ARRET N.
RG N : 12/ 01283
AFFAIRE :
Mme Irène X... épouse Y..., Mme Jhava Y... épouse Z..., Mme Lyora Y..., M. David Y...
C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE " FIVA ", MINISTERE PUBLIC
M. J/ E. A
autres actions en responsabilité exercées contre des personnes publiques
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 17 DECEMBRE 2013--- = = = oOo = = =---
Le DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Irène X... épouse Y... de nationalité Française née le 05 Février 1955 à SANTIAGO DU CHILI, demeurant ...représentée par Me Brigitte PONROY, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me GRIMAUD, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Jhava Y... épouse Z... de nationalité Française née le 13 Mars 1981 à SANTIAGO DU CHILI, demeurant ...représentée par Me Brigitte PONROY, avocat au barreau de PARIS substituée par Me GRIMAUD, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Lyora Y... de nationalité Française née le 25 Mai 1982 à HAIFA (ISRAEL), demeurant ...représentée par Me Brigitte PONROY, avocat au barreau de PARIS substituée par Me GRIMAUD, avocat au barreau de LIMOGES
Monsieur David Y... de nationalité Française né le 05 Mai 1983 à NAHARIA (ISRAEL), demeurant ... représenté par Me Brigitte PONROY, avocat au barreau de PARIS substituée par Me GRIMAUD, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 29 AOUT 2012 par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE DE BAGNOLET
ET :
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE " FIVA " dont le siège social est 36 Avenue du Gnéral De Gaulle-Tour Gallieni II-93175 BAGNOLET CEDEX représenté par Me Emmanuel GALISTIN, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me CATANZANO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
en présence du MINISTERE PUBLIC COUR D'APPEL-87031 LIMOGES CEDEX non comparant à l'audience
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L'affaire a été fixée à l'audience du 16 octobre 2013, la Cour étant composée de Madame JEAN, Président de chambre, de Monsieur PUGNET et de Monsieur SOURY, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Madame JEAN a été entendu en son rapport, Maîtres GRIMAUD et CATANZANO, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 17 décembre 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Les consorts Y... (Irène née X..., Jhava Z..., Lyora et David) ont saisi le 31 janvier 2011 la commission d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) aux fins d'obtenir une indemnisation suite au décès de Maurice Y... le 25 février 2008.
Il leur a été notifié le 30 août 2012 par le FIVA que leur demande d'indemnisation avait été rejetée, la commission d'examen des circonstances d'exposition ayant rendu un avis négatif sur l'existence d'un lien entre la pathologie (cancer broncho-pulmonaire primitif) de Maurice Y... et son exposition à l'amiante du fait d'une exposition insuffisante retrouvée dans les éléments versés au dossier par les demandeurs.
Les consorts Y... ont interjeté appel de cette décision selon courrier recommandé avec avis de réception adressé par leur conseil au greffe de la Cour le 29 octobre 2012.
Les consorts Y... ont fait déposer des écritures au terme desquelles ils demandent à la Cour de reconnaître l'existence d'une exposition significative de M. Y... à l'amiante et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale sur pièces avec prise en charge de la consignation par le FIVA ; ils sollicitent, en tout état de cause la condamnation du FIVA à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil.
Ils soutiennent principalement que la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante a fait une erreur d'appréciation en ne retenant aucune exposition à l'amiante alors qu'il ressort des pièces qu'ils versent aux débats que Maurice Y... a été en contact avec l'amiante pendant près de 20 ans, soit de façon environnemental, soit de façon directe.
Le FIVA demande à la Cour de constater que les consorts Y... ne justifient pas que M. Y... ait souffert d'une pathologie liée à l'amiante, de constater l'absence d'exposition suffisante à l'amiante de celui-ci, de rejeter la demande d'expertise sur pièces, de confirmer en conséquence la décision de rejet d'indemnisation du fonds et de débouter les consorts Y... de leur demande fondée sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le FIVA estime que les demandeurs n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, d'une exposition à l'amiante de M. Y... au cours de sa vie professionnelle en France et notamment à l'usine LMB-HONEYWELL de Malemort sur Corrèze où il n'a été constaté que la présence de plaques d'amiante derrière les radiateurs dont le médecin avait jugé qu'elles n'étaient pas dangereuses tant qu'elles n'étaient pas détériorées ; il ajoute que les fonctions de M. Y... excluaient en outre qu'il travaille lui-même ou à proximité immédiate de personnes réalisant des opérations de calorifugeage, décalorifugeage ou de flocage d'amiante. Il observe encore que la pollution du site mis en exergue par les consorts Y... est sans lien avec la présence d'amiante ; il observe enfin que les décisions de la CPAM sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle n'établissent qu'une présomption simple qui peut être combattue notamment par l'avis de la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante, dont elle rappelle que la compétence de ses membres en matière tant médical que technique, et observe qu'aucune maladie professionnelle n'a en tout cas été reconnue en l'état.
Il fait valoir encore qu'une expertise ne saurait être organisée pour pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve, observant qu'en tout cas, il serait inadéquat qu'un seul médecin remette en cause une décision prise par la commission qui est elle-même composée de spécialistes éminents dans les domaines médical et technique.
Il observe enfin que M. Y... ne présentait pas de plaques pleurales, stigmates d'une exposition à l'amiante, ce qui va dans le sens d'une exposition faible en durée et en intensité.
--- = = oO § Oo = =--- MOTIFS DE LA DECISION--- = = oO § Oo = =---
Attendu qu'il est constant que M. Y..., atteint d'un cancer broncho-pulmonaire, est décédé des suites de cette maladie ;
Attendu que ses héritiers ayant saisi, en cette qualité et en leur nom propre, le fonds d'indemnisation de victimes de l'amiante, ils étaient avisés par cet organisme que la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante s'était prononcée le 29 août 2009 et avait rendu un avis négatif en sorte que le FIVA ne pouvait que rejeter leur demande d'indemnisation.
Attendu que les consorts Y... estime que la commission d'examen des circonstances d'¿ exposition à l'amiante a fait une inexacte appréciation des éléments du dossier ; qu'ils soutiennent que, en effet, Maurice Y..., contrairement à ce qui est indiqué par cette commission qui relève une exposition insuffisante à l'amiante pour établir un lien entre l'exposition à l'amiante et le cancer dont il est décédé, a été exposé aux fibres et aux poussières d'amiante pendant plus de vingt ans puisqu'il travaillait dans des salles de tests des appareils où des plaques d'amiante étaient posées sous les faux plafonds et derrière les radiateurs à air pulsés et, après avoir travaillé lui même à l'entretien, la réparation ou la maintenance sur des matériels chauds, tels des moteurs, a passé l'ensemble de sa carrière à proximité immédiate de personnes réalisant des opérations de calorifugeage, décalorifugeage ou flocage d'amiante ;
Attendu que le FIVA estime que les consorts Y..., à qui incombe la charge de la preuve, ne produisent aucun élément qui serait de nature à remettre en cause l'avis de la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante, ce qui exclut qu'il puisse être fait droit à leurs demandes tant principale que subsidiaire dans la mesure où les juridictions ne peuvent ordonner une expertise pour pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ;
Attendu que la commission issue du FIVA, dans son avis du 29 août 2012, a indiqué qu'elle n'établissait pas de lien entre le cancer broncho-pulmonaire primitif de M. Y... et l'amiante du fait d'une exposition insuffisante retrouvée dans les éléments versés au dossier par le demandeur ; que la fiche annexé à cet avis fait état à cet égard d'une probabilité d'exposition indirecte à l'amiante à un niveau très faible au cours seulement de la période de juillet 1985 à juillet 1987, pendant laquelle M. Y...a exercé la profession de technicien ;
Attendu ainsi qu'a été manifestement exclue par la commission, comme cela résulte de la fiche susvisée, toute autre exposition à l'amiante pendant la vie professionnelle de M. Y... en France et notamment pendant la période de plus de 20 ans (juillet 1988 à février 2008) où celui-ci a exercé, au sein de la société HONEYWELL AEROSPACE LMB à Malemort sur Corrèze, des fonctions d'ingénieur développement électronique ;
Or attendu qu'il ressort d'un dossier technique amiante établi par le Bureau Veritas que ce matériau était présent en différents endroits de l'immeuble occupé par cette société ; que, dans ces conditions et sans remettre en cause la compétence des experts composant la commission d'examen des circonstances d'exposition à l'amiante, il convient, si ce n'est de faire droit à la demande principale des consorts Y..., ce qui supposerait que soit d'ores et déjà démontré un lien entre l'exposition à l'amiante et la maladie dont a été victime Maurice Y..., en tout cas d'ordonner une expertise pour rechercher si un tel lien peut ou non exister en l'espèce ; que les médecins experts de la commission ne s'expliquent pas en effet sur les raison qui les ont conduit à ne retenir, sur cette période, aucune exposition de M. Y... à l'amiante et ce contrairement aux pièces versés aux débats par les consorts Y... ; que s'il apparaît par ailleurs que M Maurice Y... n'a pas présenté de plaques pleurales, ce qui irait, selon le FIVA dans le sens d'une exposition à l'amiante faible en durée et en intensité, la cour ne dispose pas des compétences suffisantes pour valider ou infirmer cette thèse ;
Attendu enfin que le coût de la mesure d'instruction sera laissé à la charge du FIVA conformément aux dispositions de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 ;
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---
LA COUR,
Statuant par décision, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
SURSOIT A STATUER sur le recours formé par les consorts Y... à l'encontre de la décision du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante,
ORDONNE une expertise,
COMMET pour y procéder le Docteur en médecine M. A...Thomas, Hôpital Pitié Salpêtrière-service pneumologie et réanimation 47-83 boulevard de l'hôpital 75 651 Paris cedex 13 avec mission de :
- se faire remettre tous les documents nécessaires à la réalisation de sa mission,
- convoquer les parties par lettre recommandée avec avis de réception en leur précisant qu'elles peuvent se faire assister par le conseil de leur choix ainsi que leur conseil par lettre simple,
- examiner le dossier de M. Maurice Y... et, au vu des éléments de son dossier, donner à la Cour tous renseignements permettant de déterminer l'étendue de l'exposition à l'amiante de M. Maurice Y... dans le cadre de sa carrière professionnelle,
- donner son avis sur le point de savoir si le cancer broncho-pulmonaire présenté par M. Maurice Y... peut être imputé avec certitude à une exposition à l'amiante ;
dans l'affirmative :
- fixer la date de première constatation médicale de cette pathologie relative à l'amiante,
- donner les éléments permettant d'évaluer le taux d'incapacité de M. Maurice Y... de son vivant, ce par référence au barème médical indicatif du FIVA ainsi que les préjudices qu'il a subis (souffrances physiques et morales, préjudice d'agrément et préjudice esthétique) en les évaluant selon l'échelle de sept degrés,
- dire si l'état de M. Maurice Y... justifiait l'assistance d'une tierce personne et, dans l'affirmative préciser à partir de quelle date et le nombre d'heures qui lui étaient nécessaires,
- faire toutes observations qui lui paraîtrait de nature à permettre la solution du litige,
DIT que l'expert pourra, s'il l'estime utile, s'adjoindre comme sapiteur dans les conditions de l'article 278 du du Code de Procédure Civile, M. Yves B..., ingénieur du Centre d'études supérieures industrielles demeurant 30 rue des Ardennes à Paris 19ème,
DIT qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête ;
DIT que l'expert déposera son rapport au Greffe de la Cour dans les quatre mois de l'avis de la consignation ;
DIT que les frais d'expertise seront versés par le FIVA qui devra consigner la somme de 1 500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, entre les mains de Mme Le Régisseur d'Avances et de Recettes dans le délai de trois semaines à compter de la notification de la présente décision par le greffe ;
DIT que l'expert devra nous faire connaître sans délai son acceptation, et devra commencer ses opérations dès la consignation de la provision (art 270 du nouveau code de procédure civile) ;
DIT qu'à défaut de consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque, sauf décision contraire du juge en cas de motif légitime, et qu'il sera tiré toutes conséquences de l'abstention ou du refus de consigner (art 271 du nouveau code de procédure civile) ;
RESERVE les dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
E. AZEVEDO. M. JEAN.