ARRET N. RG N : 13/ 00435 AFFAIRE : Patrick X... C/ CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST GS-iB caution Grosse délivrée Maître GERARDIN, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 06 MAI 2014
Le six Mai deux mille quatorze la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Patrick X... de nationalité Française né le 19 Mai 1956 à PRATS DE MOLLO LA PRESTE (PYRE (66230) Profession : Salarié (e), ...-87510 SAINT GENCE représenté par Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d'un jugement rendu le 25 FEVRIER 2013 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST 29 boulevard de Vanteaux-87000 LIMOGES représentée par Me Paul GERARDIN, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 18 Février 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 18 mars 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2014
Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gérard SOURY, magistrat rapporteur, assisté de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle Monsieur Gérard SOURY, Conseiller a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure
Après quoi, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 06 Mai 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Gérard SOURY, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, de Monsieur Didier BALUZE, Conseiller faisant fonction de Président et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
LA COUR
FAITS et PROCÉDURE
Par acte du 30 novembre 2006, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la Caisse) a consenti un prêt de 275 000 euros à la société CAP Lim, dirigée par M. Patrick X..., dont le remboursement était garanti par l'engagement de caution solidaire souscrit par ce dernier à concurrence du montant de 71 500 euros.
Par acte du 23 décembre 2008, la Caisse a consenti un prêt de 300 000 euros à la société Miroiterie GBM, dirigée par M. Patrick X..., dont le remboursement était garanti par l'engagement de caution solidaire souscrit par ce dernier à concurrence du montant de 156 000 euros.
Les sociétés débitrices principales ayant été mises en redressement puis liquidation judiciaires, la Caisse a déclaré ses créances qui ont été admises aux passifs de ces sociétés et elle a assigné M. X... devant le tribunal de commerce de Limoges en exécution de ses engagements de caution. En défense, M. X... a notamment opposé l'article L. 341-4 du code de la consommation.
Par jugement du 25 février 2013, le tribunal de commerce a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, accueilli la demande en paiement de la Caisse.
M. X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
M. X... conclut au rejet de la demande de la Caisse qui ne peut se prévaloir d'engagements de caution disproportionnés, à la date de leur souscription, à ses revenus et patrimoine (article L. 341-4 du code de la consommation).
La Caisse conclut à la confirmation du jugement.
MOTIFS
Attendu que M. X... invoque les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation qui dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Attendu que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce, ce texte est applicable à tout cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel y compris lorsque, comme en l'espèce, cette caution est le dirigeant de l'entreprise débitrice principale.
Attendu que l'existence de la disproportion doit être appréciée à la date de la conclusion de l'engagement de caution.
1) L'engagement de caution solidaire souscrit par M. X... le 30 novembre 2006 à concurrence du montant de 71 500 euros.
Attendu que la Caisse ne produit aucune fiche de renseignements sur la situation économique de M. X... préalable à son engagement de caution du 30 novembre 2006 ; qu'à la date de cet engagement souscrit au profit de la Caisse à concurrence du montant de 71 500 euros, M. X..., marié sous le régime de la séparation de biens et ayant deux enfants à charge, percevait des revenus pour un montant annuel de 43 183 euros, soit 3 600 euros par mois ; qu'il était propriétaire de sa résidence dont il estime la valeur au montant de 350 000 euros, financée au moyen d'un emprunt représentant une charge de remboursement annuelle de 7 447 euros ; qu'il s'était, le 3 novembre 2006, déjà porté caution solidaire du remboursement de deux prêts consentis à la SCI MAIMMO l'un par la Caisse, l'autre par la banque Tarneaud, à concurrence chacun de 143 000 euros ; que le courrier du 26 juillet 2006 adressé par la Caisse à M. X... démontre que cet établissement de crédit avait nécessairement connaissance de l'intervention de la banque Tarneaud pour le financement de la SCI MAIMMO puisqu'il en faisait la condition de son propre concours ; que la Caisse se devait donc de se renseigner auprès de M. X... sur les garanties le cas échéant réclamées par la banque Tarneaud pour sûreté du remboursement de son prêt à cette SCI, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait, en sorte que ce cautionnement peut lui être opposé ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de tenir compte, dans l'appréciation de l'endettement de M. X..., de l'engagement de caution qu'il a souscrit au profit de la banque Tarneaud le 6 décembre 2006, celui-ci étant postérieur au 30 novembre 2006 ; qu'il n'y a pas davantage lieu de prendre en considération son engagement de caution de 275 000 euros en garantie d'un crédit relais de neuf mois du même montant puisqu'il est constant que ce prêt était soldé à la date du 30 novembre 2006 ; que l'endettement personnel de M. X... à cette dernière date s'établit donc au montant de 143 000 X 2 = 286 000 euros auquel s'ajoute l'engagement litigieux de 71 500 euros, soit un total de 357 500 euros, outre le coût du crédit immobilier de 7 447 euros par an.
Attendu que cet endettement n'apparaît pas manifestement disproportionné aux revenus et patrimoine de M. X... compte tenu du succès escompté de l'opération commerciale financée ; qu'il n'y a pas lieu de faire application de la sanction de l'article L. 341-4 du code de la consommation en ce qui concerne l'engagement de caution du 30 novembre 2006 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X... à payer à la Caisse, en exécution de son engagement de caution, la somme de 71 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2011.
2) L'engagement de caution solidaire souscrit par M. X... le 23 décembre 2008 à concurrence du montant de 156 000 euros.
Attendu que la Caisse s'est renseignée sur la solvabilité de M. X... préalablement à la souscription de cette garantie puisqu'elle produit une fiche de renseignements complétée par celui-ci le 1er décembre 2008 ; que la circonstance que cette fiche ait initialement été réclamée par la banque Tarneaud est indifférent dès lors que M. X... l'a remise à la Caisse et qu'il certifie l'exactitude des renseignements qui y figurent ; que la Caisse est donc fondée à opposer cette fiche de renseignements à M. X....
Attendu que, dans cette fiche, M. X... certifie percevoir des revenus annuels pour 57 461 euros, soit 4 789 euros par mois et être propriétaire de sa résidence dont il estime la valeur au montant de 350 000 euros, financée au moyen d'un emprunt représentant une charge de remboursement annuelle de 7 447 euros ; qu'il déclare rembourser deux autres prêts contractés pour l'achat de véhicules représentant une charge annuelle de 4 084 euros et 3 014 euros ; qu'il indique avoir contracté deux engagements de caution :- l'un souscrit à concurrence du montant de 71 500 euros au profit de la banque Tarneaud en garantie du remboursement d'un prêt consenti le 6 décembre 2006 à la société CAP Lim,- l'autre à concurrence du montant de 71 500 euros au profit de la Caisse en garantie du remboursement d'un prêt consenti le 30 novembre 2006 à la société CAP Lim ;
Mais attendu que la Caisse, partenaire financier habituel des entreprises de M. X..., ne pouvait ignorer l'inexactitude des renseignements fournis par ce dernier au sujet de son endettement, qui constituent une anomalie apparente, puisqu'elle savait pertinemment qu'il s'était par ailleurs engagé en qualité de caution :- à son profit, à concurrence de 143 000 euros, en remboursement du prêt qu'elle avait consenti à la SCI MAIMMO le 3 novembre 2006,- au profit de la banque Tarneaud, à concurrence du même montant, au titre de son concours accordé à la même date à cette SCI, pour les motifs précédemment retenus ;
Attendu qu'il s'ensuit que le total des engagements souscrits par M. X... opposables à la Caisse s'élève à :-71 500 euros X 2 = 143 000 euros (cautions des deux prêts à la société CAP Lim des 30 novembre 2006 et 6 décembre 2006)-143 000 euros X 2 = 286 000 euros (cautions des deux prêts à la SCI MAIMMO des 3 novembre 2006), Soit un total de 429 000 euros auquel il convient d'ajouter la cautionnement litigieux de 156 000 euros, ce qui représente un endettement général d'un montant de 585 000 euros, outre le coût de remboursement des emprunts et les charges fixes du ménage.
Attendu, au vu des éléments précités, que M. X... rapporte la preuve que son engagement de caution du 23 décembre 2008 souscrit à concurrence de la somme de 156 000 euros était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; que la Caisse, qui ne démontre pas-ni même ne prétend-que le patrimoine de M. X... lui permettrait à ce jour de faire face à son obligation de garantie, ne peut se prévaloir de ce cautionnement.
Attendu que chacun des plaideurs succombe pour partie dans ses prétentions ; que les dépens seront partagés entre eux et il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Limoges le 25 février 2013, mais seulement en sa disposition condamnant M. Patrick X... à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest la somme de 71 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2011 ;
Le REFORME pour le surplus et statuant à nouveau,
DIT que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest ne peut se prévaloir de l'engagement de caution solidaire souscrit par M. Patrick X... le 23 décembre 2008 à concurrence du montant de 156 000 euros, en garantie du remboursement du prêt de 300 000 euros consenti le 23 décembre 2008 à la société Miroiterie GBM ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
FAIT masse des dépens qui seront supportés par moitié entre les parties.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Marie-Christine MANAUD. Gérard SOURY.
En l'empêchement légitime du Président cet arrêt est signé par Monsieur Gérard SOURY, Conseiller qui a siégé à l'audience de plaidoirie et participé au délibéré.