...a sollicité du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de CLERMOND-FERRAND, au principal, voir supprimer la prestation compensatoire due à son épouse sous forme de rente viagère, et subsidiairement, réviser le montant de cette rente en la réduisant à la somme mensuelle de 200 ¿, et ce, dans les deux cas, à compter du jour du dépôt de la requête. Il a sollicité par ailleurs, la somme de 2000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa requête, il a fait valoir que même en l'absence d'une clause de révision expressément prévue dans la convention homologuée, une révision de la rente était possible, que la rente ainsi versée procurait à son épouse un avantage manifestement excessif au regard des critères posés par l'article 276 du Code civil, tandis que lui s'était appauvri, que cette clause prévoyant une absence de révision pour perception d'héritage ou de retraite, était illégale, qu'il avait été victime de pressions de la part de son épouse qui le menaçait d'intenter un divorce pour faute, que l'avocat commun choisi par son épouse, avait été plus soucieux des intérêts de cette dernière que des siens, qu'il avait de nombreux frais, notamment de santé, que sa compagne ne possédait aucun patrimoine, que le train de vie de son ex-épouse était supérieur au sien, et qu'enfin, il ne pourrait assumer ses frais d'hébergement s'il devait être admis en maison de retraite.
Madame X...s'est opposée à cette demande, faisant valoir que lors de la liquidation, chacun des époux avait bénéficié d'un patrimoine de l'ordre de 382 000 ¿, que monsieur Y...avait eu le temps de réfléchir entre novembre 2004, date du dépôt de la requête et le prononcé du divorce intervenu le 22 juin 2005, qu'il savait au moment de la convention, qu'elle bénéficierait d'une pension de retraite et qu'elle hériterait un jour de ses parents, et qu'excepté les biens recueillis dans la succession de ses parents, son patrimoine est resté le même qu'en 2005 ; que les ressources de son ex-époux n'ont pas variées depuis, qu'il vit avec une compagne avec qui il partage ses charges, améliorant ainsi, sa situation depuis le divorce.
Par un jugement prononcé le 21 novembre 2013, le juge aux affaires familiales de CLERMONT FERRAND, après avoir débouté Monsieur Y...de sa demande en suppression de pension, a fait droit à sa demande en diminution en réduisant son montant à la somme mensuelle de 600 ¿ à compter du prononcé de la décision.
Madame Marie-Jeanne X...a relevé appel de cette décision.
Sur le fondement des article 47 et 97 du code de procédure civile, et par une ordonnance du 11 juin 2014, le Conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Riom, a ordonné le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de LIMOGES.
Par conclusions en date du 20 octobre 2014, Madame X...a conclu à la réformation du jugement en ce qu'il a réduit le montant de la rente viagère mise à la charge de son ex-époux, au débouté de Monsieur Y..., et à sa condamnation, outre aux dépens, à lui payer une indemnité de 1800 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame X...reproche au premier juge, après avoir justement apprécié la portée de la convention homologuée par le jugement de divorce, écarté les vices du consentement allégués par l'ex-époux, et exactement énoncé les règles de droit concernant la révision de la pension qu'il a appliquées à la convention, de ne pas en avoir tiré les conséquences, en réduisant le montant de la rente, et ce, en prenant en considération son patrimoine mobilier provenant exclusivement des placements effectués sur sa part de communauté qu'elle a su gérer avec prudence et n'a pas dépensé, alors qu'il appartenait à son ex-époux d'en faire autant, chacun des époux ayant perçu du partage de la communauté la même somme de 380 000 ¿.
Par conclusions en réponse en date du 31 juillet 2014, Monsieur Michel Y..., faisant appel incident et réitérant à l'identique ses demandes initiales faites devant les premiers juges fondées sur les mêmes moyens, sollicite la réformation du jugement et la condamnation de Mme Y..., outre aux dépens, à lui payer une indemnité de 4000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel incident qui remet en cause l'ensemble des dispositions du jugement entrepris, M. Y...fait valoir au soutien de sa demande principale en suppression de la rente viagère, et subsidiairement en réduction, que cette convention signée sous la contrainte et dans un soucis de conciliation de sa part répondant à une volonté d'un dénouement plus rapide de la procédure (menace d'un divorce pour faute), est abusive.
Et c'est ainsi qu'il détaille ses moyens :
- le montant de la rente perçue par Mme X...sur 8 années s'élève à 216 000 ¿,- elle est héritière de ses parents,- elle perçoit une retraite de 900 ¿, sans qu'il n'en ait connu le montant à l'époque de la signature de la convention,- ses charges sont faibles,- l'appartement, rue pierre et marie Curie dont elle est propriétaire reçu en héritage, a été entièrement restructuré et modernisé par un architecte, ce qui le valorise ;
Qu'elle dispose ainsi d'un patrimoine total d'environ 750 000 ¿, et de ressources importantes, puisqu'elle règle aux impôts, après déduction d'une 1/ 2 part et des salaires d'une femme de ménage, la somme de 2 367 ¿ (revenus 2011).
Alors que pour sa part, il s'est appauvri, ses biens immobiliers et mobiliers peuvent être estimés à une somme de 338 600 ¿, sa retraite mensuelle s'élève à la somme de 3 527 ¿, et le fait qu'il soit pacsé, lui fait perdre fiscalement 1/ 2 part.
Par ailleurs, l'appartement dans lequel ils sont deux à vivre ne mesure que 93m ², alors que celui de Madame Y..., pour elle seule est de 63m ², que sa compagne ne perçoit que 1532 ¿ de retraite, que son état de santé n'est maîtrisé que par des soins médicaux qui se multiplient, qu'il doit suivre à nouveau une deuxième cure thermale dont les frais d'hébergement restent à sa charge, effectuer des soins dentaires qu'il diffère, et enfin, il doit prévoir l'avenir et en l'état, ne pourrait assumer les frais d'hébergement dans une EPAHD.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu qu'il sera rappelé le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive, qui, sous peine de remettre en cause le consentement même des époux, ne permet aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus par la loi, et le cas échéant, de ceux expressément prévus par les parties, ce qui est le cas en l'espèce, puisque la convention réglant les effets du divorce des anciens époux Y...prévoit notamment, au titre de prestation compensatoire, le versement d'une rente à Mme X..., sa vie durant, même si sa situation venait à s'améliorer par suite de la perception d'une retraite, d'une donation ou d'un héritage ;
Qu'à cet égard, cette clause ne saurait être considérée comme illégale, tel que le soutient M. Y..., sans en tirer d'ailleurs de conséquences, dès lors qu'elle résulte du consentement des deux époux et n'est pas contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs.
Et attendu que la cour ne peut que reprendre les moyens de droit et de fait exposés d'une façon exhaustive par le premier juge qui a exactement jugé que même en l'absence de clause, la révision de la pension ainsi versée était possible dans les limites de la loi et les termes de la convention homologuée, qu'il a exactement appréciés ;
Que toutefois, ces moyens ne pouvaient le conduire à réviser la pension versée à Mme X...dès lors :
- que les vices du consentement allégués par le mari qui auraient présidé à la signature de cette convention, dont ce dernier ne rapporte pas la preuve, mais encore, dont il ne tire aucune conséquence de droit, ni même en cause d'appel, étaient à juste titre écartés,
- qu'il n'était pas constaté, depuis le prononcé du divorce, un changement important survenu dans la situation de M. Y..., si ce n'est une légère amélioration, ou dans celle de Mme X..., et qui trouverait son origine pour cette dernière, dans une cause autre, que celles prévues par la convention (pension de retraite, donation et héritage perçus).
Attendu que, nonobstant, pour réviser la pension versée à Madame X..., le premier juge, après avoir constaté que la situation de Monsieur Y...s'était améliorée depuis le prononcé du divorce et que ne pouvaient être pris en considération les frais futurs (et somme toute, hypothétiques) de ses frais d'hébergement dans une EPAHD, a jugé que les revenus des capitaux mobiliers de l'épouse, provenant notamment de son assurance vie, constituaient un changement important dans ses ressources ;
Que toutefois, il est rapporté la preuve que cette assurance vie importante, provient de sa part de communauté qu'elle a placée, étant précisé que les deux époux ont eu la même, malgré la démonstration tentée par l'époux de ce qu'il aurait été spolié, alors que la différence résultant de ses nombreux calculs, serait en fait, ramenée à 10 224 ¿ (325 579-335 803) page 11 de ses écritures ;
Que les revenus ainsi procurés à un époux provenant des fruits du placement de ses valeurs mobilières issues de la liquidation de la communauté, ou encore, la valorisation de son patrimoine immobilier (rénovation de son appartement pas l'épouse), dus à sa seule gestion prudente, ne sauraient dès lors, être pris en compte pour justifier la révision d'une convention homologuée, car cette amélioration ne trouve son origine que dans la seule volonté et le seul choix de vie de cet époux d'épargner et de valoriser son patrimoine, et non, dans un élément extérieur, non prévu à la convention et non prévisible, qui serait venu l'enrichir.
Que dans le même esprit, Monsieur Y...ne saurait davantage se plaindre de son appauvrissement, par exemple, en réglant plus d'impôts que Mme X..., car, en se pacsant, il aurait perdu une demi part fiscale, alors que cette décision n'a relevé que de sa seule volonté, dont il doit assumer les conséquences.
Attendu que le jugement sera en conséquence, infirmé, et Monsieur Y..., débouté de ses demandes en suppression et réduction de la pension versée à son ex-épouse.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement,
Et STATUANT à nouveau,
DEBOUTE Monsieur Michel Y...de ses demandes,
Et Y AJOUTANT,
le CONDAMNE à payer à madame Marie-Jeanne X..., la somme de 1000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Le CONDAMNE également aux dépens de première instance et d'appel
LE GREFFIER, LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE,
Elysabeth AZEVEDO. Annie ANTOINE.