ARRET N.
RG N : 12/ 00962
AFFAIRE :
Mme Anne X...
C/
M. Olivier Y...
DB-iB
créances
Grosse délivrée à Maître PAGNOU, avocat
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 28 NOVEMBRE 2013--- = = = oOo = = =---
Le VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Anne X... de nationalité Française née le 21 Avril 1962 à POITIERS (86000) Profession : Agent de Maîtrise, demeurant ...
représentée par Me Philippe CLARISSOU, avocat au barreau de CORREZE substitué à l'audience par Me BADEFORT, avocat
APPELANTE d'un jugement rendu le 22 JUIN 2012 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
Monsieur Olivier Y... de nationalité Française né le 11 Août 1956 à DOUE LA FONTAINE (49) Profession : Employé, demeurant ...
représenté par Me Sandrine PAGNOU, avocat au barreau de LIMOGES et de Me BOISNARD (SARL LEXCAP), avocat au barreau d'Angers
INTIME
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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 01 Octobre 2013 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 5 Novembre 2013. L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 août 2013.
A l'audience de plaidoirie du 01 Octobre 2013, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur Didier BALUZE, Conseiller a été entendu en son rapport, Maîtres BADEFORT et BOISNARD, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 28 Novembre 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Résumé du Litige
Mme X... et M. Y... étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.
Ils ont acheté une maison financée notamment avec un prêt du Crédit Agricole du 17 avril 1985 de 538. 650 frs, soit 82. 236 ¿, M et Mme Y... étant co-emprunteurs solidaires.
M. Y... a été placé en redressement puis liquidation judiciaire les 8 puis 22 mars 1988 (la procédure collective avait été décidée aussi contre Mme Y... mais en appel il y a eu réformation de ce chef).
La créance du Crédit Agricole a été déclarée et admise semble-t-il (copie mal lisible), pour 607. 315, 05 frs à titre privilégié et 37. 166, 06 frs à titre chirographaire.
Le couple a divorcé selon jugement du 31/ 10/ 1989 et la maison a été vendue.
Divers versements sont intervenus, ceci de 1988 à juillet 2010 :- le prix de vente de l'immeuble,- il y avait eu avant un versement de M. Jacques Y..., caution et père du mari,- des règlements du mandataire liquidateur, soit au total 214. 036 ¿.
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M. Olivier Y... fait valoir qu'il a été versé pour son compte plus que sa part et par acte du 28 avril 2011, il a engagé une action en paiement de la somme de 72. 528 ¿.
Par jugement du 22 juin 2012, le tribunal de grande instance de Brive la Gaillarde, relevant notamment qu'aucun décompte de créance du Crédit Agricole n'était produit, a procédé lui-même au calcul.
Il a admis la recevabilité de l'action qui était discutée par rapport à la prescription et il a condamné Mme X... à payer à M. Y... 53. 222, 66 ¿ avec intérêts.
Il a déclaré irrecevable pour cause de prescription la demande de dommages et intérêts de Mme X....
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Mme X... a interjeté appel.
Elle soulève la prescription à la fois de l'action subrogatoire de M. Y... compte tenu de l'ancienneté de certains versements et de la créance même du Crédit Agricole.
Sur le fond, elle estime que le montant de la demande n'est pas clairement justifié, notamment qu'il n'y a pas de décompte de créance du Crédit Agricole, que par rapport à une créance admise de 92. 000 ¿, il aurait été versé 214. 035 ¿ ce qui apparaît excessif mais que s'il a été trop versé par M. Y... cela ne peut lui être imputé, à elle.
Subsidiairement, elle estime qu'elle devrait 15. 826 ¿.
Par ailleurs, elle fait valoir que M. Y... n'a pas versé la pension alimentaire qu'il avait été condamné à lui payer pour les enfants communs et qu'elle est recevable à solliciter sa condamnation à lui verser 30. 000 ¿ de dommages et intérêts de ce chef.
Mme X... demande donc :
- de réformer le jugement,
- de déclarer l'action de M. Y... irrecevable pour cause de prescription,
- subsidiairement de rejeter au fond les demandes de M. Y...,
- plus subsidiairement de limiter la dette à 15. 826 ¿,
- si une somme était mise à sa charge : de condamner M. Y... à lui payer 30. 000 ¿ de dommages et intérêts, avec compensation entre les créances réciproques.
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M. Y... conclut à l'irrecevabilité et au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement.
Il soutient que son action n'est pas prescrite car il convient de partir du dernier versement par lequel sa quote part de dette a été dépassée.
Il estime que le montant de celle-ci peut être reconstitué.
Il considère qu'en revanche la demande de dommages et intérêts de Mme X... est prescrite et en tout cas mal fondée.
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Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties déposées par Mme X... le 26/ 02/ 2013 et par M. Y... le 27/ 06/ 2013.
Motifs
Il n'est pas fourni d'explications ni de justifications sur l'irrecevabilité de l'appel qui ne sera donc pas retenue.
Il a donc été conclu entre le Crédit Agricole et M et Mme Y... un prêt ainsi que cela ressort d'un acte notarié du 17 avril 1985.
Selon cet acte, il y a eu un prêt de 538. 650 frs (82. 116, 66 ¿, durée 20 ans, taux intérêts 13, 15 %, qui sera désigné prêt no1) mais aussi, même si cela n'est pas évoqué par les parties, un autre prêt de 50. 800 frs (7. 444, 41 ¿, durée 15 ans, taux de 15, 15 %, ou prêt no2). Soit au total 589. 450 frs ou 89. 861, 07 ¿.
Il était stipulé que si le présent contrat comportait plusieurs prêts, la somme totale serait désignée par abréviation " le prêt " (page 6).
Il était également stipulé une clause de solidarité pour les emprunteurs (page 8).
Le Crédit Agricole bénéficiait du privilège de prêteur de deniers et d'une affectation hypothécaire sur l'immeuble acquis (page 16).
Le codébiteur solidaire qui a payé plus que sa part a un recours contre l'autre débiteur à concurrence de la part payée pour celui-ci. En l'occurrence, à défaut de répartition différente, la contribution à la dette se répartissait par moitié et M. Y... a un recours pour les sommes versées au-delà de sa moitié de dette.
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La créance du Crédit Agricole n'était pas prescrite quand M. Y... a engagé son action le 28 avril 2011.
Il ressort de l'état des créances du 6 juin 1988 que le Crédit Agricole a déclaré une créance de 607. 315, 05 frs (92. 584, 57 ¿) à titre privilégié (37. 166 frs à titre chirographaire). Le fait que la première créance soit à titre privilégié permet d'en déduire qu'elle se rattache au prêt sus évoqué. Il apparaît que cette créance a été admise, intérêts non échus pour mémoire (copie assez mal lisible à ce niveau).
Il y a donc eu déclaration de créance. Celle-ci est considérée comme équivalant à une demande en justice, elle interrompt la prescription, et cet effet interruptif se poursuit jusqu'à la clôture de la procédure (en ce sens Cour de Cassation, chambre commerciale, arrêts des 15/ 03/ 2005, 6/ 07/ 2010, 30/ 10/ 2012). Par ailleurs, selon l'article 1206 du Code Civil, la poursuite contre un des débiteurs solidaires interrompt la prescription à l'égard de tous.
M. Y... ne précise pas ni ne justifie quand exactement sa propre procédure collective a été close. Mais, dans une lettre du 27 juillet 2010, Me Jumel, mandataire judiciaire, faisait état de diligences qu'il allait effectuer, après lesquelles il engagerait la clôture du dossier pour extinction de passif. Il en ressort qu'à cette époque (juillet 2010), la procédure collective n'était pas encore terminée.
Donc, il ne pouvait y avoir prescription de la créance elle-même en principal comme intérêts en avril 2011.
L'action subrogatoire n'est pas non plus prescrite. Sur cet aspect, la prescription du recours subrogatoire ne peut commencer à courir qu'à partir du moment où cette action naît, soit lorsque le codébiteur paie au-delà de sa part. L'examen du montant de la créance va montrer qu'il n'a été fait des versements pour M. Y... au-delà de sa part qu'avec les règlements d'octobre 2009- juillet 2010. L'action diligentée en avril 2011 n'est donc pas atteinte par la prescription de cet autre chef.
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Sur le montant du recours, les explications et pièces de M. Y... sont certes effectivement parfois succinctes et lacunaires. Notamment, il n'est produit ni tableau d'amortissement, ni la déclaration de créance du Crédit Agricole, ni décompte de celui-ci...
Cela étant, M. Y... conclut à la confirmation du jugement, ramenant ainsi sa demande à 53. 222, 66 ¿ (72. 528, 95 ¿ initialement).
Une approche de la créance peut consister à retenir le montant des versements, sauf à vérifier qu'ils n'excèdent pas le montant possible de la créance.
Sans suivre ensuite tout le calcul du Tribunal, la base qu'il a déterminée peut être retenue car elle est le minimum possible.
La procédure collective a été ouverte en mars 1988. Il n'est pas allégué ni en tout cas justifié que les échéances des prêts aient continué à être payées régulièrement.
Comme l'indique le Tribunal, il apparaît que pour le prêt no1 il y avait un différé d'amortissement de deux ans (page 12, période d'anticipation de 2 ans maximum, point de départ 10 mai 1985, période d'amortissement de 18 ans).
Selon une lettre du Crédit Agricole du 2/ 02/ 88, le capital remboursé était de 155, 88 frs (cela peut concerner les deux prêts, mais en l'affectant au seul prêt no1 cela n'est pas défavorable à Mme X...).
Il peut donc être considéré qu'à cette époque il y a eu déchéance du terme et que le capital était au moins de 538. 650 frs-155, 88 = 538. 494, 12 frs.
Le Tribunal a mentionné par erreur un montant de 535. 650 (euros d'ailleurs), soit un capital de 535. 494, 12 frs (ou 81. 635, 55 ¿), ce qui peut être retenu car favorable à Mme X....
Sur cette base une créance minimale peut être fixée selon le tableau ci-dessous.
Il est précisé, même si les parties n'évoquent pas cet aspect, que selon l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrêtait le cours des intérêts, intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an, ce qui est le cas en l'espèce.
Par ailleurs ce tableau ne reprend pas les intérêts tels que mentionnés dans la situation de passif au 18 juin 2009 pour 219. 913, 33 ¿ et 59. 98, 14 ¿.
base 81. 635, 55 ¿ versement caution 167. 629, 04 frs ou 25. 554, 88 ¿ en mai 198881. 635, 53-25. 554, 88 = 56. 080, 67 ¿
versements pour Mme X... suite adjudication maison en septembre 1990 : 21. 663 ¿ + 48, 17 = 21. 711, 17 ¿, le tout est déduit en octobre 1990, ce qui est le plus favorable à Mme X..., vu lettre de Me Barré du 12/ 05/ 2011 Intérêts de juin 1988 à septembre 1990 : 28 mois, 56. 080, 67 x 13, 15 %/ 12 x 28 = 17. 207, 41 ¿ 56. 080, 67 + 17. 207, 41 = 73. 288, 08 ¿ 73. 288, 08-21. 711, 17 = 51. 576, 91 ¿
versement mandataire liquidateur : 16. 769, 39 ¿ en juillet 2000 Intérêts d'octobre 1990 à juillet 2000 : 118 mois 51. 576, 91x 13, 15 %/ 12 x 118 = 66. 693, 21 ¿ 51. 576, 91 + 66. 693, 21 = 118. 270, 12 ¿ 118. 270, 12-16. 769, 39 = 101. 500, 73 ¿ en juillet 2000, la créance est donc de 118. 270, 12 ¿, soit/ 2 = 59. 135, 06 ¿ en réglant 16. 769, 39 ¿, M. Y... (ou le mandataire pour son compte) ne règle pas encore au delà de sa part
versement mandataire liquidateur : 76. 338 ¿ en octobre 2009 intérêts de août 2000 à octobre 2009 : 101. 500, 73 x 13, 15 %/ 12 x 111 = 123. 462, 99 ¿ 101. 500, 73 + 123. 462, 99 = 224. 963, 72 ¿ 224. 963, 72-76. 338 = 148. 625, 72 ¿
versement mandataire liquidateur : juillet 2010 : 73. 661, 88 ¿ intérêts de novembre 2009 à juillet 2010 : 9 mois 148. 625, 72 x 13, 15 %/ 12 x 9 = 14. 658, 21 ¿ 148. 625, 72 + 14. 658, 21 = 163. 283, 93 ¿ 163. 283, 93-73. 661, 88 = 89. 622, 05 ¿
Le montant global de la créance peut donc être estimé au moins à : 81. 635, 55 + 17. 207, 41 + 66. 693, 21 + 123. 462, 99 + 14. 658, 21 = 303. 657, 37 ¿
Le montant global des versements a été de : 25. 554, 88 + 21. 711, 17 + 16. 769, 39 + 76. 338 + 73. 661, 88 = 214. 035, 32.
Les versements n'ont donc pas excédé la créance.
Il ressort de la lettre du mandataire liquidateur du 27 juillet 2010 qu'il a obtenu une transaction avec le Crédit Agricole (même si on n'en connaît pas les termes exacts et le montant de créance dont se prévalait la banque).
Par rapport maintenant au recours de M. Y... contre Mme X..., même en considérant que la créance en définitive n'excède pas les versements (mais qui sont donc en dessous de la créance réelle avant transaction) et en imputant le versement de la caution pour moitié pour chaque codébiteur (25. 554, 88/ 2 = 12. 777, 44), M. Y... a versé plus que sa part :
- créance totale ramenée à 214. 035, 32/ 2 = 107. 017, 66 ¿,
- versements Mme X... ou imputation pour son compte : 12. 777, 44 + 21. 711, 17 = 34. 488, 61 ¿,
- versements M. Y... ou pour son compte : 12. 777, 44 + 16. 769, 39 + 76. 338 + 73. 661, 88 = 179. 546, 67 ¿.
Compte tenu de ces calculs, le recours de M. Y... a concurrence de 53. 222, 66 ¿ est justifié.
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Mme X... forme elle-même une demande en paiement de 30. 000 ¿ de dommages intérêts qui n'est donc pas simplement une exception à l'action de M. Y....
Elle n'a guère de lien avec celle-ci.
Elle se rattache à des décisions sur la pension alimentaire pour les enfants de 1988, 1989 et 1997.
Le terme des pensions n'est pas précisé, en tout cas les enfants sont nés en 1982 et 1985.
Il est produit un décompte de dette alimentaire (pièce 8) faisant état de recouvrement de pensions pour une période de septembre 1989 à juin 1993 avec un décompte en avril 1994, un récapitulatif de dette alimentaire pour 20. 612 ¿, document du 21/ 11/ 1997.
La demande de dommages et intérêts a été présentée devant le tribunal de grande instance pour la première fois par conclusions du 7/ 09/ 2011.
Il n'apparaît pas selon ces quelques éléments qu'il y ait un arriéré postérieur au 7/ 09/ 2001.
Selon l'ancien article 2270-1 du Code Civil, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage (ou de son aggravation).
Le dommage allégué apparaissait à chaque impayé.
Avec la réforme de la loi du 17 juin 2008, ce délai de prescription est passé à 5 ans (article 2224 du Code Civil) mais un tel changement ne rallonge pas le délai (article 26 II de la loi précitée) de telle sorte que le délai de prescription pour un éventuel impayé en août 2001 expirait en août 2011.
Dans la mesure donc où il ne ressort pas des éléments du dossier qu'il y ait eu d'impayés depuis septembre 2001, la demande de dommages et intérêts est prescrite.
De toute façon si tel n'était pas le cas, elle n'est pas fondée. Mme X... disposait d'un titre pour faire payer la pension alimentaire et recouvrer l'arriéré et le préjudice équivaut au montant des pensions avec intérêts de telle sorte qu'il n'y a pas lieu à allocation maintenant de sommes supplémentaires.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles d'appel.
Dispositif
La cour, statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Rejette l'appel et les demandes de Mme X...,
Confirme le jugement,
Y ajoutant en tant que de besoin :
Rejette la demande de dommages intérêts de Mme X...,
Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Mme X... aux dépens et autorise l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.