ARRET N.
RG N : 14/ 00117
AFFAIRE :
M. Patrick X...
C/
Mme Véronique X... épouse Y..., M. David X..., Mme Liliane Z... VEUVE X..., UNION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES D E LA HAUTE-VIENNE " UDAF " Agissant en qualité de tutrice de Madame Liliane Z... VEUVE X...
JCS-iB
succession
Grosse délivrée à Maître MANDON-BARDAUD-CAUSSADE et Maître BONNAUD-LANGLOYS, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 05 MARS 2015--- = = = oOo = = =---
Le CINQ MARS DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Patrick X... de nationalité Française né le 11 Juillet 1965 à LENS (62300) Profession : Ouvrier, demeurant ...
représenté par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Pierre DESFARGES, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d'un jugement rendu le 14 NOVEMBRE 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Madame Véronique X... épouse Y... de nationalité Française née le 23 Juillet 1961 à HENIN BEAUMONT (62110) Profession : Aide médico-psychologue, demeurant ...
représentée par Me Carine MANDON BARDAUD-CAUSSADE de la SCP AVELINE-MANDON BARDAUD CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur David X... de nationalité Française né le 12 Décembre 1967 à LENS (62300) Sans profession, demeurant ...
représenté par Me Carine MANDON BARDAUD-CAUSSADE de la SCP AVELINE-MANDON BARDAUD CAUSSADE, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Liliane Z... VEUVE X... de nationalité Française née le 10 Mars 1943 à BILLY MONTILLY (62110), demeurant...
représentée par Me Marine BONNAUD-LANGLOYS, avocat au barreau de LIMOGES
UNION DEPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES D E LA HAUTE-VIENNE " UDAF " Agissant en qualité de tutrice de Madame Liliane Z... VEUVE X... 18, avenue Georges et Valentin LEMOINE-87065 LIMOGES
représentée par Me Marine BONNAUD-LANGLOYS, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMES
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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 Janvier 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 26 Février 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2014.
A l'audience de plaidoirie du 22 Janvier 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 05 Mars 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Ernest X..., domicilié à REMPNAT (Haute Vienne), est décédé le 18 mars 2011 des suites d'une longue maladie pour laquelle il avait subi une première opération en mai 2009.
La déclaration de succession a été établie par Maître CHAMBON, notaire a SAINT LEONARD DE NOBLAT.
Le défunt laissait pour héritiers :
- son épouse, née Liliane Z..., commune en biens et ayant opté en application des dispositions de l'article 757 du code civil pour l'usufruit de la totalité des biens de la succession ;
- les trois enfants nés de leur mariage, Véronique, David et Patrick, ce dernier résidant dans une maison voisine de celle de ses parents, propriété de ces derniers.
Un jugement du 26 mai 2011 a ordonné le placement sous tutelle de Madame Liliane Z... veuve X... qui, depuis cette date, réside chez sa fille Véronique.
La succession comprend des liquidités et deux maison en bois situées à REMPNAT, le tout évalué, selon la déclaration de succession, à la somme de 277 551, 82 ¿ dont la moitié (138 175, 94 ¿) revient à la succession.
Le 21 avril 2011, la société ALLIANZ a versé à M. Patrick X... et à Madame Liliane Z... veuve X..., pour chacun d'eux, les sommes de 14 753, 63 ¿ et de 50 879, 49 ¿ provenant de deux contrats d'assurance vie souscrits par Ernest X... en 1990 et 1991.
Par acte du 22 août 2012, Madame Véronique X... et M. David X... ont fait assigner devant le tribunal de LIMOGES l'UDAF de la Haute Vienne en sa qualité de tuteur de Madame Liliane Z... veuve X... et M. Patrick X... aux fins d'ouverture des opérations de liquidation et de partage de l'indivision successorale, de rapport, avec application de la sanction du recel successoral, de sommes dont la communication des relevés bancaires du défunt leur avait révélé qu'elles avaient été virées au profit de leur frère et de rapport par ce dernier de l'avantage constitué par l'occupation gratuite d'une des maisons de ses parents.
Ils sollicitaient par ailleurs la vérification des opérations effectuées sur les deux contrats d'assurance vie et la fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de Thierry X... pour la période postérieure au décès.
L'examen des opérations effectuées sur les contrats d'assurance vie a révélé qu'en décembre 2009, des versements d'un montant total de 65 633, 12 ¿ provenant de comptes d'épargne avaient été placés sur les deux contrats d'assurance vie de M. Ernest X... (14 517, 69 ¿ sur le premier contrat et 49 061, 11 ¿ sur le second) et qu'en cas de décès de l'assuré, la désignation des bénéficiaires de ces contrats, initialement souscrits au bénéfice de l'épouse et, à défaut, des enfants, avait été modifiée comme suit :
« Patrick, à défaut ses descendants, et Madame Liliane Z... par parts égales entre eux ».
Le tribunal a par jugement du 14 novembre 2013 :
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation partage et désigné pour y procéder un notaire, étant précisé que celui-ci devrait tenir compte dans ces opérations de l'incidence de l'usufruit légal détenu par le conjoint survivant sur les biens meubles et immeubles de la succession ;
- débouté l'UDAF, tutrice de Madame Z..., de sa demande d'annulation de la désignation de Patrick X... comme bénéficiaire des contrats d'assurance vie souscrits par le défunt ;
- dit que M. Patrick X... devrait rapporter à la succession la somme de 19 200 ¿, montant des virements effectués à son profit entre le mois de janvier 2010 et le 16 mars 2011, outre les intérêts à compter du 18 mars 2011, date du décès ;
- requalifié les deux contrats d'assurance vie dont avait bénéficié M. Patrick X... en donations déguisées et dit que ce dernier devrait rapporter à la succession les sommes perçues par lui à ce titre, soit 14 753, 63 ¿ pour le contrat no 4060091667 AG et 50 879, 49 ¿ pour le contrat no 4060116914 AG ;
- rejeté les demandes tendant à voir appliquer les sanctions du recel successoral sur les sommes ainsi rapportées ;
- dit que M. Patrick X... était redevable par principe d'une indemnité d'occupation dont la fixation pourrait être réclamée devant le notaire commis par Madame Z... veuve X..., seule à pouvoir en bénéficier en sa qualité d'usufruitière ;
- débouté les parties de leurs demandes d'indemnité de procédure ;
- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage.
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M. Patrick X... a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 30 janvier 2014.
Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 5 août 2014, il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives au rapport de la somme de 19 200 ¿ et aux versements effectués à son profit au titre des contrats d'assurance vie qui ont été souscrits légalement et sont soumis aux dispositions de l'article L 132-13 du code des assurances ;
- subsidiairement, de dire que les sommes d'un même montant versées à sa mère au titre de ces contrats doivent elles aussi être rapportées à la succession comme provenant de donations déguisées ;
- de dire qu'il n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation, l'occupation de la maison dans laquelle il a réalisé d'importants travaux ayant été justifié par la nécessité d'apporter des soins à ses parents ;
- de condamner les intimés aux dépens et au paiement d'une indemnité de 5000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 12 juin 2014, Madame Véronique X... et M. David X... demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ses dispositions relatives au rapport des sommes dont M. Patrick X... a bénéficié au titre des virements bancaires et des deux contrats d'assurance vie ;
- d'accueillir leur appel incident et, réformant le jugement :
- de dire que les peines du recel successoral seront appliquées aux sommes rapportées ;
- de dire que l'occupation de l'immeuble de ses parents par M. Patrick X... et sa famille pendant plus de 20 ans constitue une donation en possession qui devra être chiffrée par le notaire et rapportée à la succession ;
- de condamner M. Patrick X... à verser à chacun d'eux une indemnité de 5000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de le condamner aux dépens de première instance et d'appel.
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Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 12 juin 2014, L'UDAF de la Haute Vienne demande à la cour en sa qualité de tuteur de Madame Liliane Z... veuve X... :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- de condamner la partie succombante à lui verser, es qualité, la somme de 2000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
M. Patrick X... soutient que les virements effectués à son profit (pour un total de 14200 ¿) et au profit de ses deux enfants (pour un total de 5000 ¿) entre le 15 janvier 2010 et le 16 mars 2011 depuis le compte de son père seraient justifiés par la notion de dons d'usage, par les travaux effectués sur l'immeuble de ses parents et, pour le virement de 6000 ¿ effectué le 16 mars 2011 à son profit, par la nécessité de régler des droits de succession.
En réalité, il ne s'explique pas sur le fait que la signature figurant sur les ordres de virement n'est visiblement pas celle de son père et il ne fournit aucun justificatif de l'affectation de ces prélèvements, tous supérieurs à 1000 ¿, et qui s'étendent sur la courte période d'un an ayant précédé le décès de M. Ernest X..., atteint depuis 2009 d'une maladie dont la gravité était connue de tous.
L'explication de l'appelant selon laquelle le prélèvement de 6000 ¿ effectué le 16 mars 2011 était affecté aux frais d'obsèques est dénuée de sérieux dans la mesure où ce prélèvement a précédé de deux jours le décès qui a eu lieu le 18 mars 2011.
L'importance relative de chacun de ces prélèvements au regard des ressources du défunt ne permet pas non plus de soutenir qu'il se serait agi de dons d'usage.
C'est donc à bon droit qu'en l'absence de preuve de la destination de ces sommes qui proviennent de l'usage abusif d'une procuration, le tribunal a jugé que l'appelant était tenu d'en rapporter le montant, soit la somme totale de 19 200 ¿, à la succession d'Ernest X... au motif qu'elles constituaient un avantage procuré par le défunt sans contrepartie à l'un de ses enfants ou à la famille de celui-ci.
M. Patrick X... a effectué ces prélèvements alors qu'il savait que la vie de son père touchait à sa fin et que les fonds ainsi détournés échapperaient à la succession.
Il n'en a pas révélé spontanément l'existence à ses cohéritiers qui n'en ont eu connaissance qu'après avoir exigé la communication des relevés bancaires de leur père décédé.
On se trouve bien en présence d'une dissimulation faite à propos de gratifications rapportables dans le but, ou avec la conscience, de porter atteinte à l'égalité des héritiers dans le partage.
Il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a dit qu'il ne serait pas fait application au rapport de la somme de 19 200 ¿ des sanctions du recel régies par l'article 778 du code civil.
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Les versements qui ont été effectués en décembre 2009 à hauteur de 14 517, 69 ¿ et de 49 061, 11 ¿ sur les deux contrats d'assurance vie ouverts par Ernest X... en 1990 et 1991 étaient manifestement exagérés au regard des facultés du souscripteur.
En effet, Ernest X... et son épouse, tous deux retraités, n'avaient à cette époque que des revenus annuels de 16 171 ¿ et, surtout, le souscripteur, âgé de 68 ans, se savait atteint d'une maladie qui ne lui laissait qu'une brève espérance de vie.
Il a procédé à la même date que ces versements à la modification de la désignation des bénéficiaires des contrats en cas de décès en substituant à la désignation des enfants celle de M. Patrick X..., seul, ou de ses héritiers, et en faisant de celui-ci un bénéficiaire direct venant à part égale avec l'épouse, initialement seule bénéficiaire avant les enfants du couple qui ne venaient qu'à défaut.
Le premier juge a par conséquent retenu à bon droit que les opérations effectuées en décembre 2009 sur les comptes d'assurance vie du défunt ne pouvaient bénéficier à celui-ci et, à défaut d'aléa, avaient uniquement pour but de gratifier un enfant au détriment des deux autres.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait application de la dérogation prévue à l'alinéa 2 de l'article L 132-13 du code des assurances et dit que les sommes de 14 753, 63 ¿ et 50 879, 49 ¿ versées à M. Patrick X... au titre de ces deux contrats devaient être rapportées à la succession.
Le régime de ces contrats qui, par principe, porte sur des sommes qui ne sont pas rapportables ne permet pas de retenir en l'espèce que, nonobstant la requalification qui en est faite, M. Patrick X... aurait volontairement dissimulé un avantage qu'il savait rapportable.
Il n'y a pas lieu de faire application des règles du recel au rapport des sommes perçues au titre des contrats d'assurance vie.
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Contrairement à M. Patrick X... que les contrats d'assurance vie n'ont désigné en qualité de bénéficiaire qu'à compter du mois de décembre 2009, à une date à laquelle la disparition du souscripteur était prévisible, Madame Liliane Z... veuve X... que cette modification prive d'ailleurs de la moitié de ses droits initiaux puisqu'elle ne vient plus qu'au côté de son fils qui, initialement ne devait venir qu'en cas de prédécès de l'épouse, concurremment avec ses frère et s ¿ ur, est mentionnée en qualité de bénéficiaire dés l'effet originaire des contrats, c'est à dire depuis le 3 mai 1990 pour le premier et depuis le 12 mars 1991 pour le second.
A son égard, la souscription de ces contrats est cohérente dans la mesure où l'on se trouve en présence d'une opération de prévoyance qui présentait à la souscription l'aléa qui caractérise le contrat d'assurance.
Le capital dont a bénéficié l'épouse est le fruit d'une vie de collaboration entre les conjoints qui étaient encore jeunes lorsque les contrats ont été souscrits.
Ces contrats doivent conserver leur qualification à l'égard de Madame Z... veuve X... et, conformément aux dispositions de l'article L 132-13 alinéa 1er du code des assurances, ne doivent pas donner lieu à rapport de sa part.
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M. Patrick X... qui est artisan justifie de ce qu'il a effectué sur la maison qu'il occupe d'importants travaux qui ont bénéficié à ses parents, propriétaires de cet immeuble.
Dés lors, l'occupation de cette maison du vivant de son père ne peut pas être considérée comme un avantage gratuit dont il devrait rapport au titre d'une « donation en possession ».
Le premier juge a rejeté à bon droit ce chef de demande.
En revanche, M. Patrick X... est redevable d'une indemnité d'occupation à compter de la date du décès de son père, ce à l'égard de Madame Liliane Z... veuve X... qui détient en application de l'article 757 du code civil l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession de son mari.
Le principe de cette indemnité d'occupation a été débattu en première instance et le tribunal a expressément réservé à Madame Liliane Z... veuve X... le droit de la réclamer devant le notaire liquidateur.
Le fait pour cette dernière de manifester devant la cour l'intention de réclamer l'indemnité d'occupation lui revenant n'est pas une demande nouvelle qu'il serait interdit de formuler en appel.
Le jugement sera confirmé, également, en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
Toutefois, devant la cour, Madame Véronique X..., M. David X... et l'UDAF, es qualité de tuteur de Madame Liliane Z... veuve X..., sont en droit de réclamer sur le fondement de l'article précité, au titre des frais occasionnés par l'appel injustifié de M. Thierry X... qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité qui sera fixée à 2000 ¿ pour chacun.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit qu'aucun des rapports mis à la charge de M. Patrick X... ne devait donner lieu à application des sanctions du recel successoral.
Le réforme sur ce seul point et, statuant à nouveau.
Dit que ces sanctions qui sont énoncées à l'article 778 du code civil doivent être appliquées à M. Patrick X..., mais seulement en ce qui concerne le rapport de la somme de 19 200 ¿.
Dit qu'en conséquence M. Patrick X... ne pourra prétendre à aucune part sur cet élément d'actif.
Condamne M. Patrick X... à verser à Madame Véronique X..., à M. David X... et à l'UDAF de la Haute Vienne, prise en qualité de tuteur de Madame Liliane Z... veuve X..., pour chacun, une indemnité de 2000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.