ARRET N.
RG N : 12/ 00848
AFFAIRE :
Mme Maria da Conceiçao X... épouse Y...
C/
M. Gilles Bernard Y...
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2013--- = = = oOo = = =---
Le SEIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Madame Maria da Conceiçao X... épouse Y... de nationalité Française née le 01 Août 1958 à VALVERDE (PORTUGAL) Profession : Salarié (e), demeurant...
représentée par Me Stéphanie DUFRAIGNE, avocat au barreau de CREUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 12/ 5397 du 15/ 11/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
APPELANTE d'un jugement rendu le 23 MAI 2012 par le JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DE GUERET
ET :
Monsieur Gilles Bernard Y... de nationalité Française né le 12 Septembre 1955 à LA NOUAILLE (23500) Profession : Employé, demeurant...
représenté par Me Muriel NOUGUES, avocat au barreau de CREUSE
INTIME
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Communication a été faite au Ministère Public le 8 avril 2013 et visa de celui-ci a été donné le 12 avril 2013
L'affaire a été fixée à l'audience du 17 Juin 2013, après ordonnance de clôture rendue le 2 mai 2013, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, en chambre du conseil, Madame le Président a été entendu en son rapport, Maîtres DUFRAIGNE et NOUGUES, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 16 Septembre 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Gilles Y... et Maria Da Conceiçao X... ont contracté mariage le 31 mars 1979 devant l'Officier de l'Etat Civil de la commune de Crocq (23) sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.
De cette union sont issus deux enfants, qui, nés en 1982 et 1983, ne sont plus à charge.
Selon requête déposée le 20 juillet 2007, M. Y... a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Guéret d'une demande en divorce.
Selon ordonnance du 17 octobre 2007, le juge aux affaires familiales a notamment attribué à M. Y... la jouissance du logement et du mobilier du ménage à titre gratuit et pendant la durée de toute la procédure, à charge pour lui de payer les charges afférentes mais accordé un délai de 6 mois à l'épouse pour quitter le domicile conjugal ; le juge aux affaires familiales a par ailleurs désigné Me Z..., notaire à Aubusson pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.
Par jugement du 23 juillet 2008, le juge aux affaires familiales, saisi par Mme X..., a désigné en sus de Me Z... Me A... pour établir le projet liquidatif du régime matrimonial et a condamné M. Y... à payer à Me X... une pension mensuelle de 200 ¿ au titre du devoir de secours.
Selon acte du 10 décembre 2009, M. Y... a assigné son épouse en divorce sur le fondement de l'article 237 du Code Civil et, sur cette assignation, Mme X... a formulé une demande reconventionnelle en divorce sur le fondement de l'article 242 du Code Civil ; selon ses dernières écritures devant la juridiction du premier degré, le mari a modifié le fondement de sa demande pour voir prononcer le divorce aux torts de son épouse et, à titre subsidiaire, le voir prononcer en application de l'article 237 du Code Civil.
Selon jugement du 23 mai 2012, le premier juge a débouté M. Y... et Mme X... de leurs demandes en divorce et a laissé à la charge de chaque partie ses propres dépens ; le tribunal a estimé que les époux ne démontraient pas les griefs formulés par chacun contre l'autre et considéré, sur la demande subsidiaire du mari fondée sur les dispositions de l'article 237 du Code Civil, que la communauté de vie entre les époux n'avait cessé que depuis moins de deux ans à la date de l'assignation.
Mme X... a interjeté appel de cette décision selon déclaration du 12 juillet 2012.
Les dernières écritures des parties, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample information sur leurs demandes et moyens, ont été transmises à la cour les 10 octobre 2012 par Mme X... et 6 décembre 2012 par Me Y...
Mme X... demande à la cour de prononcer le divorce sur le fondement de l'article 242 du Code Civil aux torts exclusifs de son époux à qui elle reproche son adultère ainsi que le fait de l'avoir flouée à l'occasion de l'acquisition d'une parcelle de terre sur laquelle a été construite la maison commune. ; elle demande à la cour par ailleurs d'être autorisée à conserver le nom de son conjoint et sollicite paiement d'une prestation compensatoire de 40. 000 ¿ ainsi que d'une indemnité de 3. 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
M. Y... invite la cour à confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en divorce de Mme X..., et à faire droit à sa demande tendant au prononcé du divorce sur le fondement des articles 237 et 238 du Code Civil avec donné acte de ce qu'il choisit Me Z..., notaire à Aubusson, pour établir le partage de communauté entre époux ; il s'oppose par ailleurs à la demande de son épouse tendant à la conservation du nom de son conjoint et offre une prestation compensatoire de 9. 600 ¿ en capital payable sous forme d'une rente mensuelle de 100 ¿ par mois pendant une durée de 8 années avec indexation, la première indexation annuelle ayant lieu le premier janvier qui suivra la date de l'arrêt de la cour ; il conclut enfin à la condamnation de Mme X... en tous les dépens d'instance et d'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le prononcé du divorce
Attendu que, selon les dispositions de l'article 246 du Code Civil, si une demande pour altération du domicile conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute (premier alinéa) ; s'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal (2ème alinéa) ;
Attendu par ailleurs que, selon les dispositions de l'article 238 du Code Civil en son alinéa 1, l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; que l'alinéa 2 de ce texte prévoit toutefois que, nonobstant ces dispositions, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal dans la cas prévu au second alinéa de l'article 246 du Code Civil, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel ;
Attendu ainsi que la cour statuera en premier lieu sur la demande de l'épouse présentée en application de l'article 242 du Code Civil, étant fait observé qu'elle n'est pas saisie par le mari d'une demande en divorce contre son épouse sur le même fondement et, s'il y a lieu, sur la demande reconventionnelle du mari fondée sur les dispositions des articles 237 et 238 du Code Civil ;
Attendu que Mme X... reprend devant la cour les griefs contre son mari d'ores et déjà exposés devant la juridiction du premier degré ; qu'elle lui reproche encore de l'avoir chassée du domicile conjugal ;
Attendu toutefois que le premier juge, par des motifs pertinents que la cour adopte, a à bon droit écarté les griefs formulés devant lui par l'épouse ; que, quels que puissent être en effet le caractère troublant des éléments avancés par celle-ci (fréquence de SMS et d'appels à des horaires peu habituels en direction du téléphone d'une amie du mari), ils sont insuffisants pour démontrer l'adultère du mari ; que rien ne permet par ailleurs d'établir que l'épouse n'ait pas eu une connaissance exacte des conditions dans lesquelles a été acquise par le mari la parcelle ayant servi à construire l'immeuble commun, étant observé qu'elle n'a pas ignoré en tout cas n'avoir pas comparu devant le notaire pour cette acquisition ; que n'est pas démontrée en tout cas l'attitude frauduleuse du mari, qu'il n'y a pas lieu de présumer, à l'occasion de l'acte d'acquisition de ladite parcelle signé le 30 décembre 1988 devant Me Z..., notaire à Montluçon, aux termes duquel, sous le titre " déclaration d'emploi ", M. Y... a précisé que la somme de 3. 000 ¿ qu'il vient de verser pour la présente acquisition lui est personnelle, comme provenant de partie de la somme de 200. 000 F qui lui a été donnée par les époux Y... et B... Yvette, ses père et mère, suivant acte reçu par Me Z... le 29 novembre 1988 et qu'il fait cette déclaration pour que, attendu l'origine des deniers, l'immeuble présentement acquis lui soit propre à titre d'emploi de la somme à lui donnée par ses père et mère ;
Attendu, par ailleurs, que Mme X... ne saurait reprocher à son époux de l'avoir chassée du domicile conjugal alors que les faits dont elle fait état se situent en avril 2008, date à laquelle elle devait, en exécution de l'ordonnance de non conciliation, quitté l'ancien domicile conjugal dont la jouissance avait été attribuée à son conjoint ; que ce grief est encore inopérant ;
Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé en ce que Mme X... a été déboutée de sa demande en divorce ;
Et attendu que Mme X... ne conteste pas l'altération définitive du lien conjugal ; qu'elle reconnaît au contraire avoir quitté le domicile conjugal, en exécution de l'ordonnance de non conciliation, en avril 2008 ; qu'il sera fait droit ainsi, conformément aux dispositions des articles 237, 238 et 246 du Code Civil d'ores et déjà visés, à la demande reconventionnelle en divorce formée par M. Y..., avec toutes conséquences de droit ;
Sur l'usage par l'épouse du nom du mari
Attendu que la seule durée du mariage ne constitue pas un motif suffisant pour autoriser l'épouse à conserver l'usage du nom de son mari ; que la demande de l'épouse à ce titre sera rejetée ;
Sur la prestation compensatoire sollicitée par l'épouse
Attendu que, selon les dispositions de l'article 270 du Code Civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des parties ; que, conformément aux dispositions de l'article 271 du même code elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que le juge prend en considération notamment la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite ;
Attendu que M. Y... ne conteste pas l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des parties créée par la rupture du mariage ; qu'il fait en effet une offre consistant à payer à Mme X... un capital de 96. 000 ¿ qu'il verserait sous la forme d'une rente mensuelle de 100 ¿ ;
Attendu cependant qu'il ressort des éléments du dossier que les époux sont âgés de 58 ans pour le mari et 55 ans pour l'épouse, qu'ils ont élevé deux enfants et que le mariage a duré 33 années dont 28 ans de vie commune ; que M. Y... travaille depuis 30 ans, ce qui révèle la stabilité de son emploi, au service entretien de l'association de la clinique de la Croix Blanche et a perçu en 2012 des salaires de l'ordre de 2249 ¿ (cumul net imposable de 17 993 ¿ en août 2012) tandis que Mme X..., qui exerce la profession d'employée de maison, a des revenus largement inférieurs (16. 338 ¿ déclarés au titre des revenus 2010), étant observé cependant qu'elle ne verse pas aux débats sa déclaration de revenus 2012 ou les éléments permettant de déterminer avec exactitude ses revenus actuels ; qu'il est constant par ailleurs que celle-ci, quelles qu'en soient les raisons, est demeurée sans emploi au cours du mariage pendant une période de 9 années ce qui va réduire d'autant ses droits à la retraite ; que le mari est par ailleurs propriétaire par accession de l'immeuble ayant constitué le domicile conjugal, même si un compte sera à faire entre les parties à l'occasion de la liquidation de la communauté ; qu'il apparaît encore propriétaire d'un immeuble à lui donné par ses parents ; que si tant est que Mme X... ait des économies placées sur un livret de caisse d'épargne, celles-ci seront prises en compte à l'occasion du règlement du régime matrimonial si ce livret a été alimenté du temps de la vie commune ; que s'il s'agit en revanche d'économies postérieures à la séparation du couple, elles ne sont pas de nature à modifier fondamentalement la disparité existant entre les parties et la fixation du montant de la prestation compensatoire due par le mari ; que, au vu de ces éléments, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer à 22. 000 ¿ le capital dû par le mari à son épouse au titre de la prestation compensatoire, sauf à autoriser celui-ci à verser à son épouse une rente mensuelle de 229 ¿ pendant 8 années avec indexation telle que prévue au dispositif de cette décision ;
Attendu enfin que la nature du litige et l'équité conduisent à dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, après débats en chambre du conseil et en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Prononce le divorce en application de l'article 237 du Code Civil de Gilles Y... né le 12 septembre 1955 à La Nouaille (Creuse) et Maria da Conceiçao X... née le 1er août 1958 à Valverde (Portugal).
ORDONNE la publication du divorce conformément à la loi et la mention du dispositif de l'arrêt en marge de l'acte de mariage et des acte de naissance de chacun des époux,
REJETTE la demande de l'épouse tendant à être autorisée à conserver l'usage du nom de son conjoint,
CONDAMNE Gilles Y... à payer à Maria de Conceiçao X... à titre de prestation compensatoire un capital de 22. 000 ¿, sauf à l'autoriser à se libérer par une rente mensuelle de 229 ¿ pendant 8 années, avec indexation le premier janvier de chaque année sur l'indice de la consommation des ménages urbains hors tabac publié par l'INSEE et pour la première fois le premier janvier 2015,
DIT que les effets du divorce remonteront, dans les rapports entre les parties, au 17 octobre 2007, date de l'ordonnance de non conciliation,
DONNE acte à Gilles Y... de ce qu'il choisit Me Z..., notaire à Aubusson pour établir la liquidation du régime matrimonial des parties et à Maria da Conceiçao X... qu'elle choisit, pour ce faire, Me A..., notaire à Aubusson,
DIT que cette décision emporte, par application des dispositions de l'article 265 du Code Civil, révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du mariage ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort qui auraient pu être consentis par l'un des époux à l'autre pendant leur union,
DESIGNE le président du Tribunal de Grande Instance de Guéret ou son délégataire pour surveiller les opérations de partage et faire rapport en cas de difficultés,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Elysabeth AZEVEDO. Martine JEAN.