ARRÊT N .
RG N : 13/01307
AFFAIRE :
OGEC CHARLES DE FOUCAULD, OZANAM, JEANNE D'ARC, SAINT-JEAN C/ Arlette X...
PV/MLM
Demande d'indemnités ou de salaires
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 19 JANVIER 2015
Le dix neuf Janvier deux mille quinze, la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
OGEC CHARLES DE FOUCAULD, OZANAM, JEANNE D'ARC, SAINT-JEAN, dont le siège social est 26 rue Eugène Varlin - 87016 LIMOGES CEDEX
représentée par Me Richard DOUDET, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTE d'un jugement rendu le 06 Septembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LIMOGES
ET :
Arlette X..., demeurant ...
comparante en personne, assistée de M. Jean-Luc ZOBELE, Délégué syndical muni d'un pouvoir en date du 1er décembre 2014
Intimée
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A l'audience publique du 08 Décembre 2014, la Cour étant composée de Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre, de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller et de Monsieur François PERNOT, Conseiller, assistés de Madame Geneviève BOYER, Greffier, Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, Maître Richard DOUDET, avocat, a été entendu en sa plaidoirie, et Monsieur Jean-Luc ZOBELE en ses observations.
Puis, Monsieur Patrick VERNUDACHI, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Janvier 2015, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
Mme Arlette X... exerce des fonctions d'enseignante au sein de l'organisme de gestion de l'enseignement catholique Charles de Foucauld, Ozanam, Jeanne d'Arc, Saint-Jean (OGEC) en qualité d'agent public sous contrat d'association depuis le mois de février 1974. Ses heures d'enseignement sont payées par l'Etat.
Déléguée syndicale pour le syndicat SNPEFP-CGT des personnels de l'enseignement privé depuis septembre 2007 et secrétaire académique pour le limousin, membre du comité d'entreprise et déléguée du personnel, Mme X... a effectué des heures de délégation en dehors de ses heures d'enseignement et a sollicité le règlement de ces heures auprès de l'OGEC.
Après avoir refusé de payer les heures de délégation du fait du vide juridique, l'institution OGEC a payé les heures de délégation en août 2009 avec remise d'un bulletin de salaire (régime général) à la suite de l'arrêt de la cour de Cassation rendu le 31 mars 2009.
L'OGEC a cependant refusé le paiement de la majoration au titre d'heures supplémentaires demandé par Mme X... le 2 novembre 2009.
Mme X... a saisi le conseil des prud'hommes de Limoges le 14 mai 2012 qui, statuant en départage par jugement rendu le 6 septembre 2013, a :
condamné l'OGEC à verser à Mme X... au titre des majorations pour heures supplémentaires les sommes de : ¿ 2 898,93 ¿ pour la période de janvier 2008 à septembre 2010. ¿ 2 000,14 ¿ pour la période d'octobre 2010 à février 2012, ¿ 607,09 ¿ pour la période de mars 2012 à septembre 2012,
Débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 ¿,
Condamné l'OGEC à délivrer les documents rectifiés dans un délai de trois mois sous astreinte provisoire de 10 ¿ par jour de retard, sans se réserver la liquidation de l'astreinte,
Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 249,93 ¿ net
Condamné l'OGEC à verser à Mme X... la somme de 50 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Au visa de l'article L 442-5 du Code de l'éducation, le conseil des prud'hommes a relevé que les enseignants bénéficiaires d'un mandat représentatif ont un statut hybride (travail au service de l'Etat) et dans l'intérêt de l'établissement d'enseignement privé pour ce qui est de l'exercice de leur mandat représentatif ; que suivant les dispositions de l'article L 2143-17 du Code du travail les heures de délégation sont considérées de plein droit comme temps de travail et payées à l'échéance normale ; que les heures de Mme X... prises sans décharge en dehors des heures d'enseignement donnaient lieu à majoration de 25 % pour chacune des 8 premières heures supplémentaires.
L'OGEC a interjeté appel de cette décision le 3 octobre 2013 et demande dans ses écritures déposées le 2 décembre 2014, oralement soutenues, de :
Réformer le jugement ,
Condamner Mme X... à restituer les sommes versées en exécution du jugement,
Débouter Mme X... de son appel incident,
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts,
Condamner Mme X... à verser à l'OGEC la somme de 2 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'OGEC soutient que la demande de Mme X... reviendrait à transformer les heures de délégation systématiquement en heures supplémentaires avec majoration de salaire ce qui aurait pour conséquence de créer au profit de cette salariée un avantage totalement exorbitant du droit commun ; que Mme X... tente de profiter du silence de la loi pour imposer à son employeur une majoration indue, car il n'est pas imposé à l'enseignant de prendre ses heures en dehors de ses heures d'enseignement ; que suivant l'article L 442-5 Code de l'éducation les agents publics ne sont pas liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié ; qu'aucun texte ne permet d'étendre de plein droit à ces agents publics la totalité des règle du Code du travail; que Mme X... ne peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires que sur le fondement des dispositions de l'article L 3121-10 et suivants du Code du travail, car elle relève pour les délégations du droit privé (ce qui fonde la compétence du juge privé) et doit apporter la preuve qu'elle a effectué pour le compte direct de l'OGEC plus de 35 heures au titre des heures de délégation ; que de plus, les heures supplémentaires ne sont dues que lorsqu'elles sont «demandées par l'employeur» ou «effectuées au moins avec son accord implicite»
Intimée, Mme X..., demande dans ses écritures soutenues oralement de :
Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Limoges dans toutes ses dispositions,
D'y rajouter, ¿ 1 087,22 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période d'octobre 2012 à juin 2013, ¿ 819,02 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2013 à février 2014, ¿ 2 000,00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner l'OGEC aux entiers dépens.
Mme X... soutient qu'elle effectue ses heures de délégation en dehors de son temps de travail, qu'elle a droit au paiement de ces heures majorées qui constituent des heures supplémentaires ; que le taux horaire de base doit intégrer le traitement brut, le supplément familial et l'indemnité de résidence s'il y a lieu. Le refus de payer relève de la mauvaise foi, mais aussi de l'entrave à l'exercice de l'activité syndicale dès lors que l'OGEC a maintenu sa position alors même que le service juridique du secrétariat général de l'enseignement catholique et l'inspection du travail lui donnait tort. Elle produit notamment un arrêt récent de la Cour de cassation de mai 2014.
SUR CE :
Toute période répondant à la définition du temps de travail effectif effectuée par un salarié au-delà de la durée légale du travail constitue des heures supplémentaires. Ces heures supplémentaires sont des heures demandées par l'employeur ou accomplies avec son accord implicite. En cas de pluralité d'emplois au service de plusieurs employeurs, le décompte des heures supplémentaires ne peut se faire qu'en considération du temps de travail dans chaque entreprise.
En l'espèce, les heures d'enseignement effectuées par l'enseignante Mme X... dans l' établissement géré par l'OGEC sont rémunérées par l'Etat.
Après une période d'incertitude, il est maintenant constant et admis par l'OGEC qui les verse que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et incombent à l'établissement au sein duquel l'enseignant exerce son mandat. Les heures de délégation sont payées par l'établissement privé, cet employeur bénéficiant des heures de délégation au titre de la représentation de ses propres salariés de droit privé.
Reste en suspens la question de la majoration d'heures supplémentaires que sollicite Mme X... pour les heures qu'elle effectue en sa qualité de déléguée syndicale et qu'elle considère comme heures supplémentaires.
Après avoir relevé à juste titre que Mme X... effectuait 18 heures d'enseignement et que ses heures de délégation se déroulaient en sus de ses horaires de travail d'enseignement, le conseil des prud'hommes de Limoges a condamné l'OGEC à verser à Mme X... les majorations pour heures supplémentaires pour la période de janvier 2008 à septembre 2012 en considérant que les heures de délégation prises en dehors de la durée légale du travail constituaient des heures supplémentaires en sus de son travail d'enseignement et que le statut hybride des maîtres de l'enseignement privé ne devait pas amener à considérer qu'ils travaillent pour deux employeurs totalement différents dès lors que le mandat syndical est en lien étroit avec les fonctions d'enseignement.
Le paiement des heures de délégation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat prises en dehors de leur temps de travail, qui ne se confondent pas avec les décharges d'activités de services accordées au représentant syndical en application de l'article 16 du décret no 82-447 du 28 mai 1982, incombe à l'établissement au sein duquel ils exercent les mandats prévus par le Code du travail dans l'intérêt de la communauté constituée par l'ensemble du personnel de l'établissement. Ces heures, effectuées en sus du temps de service, constituent du temps de travail effectif et ouvrent droit au paiement du salaire correspondant, à des majorations pour heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés.
Dès lors que les heures effectuées par Mme X... ont été réalisées en dehors de son temps de travail, c'est à bon droit que le conseil des prud'hommes de Limoges a admis le principe des heures supplémentaires et a fait droit aux demandes de Mme X.... Le jugement sera donc confirmé.
Il convient par ailleurs de faire droit à la demande de Mme X... en lui accordant les sommes de 1 087,22 ¿ brut à titre de rappel de salaire pour la période d'octobre 2012 à juin 2013 et de 819,02 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2013 à février 2014.
En application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile l'équité commande de condamner l'OGEC à verser à Mme X... une somme supplémentaire de 500 ¿.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement rendu le 6 septembre 2013 par le conseil des prud'hommes de Limoges en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne l'OGEC Charles de Foucauld à verser à Mme Arlette X... les sommes de :
* 1 087,22 ¿ brut à titre de rappel de salaire pour la période d'octobre 2012 à juin 2013 , * 819,02 ¿ à titre de rappel de salaire pour la période de juillet 2013 à février 2014,
Condamne l'OGEC à verser à Mme Arlette X... la somme supplémentaire de 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne l'OGEC aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Geneviève BOYER. Patrick VERNUDACHI