ARRET N. RG N : 13/ 00300 AFFAIRE : William X... C/ DANIELLE Y..., CAISSE REGIONALE CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE GS-iB remboursement de prêt Grosse délivrée Maître PAGES et à Maître BRU SERVANTIE, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 06 MAI 2014 Le six Mai deux mille quatorze la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
William X... de nationalité Française né le 09 Octobre 1952 à ACCRA (Ghana), ...-19400 ARGENTAT représenté par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES, Me Elsa MARKARIAN, avocat au barreau de CORREZE
APPELANT d'un jugement rendu le 11 JANVIER 2013 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
DANIELLE Y... de nationalité Belge née le 21 Janvier 1954 à WATERMAEL-BOITSFORT (Belgique), ...-19400 ARGENTAT représentée par Me Marie BRU SERVANTIE, avocat au barreau de CORREZE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 13/ 1763 du 11/ 04/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
CAISSE REGIONALE CREDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE 3 AVENUE DE LA LIBERATION-63000 CLERMONT FERRAND représentée par Me Patrick PAGES, avocat au barreau de CORREZE
INTIMEES
Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 18 Février 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 18 Mars 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 janvier 2014
Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gérard SOURY, magistrat rapporteur, assisté de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, a tenu seul l'audience au cours de laquelle Monsieur Gérard SOURY, Conseiller a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure
Après quoi, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 06 Mai 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Gérard SOURY, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, de Monsieur Didier BALUZE, Conseiller faisant fonction de Président et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
LA COUR
FAITS et PROCÉDURE
Le 30 décembre 2002, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France (la Caisse) a consenti à M. William X... et à son épouse Mme Danielle Y... :- deux prêts " habitat " de 18 293, 88 euros et 31 549, 12 euros pour l'acquisition et la rénovation de leur résidence principale comprenant des locaux professionnels,- un prêt professionnel de 50 000 euros.
Le 19 janvier 2006, les parties ont signé un avenant, pour tenir compte de la procédure de divorce entre les époux X..., afin de stipuler que le mari resterait seul tenu du remboursement de certains prêts.
Les emprunteurs ayant manqué à leur obligation de remboursement, la Caisse a prononcé la déchéance du terme le 31 août 2009 et elle les a assignés en paiement devant le tribunal de grande instance de Brive. Les emprunteurs se sont opposés à cette prétention de la Caisse et M. X... a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts en reprochant à l'établissement de crédit d'avoir manqué à son devoir de mise en garde.
Par jugement du 11 janvier 2013, le tribunal de grande instance a notamment :- accueilli la demande en paiement de la Caisse,- reporté le paiement de la dette d'une année pour permettre à M. X... de vendre son bien immobilier,- rejeté la demande reconventionnelle de M. X... en paiement de dommages-intérêts,- dit que, par application de la convention de divorce, M. X... devra relever indemne Mme Y... de ses condamnations au titre du prêt professionnel du 30 décembre 2002 et de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
M. X... conclut à la condamnation de la Caisse à lui payer des dommages-intérêts devant venir en compensation de sa dette en lui reprochant d'avoir manqué à son obligation de mise en garde à son égard et son absence de réaction en présence de l'organisation par Mme Y... de son insolvabilité. Subsidiairement, il demande la substitution du taux d'intérêts légal au taux contractuel et réclame le bénéfice de délais de paiement.
Mme Y... conclut au rejet de la demande de la Caisse en l'absence de notification de la déchéance du terme et en l'état de sa désolidarisation de l'ensemble des prêts acceptée par le créancier. Elle soutient que le prêt professionnel est devenu dépourvu de cause du fait de son divorce et de son éviction de la société WAPA constituée avec son mari. Subsidiairement, elle réclame des dommages-intérêts devant venir en compensation de sa dette en reprochant à la Caisse d'avoir omis de la désolidariser du prêt professionnel de 50 000 euros dont la charge excède ses capacités de remboursement.
La Caisse conclut à la confirmation du jugement.
MOTIFS
Sur l'appel incident de Mme Y..., qui est préalable en ce qu'il conclut à la nullité d'un des prêts.
Sur la validité du prêt professionnel de 50 000 euros, contestée par Mme Y....
Attendu que Mme Y... soutient que ce prêt, souscrit dans l'intérêt de la société Wapa dans laquelle elle était associée avec son ex mari, est devenu dépourvu de cause depuis son divorce suivi de la cession de ses parts sociales à son ex époux le 17 avril 2007.
Mais attendu que la validité de l'emprunt s'apprécie à la date à laquelle celui-ci a été souscrit ; qu'à la date du 30 décembre 2002, Mme Y... était associée de la société Wapa et avait un intérêt économique au concours consenti par la Caisse qui devait en définitive bénéficier à cette société ; que la nullité du prêt professionnel n'est pas encourue.
Sur l'étendue de la désolidarisation de Mme Y....
Attendu que, pour tenir compte de la procédure de divorce entre les époux X..., un " avenant à contrat de prêt " a été signé le 19 janvier 2006 entre la Caisse et M. X... pour convenir que ce dernier rembourserait seul les deux prêts " habitat " de 18 293, 88 euros et 31 549, 12 euros ainsi qu'un troisième prêt " habitat " d'un montant de 52 200 euros non concerné par le présent litige ; que Mme Y... soutient que sa désolidarisation s'étend au remboursement du prêt professionnel de 50 000 euros puisque la Caisse a accepté cette désolidarisation dans un courrier du 11 janvier 2006 adressé au notaire en charge de la liquidation de leur communauté annexé à la convention de divorce.
Mais attendu que le premier juge a exactement relevé que ce courrier subordonne l'effectivité de la désolidarisation à des avenants aux contrats de prêt ; que le seul avenant produit est celui du 19 janvier 2006 précité qui ne fait pas état du prêt professionnel de 50 000 euros ; qu'en l'absence d'avenant constatant l'accord de la Caisse à la désolidarisation de Mme Y... de ce dernier prêt, c'est à juste titre que le premier juge a décidé que celle-ci restait tenue à son remboursement.
Sur l'opposabilité à Mme Y... de la déchéance du terme du prêt professionnel de 50 000 euros.
Attendu que Mme Y... soutient ne pas avoir reçu le courrier de la Caisse du 1er mars 2010 prononçant la déchéance du terme, courrier qui, de surcroît, ne concernerait pas le prêt professionnel de 50 000 euros.
Mais attendu que la Caisse produit l'accusé de réception de ce courrier signé par Mme Y... le 4 mars 2010 ; que les indications contenue dans le décompte de créance annexé à ce courrier démontre que la déchéance du terme s'applique au prêt professionnel de 50 000 euros, nonobstant la différence de numéro de référence.
Attendu que le jugement sera confirmé en sa disposition condamnant solidairement Mme Y..., solidairement avec M. X..., à payer la somme restant due au titre du prêt professionnel, avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 1er mars 2010.
Sur l'action en responsabilité engagée par Mme Y... à l'encontre de la Caisse.
Attendu que Mme Y... réclame des dommages-intérêts devant venir en compensation de sa dette en reprochant à la Caisse d'avoir omis de la désolidariser du prêt professionnel de 50 000 euros dont la charge excède ses capacités de remboursement.
Mais attendu que la responsabilité de la Caisse ne saurait être recherchée à raison d'une répartition de la charge des emprunts organisée par les époux emprunteurs dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial ; que Mme Y... sera déboutée de son action en responsabilité.
Sur l'appel principal de M. X....
Attendu que M. X... ne critique pas les chefs de décision le condamnant à payer à la Caisse des sommes au titre des deux prêts " habitat " et du prêt professionnel souscrits le 30 décembre 2002.
Attendu que M. X... réclame, par application de l'article 1244-1 du code civil, la substitution, sur les sommes dues, du taux d'intérêt légal au taux contractuel.
Mais attendu que c'est à juste titre que le premier juge a fait application du taux d'intérêt prévu aux contrats de prêt qui font la loi des parties et qui ne présente pas un caractère excessif.
Et attendu que les versements effectués s'imputeront par priorité sur le capital restant dû, ce que la Caisse admet (p. 7 des conclusions de la Caisse).
Attendu que M. X... demande la condamnation de la Caisse à lui payer des dommages-intérêts devant venir en compensation de sa dette en lui reprochant :- d'avoir manqué à son obligation de mise en garde : * lors de la souscription des prêts du 30 décembre 2002 qui étaient inadaptés et disproportionnés à ses revenus et patrimoine, *lors de la signature de l'avenant du 19 janvier 2006 qui conduisait à lui faire supporter une charge de remboursement excessive,- son absence de réaction en présence de l'organisation par Mme Y... de son insolvabilité.
Mais attendu qu'à la date du 30 décembre 2002, les époux X... n'avaient pour seule charge de remboursement envers la Caisse que les trois prêts en cause-deux prêts " habitat " et le prêt professionnel-représentant un endettement total mensuel de 1 026, 55 euros, les crédits ultérieurs n'ayant pas à être pris en considération ; que les revenus du couple au titre de l'année 2001 s'établissaient au montant annuel de 67 736 euros pour le mari et 8 333 euros pour son épouse, soit un total annuel de 76 069 euros, soit 6 339 euros par mois pour le couple ; que la charge de remboursement des prêts précités n'apparaît pas excessive au regard des seuls revenus du couple, en sorte que la Caisse n'avait pas à mettre les emprunteurs en garde par rapport à un risque d'endettement excessif qui n'était pas avéré.
Et attendu que la responsabilité de la Caisse ne saurait être recherchée à raison d'une répartition de la charge des emprunts organisée par les époux emprunteurs consécutivement à leur séparation dans le cadre de la liquidation de leur régime matrimonial ; qu'en tout état de cause, M. X... est devenu, en vertu de l'acte de liquidation, seul propriétaire de l'immeuble financé par les prêts, dont la vente est de nature à permettre l'apurement de sa dette de remboursement.
Et attendu que la circonstance que la Caisse ait négligé de prendre une sûreté sur un bien immobilier appartenant à Mme Y... et qu'elle n'ait engagé aucune action lorsque cette dernière a vendu ce bien le 7 juin 2010, n'est pas nature à engager la responsabilité de l'établissement de crédit compte tenu de la solidarité entre les époux de la dette résultant du remboursement du prêt professionnel.
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de son action en responsabilité à l'encontre de la Caisse.
Attendu que le tribunal de grande instance a accordé à M. X... un report d'exigibilité de sa dette d'un an pour lui permettre de vendre son immeuble en vue de l'apurement de sa dette ; qu'il n'y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement supplémentaires.
Attendu, enfin, que M. X... ne peut être tenu, en exécution de la convention de divorce, de relever indemne Mme Y... de ses condamnations au titre du prêt professionnel de 50 000 euros et de l'article 700 du code de procédure civile que dans l'hypothèse où celle-ci aurait réglé tout ou partie desdites condamnations.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brive le 11 janvier 2013 ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE M. William X... et Mme Danielle Y... de leurs actions en responsabilité à l'encontre de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
CONDAMNE M. William X... et Mme Danielle Y... à payer, chacun, une somme de 800 euros à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre France ;
CONDAMNE M. William X... et Mme Danielle Y... aux dépens.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
Marie-Christine MANAUD. Gérard SOURY.
En l'empêchement légitime du Président, cet arrêt est signé par Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, qui a siégé à l'audience de plaidoirie et participé au délibéré.