ARRET N. RG N : 12/ 01413 AFFAIRE : Jean Claude X... C/ Yolande Y... épouse Z... CMS-iB partage Grosse délivrée Maître ROUQUIE, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 6 MAI 2014
Le six mai deux mille quatorze la Chambre civile de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
Jean Claude X... de nationalité Française né le 10 Janvier 1945 à VAYRAC (46110) Profession : Retraité,... 40465 PRECHACQ LES BAINS représenté par Me Philippe CAETANO, avocat au barreau de CORREZE
APPELANT d'un jugement rendu le 07 SEPTEMBRE 2012 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
Yolande Y... épouse Z... de nationalité Française née le 04 Mai 1951 à BRIVE (19) Profession : Retraitée,... 19360 MALEMORT représentée par Me Corinne ROUQUIE, avocat au barreau de CORREZE
INTIMEE
Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 Février 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 13 mars 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2014.
Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Madame Martine JEAN, Président et Monsieur Gérard SOURY, Conseiller assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, ont tenu seuls l'audience au cours de laquelle MadameMartine JEAN, président a été entendue en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure
Après quoi, Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 24 Avril 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogé au 6 mai 2014.
Au cours de ce délibéré, Madame Martine JEAN, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseiller Monsieur Gérard SOURY, Conseiller. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
LA COUR
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Madame Odette X... Vve d'Emile Y... décédait le 17 avril 2008 laissant pour lui succéder :
- Jean-Claude X..., son fils naturel,- sa fille Yolande Y... épouse Z....
La succession de la défunte était composée d'une part, d'une récompense due par son défunt mari à la communauté qu'elle composait avec ce dernier portant sur un immeuble propre à lui, lequel a fait l'objet d'une vente qui a rempli chacun de ses deux héritiers de ses droits, et d'autre part, et ce qui constitue le point de désaccord entre les héritiers, de deux comptes bancaires ouverts dans les livres de la Caisse d'Epargne Auvergne : un LEP sur lequel sa fille Yolande avait procuration, et un compte de dépôt qui lui, était joint avec cette dernière.
Me A..., notaire à BRIVE (19), chargé de la succession, établissait le 14 mai 2009 un PV de difficulté suite au refus de Jean-Claude X... d'accepter le projet de partage considérant que tant le LEP que le compte joint comportaient des virements étrangers au mode et train de vie de sa mère.
C'est dans ces conditions, que refusant la phase de la conciliation, M. X... faisait assigner sa soeur devant le tribunal de grande instance de Brive, aux fins de voir ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, et avant dire droit, ordonner une mesure d'expertise.
Par un jugement du 2 juillet 2010, le tribunal faisait droit à ses demandes.
L'expert déposait son rapport le 1er août 2011, et par un jugement du 7 septembre 2012, le tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déboutait Jean-Claude X... de ses demandes tendant à voir dire que Mme Y... devra rapporter à la succession la somme de 120 000 ¿ sur laquelle seront appliquées les peines du recel,- déboutait Mme Y... de sa demande en dommages en intérêts pour préjudice moral,- condamnait M. X..., outre aux dépens comprenant les frais d'expertise, à payer à cette dernière la somme de 3 000 ¿ au titre de l'article 700 du CPC.
Monsieur Jean-Claude X... interjetait appel de cette décision.
Au termes de ses écritures en date du 27 février 2013, M. Jean-Claude X..., réitérant ses demandes initiales, conteste les conclusions de l'expertise, soutenant que les dépenses en supermarché sont injustifiées car sa mère bénéficiait d'une livraison de repas à domicile et avait du personnel de maison, que les achats et retraits sans factures sont illégitimes, et que l'expert n'a fourni aucune explication sur les mouvements du LEP, et que ceux relevés de comptes à comptes sont destinés à tromper.
Infirmant la décision, M. Jean-Claude X... sollicite voir :
- dire que sa soeur devra rapporter à la succession les sommes de 43 866 ¿ au titre des débits sans justificatifs, des cadeaux, achats sans justificatifs et retraits en espèces, ainsi que celle de 30 640 ¿ au titre des débits enregistrés sur le compte LEP, outre intérêts à compter de l'assignation,
- appliquer les peines du recel successoral à l'intégralité des rapports,
- condamner Yolande Y..., outre aux dépens, à lui payer la somme de 3000 ¿.
En réponse, Madame Yolande Y... épouse Z... poursuit la confirmation du jugement, sauf en sa disposition l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral qu'elle réitère devant la Cour, outre la condamnation de M. Jean-Claude X..., aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 3000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le délit civil de recel
Attendu tout d'abord que l'étude des comptes faite par l'expert portent sur cinq années allant du 11 juin 2003 au 1er avril 2008 ;
Que la défunte percevait toutes pensions confondues, la somme mensuelle moyenne de 1371 ¿ par mois, soit 81 596 ¿ sur 5 ans ;
Que ces pensions étaient perçues sur son compte courant, puis, dans le cadre d'une gestion de bon père de famille, elle déposait certaines sommes non utilisées sur son compte LEP (pension de reversion trimestrielle) leur laissant produire des intérêts, et retirait de l'argent au fur et à mesure de ses besoins, en opérant des virements inverses du LEP vers son compte courant ;
Que c'est ainsi que l'expert a établi la réalité des mouvements d'argent d'un compte vers l'autre qui ont pu éveiller la suspicion de Jean-Claude X... ;
Que toutefois, les allégations de M. Jean-Claude X... selon lesquelles les dépenses " anormales " avoisineraient la somme de 120000 ¿ n'est pas possible, selon l'expert, car les revenus de la défunte avec son épargne représentent une somme inférieure de 108 726 ¿ alors que par ailleurs, il convient d'ajouter qu'à son décès, les deux comptes représentaient un solde créditeur ;
Qu'à cet égard, il n'est pas inutile de relever que ce solde créditeur pour la période concernée 2003-2008 était sensiblement identique pour le compte joint (760, 65 ¿ en 2003 pour 979, 61 ¿ en 2008), ainsi que pour le LEP (7300 ¿ en 2003 pour 3018, 88 ¿ en 2008) ce dont il résulte une continuité dans le mode de vie de la défunte, dont en tout état de cause, Jean-Claude X... reconnaît qu'elle " était tout à fait capable de gérer ses comptes. En tout cas le contraire n'était pas démontré. " (page 6, 9ème paragraphe de ses écritures).
Attendu dès lors, que sauf à dénier à sa mère, toute liberté de vivre autrement que de subvenir strictement à ses besoins alimentaires et assumer les charges inhérentes à la vie, sans autre compensation, les dépenses faites par elle comprenant également des cadeaux faits à sa fille qui s'est occupée d'elle au-delà de la piété filiale, puisque sa mère a été hospitalisée à son domicile, et gâter ses petits enfants qu'elle recevait, contrairement à ce que soutient Jean-Claude X... qui ne voyait plus sa mère depuis 1975 et ne connaissait rien de ses habitudes de vie, n'ont rien d'exorbitant selon l'expert, qui a calculé une moyenne mensuelle d'achats sans factures d'un montant de 123 ¿, des retraits de 133 ¿, et des cadeaux divers de 141 ¿ ;
Que d'ailleurs, les exemples cités par Jean-Claude X... pour caractériser les dépenses " anormales ", portant sur un siège auto, achat d'électroménager, Devred (45 ¿), Bijoux de fantaisie (88 ¿) Décathlon (155 ¿), etc... sont éloquents, et démontrent si besoin était encore, que Mme Odette Y... ne faisait que mener une vie familiale et sociale normale en relation avec ses modestes capacités financières, lui laissant peu de disponibilité pour épargner, et que ces dépenses faites peuvent être légitimement caractérisées comme des cadeaux d'usage, et non, comme des donations indirectes.
Attendu que le jugement déféré sera en conséquences, confirmé, les premiers juges ayant fait au résultat de la mesure d'expertise ordonnée, une appréciation exacte et complète des éléments qui leur étaient soumis, et ont considéré, par des motifs pertinents que la Cour adopte, que Mme Yolande Y... n'avait pas détourné à son profit de l'argent, et que par suite, les dépenses faites entraient dans le cadre des relations familiales et sociales normales.
Attendu que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme Yolande Y... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, les relations entre frère et soeur quasi inexistantes ne pouvant générer un préjudice d'affection qui l'aurait affectée sérieusement.
Attendu en revanche, que le jugement sera réformé sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens comprenant les frais d'expertise, car les suspicions de Jean-Claude X... nées de ces multiples virements bancaires qui pouvaient laisser penser que sa soeur complexifiait les comptes pour occulter des mouvements d'argent à son profit, alors qu'il n'était plus en lien avec sa mère depuis de très nombreuses années, et que par ailleurs, cette mère n'avait pas fait de testament destiné à avantager l'un de ses enfants, étaient légitimes, et en tout cas, c'est ce qu'ont estimé à bon droit, les premiers juges, qui ont ordonné une mesure d'instruction.
PAR CES MOTIFS LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement, sauf en ses dispositions portant sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
Et STATUANT à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que les dépens seront pris en frais privilégiés de partage,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.