COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 09 DECEMBRE 2014
ARRET N.
RG N : 13/ 01205
AFFAIRE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. Olivier X..., M. Yvon Y..., SNC EUROPEAN HOMES PROMOTION 2, SAS EURIGEST SAS EURIGEST agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ayant pour activité l'administration d'immeubles et autres biens immobiliers, SCP Z... A... B... C... D..., SA UNION DE CREDIT POUR LE BÂTIMENT
JCS-iB
préjudice-
Grosse délivrée à Maître VILLETTE, avocat
Le NEUF DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE 1, boulevard Haussman-75009 PARIS
représenté par Me Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES et Me CUTURI, avocat a barreau de BORDEAUX
APPELANTE d'un jugement rendu le 27 JUIN 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
Monsieur Olivier X... de nationalité Française né le 12 Décembre 1965 à SAINT MAUR DES FOSSES (94) (94210) Profession : Agent Immobilier, demeurant...-75004 PARIS
représenté par la SELARL MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur Yvon Y... de nationalité Française né le 27 Juillet 1965 à ANNECY (74000), demeurant...-75004 PARIS
représenté par Me Bertrand VILLETTE, avocat au barreau de LIMOGES
SNC EUROPEAN HOMES PROMOTION 2 10-12 place Vendôme-75001 PARIS
représentée par Me Philippe GRIMAUD, avocat au barreau de LIMOGES et Me ROCCO, avocat au barreau de PARIS.
SAS EURIGEST SAS EURIGEST agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ayant pour activité l'administration d'immeubles et autres biens immobiliers 10 Place Vendôme-75001 PARIS
représentée par Me Valérie ASTIER, avocat au barreau de LIMOGES
SCP Z... A... B... C... D......-87000 LIMOGES
représentée par la SELARL B...-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES
SA UNION DE CREDIT POUR LE BÂTIMENT 2, Rue Laffitte-75009 PARIS
représentée par Me Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES et Me CUTURI, avocat au barreau de BORDEAUX.
INTIMES
Communication a été faite au Ministère Public le 10 octobre 2014 et Visa de celui-ci a été donné le même jour.
L'affaire a été fixée à l'audience du 04 Novembre 2014 pour plaidoirie après ordonnance de clôture a été rendue le 8 octobre 2014.
A l'audience de plaidoirie du 04 Novembre 2014, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Luc SARRAZIN, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Président a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 09 Décembre 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
LA COUR
Le 19 novembre 2007, M. Yvon Y... qui réside à PARIS et qui exerçait alors la profession de cadre en informatique au sein de la société IBM a signé auprès de la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2 un contrat de réservation en vue de l'acquisition d'un logement locatif de Type T2, avec jardin privatif et emplacement de parking, situé à CONDAT SUR VIENNE dans une ensemble immobilier en cours de réalisation.
Le prix était de 117 390 ¿.
Il s'agissait d'une acquisition réalisée en vue d'une défiscalisation dans le cadre de la loi De Robien.
Cet investissement avait été proposé à M. Y... par M. X..., par ailleurs son compagnon, et M. E..., agents commerciaux de la société EUROPEAN HOMES PROMOTION.
Le 27 mai 2008, M. Yvon Y... a accepté afin de financer cette opération une offre de crédit immobilier de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE suivant laquelle le prêt était libellé en francs suisses et remboursable en Euros.
Le montant du prêt, de 202 733, 96 francs suisses, devait permettre de libérer chez le notaire le jour de la signature de l'acte la somme de 123 295 ¿ représentant le montant du financement en Euros du projet et de payer les frais de change correspondant à cette opération, soit 1849, 42 ¿.
La durée prévisionnelle du prêt était fixée à 21 ans.
Le taux, révisable à l'issue de chaque période de cinq ans, était fixé pour la première période à 4, 42 % ; les échéances de remboursement devaient s'élever pendant cette même période, à l'issue d'un différé d'amortissement de 12 mois, à la somme de 870, 11 ¿.
LE TEG était fixé à 5, 38 %.
L'emprunteur bénéficiait à la date du cinquième anniversaire du déblocage des fonds d'une option pour une monnaie de compte en Euros et pour un taux fixe.
L'acte authentique de vente a été signé le 25 juillet 2008 devant Maître C..., notaire associé à LIMOGES ; il incluait en annexe le contrat de prêt.
Le logement a été mis en location en juillet 2008 par la société EURIGEST en vertu d'un mandat de gestion, ce pour un loyer mensuel alors évalué à 450 Euros par mois.
En vertu du contrat de prêt, il a été procédé à l'ouverture de deux comptes au nom de l'emprunteur, un compte interne en francs suisses et un compte interne en Euros, étant précisé que le crédit serait géré " d'une part en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l'état de remboursement de votre crédit et, d'autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement des échéances de votre crédit ".
Les fonds ont été débloqués le 10 juillet 2008 pour une somme de 123 295 euros.
A la réception du relevé trimestriel du 10 mars 2010, date à laquelle le différé d'amortissement avait pris fin et une première échéance avait été prélevée, M. Y... a constaté que la somme restant due s'élevait à 207 985, 91 francs suisses correspondant à la somme, en monnaie de paiement, de 142 182, 94 ¿, supérieure au capital emprunté.
Une proposition lui a été faite en vue d'anticiper la mise en jeu de l'option pour un prêt à taux fixe en euros, ce sur la base d'un capital restant dû de 151 374 ¿ avec un taux fixe de 3, 98 %, remboursable en 281 mensualités de 871 ¿.
M. Y... a critiqué cette offre en ce qu'elle revenait à fixer le capital restant dû à une somme supérieure de plus de 20 % au montant du capital emprunté, ce à la suite de quoi il lui seulement était proposé une prorogation de l'offre de rachat jusqu'au 15 septembre 2011.
M. Y... qui a perdu son emploi le 6 juillet 2011 à la suite d'un licenciement n'a pas donné de suite à la proposition de la banque.
Une ordonnance de référé du président du tribunal d'instance de PARIS en date du 9 février 2012 a suspendu l'exécution des obligations du prêt pour une durée de 24 mois à compter de la signification de la décision.
Courant novembre 2011, M. Y... a fait assigner la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, la société UCB, présentée comme la filiale ayant proposé l'offre de crédit, et la SCP dans le cadre de laquelle exerçait le notaire rédacteur de l'acte, Maître C..., devant le tribunal de grande instance de LIMOGES aux fins d'annulation des contrats de crédit et de vente.
A titre subsidiaire il réclamait l'indemnisation de son préjudice sous la forme de dommages-intérêts.
La société EUROPEAN HOMES PROMOTION a appelé en cause son mandataire, M. Olivier X....
Enfin, M. Y... a à son tour appelé dans la procédure la société EURIGEST.
Le tribunal a par jugement du 27 juin 2013 :
- débouté M. Y... de sa demande d'annulation du prêt et de la vente ;
- mis hors de cause la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2, la société EURIGEST et les notaires ;
- dit que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE n'avait pas respecté son devoir de mise en garde envers M. Y... lors de la souscription du contrat de crédit ;
- débouté toutefois M. Y... de ses demandes de dommages-intérêts dirigées contre la banque à défaut de justifier d'un préjudice indemnisable ;
- constaté que l'appel en garantie formé par le promoteur à l'encontre de M. X... était sans objet ;
- rejeté les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts de ce dernier et des parties mises hors de cause ;
- condamné M. Yvon Y... à verser à la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2, à la société EURIGEST et à la SCP C... et autres associés, pour chacune, une indemnité de 800 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. Y... aux dépens, à l'exception de ceux relatifs à l'assignation de M. X..., mis à la charge de la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2.
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a formé par déclaration remise au greffe le 11 septembre 2015 un appel limité aux dispositions du jugement qui ont dit qu'elle n'avait pas respecté son devoir de mise en garde.
M. Yvon Y... à son tour relevé appel par déclaration du 11 septembre 2013 en intimant toutes les parties présentes en première instance.
Dans ses dernières écritures qui ont été remises au greffe le 3 juin 2014, M. Yvon Y... qui ne conclut en définitive qu'à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde au regard du risque d'endettement qui résultait de la situation de son client à la date de la souscription du prêt et de la complexité de ce prêt qui soumettait l'emprunteur, non averti, au danger de la variation du taux de change entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement ;
- de réformer pour le surplus la décision entreprise et, l'évolution du prêt le mettant dans l'impossibilité de rembourser le prêt même en procédant à la vente du logement dont ce prêt devait permettre de financer l'acquisition, de condamner la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui payer des dommages-intérêts de 50 000 ¿ ;
- de condamner en outre ladite société à lui verser des dommages-intérêts de 30 000 ¿ pour préjudice moral, outre une indemnité de 5 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions qui ont été déposées le 12 février 2014, La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE 2, anciennement dénommée CETELEM, et l'UCB aux droits de laquelle ladite société déclare venir aujourd'hui demandent quant à elles :
- de constater la dissolution de plein droit de l'UCB, assignée par M. Y..., par suite de la fusion-absorption décidée par une assemblée générale extraordinaire du 30 juin 2008 ;
- de dire que la banque n'était pas tenue à l'égard de M. Y... d'une obligation de conseil au sujet de l'investissement qu'il souhaitait financer, ni d'une obligation de mise en garde dés lors que le crédit proposé qui était adapté à la situation économique de l'emprunteur à la date de sa souscription ne faisait pas en lui-même peser sur celui-ci de risque d'endettement ;
- de dire que le risque lié à la variation du taux de change ne relevait que de l'obligation d'information, parfaitement respectée dés lors que les énonciations du contrat délivraient une information claire et précise sur les mécanismes et conséquences d'une telle variation ;
- de constater, par ailleurs, que les conséquences de la variation du taux de change étaient lissées sur la longue durée du prêt, que le montant des mensualités du prêt qui étaient simplement réajustées tous les cinq ans sont restées fixes pour l'emprunteur jusqu'à ce jour et que des garanties sont prévues en faveur de celui-ci qui, au terme de la première période de cinq ans, dispose d'une option de conversion de la monnaie de compte en euros avec un taux fixe ;
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la banque n'avait pas respecté son obligation de mise en garde ;
- en toute hypothèse de le confirmer en ce qu'il a dit que M. Y... ne justifiait pas d'un préjudice indemnisable ;
- de condamner celui-ci à lui verser une indemnité de 8 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EURIGEST demande dans des conclusions du 24 mars 2014 de constater qu'aucune réformation des dispositions du jugement la concernant n'est sollicitée en appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Y... de ses demandes formées contre elle et de condamner celui-ci à lui payer des dommages-intérêts de 5 000 ¿ pour procédure abusive outre une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP Z... A... B... C... D... demande dans des conclusions du 16 janvier 2014 de constater qu'aucune réformation n'est sollicitée des dispositions du jugement qui ont débouté M. Y... de ses demandes formées contre les notaires, de confirmer ces dispositions et de condamner l'appelant à lui payer une indemnité de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Olivier X... demande dans des conclusions déposées le 13 février 2014 :
- de statuer ce que de droit sur l'appel de M. Y... ;
- en toute hypothèse de débouter la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2 de son appel en garantie ;
- de condamner ladite société à lui verser des dommages-intérêts de 5 000 ¿ pour procédure abusive outre une indemnité de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2 a déposé le 3 juin 2014 puis le 23 juillet 2014 des conclusions qu'une ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er octobre 2004 a déclarées irrecevables pour inobservation du délai de deux mois prévu par les articles 909 et 910 du code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Il sera donné acte à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de ce qu'elle vient aux droits de la société CETELEM et de l'UCB qui a été dissoute à la suite d'une décision de fusion absorption.
La cour n'est plus saisie que du litige qui oppose M. Y... à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dés lors que l'appelant, bien qu'il ait intimé toutes les parties présentes en première instance et ait fait assigner celles qui n'avaient pas constitué avocat, ne dirige plus ses demandes qu'à l'encontre de la banque.
Cette demande est fondée sur l'inobservation par le banquier bailleur de fonds de l'obligation de mise en garde.
Il est incontestable que M. Y... qui a été prospecté par les agents commerciaux d'une société de promotion immobilière spécialisée dans la construction et la vente de biens immobiliers en défiscalisation et, pour le financement de l'opération, a contracté avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE dont le produit HELVET IMMO lui avait été proposé par le promoteur ou ses mandataires n'est pas un emprunteur averti.
Sa qualité d'informaticien conseil au sein de la société IBM n'est pas susceptible de lui conférer cette qualité qui suppose des compétences particulières dans le domaine des produits financiers.
En l'espèce, l'appréciation des risques d'endettement générés par le prêt doit être faite au regard de la situation personnelle de l'emprunteur à la date de la souscription du prêt mais également, parce que c'est essentiellement ce mécanisme qui est à l'origine de l'augmentation anormale du poids de la dette, du risque lié à la variation par rapport à l'Euro, monnaie de paiement, de la valeur de la monnaie de compte qui est le franc suisse.
A la date de l'offre de crédit acceptée par M. Y..., c'est à dire en mai 2008, les ressources de l'emprunteur qui n'avait pas de charges de famille étaient, d'après les revenus déclarés pour 2007, de l'ordre de 5 344 euros par mois (sur la base de revenus déclarés de 64 129 ¿ avant abattement).
Les charges autres que celles de la vie courante étaient constituées par les mensualités du prêt immobilier que M. Y... avait contracté pour l'achat de son habitation principale, un apparemment situé à PARIS dans le 4ème arrondissement, soit 1878 ¿ par mois, et par les mensualités d'un prêt personnel d'une durée de 84 mois qui s'élevaient à 349, 85 ¿.
Le total de ces charges d'emprunts était de 2228 ¿ par mois ce qui, rapporté au revenu moyen, représentait un endettement de l'ordre de 40 %.
Il est exact, comme le relève la banque, qu'on ne peut pas ajouter l'intégralité du montant des mensualités du nouveau prêt qui, pendant chaque période de cinq ans étaient fixes et, pour la première période, s'élevaient à 870 ¿, à ces charges d'emprunt préexistantes dans la mesure où elles devaient être assumées au moyen de l'encaissement de loyers (450 ¿ par mois) et des économies d'impôts résultant de l'application de la loi de défiscalisation.
Il demeure que le " reste à vivre " sur lequel l'emprunteur devait retrancher les charges de la vie courante n'était que de l'ordre de 2 500 à 3 000 ¿ par mois, ce qui pouvait le mettre dans une situation délicate au moindre incident affectant ses ressources, tels qu'une vacance locative ou la perte de son emploi.
M Y... pouvait toutefois appréhender ce risque et ce n'est pas au seul regard de sa situation personnelle à la date de la souscription du prêt qu'on peut reprocher à la banque un manquement à l'obligation de mise en garde.
En revanche, l'emprunteur, à la différence de la banque, concepteur de ce produit qui était censé faire bénéficier les emprunteurs d'un taux d'intérêt plus avantageux que celui des prêts libellés en euros, n'était pas en mesure d'appréhender le risque que faisait peser pour lui une variation importante et brutale des parités entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, variation qui pouvait être telle que le montant du capital se trouverait augmenté en dépit des règlements mensuels devant permettre de l'amortir.
Il était d'autant moins en mesure d'appréhender ce risque que l'argumentaire de la diffusion du produit HELVET IMMO était basé sur la stabilité « historique » de la parité entre les deux monnaies.
S'il est exact que la société PARIBAS PERSONAL FINANCE ne pouvait pas prévoir l'imminence de la crise financière de 2008 à la date de l'acceptation de l'offre de prêt (27 mai 2007), il demeure que le risque d'un décrochage de l'euro par rapport au franc suisse ne pouvait pas être éludé au regard des fortes différences que présentaient les économies de la zone Euro et de la Suisse, pays riche dont l'économie attire les capitaux.
L'assurance de stabilité sur laquelle était basé l'argumentaire du produit HELVET IMMO dissimulait le grave danger que présentait en réalité pour les emprunteurs le risque d'une variation brutale et importante des parités entre la monnaie de compte dans laquelle était libellé le prêt et la monnaie de paiement.
Contrairement à ce que soutient la banque, ce risque pesait principalement sur l'emprunteur, tenu de rembourser l'équivalent en euros de la valeur du prêt en francs suisse, avec une répercussion sur la durée du prêt et, si l'allongement de cette durée n'était pas suffisant, sur le montant des mensualités.
En effet, s'il est exact que la banque avait dû elle-même emprunter la somme en francs suisses sur le marché, elle disposait en cas de défaillance de l'emprunteur d'un gage sur le patrimoine personnel de celui-ci, en l'espèce constitué du bien que le prêt était destiné à financer, mais également d'une habitation principale à forte plus value puisque située dans un quartier particulièrement recherché du centre historique de PARIS.
Il est exact, également, que le contrat de prêt envisage le risque de variation du taux de change et prévoit un mécanisme permettant, par ajustement de la durée du prêt, de le gérer sans danger apparent pour l'emprunteur.
Toutefois, la description de ce mécanisme qui est formulée de manière rassurante pour l'emprunteur ne fait pas envisager l'éventualité d'un décrochage de la parité aussi important que celui-qui s'est manifesté en l'espèce, ni la conséquence, anormale et contractuellement inacceptable, consistant dans l'augmentation du capital emprunté en dépit du versement des mensualités qui étaient censées permettre l'amortissement de ce capital.
La banque qui n'a pas alerté l'emprunteur au sujet de ce risque qui était susceptible de provoquer son surendettement et la ruine de son patrimoine a manifestement manqué à l'obligation de mise en garde, l'information donnée dans des termes qui ont une tonalité rassurante n'étant pas de nature à procurer à l'emprunteur une conscience suffisante du danger potentiel que renfermait le produit complexe conçu par la banque.
Ce défaut de mise en garde est d'autant plus préjudiciable que le prêt HELVET IMMO était en l'espèce proposé à un particulier qui n'avait pas de sources de revenus dans le pays dont la monnaie avait été choisie pour monnaie de compte et dont la motivation n'était pas spéculative ; son but était seulement, sur le conseil du promoteur qui lui avait proposé une opération à laquelle il n'aurait pas songé s'il n'avait pas été démarché, de valoriser son patrimoine au moyen de l'opportunité offerte par une législation incitant les contribuables à investir dans la construction de logements moyennant des avantages fiscaux.
Le jugement doit être confirmé, avec une modification en ce qui concerne les motifs, en ce qu'il a retenu que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a manqué à son obligation de mise en garde au regard du risque caractérisé d'endettement que les modalités du prêt, inadaptées au financement de l'opération de défiscalisation d'un particulier, étaient en elles mêmes susceptibles de générer au préjudice de l'emprunteur.
Le tribunal a toutefois débouté M. Y... de sa demande de dommages-intérêts au motif qu'il ne justifiait pas d'un préjudice né et actuel.
Il est exact que le prêt a été souscrit sur une période de 21 ans et que l'opération ayant été conclue en juillet 2008, l'acquéreur-emprunteur bénéficie toujours de la défiscalisation qui lui permet d'assumer le paiement des échéances du prêt au moyen de l'économie d'impôt qui s'ajoute aux loyers.
On peut imaginer, par ailleurs, une inversion de l'évolution de la parité entre les monnaies de compte (le franc suisse) et de paiement (l'euro) par suite d'une appréciation de la seconde par rapport à la première.
Mais il faut en réalité tenir compte de la situation concrète dans laquelle se trouvait l'emprunteur lorsqu'il a engagé l'action et dans laquelle il se trouve toujours à la date à laquelle il est statué.
M. Y... a perdu son emploi et, par suite, il ne se trouve plus dans la situation économique et fiscale sur la base de laquelle avait été conçue l'économie de l'opération et de son financement.
Une décision du juge d'instance de son domicile en date du 9 février 2012 a suspendu pour deux ans l'exécution des obligations du prêt, délai qui est aujourd'hui expiré, ce qui l'expose à tout moment à la déchéance du terme et à des poursuites aux fins de saisie immobilière.
Il est par ailleurs tout à fait théorique et illusoire de compter sur une appréciation de l'euro au regard des difficultés que connaît aujourd'hui la zone Euros pour laquelle un taux élevé de sa monnaie est devenu un handicap.
En toute hypothèse la situation obérée de l'emprunteur ne lui permet pas de compter sur la durée du prêt pour bénéficier d'une hypothétique remontée de l'euro par rapport au franc suisse.
La situation critique dans laquelle l'opération en litige a plongé l'emprunteur est bien constitutive d'un préjudice né et actuel qui est évaluable et indemnisable.
Le préjudice causé par la défaillance du prêteur à l'obligation de mise en garde consiste dans la perte de la chance qu'aurait eu l'emprunteur de ne pas contracter et d'éviter la situation d'endettement dans laquelle l'opération qui lui a été proposée l'a plongé.
Contrairement à ce qu'à retenu le premier juge, la probabilité de ce que M. Y... ait refusé de contracter s'il avait été conscient de l'anomalie consistant dans le fait que sa dette pouvait augmenter en dépit du règlement des mensualités du prêt est élevée.
M. Y... à qui l'opération de défiscalisation et son financement ont été présentés comme un tout cohérent et adapté n'a pas à justifier de démarches en vue d'obtenir un financement par d'autres organismes de crédit qui lui auraient proposé un prêt immobilier classique, en euros.
Le capital restant dû s'élève, selon le dernier relevé trimestriel qui est produit au débat qui est du 10 septembre 2013, à la somme de 157 651 Euros, soit 34 356 ¿ de plus par rapport à la somme empruntée (132 312).
Il est fort probable que l'appelant n'aurait pas contracté s'il avait été mis en mesure de concevoir une telle conséquence qui est aberrante.
Cette augmentation n'est pas la conséquence de l'accumulation des intérêts dont l'ordonnance du 9 février 2012 a également suspendu le cours, mais exclusivement celle des modalités du prêt relatives à l'adoption du franc suisse pour unité de compte.
En juin 2011, alors que M. Y... s'était acquitté pendant deux ans des mensualités du prêt (à l'issue d'un différé d'amortissement d'un an à compter du déblocage des fonds qui avait eu lieu le 10 juillet 2008), le capital dû en Euros était de 167 701 ¿, soit 44 406 ¿ de plus que le montant du prêt.
L'endettement généré par l'opération en litige peut être évalué sur la base de la différence entre, d'une part, le capital restant dû suivant le dernier relevé connu (septembre 2013) et, d'autre part, la valeur de revente du bien que le prêt a servi à financer, laquelle se situe, selon l'avis de valeur du 5 juillet 2013 produit par M. Y..., à une somme entre 90 000 et 95 000 ¿.
Cet endettement est par conséquent de l'ordre de 60 000 ¿.
Il y a lieu d'estimer le préjudice constitué par la perte de la chance de ne pas avoir contracté le prêt qui a généré l'endettement à 75 % de la somme sus indiquée, soit 45 000 ¿.
La société BNP PARIBAS FINANCE sera condamnée à payer à M. Y... des dommages-intérêts correspondant à cette somme de 45 000 ¿.
En revanche, le préjudice en rapport avec le manquement imputable à la banque est seulement de nature économique ; il ne peut pas être reproché à cette dernière qui subit elle aussi les conséquences d'une crise dont l'importance n'avait été prévue par personne d'avoir cherché à protéger ses intérêts dans le traitement des réclamations de l'emprunteur.
M. Y... sera en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Il est fondé à réclamer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE une indemnité de 5 000 ¿.
L'appel en cause des autres parties intimées n'a généré pour elles aucun préjudice ni frais autres que les dépens dés lors que M. Y... n'a dirigé ses demandes qu'à l'encontre de la société PARIBAS PERSONAL FINANCE ; les demandes formées par la société EURIGEST et par la SCP Z... A... B... CHALOPIN C... D..., que ce soit à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ou au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront rejetées.
M. X... a été assigné par M. Y... qui l'avait intimé et non par la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2 que ce dernier a également intimée bien qu'il ne forme de demande ni contre elle, ni contre M. X....
Dés lors, M. X... sera débouté des demandes qu'il forme contre la société EUROPEAN HOME PROMOTION 2 à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Constate que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE vient aux droits de la société UCB qui a été dissoute à la suite d'une décision de fusion-absorption du 30 juin 2008.
Constate que M. Yvon Y... ne conclut devant la cour qu'à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE a manqué à l'obligation de mise en garde.
Le réforme en ce qu'il a retenu que M. Yvon Y... ne justifiait pas d'un préjudice indemnisable.
Statuant à nouveau, condamne la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. Yvon Y... la somme de 45 000 ¿ à titre de dommages-intérêts.
Déboute M. Y... de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Condamne la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à lui verser une indemnité de 5 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions non contraires au présent arrêt.
Rejette les demandes de dommages-intérêts ou au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées à l'encontre de M. Y... par la société EURIGEST et par la SCP Z... A... B... C... D....
Rejette les demandes de dommages-intérêts et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile formées par M. X... à l'encontre de la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2.
Condamne la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens de première instance et d'appel, sauf en ce qui concerne ceux exposés par la société EURIGEST, la SCP Z... A... B... C... D..., la société EUROPEAN HOMES PROMOTION 2 et M. Olivier X... qui resteront à la charge de M. Y....