ARRET N. RG N : 13/ 00774 AFFAIRE : Gilles X..., Madeleine Y... épouse X... C/ Jacky Z... D. B/ E. A action en contestation de congé et/ ou demande de renouvellement de bail Grosse délivrée Me VIENNOIS, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 21 MAI 2014
Le vingt et un Mai deux mille quatorze la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe : ENTRE :
Gilles X... de nationalité Française né le 12 Juin 1957 à PARIS (11ème),...-23270 ROCHES représenté par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
Madeleine Y... épouse X... de nationalité Française née le 09 Mai 1950 à MOULINS (03) Profession : Institutrice,...-23270 ROCHES représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 19 AVRIL 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GUERET ET :
Jacky Z... de nationalité Française né le 09 Juillet 1956 à LA CELLE DUNOISE (23) Profession : Commerçant,...-23800 LA CELLE DUNOISE représenté par Me Guillaume VIENNOIS, avocat au barreau de CREUSE substitué à l'audience par Me CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES
INTIME
Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 02 avril 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 07 mai 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2014. Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur BALUZE, magistrat rapporteur, assisté de Madame AZEVEDO, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle Monsieur BALUZE a été entendu en son rapport, Maîtres DEBERNARD-DAURIAC et CHABAUD, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure. Après quoi, Monsieur BALUZE, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 21 mai 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. Au cours de ce délibéré, Monsieur BALUZE, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur BALUZE, Conseiller faisant fonction de Président, de Monsieur PUGNET et Monsieur SOURY, Conseillers. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
LA COUR
Résumé du Litige
M et Mme Gilles et Madeleine X... étaient bailleurs commerciaux de M. Jacky Z... pour des locaux situés... à Guéret en Creuse (magasin en rez de chaussée, appartement à l'étage avec une partie de grenier et de cave). Le dernier acte établi entre les auteurs respectifs des parties est un renouvellement de bail commercial du 19 décembre 1997, à effet au 1er janvier 1998 et expiration au 31 décembre 2006. A cette date, le bail s'est maintenu tacitement.
Le 30 août 2008, M. Z... a notifié une demande de renouvellement. Le 28 novembre 2008, le bailleur a notifié son refus. M. Z... a quitté les lieux en janvier 2012. Puis, il a engagé une action en indemnité d'éviction, M et Mme X... s'y sont opposés et ont demandé paiement d'une indemnité d'occupation. Par jugement du 19 avril 2013, le tribunal de grande instance de Guéret a condamné M et Mme X... à payer à M. Z... 22. 999, 08 ¿ d'indemnité d'éviction et 1. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a rejeté dans ses motifs la demande reconventionnelle. * M et Mme X..., appelants, demandent de réformer le jugement, de débouter M. Z... de ses prétentions et de le condamner à leur payer, à titre d'indemnité d'occupation pour janvier 2007 à décembre 2011, la somme de 27. 840 ¿. M. Z... conclut à la confirmation. Chaque partie sollicite une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il est renvoyé aux conclusions des parties déposées par M et Mme X... le 20 janvier 2014 et par M. Z... le 17 octobre 2013.
Motifs Le principe, vu l'article L 145-14 du code de commerce, est celui du paiement d'une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement du bail commercial. Il n'est pas allégué ou en tout cas justifié d'exceptions relevant des articles L 145-17 et 18 dudit code. Il ne peut être considéré que M. Z... soit parti volontairement dans la mesure où il a été opposé à sa demande de renouvellement un refus de celui-ci. Sur les pourparlers antérieurs sur le sort du bail dont fait état le bailleur, il n'y a qu'une lettre de M. X... du 3 juillet 2008 restée sans réponse ou sans suite et qui n'est donc guère déterminante. On peut observer que M. X... y évoque une indemnisation de 8. 500 ¿. S'il fait état de l'intention exprimée par le preneur de cesser son activité, de fait cela n'est pas établi et il apparaît que M. Z... la poursuit (ou poursuit une activité similaire, selon ce qui sera précisé ci-dessous). Et, dans une lettre ultérieure du 30/ 11/ 2011, M. Z... fait état à M. X... de la cessation de son activité " dans vos locaux ". De même, si M. Z... a quitté les lieux en janvier 2012 alors qu'il n'y était pas encore juridiquement contraint parce que l'indemnité d'éviction n'était pas payée, une libération dans ce contexte (de refus de renouvellement) pouvant correspondre à l'anticipation d'une situation future quasi certaine et l'organisation de la réadaptation économique du commerçant ne peut justifier d'éluder l'indemnité de principe sus énoncée. M. Z... exerçait une activité (de commerce) de graines, petits matériels, poissons et oiseaux exotiques. Selon l'extrait K bis produit (certes du 29/ 11/ 2011) il y a, à compter de janvier 2012, une modification d'activité de l'établissement principal avec suppression partielle d'activité de l'établissement principal et activité de (commerce en) aliments, produits de soins et accessoires pour chiens et chat, aquariophilie, à titre ambulant. L'adresse est celle du domicile de M. Z..., à La Celle Dunoise. La fiche d'un site Internet d'octobre 2012 fait état de cette activité de distribution d'aliments et de produits de soins pour animaux (avec une franchise). Si M. Z... a pu ainsi modifier son activité, il n'en a pas moins cependant perdu son fonds sédentaire sur Guéret. L'extrait du registre du commerce visé ci-dessus fait d'ailleurs état de suppression partielle d'activité. M. Z... n'exerce plus à Guéret, et de manière sédentaire. Le bailleur y évoque des loyers plus onéreux. Ce fonds était situé en centre ville et avait un caractère de commerce de proximité, dont la localisation était donc déterminante. Il n'est pas certain que l'évolution d'un commerce sédentaire vers un commerce ambulant soit le résultat d'un choix purement discrétionnaire mais n'ait pas été conditionné par la rupture du bail. Compte tenu de ces éléments, le non renouvellement du bail a nécessairement causé un préjudice au preneur, le principe de l'indemnité d'éviction ne peut donc être écarté et son montant doit comprendre " notamment " la valeur du fonds. Celle-ci peut se déterminer notamment sur la base du chiffre d'affaires, avec application d'un pourcentage, méthode qui se pratique.
Sans même se référer spécifiquement aux approches de l'expert comptable dans sa lettre du 11 octobre 2010, le chiffre d'affaires moyen selon les comptes produits sur les exercices de 2010/ 2009/ 2008 est de l'ordre de 46. 000 ¿. Le taux de 50 % appliqué par l'expert comptable apparaît assez élevé quand même en l'occurrence en raison de certaines observations contenues dans le rapport de l'association Gestelia (notamment perte d'activité des enseignes de proximité en ville par rapport aux enseignes de périphérie, à relativiser quand même à Guéret). Eu égard à ces données, l'indemnité d'éviction sera évaluée à 18. 000 ¿.
* Sur l'indemnité d'occupation, M et Mme X... exposent que si M. Z... a continué de payer ce qui correspondait au loyer (335 ¿/ mois), la valeur locative est supérieure (800 ¿). Leur demande correspond au différentiel de 2007 à 2011.
Cela étant, s'il est fourni quelques références, il faudrait connaître l'état des locaux de comparaison (ou autrement que par ce qui est vanté par exemple dans les annonces du site leboncoin). L'état des lieux loués spécifiquement à M. Z... n'est pas nettement établi (le bailleur fait état de travaux mais concernant surtout l'immeuble, le preneur produit quelques photos peu valorisante et une attestation d'un précédent occupant sur le mauvais état des pièces du 1er étage). L'étude Gestelia indique notamment que l'implantation en centre ville ne correspond plus aux attentes de la clientèle, la rue ... fait l'objet depuis une dizaine d'années de très nombreuses fermetures de commerce qui ne sont pas remplacés pour la plupart, l'exiguïté du local ne permet pas de pallier ce genre de situation. Il peut être considéré aussi que les parties avaient convenu d'un loyer correspondant à la valeur locative et il n'y avait pas eu d'action en révision de loyer.
Compte tenu de ces éléments, le rejet de la demande de ce chef, en réplique à la demande d'indemnité d'éviction, sera confirmé. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant par arrêt Contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Réforme le jugement quant au montant de l'indemnité d'éviction, ramenée de 22. 999, 08 ¿ à 18. 000 ¿, Statuant à nouveau de ce chef : Condamne solidairement M. Gille X... et Mme Madeleine Y... épouse X... à payer à M. Jacky Z... la somme de 18. 000 ¿ au titre de l'indemnité d'éviction, Confirme le jugement pour le surplus, et dit notamment que la demande de M et Mme X... au titre de l'indemnité d'occupation est rejetée, Rejette les demandes au titre de l'article 700 du CPC en cause d'appel, Condamne solidairement M et Mme X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
E. AZEVEDO. D. BALUZE.