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27/11/2014 | FRANCE | N°13/01067

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 27 novembre 2014, 13/01067


ARRET N.
RG N : 13/ 01067
AFFAIRE :
M. Jean-Philippe X...Agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité de représentant légal de Anaïs et Laurine X...
C/
M. Patrick Z..., M. Patrice A..., Société RSI DU LIMOUSIN

CM-iB

réparation de dommages causés par activité médicale

Grosse délivrée à PINARDON, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 27 NOVEMBRE 2014--- = = = oOo = = =---

Le VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la di

sposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Jean-Philippe X...agissant en son nom personnel ainsi qu...

ARRET N.
RG N : 13/ 01067
AFFAIRE :
M. Jean-Philippe X...Agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité de représentant légal de Anaïs et Laurine X...
C/
M. Patrick Z..., M. Patrice A..., Société RSI DU LIMOUSIN

CM-iB

réparation de dommages causés par activité médicale

Grosse délivrée à PINARDON, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 27 NOVEMBRE 2014--- = = = oOo = = =---

Le VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Jean-Philippe X...agissant en son nom personnel ainsi qu'en qualité de représentant légal de Anaïs et Laurine X...de nationalité Française né le 14 Novembre 1966 à BRIVE LA GAILLARDE (19100) Profession : Sans profession, demeurant ...-19410 PERPEZAC LE NOIR

représentée par Me Aurélie PINARDON, avocat au barreau de BRIVE-LA-GAILLARDE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 13/ 5547 du 23/ 01/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)

APPELANT d'un jugement rendu le 12 JUILLET 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE

ET :
Monsieur Patrick Z... de nationalité Française né le 28 Avril 1956 à SALON DE PROVENCE Profession : Médecin, demeurant ...-19410 PERPEZAC LE NOIR

représenté par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES

Monsieur Patrice A...de nationalité Française né le 28 Mai 1951 à Avoine Orne Profession : Médecin, demeurant ...-19410 PERPEZAC LE NOIR

représenté par Me Philippe CLERC, avocat au barreau de LIMOGES

Société RSI DU LIMOUSIN 60, Bd Koenig-19100 BRIVE LA GAILLARDE

représentée par Me Michel LABROUSSE, avocat au barreau de TULLE/ USSEL

INTIMES
--- = = oO § Oo = =---

Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 23 Octobre 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 27 Novembre 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2014.

A l'audience de plaidoirie du 23 Octobre 2014, la Cour étant composée de Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame Christine MISSOUX, Conseiller a été entendue en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Jean-Claude SABRON, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 Novembre 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---

FAITS ET PROCEDURE

Madame Nadine C...épouse X..., qui était en excellente santé, est décédée à l'âge de 36 ans d'une insuffisance respiratoire sévère, puis cardiaque, très probablement provoquée par la grippe H1N1.
Suite à un état fébrile, Mme X...a consulté son médecin traitant le Dr A...le 5 décembre suivant.
Elle a été hospitalisée le 11 décembre, et le 17 décembre au matin, elle décédait.
Estimant que le médecin traitant de son épouse, le Dr A..., et en son absence, son associé, le Dr Z..., ont manqué l'un et l'autre, à leur obligation de soins diligents, Monsieur X...Philippe agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de leurs deux enfants mineurs Anaïs et Laurine, a obtenu une mesure d'instruction selon une ordonnance prononcée le 1er juillet 2010 par le juge des référés du tribunal de grande instance de BRIVE qui a désigné le médecin expert D..., lequel s'est adjoint en qualité de sapiteur, le Dr E..., praticien hospitalier dans le service des maladies infectieuses et tropicales.
L'expert a déposé son rapport duquel il résulte :
- que les soins et actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale du 5 décembre 2009 au 7 décembre, bien que l'anti-inflammatoire (solumédrol) prescrit le 7, soit contre-indiqué au cours des états infectieux et ne saurait se justifier par la seule fièvre, car cet anti-inflammatoire a pu jouer un rôle délétère direct sur la probable virose, favorisant la multiplication du virus et contribuant probablement à masquer en outre, les manifestations de la virose,
- que les soins n'apparaissent pas attentifs, diligents et conformes aux données de la science médicale " à compter du 9 décembre 2009, car " l'alarme téléphonique " d'un infirmier expérimenté devant la persistance de la fièvre malgré un traitement antibiotique majeure, imposait, non pas une hospitalisation d'emblée mais un examen clinique, d'éventuels examens complémentaires et/ ou modification du traitement inefficace (manque de précautions nécessaires) qui n'ont pas eu lieu,
- que les soins n'ont pas été attentifs, diligents et conformes aux données de la science médicale le 10 décembre 2009 suite à un dysfonctionnement du cabinet médical, comme l'écrit la secrétaire, qui filtrant l'appel de Monsieur X..., a tenté téléphoniquement de joindre le Docteur Z... pour lui signaler l'aggravation constatée par l'infirmier, ce qui nécessitait alors une visite urgente, et très probablement une hospitalisation. Il s'agit d'une défaillance fautive.
Le Dr D...conclut à un retard de prise en charge de 48 heures, tandis que le sapiteur l'évalue à 24 h.
Au résultat de cette expertise, et par acte du 3 novembre 2011, Monsieur Jean-Philippe X..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, Laurine X...née le 12 février 2001 et Anaïs X..., née le 23 septembre 2004, a assigné Monsieur Patrick Z... et Monsieur Patrice A..., tous deux exerçant en qualité de médecins au sein du groupe médical Z... Patrick-A...Patrice sur le fondement de l'article 33 du code de déontologie médicale, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, retenir la responsabilité in solidum des deux médecins tant sur le plan quasi délictuel que sur le plan contractuel et les condamner in solidum, outre aux dépens, à payer la somme principale de 256. 815 ¿ telle que détaillée dans ses écritures.
Puis, par acte du 22 novembre 2011, Monsieur Jean-Philippe X...agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, a assigné le régime social des indépendants (RSI) aux fins de jugement commun.
Par un jugement du 12 juillet 2013, le tribunal de grande instance de BRIVE a débouté Monsieur Jean-Philippe X...agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, Laurine X...et Anaïs X..., de l'intégralité de ses demandes, faute par lui de rapporter la preuve d'une faute des docteurs Patrice A...et Patrick Z..., et a également débouté les médecins de leurs demandes.

Pour débouter le demandeur à l'action, le tribunal a estimé qu'il n'était pas démontré que le Docteur A...aurait dû faire hospitaliser sa patiente le mercredi 9 décembre 2009 à la suite de l'appel de l'infirmier Monsieur F...car son état ne justifiait pas à ce moment-là une telle décision, et qu'il ne saurait non plus lui être reproché de ne pas avoir examiné sa patiente le jeudi 10 décembre 2009, journée au cours de laquelle il ne travaillait pas, de sorte qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée.
Quant au Dr Z..., le tribunal relevait que les attestations de la secrétaire du cabinet médical et de l'infirmier témoignaient de ce que Monsieur X...leur avait indiqué ne pas vouloir que le Dr Z... se déplace au chevet de son épouse, faisant le choix d'attendre le retour du Dr A...le lendemain.
Monsieur X...et ès-qualité, a interjeté appel de cette décision.
Au soutien de son appel, M. X...et ès-qualité fait valoir que les premiers juges ne pouvaient écarter les conclusions concordantes des deux médecins experts pour le débouter de ses demandes visant à retenir la responsabilité des deux médecins, dès lors que tant l'expert judiciaire que le sapiteur ont retenu deux fautes à l'encontre de ces médecins, une première faute dans le choix du traitement, et une seconde, dans le retard de la prise en charge de leur patiente.
Il conclut donc à la réformation du jugement, et vu les dispositions des articles 1382 du code civil et L 1142-1 du code de la santé publique, sollicite voir retenir la responsabilité des docteurs Patrice A...et Patrick Z... s'agissant de la perte de chance de Madame X...d'être soignée correctement, qui seront condamnés in solidum à lui payer les sommes suivantes :
. Préjudice extra-patrimonial
préjudice d'affection : 75. 900 ¿ soit 25. 300 ¿ par parent préjudice d'accompagnement : 16. 500 ¿ pour les trois parents préjudice des souffrances endurées : 17. 000 ¿

. Préjudice patrimonial
perte de revenus capitalisés pour Monsieur X...: 122. 022 ¿ perte de revenus capitalisés pour Laurine : 20. 275 ¿ perte de revenus capitalisés pour Anaïs : 50. 751 ¿

. Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3000 ¿.
Les Docteurs Z... et A..., faisant défense commune, et réitérant leurs moyens de défense repris par les premiers juges, sollicitent pour leur part, voir :
- débouter Monsieur Jean-Philippe X...agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, Laurine X...et Anaïs X..., de l'intégralité de ses demandes-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la tribunal de grande instance de Brive le 12 juillet 2013 sauf en ce qu'il a débouté les Docteurs Patrice A...et Patrick Z... de leur demande présentée au titre de l'article 700

et réformant la décision critiquée de ce chef,- condamner Monsieur X...Jean-Philippe agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, Laurine X...et Anaïs X..., outre aux dépens, à payer aux Docteurs Patrice A...et Patrick Z... une indemnité de 3. 000 ¿ par application de l'article 700,

A titre subsidiaire,- " tenir compte dans l'hypothèse où le dossier ne serait pas en cas de liquidation d'un éventuel préjudice, renvoyé à la Mise en état pour conclusions des parties, des observations ci-dessus développées "

Pour sa part, et dans l'hypothèse où la responsabilité des Docteurs Patrick Z... et Patrice A...serait consacrée par la cour, le RSI DU LIMOUSIN sollicite leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes :

- dépenses de santé frais médicaux et d'hospitalisation) 9. 809, 11 ¿- pertes de revenus76. 24 ¿- autres dépenses (capital décès et capital orphelin) 10. 292, 40 ¿------------------- Total20. 177, 75 ¿

et dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date de l'introduction de l'instance,
-997 ¿ au titre de l'indemnité forfaitaire en application des articles L376-1 et L454-1 du code de la sécurité sociale,
-1. 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 ainsi qu'en tous les dépens.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu qu'il convient de rappeler que Madame Nadine C...épouse X..., âgée de 36 ans, et dont il est constant qu'elle était en excellente santé, a présenté à compter du 30 novembre 2009 un état fébrile ;
Qu'après avoir fait de l'auto-médication, elle a consulté le 5 décembre le Docteur Z..., du cabinet médical Z...-A...;
Que le Lundi 7 décembre 2009, le Docteur A...lui a prescrit par voie intraveineuse, des injections de Rocéphine (antibiotique) et de Solumédrol (anti-inflammatoire), administrées par l'infirmier Monsieur F...;
Que le 10 décembre 2009 au matin, Monsieur Jean-Philippe X...a appelé, sur les conseils de l'infirmier, le cabinet médical sus-visé, pour signaler l'état inquiétant de son épouse ;
Que le Docteur A..., qui ne travaille pas le jeudi, est venu au domicile de la patiente le lendemain, soit le vendredi 11 décembre 2009 en début de matinée, et a fait hospitaliser Madame Nadine C...épouse X...au centre hospitalier de Brive par transport en ambulance des pompiers, où elle est décédée à 3h40 le 17 décembre suivant, après avoir été prise en charge par le service de réanimation et avoir été intubée.
Le docteur E..., infectiologue et praticien hospitalier, désigné comme sapiteur par l'expert judiciaire, a donné son avis le 4 février 2011, pages 9 et 10 :
- le 5 décembre 2009, le docteur Z... prescrit un traitement pour une rhino-pharyngite avec fièvre à 38, 2o, probablement virale, parfaitement adapté,- le 7 décembre 2009, le docteur A...prescrit un antibiotique (Rocephine) qui est justifié par la persistance des signes cliniques de surinfection, et un anti-inflammatoire (le solumédrol).- le 9 décembre 2009, l'infirmier appelle le cabinet médical pour signaler la persistance de la fièvre et l'importance de la fatigue,- le 10 décembre 2009, l'infirmier signale au cabinet médical la polypnée qui l'inquiète, et qui aurait dû justifier une hospitalisation immédiate.

Ce médecin mentionne que les causes de l'absence d'un avis médical et/ ou une hospitalisation sont diverses : le repos hebdomadaire du Docteur A..., les difficultés de communication entre l'époux, la secrétaire médicale et le Docteur Z... qui indique qu'aucune demande de visite ne lui a été transmise, le sapiteur faisant observer que la famille n'a pas appelé le Centre 15.
Ce médecin conclut que la prise en charge médicale de l'infection pulmonaire de Madame Nadine X...a été effectuée dans le respect des bonnes pratiques cliniques en dehors de deux éléments :
- la prescription de Solumédrol le 7 décembre 2009 par le docteur A..., médicament contre-indiqué au cours des états infectieux qui peut avoir un rôle délétère direct, favorisant la multiplication des virus et contribuant à masquer les manifestations de la virose,- le retard à l'hospitalisation, qui n'est intervenu que le 11 décembre 2009, alors que le 10 décembre 2009, l'infirmier Monsieur F...a signalé la polypnée inquiétante, ce qui aurait dû conduire à l'hospitalisation immédiate. Il précise n'avoir trouvé aucun critère objectif pour évaluer ce retard à 48 heures mais ce critère existe pour l'évaluer à 24 heures car les signes de gravité sont relevés dès le 10 décembre 2009.

L'expert judiciaire reprend à son compte une partie des conclusions du sapiteur, mais estime que le retard dans la prise en charge est de 48 heures car, dès le 9 décembre 2009, une intervention de l'un des deux médecins était nécessaire. Ces conclusions sont les suivantes :
- le décès a été provoqué par une insuffisance respiratoire sévère, puis cardiaque très probablement provoquée par la grippe AH1N1,- la patiente était initialement en excellent état de santé,- les soins et actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale le 5 décembre 2009 ainsi que le 7 décembre 2009, mais l'anti-inflammatoire n'était pas justifié par la seule fièvre, et a pu avoir joué un rôle délétère,

- Les soins n'apparaissent pas attentifs, diligents et conformes aux données de la science médicale " le 9 décembre 2009 car " l'alarme téléphonique " d'un infirmier expérimenté devant la persistance de la fièvre malgré un traitement antibiotique majeure, imposait, non pas une hospitalisation d'emblée mais un examen clique, d'éventuels examens complémentaires et/ ou modification du traitement inefficace (manque de précautions nécessaires),
- Les soins n'ont pas été attentifs, diligents et conformes aux données de la science médicale " le 10 décembre 2009 car " il s'agit d'un dysfonctionnement du cabinet médical comme l'écrit la secrétaire le 7 septembre 2010 qui a filtré l'appel de Monsieur X..., a tenté téléphoniquement de joindre le Docteur Z... pour lui signaler l'aggravation constatée par l'infirmier, qui nécessitait alors une visite urgente et très probablement une hospitalisation (défaillance fautive) ",
- retard de prise en charge de 48 heures.
Attendu qu'il résulte clairement de ces conclusions que le Dr A...a commis une première faute médicale par rapport aux données acquises de la science en administrant un anti-inflammatoire (le solumédrol) qui est noté par les experts comme étant déconseillé en présence d'une infection puisqu'il masque la virose et favorise la multiplication du virus, ce que ne peut ignorer ce médecin ;
Qu'il a ainsi probablement participé à aggraver l'état de sa patiente et en tout cas, augmenté le risque encouru par cette dernière ;
Que pour leur défense, les médecins produisent un avis du Pr Anne Claude G...en date du 6 avril 2012 (pièce non numérotée), elle aussi spécialiste des maladies infectieuses et tropicales ;
Que toutefois, cet avis n'apporte rien aux débats, dès lors que ce professeur n'a pas été interrogé, et/ ou n'a pas répondu, sur l'administration de cet anti-inflammatoire le Solumédrol, qui seul, est querellé en l'espèce ; qu'en effet, son avis porte sur la prescription d'une antibiothérapie parentale par cétriaxone (= Rocéphine) le 7 décembre qu'elle note comme étant particulièrement adaptée car la cétriaxone est active sur la très grande majorité des bactéries surinfectant les grippes, rejoignant en cela, celui de l'expert judiciaire et de son sapiteur ; qu'ensuite, son avis portant sur la réanimation est également indifférent dès lors que le service de réanimation du centre hospitalier qui a accueilli Mme X...n'est pas en cause.
Attendu qu'il résulte également de l'expertise que les Dr A...et Z... auraient commis une faute médicale en n'ordonnant pas à temps, l'hospitalisation de Mme X..., car le jeudi 10 décembre au matin (jour de congé du Dr A...) celle-ci aurait du être hospitalisés, et au moins, son état aurait du faire l'objet d'un examen clinique ;
Que les médecins opposent en défense, que ce retard qui leur est imputé relève du choix de M. X...de ne pas consulter le Dr Z... qui est le seul de garde au cabinet le jeudi, mais d'attendre le lendemain le retour du Dr A..., tel qu'en justifierait la secrétaire médicale (attestation du 7 septembre 2010) et de l'infirmier (attestation du 27 janvier 2011), ce que conteste M. X...;
Que toutefois, ce même infirmier a attesté le 7 septembre 2010 (pièce 23 de M. X...) que dès qu'il a été missionné pour pratiquer les injections intraveineuses, il a tenu quotidiennement informé le Dr A...de l'évolution de l'état de Mme X...;
Qu'il précisait ainsi, que le mercredi 9, il signalait au Dr A..., une augmentation de la température évoquant le " V grippal ", lequel lui a indiqué qu'il reverrait cette patiente le vendredi (car il ne travaille pas le jeudi), sauf si de nouvelles complications apparaissaient ;
Que le jeudi 10 décembre à 8 heures, cet infirmier notait que Mme X...présentait un état fébrile à 38o8 avec apparition d'une dyspnée (difficulté à respirer, essoufflement) qui l'a interpellé. Il demandait alors à M. X...d'appeler le cabinet médical par rapport à cette nouvelle évolution, ce qu'il a fait, précise ce témoin.
Attendu que ce témoignage datant de 2010 ne fait manifestement pas état, ni même allusion au fait de ce que qu'il aurait rencontré une quelconque difficulté avec M. X...qui aurait refusé de consulter auprès du dr Z..., souhaitant attendre le retour du Dr A...;
Que si tel avait été le cas, ce professionnel n'aurait pas alors manqué d'attirer l'attention de M. X...sur la gravité évolutive de l'état de son épouse et des risques encourus, et aurait peut-être appelé lui-même le cabinet médical ;
Que de même, il est difficilement compréhensible que M. X...ait appelé la secrétaire du groupe médical pour uniquement lui dire qu'il voulait attendre le retour de Dr. A....
Attendu que ces deux attestations révèlent surtout, que l'état de Mme X...devenait très préoccupant, et que M. X...a bien appelé le cabinet médical à la demande de l'infirmier.
Attendu dès lors, que ce soit la secrétaire qui ait tenté en vain de joindre le Dr A..., ou n'ait pas répercuté l'état de santé alarmant de Mme X...au Dr Z..., ou bien encore, que ce soit le Dr Z... qui seul, au cabinet, a fait le choix de ne pas se déplacer au domicile des époux X...distant de 400m du cabinet, il en résulte un dysfonctionnement certain et fautif, par omission de procéder aux actes requis imposés par la situation médicale de Mme X...sur laquelle ils possédaient des indices inquiétants qui leur étaient signalés en outre, par un professionnel de la santé (l'infirmier) et qui aurait mérité un examen clinique ;
Qu'enfin, le Dr A..., qui suivait la patiente, et à qui l'infirmier a fait part le mercredi de l'élévation de la température malgré la prise depuis 3 jours d'un traitement antibiotique majeur et d'un anti-inflammatoire, ne l'a pas revue comme il s'y était engagé auprès de l'infirmier, mais encore, n'a laissé manifestement aucune consigne à son confrère, ni à la secrétaire pour qu'elle le joigne, ou que le Dr Z... se déplace ; que cela constitue également à la charge du Dr A...une omission fautive.
Attendu enfin, qu'il appartient au seul médecin d'apprécier personnellement et sous sa responsabilité, l'état de son patient, y compris d'ailleurs, lorsqu'il examine des radios, ou IRM pratiqués par un autre médecin, et à fortiori, lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, pour le Dr Z... de se fier à sa secrétaire, ou encore, de se soumettre à la volonté du mari de la patiente qui aurait déclaré attendre le retour de son médecin traitant.
Attendu qu'il s'évince de ce qui précède que tant le Dr A...que le Dr Z... par leurs fautes médicales conjuguées selon les données acquises de la science, commises par commission (prescription d'un anti-inflammatoire) ou omission (défaut dans le suivi et retard dans l'hospitalisation) seront déclarés responsables des conséquence dommageables qui en ont résulté pour Mme X...qui a perdu une chance de survivre à cette invasion virale ;
Que le jugement sera infirmé.

Sur le montant de l'indemnisation

Sur les demandes formulées par le RSI
Attendu que les médecins intimés ne formulent aucune critique sur les demandes formées par le RSI qui sont par ailleurs fondées ;
Qu'il y sera fait droit.

Sur les demandes formulées par Monsieur Jean-Philippe X..., et ès-qualité

Attendu que sur l'ensemble des chefs de demande, les médecins sollicitent que le préjudice d'accompagnement, et en l'état des calculs, que le préjudice lié à la perte de revenus soient rejetés.
Attendu que Mme X...a vu son état s'aggraver à compter du 9 décembre, puisque M. X...a indiqué aux experts, que sans plus de force, il devait la soutenir pour se doucher dès le 8 décembre et qu'elle est décédée le 17 décembre suivant.
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise qu'à domicile, Monsieur X...a assisté avec les enfants à la dégradation soudaine de l'état de santé de son épouse et de leur mère, jusqu'à l'épuisement de celle-ci, au point qu'arrivée à l'hôpital, son état a été noté inquiétant par le médecin réanimateur, et qu'après quelques heures seulement, elle a dû être intubée et placée sous ventilation mécanique ; qu'à partir de ce moment là, son état n'a fait que s'aggraver, qu'elle a perdu conscience après l'intubation ; que son époux est venue la voir tous les jours ; que les deux fillettes âgées de 5ans et demi et 8 ans ont assisté à la lente agonie de leur mère, puis se sont préparées à son décès, et que pour toutes les deux, il a été prescrit des tranquillisants (page 4 du rapport) ; que M. X...a dû faire face non seulement à cette situation, mais encore soutenir ses deux fillettes, étant observé que le décès de Mme X...est survenu juste quelques jours avant les fêtes de Noël ;

Que même si les médecins parlent de la brièveté entre le diagnostic et le décès, il est incontestable qu'au moins du 8 décembre jusqu'au décès le 17 décembre suivant de Mme X..., la demande formée au titre de l'accompagnement est fondée ;
Qu'il y sera fait droit.
Attendu que s'agissant de la perte de revenus des proches, la demande est parfaitement fondée, les médecins intimés se limitant à la critiquer en 5 phrases non pertinentes, sans faire de surcroît de contrepropositions, ce qui révèle avant tout, une contestation de principe ;
Qu'il y sera fait droit également.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---

LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement entrepris,
Et STATUANT à nouveau,
VU le rapport d'expertise du Dr D...et de l'avis du Dr E...désigné en qualité de sapiteur,
DIT que Messieurs Patrick Z... et Patrice A..., en leur qualité de professionnels de la santé, ont, selon les données acquises de la science, commis des fautes médicales à l'origine des conséquences dommageables subies par Madame Nadine X...analysées en une perte de chance,
DIT que ces fautes médicales sont directement à l'origine des préjudices subis par l'époux, Jean-Philippe X..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, Laurine X...née le 12 février 2001 et Anaïs X..., née le 23 septembre 2004, ainsi que par le RSI,
En conséquence,
CONDAMNE in solidum Messieurs Patrick Z... et Patrice A...à payer en réparation de leurs préjudices :
1) au RSI, les sommes suivantes :
- dépenses de santé frais médicaux et d'hospitalisation) 9. 809, 11 ¿- pertes de revenus76. 24 ¿- autres dépenses (capital décès et capital orphelin) 10. 292, 40 ¿------------------- Total20. 177, 75 ¿

dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date de l'introduction de l'instance,
-997 ¿ au titre de l'indemnité forfaitaire en application des articles L376-1 et L454-1 du code de la sécurité sociale,
-800 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700,
2) Jean-Philippe X..., agissant tant en son nom personnel qu'en celui de ses deux enfants mineurs, Laurine et Anaïs X..., les sommes suivantes :
- Préjudice extra-patrimonial
préjudice d'affection : 75. 900 ¿, soit 25. 300 ¿ par parent préjudice d'accompagnement : 16. 500 ¿ pour les trois parents préjudice des souffrances endurées : 17. 000 ¿

- Préjudice patrimonial
* perte de revenus capitalisés pour Monsieur X...: 122. 022 ¿ * perte de revenus capitalisés pour Laurine : 20. 275 ¿ * perte de revenus capitalisés pour Anaïs : 50. 751 ¿

-3000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Messieurs Patrick Z... et Patrice A...aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Jean-Claude SABRON.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/01067
Date de la décision : 27/11/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2014-11-27;13.01067 ?
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