ARRET N.
RG N : 13/ 00287
AFFAIRE :
M. Alain X..., Mme Claudine Michelle Thérèse X... épouse Y..., Mme Amalia X...
C/
Mme Thérèse Renée Z... veuve X...
AM-iB
succession
Grosse délivrée à Maitre DEBERNARD-DAURIAC, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 19 MARS 2014--- = = = oOo = = =---
Le DIX NEUF MARS DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Alain X... de nationalité Française né le 01 Mars 1950 à LA ROCHE SUR YON (85000) Profession : Retraité, demeurant ...
représenté par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES et Me MONNIER, avocat au barreau de SAINT NAZAIRE
Madame Claudine Michelle Thérèse X... épouse Y... de nationalité Française née le 05 Août 1952 à LA ROCHE SUR YON (85000) Profession : Contrôleur d'Etat, demeurant ...
représentée par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES et Me MONNIER, avocat au barreau de SAINT NAZAIRE
Madame Amalia X... de nationalité Française née le 05 Décembre 1985 à LA ROCHE SUR YON (85000) Profession : Mère au Foyer, demeurant ...
représentée par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES et Me MONNIER, avocat au barreau de SAINT NAZAIRE
APPELANTS d'un jugement rendu le 16 JANVIER 2008 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LA ROCHE SUR YON
ET :
Madame Thérèse Renée Z... veuve X... de nationalité Française, demeurant ... représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Patrice BILLAUD, avocat au barreau de SABLES D'OLONNE
INTIMEE
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Sur renvoi de cassation : jugement du tribunal de grande instance de La Roche Sur Yon en date du 16 JANVIER 2008- arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 5 janvier 2011- arrêt de la cour de Cassation en date du 7 novembre 2012
Selon avis de fixation, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 Janvier 2014 avec arrêt rendu le 19 février 2014. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2014, la Cour étant composée de Monsieur Alain MOMBEL, Premier Président, de Monsieur Pierre-Louis PUGNET et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Monsieur le Premier Président a été entendu en son rapport oral, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Monsieur Alain MOMBEL, Premier Président, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 19 Mars 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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FAITS ET PROCÉDURE
Alain, Claudine et Amalia X..., enfants d'un premier lit du défunt André X... ont fait assigner la dernière épouse de leur père, Thérèse Z..., veuve X..., afin de la voir condamner à rapporter à la succession la somme de 247 478 ¿ et à leur payer l'avance des frais faite par eux des droits de mutation de 68 311 ¿ et voir dire que Mme Z... s'est rendue coupable d'un recel successoral et qu'elle ne pourra donc prétendre à aucune part dans les objets divertis ou recelés.
Par jugement en date du 16 janvier 2008, le tribunal de la Roche s/ Yon les a déboutés de leur demande.
Alain, Claudine et Amalia X... ont interjeté appel de cette décision et par arrêt du 05 janvier 2011 la cour d'appel de Poitiers a confirmé ce jugement.
Sur le pourvoi d'Alain, Claudine et Amalia X..., la Cour de Cassation, au visa de l'article 4 du code de procédure civile, a jugé par arrêt du 07 novembre 2012 :
- que pour débouter ces consort X..., héritiers d'André X..., de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Mme X..., seconde épouse, de celui-ci, la cour d'appel a retenu qu'ils demandaient que soient réintégrés dans la succession les soldes de divers comptes, des immeubles et des contrats d'assurance-vie et s'est fondé sur la propriété de ces biens au regard du régime matrimonial des époux qui avaient opté pour la séparations des biens ;
- qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les consorts X..., invoquant les dispositions de l'article 1099-1 du code civil, demandaient le rapport des sommes ayant permis à l'épouse d'acquérir ces biens dont ils soutenaient qu'elles constituaient des donations déguisées ou indirectes, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile susvisé ;
Elle a en conséquence cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 05 janvier 2011 et remis en conséquence la cause et les parties en l'état où elle se trouvaient avant ledit arrêt et renvoyé l'affaire devant cette cour.
Les appelants dans leurs dernières conclusions demandent d'infirmer le jugement du 16 janvier 2008 et statuant à nouveau :
- de condamner Mme Thérèse X... née Z... a faire rapport à la succession de la somme totale de 251 221, 43 ¿ et dire que cette somme portera intérêts de droit à compter de la date d'ouverture de la succession d'André X... et que les intérêts des capitaux échus depuis une année entière en produiront eux mêmes comme dit à l'article 1154 du code civil,
- de la condamner, en outre, à leur payer l'avance des frais faite par eux des droits de mutation de 68 311 ¿ et à défaut ou à tout le moins à rapporter cette somme à la succession ;
- dire que la somme portera intérêts de droit à compter de l'assignation du 27 juin 2006 ;
- dire que Madame Thérèse X... s'est rendue coupable de recel successoral et dire qu'elle ne pourra prétendre à aucune part dans les objets divertis ou recelés,
- la condamner à leur verser la somme de 5000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec application de l'article 699 du même code au profit de son avocat.
A l'appui de ces demandes il font observer qu'ils ne revendiquent pas l'attribution de biens appartenant à Mme Z..., mais l'application pure et simple de l'article 1099-1 du code civil afin d'obtenir le rapport à la succession des sommes ayant permis l'acquisition de ces biens compte tenu qu'ils ne peuvent provenir que de donations déguisées ou indirectes de leur père André X... dès lors que Mme Z... qui n'avait aucune ressource, aucun emploi, aucun capital n'avait pu financer aucun des biens qu'elle possède actuellement.
Si tel n'était pas le cas Mme Z... n'aurait pas hésité à justifier de ses revenus et de ses impôts des années d'acquisition.
Enfin les conditions de paiement des acquisitions chez les notaires par paiement direct hors étude démontre là aussi le financement par André X...
L'intimée, Mme Z... de son côté conclut à la confirmation de la décision déférée au débouté des consorts X... et à leur condamnation à lui verser 6000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient en effet que les consorts X... se sont bornés à affirmer de manière péremptoire et sans aucune justification qu'elle n'avait pu financer par elle-même les biens litigieux et elle rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation qui juge que l'article 1099-1 n'est applicable que dès lors qu'il est établi que l'époux donateur à participé à l'achat du bien acquis au nom du conjoint, et que la qualification de donation déguisée ne peut être retenue qu'en présence dans l'acte d'une affirmation mensongère sur l'origine des fonds.
Madame Z... conteste aussi le recel successoral en particulier au motif qu'il n'y a jamais eu dissimulation de sa part des biens litigieux et ainsi d'élément intentionnel caractérisant le recel.
Enfin sur le rapport à la succession des droits de mutation elle rappelle qu'ils ne peuvent donner lieu à rapport s'agissant d'une charge propre à chaque héritier et incombant à chacun d'eux.
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MOTIFS
I-sur le rapport à la succession
Attendu que sur le fondement de l'article 1099-1 du code civil quand un époux acquiert un bien avec des deniers qui lui ont été donnés par l'autre à cette fin, la donation n'est que des deniers et non du bien auquel ils sont employés, que dans ce cas les droits du donateur ou de ses héritiers n'ont pour objet qu'une somme d'argent suivant la valeur actuelle du bien ;
Que, cependant il appartient à celui qui invoque l'application de cet article de démontrer que le donataire a bien bénéficié de donations déguisées en établissant non seulement la participation du donateur à l'acte d'acquisition mais en démontrant également l'existence d'une affirmation mensongère quant à l'origine des fonds dans l'acte d'acquisition caractérisant une donation déguisée ou indirecte ;
Attendu qu'au cas d'espèce il est demandé le rapport à la succession des biens suivants :- solde d'un compte joint à la caisse de Crédit Mutuel de la Roche/ YON de 28 532, 58 ¿- solde compte joint Banque Postale de 1006, 37 ¿-18293 ¿ de parts sociales sur un compte titre-solde compte crédit Lyonnais de St Quentin en Yvelines de 1464, 41 ¿ et compte titre de 3349, 84 ¿- un immeuble 13 rue Haxo à la Roche/ Yon le Botticelli-un immeuble résidence Le Raphaël 49 rue Marcellin Berthelot à la Roche/ Yon-des contrats d'assurance vie pour 174 998, 33 ¿
Attendu qu'il convient de constater en premier lieu que les consorts X... se sont bornés dans ce dossier à affirmer sans un commencement de justification que Mme Z... n'ayant aucune fortune ni aucune ressource n'avait pu financer par elle-même les biens litigieux et qu'ils ne pouvaient provenir que de donations déguisées ou indirectes de leur père ;
Que, cependant, en ce qui concerne les soldes des comptes bancaires personnels ou joints, les parts sociales et les contrats d'assurances vie, il n'est justifié ni d'une quelconque dissimulation ni de donations déguisées ou indirectes ayant servi à les alimenter ; qu'à supposer que Mme Z... n'ait eu absolument aucun revenu, ce qui n'est pas démontré autrement que par affirmation des consorts X... et mutisme de madame Z..., ces sommes peuvent notamment provenir de dons manuels ou d'économies normales au cours d'une vie conjugale de 33 ans de la part d'un conjoint d'une personne dont la fortune dépasse le million d'euros ; Que par ailleurs à aucun moment ces biens n'ont été dissimulés par Madame Z..., qu'ils apparaissent tous dans le premier projet de déclaration de succession préparé par le notaire ;
Que dans ces conditions il ne saurait y avoir lieu à rapport à la succession de ces biens et valeurs ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'immeuble " le Raphaël " celui-ci a été acquis en état futur d'achèvement en 1986 par les époux X... à concurrence d'une moitié indivise chacun, avec paiement d'une somme de 372000 Frs en dehors de la comptabilité de l'étude notariale, le vendeur n'étant autre que la S. A. R. L. X... Immobilier représentée par Michel X... et l'un des acquéreurs André X..., associé ;
Attendu que les consorts X... entendent prouver la donation déguisée par la production de la délibération des associés de la S. A. R. L. du 24 décembre 1985 qui prévoit la vente à M. André X... pour la même somme de 372 000 Frs,
Mais attendu que Mme Z... n'apparaît pas dans ce document, que les parties ont pu changer de projet en ce qui concerne les acquéreurs, qu'en tout cas il s'agit manifestement d'une transaction familiale qui n'a aucunement le caractère d'une donation déguisée ou indirecte en l'absence d'une déclaration mensongère sur l'origine des fonds ;
Attendu au surplus, qu'il appartient aux héritiers, comme à l'époux qui entendrait voir annuler la donation, de prouver l'intention libérale, la donation n'en étant plus une dès lors qu'elle a une contrepartie ;
Attendu que dans de telles conditions le prix actualisé de ce bien immobilier n'a pas à être rapporté à la succession pour sa part moitié indivise par Mme Z... ;
Attendu enfin qu'en ce qui concerne l'immeuble Le Monticelli, il apparaît que le document intitulé au bordereau des dernières conclusions des consorts X... " acte d'acquisition de l'immeuble Monticelli " et portant le No8 ne contient en fait qu'un procès verbal d'adjudication à André X... et le même acte de vente de la résidence Raphaël coté No 9 et non l'acte de vente de l'immeuble de la résidence Monticelli
Attendu que la pièce 19 versée avec les dernières conclusion sous le titre " acte du 25 septembre 1989 " concerne bien la résidence le Botticelli mais il s'agit non pas de sa vente mais un dépôt de pièces et de modification de l'état de division de la copropriété ;
Que dans ces conditions aucune vérification ne peut être faite par la cour ;
Que la demande de rapport à la succession du montant du prix actualisé de cet immeuble demandée par les consorts X... ne peut donc, en l'état, qu'être rejetée ;
II-sur le recel successoral
Attendu que le recel successoral suppose en application de l'ancien article 792 du code civil que l'héritier ait diverti volontairement les effets d'une succession ;
Attendu en premier lieu qu'il résulte de la lecture du premier projet de déclaration de succession que tous les biens, compte joints, assurances vie, biens immobiliers sis à la Roche/ Yon, le Raphaël et le Botticelli sont inclus en sorte qu'aucune dissimulation ne peut être reprochée à Madame Z... ;
Attendu par ailleurs que, s'agissant de comptes et biens personnels à Madame Z..., séparée de biens, dont il vient d'être constaté qu'ils ne proviennent pas de donations déguisées qui lui auraient été faites avec une intention seulement libérale par X... André, ils ne font donc pas partie de la succession et ne peuvent faire l'objet d'un recel successoral ;
Qu'on ne peut donc s'étonner que Mme Z... qui se considérait comme propriétaire personnel de ces biens ait refusé de signer le second projet de déclaration de succession ;
Attendu, enfin, que le fait que son gendre ait pu écrire dans un courriel adressé à Claudine X... qu'il pouvait manquer des éléments qui ne figuraient pas dans le projet de déclaration No1 démontre, non pas que Mme Z... ait recelé des biens de la succession, mais simplement le fait qu'elle ait eu besoin, à plus de 76 ans, d'être aidée, dans les choix successoraux qu'il lui appartenait de faire, qu'il s'agit là de sa part d'hésitations qui tendent à exclure l'intention frauduleuse exigée dans le recel successoral ;
Que les consorts X... seront en conséquence débouté de leur demande de condamnation de Mme Z... pour recel successoral
III-sur les droits de mutation
Attendu que les droits de mutations sont effectivement une dette personnelle de l'héritier, qu'ils ne font pas partie de la succession et ne peuvent donc donner lieu à rapport ;
Attendu, en revanche, que dans la mesure où ils peuvent être prélevés sur la totalité de la succession, la part de chacun pourrait s'en trouver nécessairement grevée à la source ;
Attendu cependant que, d'une part, les déclarations de succession produites ne sont que des projets, que, d'autre part, il n'est produit au débat aucun document définitif de partage de la succession ni de documents relatif au paiement des droits de succession pour permettre de vérifier les écritures des consorts X...,
Que la cour ne peut sur ce point que rejeter la demande des consorts X... et ce d'autant que Mme Z... a renoncé à son droit au bénéfice du quart légal en pleine propriété pour conserver tous ses droits en usufruit ;
Attendu, finalement, que le jugement attaqué du tribunal de grande instance de la Roche/ Yon du 16 janvier 2008 sera donc confirmé par substitution des motifs qui viennent d'être exposés ci-dessus ;
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Attendu que les consorts Alain, Claudine et Amalia X... qui succombent seront condamnés à payer à Madame Thérèse Z..., veuve X..., une indemnité de 2500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que pour les mêmes raisons ils seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe, sur renvoi de Cassation, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 07 novembre 2012,
Confirme, par motifs substitués, le jugement du tribunal de grande instance de La Roche S/ Yon du 16 janvier 2008 ;
Condamne solidairement les consorts Alain, Claudine et Amalia X... à payer à Madame Thérèse Z... veuve X... une indemnité de 2 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne, sous la même solidarité, aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,
Elysabeth AZEVEDO. Alain MOMBEL.