ARRET N.
RG N : 12/ 01133
AFFAIRE :
Mme Jeanine X..., Mme Antoinette Rose Y...
C/
M. Nicolas Z...
MJ-iB
droit de passage
Grosse délivrée à Maître GOUT, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 16 JANVIER 2014--- = = = oOo = = =---
Le SEIZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Jeanine X... de nationalité Française née le 22 Mars 1936 à MOREAC (56500) Profession : Sans profession, demeurant...
représentée par Me Martine GOUT, avocat au barreau de CORREZE substituée à l'audience par Me GARRELON, avocat.
Madame Antoinette Rose Y... de nationalité Française née le 23 Janvier 1929 à BEYNAT (19190) Profession : Sans profession, demeurant...
représentée par Me Martine GOUT, avocat au barreau de CORREZE substituée à l'audience par Me GARRELON, avocat.
APPELANTES d'un jugement rendu le 06 JUILLET 2012 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
Monsieur Nicolas Z... de nationalité Française né le 28 Juillet 1980 à BRIVE Profession : Sans profession, demeurant...
représenté par Me Christine MARCHE, avocat au barreau de CORREZE substituée à l'audience par Me POUJADE, avocat.
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 12/ 7888 du 24/ 01/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
INTIME
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Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 14 Novembre 2013 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 12 décembre 2013. L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 octobre 2013.
A l'audience de plaidoirie du 14 Novembre 2013, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Madame le Président a été entendue en son rapport, Maîtres GARRELON et POUJADE, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 16 Janvier 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Suivant acte établi par Me L..., notaire à Malemort, Nicolas Z... a acquis des consorts A... (Claude, nu-propriétaire ainsi que Auguste et Marie-Françoise B..., usufruitiers) un terrain à bâtir... cadastré section BN no 279, 205, 199 d'une superficie totale de 1ha 5 a 48 ca.
Selon acte d'huissier de justice en date du 1er octobre 2009 Marinette C..., Jeanine X..., Antoinette Y... et Elie D... ont fait assigner Annick E... et Nicolas Z... afin de voir juger qu'ils bénéficient d'un droit de passage au travers de la parcelle cadastrée no279 et, au besoin, de constater l'état d'enclave de leurs parcelles ; au terme de leurs dernières écritures devant la juridiction du premier degré ils demandaient au tribunal, au principal, de dire que le chemin figurant au nord de la parcelle 279 est un chemin rural dépendant du domaine privé de la commune ou, subsidiairement, de constater l'état d'enclave de leurs parcelles, de dire qu'ils bénéficient d'un droit de passage plus que trentenaire au travers de la parcelle no279, de dire que l'emprise de la parcelle 279 figurant au cadastre sous forme de pointillés constitue un chemin d'exploitation desservant les parcelles leur appartenant ; ils concluaient en conséquence à ce que Nicolas Z... ainsi que tous occupants de son chef soit condamné à laisser le passage et à enlever tout obstacle audit passage ce sous astreinte de 100 ¿ par jour de retard.
Par jugement du 6 juillet 2012, dont appel a été interjeté par Jeanine X... et Antoinette Y... selon déclaration du 1er octobre 2012, le tribunal a notamment mis hors de cause Annick E... et débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions.
Les dernières écritures des parties, auxquelles la Cour renvoie pour plus ample information sur leurs demandes et moyens, ont été déposées les 1er octobre 2013 par les appelantes et 23 septembre 2013 par Nicolas Z... ;
Jeanine X... et Antoinette Y... concluent à la réformation du jugement, demandant à la cour de juger que leurs propriétés sont enclavées et qu'elles bénéficient d'un droit de passage sur la parcelle BN 279 d'une largeur de 3 m 50 le long de la partie haute de cette dernière et ce jusqu'au chemin rural, de condamner M. Z... à rouvrir le passage dont s'agit et à le remettre en état sous astreinte définitive de 1. 000 ¿ par jour de retard, de condamner M. Z... à leur payer la somme de 5. 000 ¿ chacune à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil pour le préjudice qui leur a été causé, enfin de condamner celui-ci à leur payer à chacune la somme de 3. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Nicolas Z... invite la cour à confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, à prendre acte de ce que Mme Y... ne justifie pas d'un intérêt à agir, de condamner enfin Jeanine X... et Antoinette Y... à lui payer la somme de 2. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts et une somme identique sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les appelantes fondent leurs demandes devant la cour exclusivement sur l'état d'enclave de leurs parcelles respectives ; que Nicolas Z..., qui indique que Mme Y... aurait vendu sa propriété en sorte qu'elle n'aurait plus d'intérêt à agir, soutient qu'en tout cas les parcelles des appelantes ne sont pas enclavées dans la mesure où il existe de nombreux passages autres que celui empruntant sa propriété et sur lesquels leurs propriétaires peuvent passer ;
Attendu qu'il sera au préalable observé que les dires de Nicolas Z... selon lesquels Antoinette Y... aurait vendu sa propriété sont contestés par cette dernière et ne reposent sur aucun élément qui serait susceptible de les établir ; qu'il n'y pas lieu en conséquence de constater que celle-ci n'a plus d'intérêt à agir ;
Attendu que, selon les dispositions de l'article 682 du Code Civil, le propriétaire d'un fonds enclavé et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou une issue insuffisante soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement est fondée à réclamer sur les fonds de ses voisins, un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds à charge d'une indemnité proportionnée aux dommages qu'il peut occasionner ;
Attendu par ailleurs que, selon les dispositions de l'article 685 du Code Civil, l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par 30 ans d'usage continu ;
Attendu que nonobstant les écritures de Nicolas Z..., il ressort de l'examen du plan cadastral que les parcelles BN 206 appartenant à Antoinette Y... et BN 197 appartenant à Jeanine X... sont enclavées, ce qu'a d'ailleurs admis le premier juge, qui a toutefois considéré pour débouter les demanderesses, d'une part, que le tracé du chemin ayant existé sur la parcelle Z... n'allait pas jusqu'à la propriété Y... et qu'il semblait que Nicolas Z... reconnaisse à Antoinette Y... un accès le long de la parcelle 204 et, d'autre part, que Jeanine X... n'apportait pas la preuve qu'elle-même et ses auteurs aient prescrits l'assiette du passage BN 279 avant le 19 décembre 2007, date de la vente de sa parcelle à Nicolas Z... ;
Attendu cependant que si la preuve était faite que les intimés ont prescrits l'assiette du passage dans les termes de l'article 685 du Code Civil avant le 19 décembre 2007, il importerait peu que le tracé du chemin ayant existé sur la parcelle Z... n'aille pas jusqu'à la parcelle Y... dès lors qu'Antoinette Y... fait valoir, sans être contredite par Jeanine X..., qu'elle-même et ses auteurs rejoignaient ledit chemin par la parcelle appartenant aujourd'hui à cette dernière ou que Nicolas Z... lui reconnaisse un accès le long de la parcelle 204 ; que la prescription de l'assiette s'oppose en effet à ce que le débiteur de la servitude pour cause d'enclave substitue une autre assiette à celle déjà prescrite, le chemin utilisé pour le désenclavement ne serait-il ni le plus court ni le moins dommageable pour le propriétaire du fonds servant ;
Or attendu que les appelantes produisent devant la cour de nombreuses attestations (des consorts A..., anciens propriétaires, de Jacqueline F..., Jean A..., Jacques G..., Annie H... née X..., René I..., Louise J... épouse K...) selon lesquelles il existait un chemin entre les parcelles cadastrées 279 (propriété M...) et 278 (anciennement propriété N...) qui était utilisé avec son prolongement pour desservir notamment les propriétés Y... et X... ; que les témoins, tous nés entre 1925 et 1951 affirment que ce chemin était utilisé pour desservir lesdites parcelles depuis plus de 30 ans, plusieurs témoins évoquant les avoir utilisés pour se rendre sur les parcelles concernées il y a 40 ans, précisant que c'était le chemin utilisé pour desservir ces parcelles qui ne disposaient pas d'autres moyens d'accès ; que ces témoignages se trouvent confirmés par le constat d'huissier établi par Me O... le 10 décembre 2012 à la demande de Jeanine X..., l'huissier ayant pu constater sur le terrain, d'une part, la réalité de l'existence d'un chemin qui reliait la parcelle 197 (X...) au chemin rural, le tracé de ce chemin semblant passer sur la parcelle no279 (Z...) en partie haute le long de la clôture installée depuis, d'autre part, que ce chemin, parfaitement visible sur la parcelle 197, se poursuivait en descendant cette parcelle vers les autres parcelles situées en contre bas, enfin que le chemin d'accès dessinait une courbe en direction de la parcelle no 206 ;
Attendu ainsi, au regard de ces éléments, qu'il convient de faire droit à la demande de Jeanine X... et Antoinette Y... tendant à voir juger que leurs parcelles, enclavées, bénéficient pour leur désenclavement d'un droit de passage d'une largeur de 3, 50 m sur la parcelle BN no 279 le long de la partie haute de cette dernière et jusqu'au chemin rural et de condamner en conséquence Nicolas Z... à remettre en état le passage qu'il a clôturé jusqu'au chemin rural, ce sous astreinte de 200 ¿ par jour de retard passé le délai de trois mois suivant la signification de cet arrêt ;
Attendu par ailleurs qu'en clôturant le passage alors qu'il existait sur le terrain des indices de son existence, Nicolas Z... a commis une imprudence qui justifie sa condamnation à indemniser les riverains du préjudice qu'ils ont subi ; que les demandes en dommages et intérêts de Antoinette Y... et Jeanine X... seront admises en conséquence sauf à limiter le montant de la condamnation de Nicolas Z... à la somme de 1. 500 ¿ au profit de chacune des appelantes, cette somme apparaissant de nature à les indemniser du préjudice qu'elles ont subi en suite de la fermeture du passage considéré ;
Attendu que Nicolas Z... sera condamné en outre au paiement à Jeanine X... et Antoinette Y..., à chacune d'elle, de la somme de 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et condamné aux dépens ; qu'il n'y a pas lieu en revanche à le condamner au paiement du coût du constat d'huissier du 10 décembre 2012, lequel relève de la condamnation prononcée au profit des appelantes par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONSTATE que les parcelles B no 197 appartenant à Jeanine X... et B no 206 appartenant à Antoinette Y..., lieu-dit Chadaillat commune de Beynat, sont enclavées,
DIT que Jeanine X... et Antoinette Y... justifient de la prescription de l'assiette de la servitude de passage servant au désenclavement de leurs parcelles susvisées,
DIT que Jeanine X... et Antoinette Y... bénéficient pour la desserte de leur parcelle d'un droit de passage d'une largeur de 3, 50 m sur la parcelle no B 279 le long de la partie haute de cette dernière et jusqu'au chemin rural,
CONDAMNE Nicolas Z... à ouvrir à nouveau le passage dont s'agit, à le remettre en état et à enlever tous obstacles à sa libre utilisation dans les trois mois de la signification de cet arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 200 ¿ par jour de retard,
CONDAMNE Nicolas Z... à payer à Jeanine X... et Antoinette Y..., à chacune d'elles, la somme de 1. 500 ¿ à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE Nicolas Z... à payer à Jeanine X... et Antoinette Y..., à chacune d'elles, la somme de 1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE Nicolas Z... aux dépens d'instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.