COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 19 FEVRIER 2015--- = = = oOo = = =---
RG N : 13/ 01172
AFFAIRE :
Mme Denise Hélène X... épouse Y...
C/
Mme Paulette Z..., M. Franck X...
DEMANDE EN PARTAGE
Grosse délivrée à me LAMAGAT avocat
Le DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE QUINZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Denise Hélène X... épouse Y... de nationalité Française, née le 18 Août 1946 à BRIVEZAC (19120), Retraitée, demeurant...-63270 VIC LE COMTE
représentée par Me Michel LABROUSSE, avocat au barreau de TULLE
APPELANTE d'un jugement rendu le 23 OCTOBRE 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE et INTIMEE sur l'appel du jugement rendu le 05 juillet 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
Madame Paulette Z... veuve X... de nationalité Française, née le 15 Septembre 1945 à SAINT CHAMANT (19380), Sans profession, demeurant ...-19120 BRIVEZAC
(Bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par décision rendue par le Bureau d'Aide juridictionnelle de LIMOGES le 15 octobre 2013- No 2013/ 5009)
représentée par Me Antoine LAMAGAT, avocat au barreau de CORREZE
Monsieur Franck X... de nationalité Française, né le 10 Mai 1967 à TULLE (19000), Sans profession, demeurant ...-19120 BRIVEZAC représenté par Me Antoine LAMAGAT, avocat au barreau de CORREZE
INTIMES sur l'appel d'un jugement rendu le 23 OCTOBRE 2009 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE APPELANTS d'un jugement rendu le 05 juillet 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 08 Janvier 2015 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 12 Février 2015. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2014.
A l'audience de plaidoirie du 08 Janvier 2015, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Février 2015 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Roger X... et son épouse, née Marie Françoise C..., agriculteurs, ont eu deux enfants, Jean Raymond, né le 22 avril 1943, qui est resté sur l'exploitation, et Denise, née le 28 août 1946.
Selon un acte notarié du 22 décembre 1973, ils ont fait donation à titre de partage anticipé à leurs deux enfants, avec dispense de rapport en nature et par préciput, de tous les biens et droits, mobiliers et immobiliers, leur appartenant, à Jean à concurrence des deux tiers et Denise à concurrence d'un tiers.
Ces biens et droits étaient constitués essentiellement d'un propriété agricole d'une douzaine d'hectares, de la maison d'habitation y attachée avec son mobilier et du cheptel.
Une clause dite d'habitation stipulait que celui de leurs enfants qui garderait la propriété devrait leur vie durant loger les donateurs avec lui dans la maison familiale, les nourrir à leur table, les blanchir, éclairer, chauffer et leurs prodiguer les soins nécessaires à leur état de santé, le tout d'une manière convenable et en rapport avec la situation des parties.
Par le même acte, Madame Denise X... épouse Y... a cédé à son frère, Jean Raymond X..., tous ses droits sur les biens donnés par ses parents à titre de licitation faisant cesser l'indivision, ce moyennant le versement par ce dernier d'une somme de 15 000 ¿ « à titre transactionnel, aléatoirement aux risques et périls des fortunes réciproques des parties ».
Cette somme correspondait au tiers de l'estimation de la valeur nette des biens donnés après déduction de la créance de salaire différée due par la succession à Jean Raymond X... et de la valeur des charges représentée par l'hébergement de chacun des donateurs (4937 ¿ pour Roger X... et 3640 ¿ pour son épouse).
Roger X... est décédé le 19 avril 1996.
Marie Françoise C... veuve X... a continué de vivre dans la maison familiale avec son fils Jean et l'épouse de celui-ci, Madame Paulette Z....
Elle a donné le 31 janvier 1998 une procuration à Madame Paulette Z... épouse X... en lui confiant la gestion de ses comptes.
Marie Françoise C... veuve X... a souscrit le 2 février 2001 un contrat d'assurance vie sur lequel elle a placé, entre le jour de la souscription et le mois d'octobre 2001, une somme totale de 18 293, 88 ¿ provenant de la vente de titres.
En mai 2004, il a été établi à son nom une carte bancaire.
Elle est décédée le 21 mai 2006, à l'âge de 87 ans, alors qu'elle résidait toujours à son domicile en compagnie de son fils et de sa belle fille.
Par acte du 1er avril 2008, Madame Denise X... épouse Y... a fait assigner M. Jean Raymond X... (Jean X...) et Madame Paulette Z... épouse X... devant le tribunal de grande instance de BRIVE en réduction de la donation consentie à Jean X... par sa mère sur le fondement des articles 868, 1077-1 et 1077-2 (anciens) du code civil et désignation d'un notaire chargé de procéder au partage des avoirs existant au décès de cette dernière après rapport des donations indirectes postérieures à la donation partage.
Elle sollicitait au préalable l'organisation d'une expertise en vue de chiffrer, notamment, la valeur capitalisée du bail à nourriture qui, selon elle, n'avait pas été exécuté.
Le tribunal a par jugement du 23 octobre 2009 :
- Dit irrecevable la demande de réduction ;
- avant dire droit sur la demande en partage, confié une mesure d'expertise à M. Daniel E... avec mission, pour la période de mai 1996 au décès de Marie Françoise C... veuve X..., de rechercher tous les comptes bancaires, d'y rechercher tous les mouvements d'un montant supérieure à 5 000 F ou 762, 25 ¿ et de rechercher les mouvements qui avaient été effectués sur le contrat d'assurance vie.
A la suite du décès de Jean X..., son fils Franck qui vient à ses droits est intervenu dans l'instance le 27 octobre 2010.
L'expert a déposé le 25 novembre 2010 un rapport dans lequel il évaluait le total des sommes prélevées sur le compte de Marie Françoise X... « et ne correspondant pas à ses besoins propres » à la somme, arrondie, de 71 000 ¿ se composant de la façon suivante :
-46 848 ¿ pour la période de 2003 à 2006 pendant lesquelles les dépenses moyennes mensuelles de Marie Françoise X..., auparavant de 670 ¿, avaient été augmentées de 976 ¿ ;
-18 293, 88 ¿ au titre de l'assurance vie PREDICA-PREDIANE souscrite le 2 février 2001 au bénéfice de Jean X... ou, à défaut, de son épouse :
-5 839 ¿ représentant le total des mouvements identifiés, en chèques ou en espèces, du compte de Marie Françoise X... vers les comptes des époux Jean X....
Après avoir sursis à statuer jusqu'à l'issue d'une plainte déposée par Madame Denise Y..., finalement classée sans suite, le tribunal a par jugement du 5 juillet 2013, au vu des nouvelles écritures des parties :
- ordonné la liquidation et le partage de la succession de Marie Françoise C... veuve X..., décédée le 21 mai 2006, et désigné un notaire pour y procéder ;
- ordonné le rapport à la succession de Marie Françoise C... veuve X... de la somme de 28 702, 46 ¿ par les héritiers de Jean X... avec application de la sanction du recel assessoral ;
- fixé à 15 000 ¿ les dommages-intérêts dus par la succession de Jean X... et par Madame Paulette Z... veuve X... à titre personnel à Madame Denise X... épouse Y... ;
- en conséquence, condamné Madame Paulette Z... veuve X... et M. Franck X... à payer à Madame Denise Y... la somme de 15 000 ¿ ;
- condamné Madame Paulette Z... veuve X... et M. Franck X... à verser à Madame Denise X... épouse Y... une indemnité de 4 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Madame Paulette X... et M. Franck X... aux dépens.
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Par déclaration du 20 août 2013, Madame Paulette Z... veuve X... et M. Franck X... ont relevé appel du jugement rendu le 5 juillet 2013 par le tribunal de grande instance de BRIVE.
Par déclaration du 30 août 2013, Madame Denise X... épouse Y... a relevé appel du jugement du 19 avril 2009 qui n'avait pas été signifié.
Elle a formé par conclusions un appel incident à l'encontre du jugement du 5 juillet 2013.
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Dans ses dernières conclusions qui ont été déposées le 9 décembre 2014 Madame Denise X... épouse Y... demande à la cour :
- de juger que le bail à nourriture dont Jean X... avait la charge n'a pas été exécuté, de telle sorte que, l'équilibre recherché par les donateurs dans la donation partage du 22 décembre 1973 ayant été rompu, elle est fondée en son action en réduction de la part de son frère ou, pour le moins, à invoquer les dispositions de l'article 1371 du code civil :
- de réformer le jugement du 23 octobre 2009, y compris en ce qu'il a désigné un expert dont la mission était trop limitée ;
- de dire recevable sa demande de réduction ainsi que sa demande de partage des avoirs de Marie C... veuve de Roger X... ;
- d'ordonner une expertise afférente aux conditions de l'exécution du bail à nourriture et aux mouvements de sommes non justifiés par les besoins de Marie C... veuve X... ;
- de dire que les règles du recel s'appliqueront sur le montant de la somme de 3 646 ¿ (valeur donnée au bail à nourriture concernant la donatrice dans l'acte du 22 décembre 1973) qui devra être capitalisée par le notaire, afin de permettre d'indemniser l'atteinte portée à ses droits réservataires ;
- de réformer également le jugement rendu par le tribunal de grande instance de BRIVE le 5 juillet 2013 ;
- de dire qu'outre la somme de 28 702, 45 ¿, le rapport à succession portera sur celle de 10 480 ¿, montant des retraits opérés par carte bancaire du 31 mai 2004 au 21 mai 2005, avec intérêts de droit à compter de la date des retraits, ainsi que sur celles de 46 848 ¿ et de 5 839 ¿ retenus par M. E... dans son rapport du 25 novembre 2010, assorties des intérêts de droit ayant couru depuis la date de l'assignation ;
- de porter le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués à la somme de 30 000 ¿ ;
- de confirmer le jugement en ses autres dispositions, et notamment en ce qu'il a ordonné le rapport avec application de la sanction du recel successoral ;
- de condamner les ayants droits de Jean X... à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure ayant donné lieu au premier jugement, une indemnité de 1 500 ¿ et au titre de la procédure d'appel, une indemnité de 5 000 ¿ en complément de celle qui lui a été allouée par le second jugement.
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Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 25 novembre 2014, Madame Paulette Z... veuve X... et M. Franck X... demandent à la cour :
- de confirmer le jugement du 23 octobre 2009 en ce qu'il a dit irrecevable la demande en réduction de donation formée par Madame Denise X... épouse Y... ;
- de réformer le jugement du 5 juillet 2013 et de débouter également Madame Denise Y... de sa demande de rapport à la succession de donations indirectes, l'intégralité des mouvements bancaires relevés par l'expert ayant été justifiés par les besoins de Marie X... ou par des dépenses qu'eux mêmes avaient exposées pour elle ;
- de rejeter également la demande afférente au contrat d'assurance vie dont les versements n'ont pas de caractère excessif et qui, devant garder sa qualification, ne peut pas être soumis à rapport comme il est dit à l'article L 132-13 du code des assurances ;
- en toute hypothèse, de dire n'y avoir lieu à application de la sanction du recel en l'absence de volonté de dissimulation et de débouter Madame Denise X... épouse Y... de sa demande de dommages-intérêts qui est infondée en l'absence de justification d'un préjudice distinct ;
- de condamner cette dernière à leur payer des dommages-intérêts de 15 000 ¿ pour procédure abusive ;
- de la condamner aux dépens et au paiement d'une indemnité de 4 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions des articles 1075-1 et 1077-2 anciens du code civil qui sont applicables à la succession de Marie Françoise C... veuve X..., que les donations par ascendants ne peuvent pas être attaquées pour lésion et ne peuvent faire l'objet que d'une action en réduction s'il apparaît que les donations faites à l'un des donataires ont porté atteinte aux droits réservataires des autres ou de l'autre.
En l'espèce, les donateurs ont eu le souci de respecter la réserve héréditaire puisque la donation faite au profit de Denise X... représente le tiers de la valeur des biens donnés, montant de la réserve héréditaire en présence de deux enfants, et que Jean X... qui restait sur la propriété a reçu les deux tiers de cette valeur, soit, outre sa part de réserve, l'intégralité de la quotité disponible.
La donation ne portait pas sur des biens, mais sur des quotités indivises.
En, réalité, il n'apparaît pas que les donateurs aient voulu avantager Jean X... dans la mesure où il était mis à la charge de celui-ci une obligation viagère d'hébergement et de soins au profit de ses parents.
De toute façon, l'action en réduction ne serait pas recevable dés lors que l'équilibre de la donation-partage ne portait pas atteinte à la réserve de l'appelante qui a reçu le moins.
Toutefois, dans le même acte, Madame Denise X... a cédé par licitation sa part indivise à son frère, de manière à faire cesser l'indivision, ce au prix, versé par Jean X..., de 15 000 ¿ qui représentait le tiers de la valeur nette des biens donnés (la totalité des biens immeubles et meubles appartenant aux donateurs) déduction faite du passif, constitué par la créance de salaire différé de Jean X..., mais également de la valeur donnée à la charge dont était assortie la donation faite au profit de ce dernier.
L'appelante ne remet pas en cause l'estimation des biens ni, par conséquent, le prix de la cession de ses droits indivis.
Elle soutient que l'équilibre théorique auquel visait l'acte de donation partage aurait été rompu parce que le « bail à nourriture » mis à la charge de Jean X... n'aurait pas été exécuté alors que la valeur en avait été déduite de celle des biens à partager.
C'est par suite de cette inexécution que, selon sa thèse, l'appelante aurait reçu moins que sa part de réserve, de telle sorte qu'elle serait recevable en son action en réduction ou, pour le moins, à se prévaloir de l'enrichissement dont son frère aurait bénéficié sans cause à son détriment (Madame Denise X... épouse Y... vise dans le corps de ses conclusions l'article 1371 du code civil, relatif aux quasi contrats).
L'action en réduction serait justifiée si l'appelante établissait que, par le caractère fictif de la charge dont la valeur était déduite de celle des biens à partager, elle avait en réalité reçu moins que le tiers de ces biens qui correspond à sa réserve.
L'action en réduction n'est pas à proprement parler irrecevable comme l'a jugé le tribunal.
Mais la charge que l'acte de donation imposait à Jean X... n'était pas un bail à nourriture comme le soutient l'appelante.
Il s'agissait d'une obligation dite d'habitation qui stipulait que celui des deux enfants qui garderait la propriété devrait leur vie durant loger les donateurs avec lui dans la maison familiale, les nourrir à leur table, les blanchir, éclairer, chauffer et leurs prodiguer les soins nécessaires à leur état de santé, le tout d'une manière convenable et en rapport avec la situation des parties.
Cette clause imposait à Jean X... d'héberger ses parents leur vie durant avec lui dans la maison familiale et ne lui faisait obligation de pourvoir à leurs autres besoins visés dans l'acte que dans la mesure où leurs ressources propres auraient été insuffisantes, notamment à la fin de leurs jours.
Or ces obligations ont été respectées puisqu'aussi bien Roger X... qui est décédé le 19 avril 1996 que Marie Françoise C... veuve X... qui est décédée dix années plus tard, le 21 mai 2006, à l'âge de 87 ans, ont vécu leur vie durant dans la maison familiale auprès de leur fils, comme l'avait stipulé l'acte de donation partage, dans des conditions qui ont permis de satisfaire à tous les autres besoins visés par cet acte et qui, en toute hypothèse, n'ont été critiquées par personne de leur vivant.
Madame Denise X... épouse Y... n'a jamais été amenée à pallier, en tant que débitrice d'aliments, un quelconque manquement de son frère aux obligations de l'acte de donation partage ; les conditions de l'ébergement de ses parents au domicile de son frère l'ont dispensée de toute contribution aux besoins de ces derniers.
Il apparaît au regard de ces observations que, les charges dont la valeur avait été déduite de celle des biens à partager ayant été respectée, l'action en réduction formée par l'appelante est infondée, comme l'est également sa demande au titre d'un enrichissement sans cause de son frère.
Par suite, la demande d'expertise visant les conditions d'exécution du « bail à nourriture » est injustifiée.
Il a lieu de confirmer le jugement du 19 avril 1999 en ce qu'il a rejeté ces demandes et limité la mesure d'expertise à l'examen des demandes de rapport des avantages indirects.
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Jean X... a adressé en août 2006 à l'appelante au titre de ses droits dans les avoirs bancaires de sa mère un chèque de 271 ¿.
Au vu des conclusions de l'expert désigné par le jugement mixte du 23 octobre 2009, le tribunal a, dans son deuxième jugement du 5 juillet 2013 qui est également déféré à la cour, accueilli partiellement la demande de rapport à succession de Madame Denise X... épouse Y....
Il a ainsi ordonné la liquidation et le partage de la succession en faisant application de la sanction du recel.
C'est à bon droit que le jugement précité a rejeté la demande de rapport de la somme de 46 848 ¿ représentant, selon l'expert, le montant des sommes qui auraient été prélevées sur le compte de Marie Françoise C... veuve X... de 2003 à 2006 au delà de ses besoins normaux, par référence à la moyenne des dépenses prélevées de 1996 à 2003.
En effet, la preuve est rapportée de ce que le raisonnement de l'expert était erroné, non par son fait, mais parce qu'il n'avait pas eu connaissance d'un élément essentiel, à savoir qu'à partir de 2003 l'état de santé de Madame Marie Françoise C... veuve X... avait nécessité la présence d'une aide ménagère dont la rémunération avait été a assurée au moyen de l'allocation d'aide aux personnes âgées versée par le Conseil Général.
Le différentiel de dépenses par rapport à la période de 1996 à début 2003 correspond au financement des salaires de tierces personnes dont le contrat et les bulletins de salaire sont produits aux débats, de telle sorte qu'on peut considérer que, contrairement à ce qui ressort du rapport de l'expert qui n'a pas pris en compte cette aide à domicile, toutes les sommes prélevées sur les comptes de la défunte ont correspondu à ses besoins, tout au moins en moyenne, que ce soit pour la période de 1996 à début 2003 ou pour la période postérieure.
Les retraits effectués par carte bancaire pour un total de 10 480 ¿ entre le 31 mai 2004 et la date du décès font partie du montant global de 46 848 ¿ retenu à tort par l'expert comme ne correspondant pas aux besoins de Marie Françoise C... veuve X..., de sorte que le rapport ne peut pas non plus en être exigé ; le jugement doit être également confirmé sur ce point.
Le tribunal a toutefois ordonné le rapport d'une somme totale de 28 702, 45 ¿ se composant comme suit :
-4 268, 57 ¿ correspondant au total des mouvements opérés des comptes de Marie Françoise C... veuve X... vers ceux de Jean X... et de son épouse ;
-18 293, 88 ¿, montant du contrat d'assurance vie souscrit au bénéfice de Jean X... dont les primes ont été jugées disproportionnées ;
-6 140 ¿ correspondant au total des retraits d'un montant supérieur à 800 ¿.
Madame Marie Françoise C... veuve X... ne disposait que d'une modeste retraite, de l'ordre de 650 ¿ par mois sans compter l'APA qui lui a été versée à compter du mois de juin 2003 afin de financer la rémunération d'une aide ménagère à temps partiel.
Le 2 février 2001, elle a souscrit un contrat d'assurance vie dont le bénéficiaire était son fils Jean et, à défaut, l'épouse de celui-ci, contrat sur lequel elle a placé entre la date de la souscription et le mois d'octobre de la même année la somme totale de 18 293, 88 ¿ provenant de la vente des titres qui représentaient toutes ses économies.
Au regard de l'âge de Madame Marie Françoise C... qui avait 82 ans à la date de la signature du contrat et de sa situation patrimoniale, ces versements avaient un caractère manifestement excessif et l'effet de l'opération n'était pas de permettre au souscripteur de se constituer un capital pour lui même, mais de transmettre au bénéficiaire ce qu'il restait de son patrimoine.
C'est dés lors à bon droit que le premier juge a retenu que ces primes devaient être rapportées à la succession par dérogation aux dispositions de l'article L 132-13 du code des assurances, comme le prévoit en un tel cas d'excès manifeste l'alinéa 2 de ce texte.
En second lieu, les mouvements qui ont été opérés depuis les comptes de Marie Françoise C... vers les comptes joints de son fils Jean et de l'épouse de celui-ci doivent être considérés comme des dons manuels à défaut de justification par les bénéficiaires de ce que ces transferts aient eu une autre cause que l'intention libérale.
En effet, la dépossession qui résulte d'un transfert de compte à compte fait présumer l'intention libérale.
Le jugement doit être également confirmé en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession de la somme de 4 268, 57 ¿ correspondant au total des mouvements vers les comptes des époux Jean X... qui ont pu être identifiés par l'expert judiciaire.
En revanche, ce n'est pas parce que certaines des dépenses qui figurent sur les comptes de Madame Marie Françoise C... veuve X... pour la période de 2003 à la date du décès excèdent la somme de 800 ¿ qu'ils ont nécessairement bénéficié à Jean X... ou à son épouse.
Il est contradictoire, d'un côté, de constater qu'en raison de l'embauche d'une tierce personne dont le salaire a été financé par l'A. P. A. les dépenses moyennes qui ont été faites au cours de cette période n'excédaient pas les besoins de Madame Marie Françoise C... veuve X..., augmentés du fait de la dégradation de l'état de santé de celle-ci, devenue dépendante, et, d'un autre côté, de considérer qu'une partie des dépenses effectuées pendant la même période ne lui auraient pas bénéficié.
Il y a lieu de réformer sur ce point le jugement et de limiter le montant total des sommes à rapporter à 22 562, 45 ¿.
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Il n'est pas démontré que Jean X... et son épouse aient eu conscience de ce que les sommes dont la défunte avait souhaité les gratifier au regard de la présence et des soins qu'ils lui avaient apportés à la fin de sa vie étaient des donations qui devaient être rapportées à la succession ni, par conséquent, qu'ils aient eu l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage en s'abstenant de signaler ces avantages au décès de Marie Françoise C....
Le jugement sera réformé en ce qu'il a fait application de la sanction du recel successoral.
Enfin, le préjudice subi par Madame Denise X... épouse Y... se limite à ce dont elle a été privée dans la succession de sa mère au titre du rapport des avantages indirects que son frère et l'épouse de celui-ci ont retiré de leur cohabitation avec la défunte dont ils se sont occupés sa vie durant et qui a pu, comme elle l'avait souhaité, terminer sa vie dans la maison familiale.
Ce préjudice est réparé par le rapport de la somme de 22 562, 45 ¿ auquel sont tenus les intimés en leur qualités d'héritiers de Jean X..., de telle sorte que l'appelante doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts, faute de justifier de l'existence d'un préjudice distinct.
Il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame Paulette Z... veuve X... et M. Franck X... au paiement de dommages-intérêts.
Il sera confirmé, en revanche, en ses dispositions relatives aux dépens de première instance à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'appelante ayant été contrainte d'engager une action en justice pour faire reconnaître l'obligation à rapport de son frère, même si ses demandes avaient un caractère excessif.
Les parties qui échouent partiellement en leurs appels conserveront l'une et l'autre la charge des sommes qu'elles ont exposées devant la cour au titre des dépens.
Pour la même raison, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en ce qui concerne la procédure d'appel.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 23 octobre 2009 par le tribunal de grande instance de BRIVE, sauf à préciser que l'action en réduction formée par Madame Denise X... épouse Y... est, non pas irrecevable, mais non fondée.
Confirme le jugement prononcé par le même tribunal le 5 juillet 2013, sauf en ce qui concerne le montant de la somme à rapporter, l'application de la sanction du recel successoral et les dommages-intérêts qui ont été alloués à Madame Denise X... épouse Y....
Le réforme sur ces points et, statuant à nouveau.
Limite à 22 862, 45 ¿ le montant du rapport à la succession de Marie Françoise C... veuve X... dû en leur qualité d'ayants droits de Jean X... par Madame Paulette Z... veuve X... et M. Franck X....
Déboute Madame Denise X... épouse Y... de sa demande tendant à faire application de la sanction du recel successoral.
La déboute de sa demande de dommages-intérêts.
Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article précité en ce qui concerne la procédure d'appel. RG 13-1172
Dit que les parties conserveront, chacune, la charge des sommes qu'elles ont exposées devant la cour au titre des dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.