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27/06/2013 | FRANCE | N°12/00637

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 27 juin 2013, 12/00637


ARRET N.
RG N : 12/ 00637
AFFAIRE :
M. Alain X..., Mme Arlette Y... épouse X..., SA COVEA RISK
C/
SARL BRUNO représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège, SARL FREE BOARD représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège.
DB/ MCM
Grosse délivrée à Me DURAND-MARQUET, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 27 JUIN 2013--- = = = oOo = = =---

Le VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public

au greffe :
ENTRE :
Monsieur Alain X... de nationalité Française, né le 15 Mars 1949 à MONTAUT,...

ARRET N.
RG N : 12/ 00637
AFFAIRE :
M. Alain X..., Mme Arlette Y... épouse X..., SA COVEA RISK
C/
SARL BRUNO représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège, SARL FREE BOARD représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège.
DB/ MCM
Grosse délivrée à Me DURAND-MARQUET, avocat

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 27 JUIN 2013--- = = = oOo = = =---

Le VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Alain X... de nationalité Française, né le 15 Mars 1949 à MONTAUT, Retraité, demeurant...-...-33110 LE BOUSCAT

représenté par Me Gilles-Jean PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Arlette Y... épouse X... de nationalité Française, née le 05 Mars 1949 à BRIVE (19), Retraitée, demeurant...-...-33110 LE BOUSCAT

représentée par Me Gilles-Jean PORTEJOIE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES
SA COVEA RISK dont le siège social est 19/ 21 Allée de l'Europe-92110 CLICHY

représentée par Me Anne DEBERNARD-DAURIAC de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Patricia LE TOUARIN LAILLET, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS d'un jugement rendu le 23 MARS 2012 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
SARL BRUNO représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège dont le siège social est 10-23 rue de Corrèze-19100 BRIVE LA GAILLARDE

représentée par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES, Me Cédric PARILLAUD, avocat au barreau de CORREZE
SARL FREE BOARD représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège. Dont le siège social est 7 bis rue Carnot-19100 BRIVE LA GAILLARDE

représentée par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD SCP, avocat au barreau de LIMOGES, Me Cédric PARILLAUD, avocat au barreau de CORREZE
INTIMEES
--- = = oO § Oo = =---
L'affaire a été fixée à l'audience du 07 Mai 2013, en application des dispositions de l'article 905 du Code de procédure civile, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Eliane RENON et de Monsieur Didier BALUZE, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Monsieur le Conseiller BALUZE a été entendu en son rapport, Maître PORTEJOIE, Maître PARILLAUD et Maître LE TOUARIN-LAILLET, avocats, sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 27 Juin 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---

RÉSUMÉ DU LITIGE
M. Alain X... était expert comptable à Brive la Gaillarde. Son épouse, Arlette Y..., travaillait dans son cabinet.
Fin 2008- début 2009, à la suite de plaintes de certains clients, il est apparu que Mme X... avait fait des détournements de sommes dues au titre de la TVA au préjudice de certains clients. Elle mettait les chèques remis sans ordre au nom de A. X... et les encaissait, elle procédait à diverses démarches auprès des clients et du fisc et quelques opérations dans la comptabilité pour que ces manoeuvres ne soient pas découvertes.
Parmi ces clients-victimes figuraient les SARL BRUNO et FREE BOARD (même gérant, commerces de vêtements).
Une procédure pénale a eu lieu pour abus de confiance et faux dans le cadre de laquelle M. X... a été poursuivi comme complice. La prévention visait la période entre janvier 2006 et décembre 2008.
Cette procédure, après un jugement du Tribunal Correctionnel de Brive du 23 juillet 2009, a abouti à un arrêt de la Cour d'Appel de Limoges du 2 avril 2010 qui a relaxé M. X... ainsi que Mme X... du chef d'abus de confiance contre la SARL AECS (repreneur du cabinet X...). Mme X... a été déclarée coupable des autres infractions puis a fait ultérieurement l'objet d'une dispense de peine.
Le jugement précité, en ce qui concerne la SARL BRUNO, partie civile, a constaté que le préjudice matériel visé à la prévention (soit 68. 247 €) avait été remboursé, il a alloué 4. 000 € d'intérêts de retard et 1. 000 € de dommages intérêts.
Mme X... a notamment été condamnée également à payer à la SARL FREE BOARD 12. 943 € pour préjudice matériel et intérêts de retard et 1. 000 € de dommages intérêts.
Ces dispositions à l'égard de Mme X... ont été confirmées.
* * *

Les SARL BRUNO FREE BOARD ont engagé ensuite une action devant la juridiction civile pour des indemnisations supplémentaires, sollicitant notamment :
- pour la période 2006/ 2008 : 105. 563 € pour la SARL BRUNO et 12. 127 € SARL FREE BOARD,
- pour la période avant 2006 : 52. 349 € pour la SARL BRUNO et 60. 903 pour la SARL FREE BOARD.
Elles ont appelé en cause la SA COVEA RISKS, assureur de M. X....
Par jugement du 23 mars 2012, le tribunal de grande instance de Brive la Gaillarde a statué ainsi :
Dit irrecevables les demandes des SARL BRUNO et FREE BOARD au titre de l'indemnisation de préjudice lié aux redressements fiscaux pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008,
Dit qu'Alain X..., Arlette Y... épouse X..., et la SA. COVEA RISKS doivent payer in solidum la somme de 56 517 € à la SARL FREE BOARD, et la somme de 52. 349 € à la S. A. R. L BRUNO (indemnisation pour la période avant 2006),
Dit que la S. A. COVEA RISKS doit garantir entièrement les époux X... du paiement de ces sommes,
Dit qu'Alain X... et Arlette Y... doivent payer in solidum les sommes de 2. 500 € à la SARL FREE BOARD et 5. 000 € à la SARL BRUNO (indemnisation par rapport aux honoraires),
Dit qu'Alain X..., Arlette Y... et la SA COVEA RISKS doivent payer in solidum les dépens et tant à la SARL FREE BOARD qu'à la SARL BRUNO la somme de 2. 000 e au titre de l'a. 700 du Code de procédure civile.
* * *

Monsieur et Madame X... et la SA COVEA RISKS ont interjeté appel.
Il sera cependant exposé d'abord les demandes des SARL BRUNO FREE BOARD et celles de M et Mme X....
* * *

Les SARL BRUNO et FREE BOARD présentent les demandes suivantes :
- Débouter la société COVEA RISKS de son appel, déclaré mal fondé,- faisant droit en revanche à l'appel incident de la société BRUNO et de la société FREE BOARD, déclaré recevable,

- condamner solidairement Monsieur X... et la Société COVEA RISKS au paiement des sommes suivantes pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 :-105. 563 € pour la société BRUNO-12. 127 € pour la société FREE BOARD

-condamner solidairement les époux X... et la société COVEA RISKS au paiement des sommes suivantes pour la période antérieure au 1er janvier 2006 :-52. 349 € pour la société BRUNO-60. 903 € pour la société FREE BOARD

-condamner solidairement les époux X... et la société COVEA RISKS à payer des dommages et intérêts à hauteur de :-22. 932, 25 € pour la société BRUNO-18. 822, 17 € pour la société FREE BOARD.

- condamner solidairement les époux X... et la société COVEA RISKS à payer aux société BRUNO et FREE BOARD une indemnité de 4. 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
* * *

M et Mme X... présentent les demandes suivantes :
- A titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes des sociétés BRUNO et FREE BOARD au titre de l'indemnisation d'un préjudice lié aux redressements fiscaux pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008,
- faisant droit pour le surplus à l'appel des époux X..., déclaré recevable,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les époux X... et la Société COVEA RISKS à payer la somme de 56. 517 € à la SARL FREE BOARD et la somme de 52. 349 € à la SARL BRUNO,
- débouter la SARL BRUNO et la SARL FREE BOARD en toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- les condamner in solidum au paiement de la somme de 3. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- les condamner sous la même solidarité aux dépens de première instance et d'appel.
- subsidiairement et s'il était fait droit aux demandes des société BRUNO et FREE BOARD,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA COVEA RISKS à garantir les époux X... du paiement des sommes allouées aux sociétés BRUNO et FREE BOARD au titre des détournements commis sur la période antérieure au 1er janvier 2006,
- réformer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il a exclu la garantie de l'assureur pour les indemnités liées aux honoraires, mises à la charge des époux X...,
- dire que la société COVEA RISKS sera tenue de garantir les époux X... de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente procédure,
- la condamner, en tant que de besoin, au paiement desdites sommes,
- la condamner au paiement d'une indemnité de 3. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
* * *

La SA COVEA RISKS demande de la recevoir en ses exclusions de garantie, de réformer le jugement en ce qu'il a condamné COVEA RISKS à garantir M et Mme X... des sommes détournées au préjudice des deux SARL.
Subsidiairement, elle demande de dire que ces deux SARL ont commis des fautes de gestion à l'origine de leur dommage, non indemnisables dés lors, et de les débouter de leurs prétentions.
* * *

Il est renvoyé aux conclusions ou dernières conclusions des parties transmises par la SA COVEA RISKS le 27/ 03/ 2013, par M et Mme X... le 20/ 11/ 2012 et par les SARL BRUNO et FREE BOARD le 01/ 10/ 2012.
MOTIFS
Sur le principe des responsabilités, Mme X... était salariée de M. X... dans le cabinet de celui-ci. Elle a été déclarée coupable d'abus de confiance, de faux et usage de faux pour des détournements de fonds au préjudice de clients du cabinet à l'occasion des reversements de TVA.
Cette faute pénale constitue aussi une faute civile de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle envers les SARL BRUNO et FREE BOARD.
En ce qui concerne M. X..., d'abord, nonobstant sa relaxe, il reste tenu vis-à-vis de ses clients des agissements de sa préposée.
Ensuite, il a été relaxé au motif que le fait qu'il ait laissé travailler son épouse au sein de son cabinet d'expertise comptable alors qu'elle était en invalidité, et qu'il lui ait confié les déclarations de TVA sans contrôle, ne constituait pas une aide consciente à la consommation des délits.
La complicité sur le plan pénal suppose qu'une personne ait sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la commission d'une infraction ou, par divers moyens ait provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre.
S'il n'a pas été établi en l'espèce à l'encontre de M. X... d'agissements délibérés participant à la réalisation des infractions principales et donc de nature à retenir sa responsabilité pénale, cela n'exclut pas d'autres fautes, telles que de négligence ou d'imprudence, des manquements à des obligations contractuelles.
La Cour, si elle a relaxé ce prévenu pour absence d'aide consciente à la commission des infractions, a cependant relevé que M. X... avait confié à son épouse les déclarations de TVA sans contrôle. Le jugement du Tribunal Correctionnel relate certains éléments de l'enquête en exposant notamment que M. X... avait indiqué lui-même qu'il ne réalisait aucun contrôle, il certifiait les bilans faits par son épouse sans " plonger " dans les grands livres pour vérifier, ni porter attention à la liasse fiscale, il a confirmé à l'audience qu'il ne regardait pas dans les grands livres et survolait simplement l'analyse de gestion, sans voir dans le détail, il n'a jamais contrôlé les versements pour la TVA des clients.
Il ressort ainsi de ces éléments que M. X... a manqué à ses obligations contractuelles d'apporter tous soins et diligences adaptés aux opérations comptables confiées par ses deux contractantes.
Le principe de la responsabilité de M et Mme X... envers les SARL BRUNO FREE BOARD est donc établi et n'est d'ailleurs pas discuté.
* * *

Sur la demande en paiement des sommes de 105. 563 € et 12. 127 € à l'encontre de M. X... seul (qui a donc été relaxé) et de l'assureur, il ressort des pièces produites à ce sujet (propositions de rectifications suite à vérification de comptabilité des 26 et 30 mars 2009, pièces 4 et 5) que ces sommes correspondent à des " droits ", des rappels de TVA sur les périodes considérées (pour FREE BOARD la période commence en juillet 2005 et d'ailleurs sur la première année il y avait eu un " trop reversé de TVA ").
En tout cas, il est notamment mentionné dans le paragraphe " 4- les faits " de ces documents que le rapprochement en divers documents... conduit à démontrer une insuffisance de versement de TVA nette au détriment du Trésor Public.
Ces sommes sont donc des impositions dues en toute hypothèse au Fisc et non le produit, le montant des détournements de Mme X... de telle sorte que cette demande est infondée.
Il peut être ajouté, que pour FREE BOARD, il apparaît que Mme X... a payé directement au Trésor Public le montant des droits et pénalités pour le compte de cette société (12. 643 € + 649 €, vu lettre DGFP, Pôle de Tulle, 12/ 10/ 2010).
* * *

Les sommes de 52. 349 € et 60. 903 € correspondent aux montants globaux de chèques de 2002/ 2003/ 2004 tirés sur des comptes SARL BRUNO et SARL FREE BOARD avec comme bénéficiaire A. X... (sous réserve de quelques observations pour certains d'entre eux selon ce qui sera précisé ci-dessous lors du décompte).
Si la prévention a été limitée aux années 2006 à 2008, probablement pour des raisons tenant à la prescription, il ressort du procès-verbal de synthèse du gardien de la paix enquêteur que Mme X... a admis que les détournements avaient commencé en 2003, deux victimes ont fait état de détournements à partir de 2001, l'enquêteur conclut que les investigations ont montré que les détournements se sont déroulés au moins depuis 2001 jusqu'en décembre 2008.
Les chèques susvisés mentionnent comme bénéficiaire A. X.... Cela correspond au stratagème utilisé par Mme X... qui se faisait remettre des chèques en blanc et inscrivait ce nom pouvant être compris comme Alain X... ou Arlette X....
Si Mme X... a procédé ainsi, il y a lieu de considérer que c'était pour encaisser ces chèques et non pour les conserver tels quels.
Il n'apparaît pas d'ailleurs que lors de l'enquête (selon ce qui ressort du procès-verbal susvisé qui est presque un des seuls éléments de celle-ci au dossier) il ait été retrouvé des chèques traînant chez M et Mme X.... Cela n'est d'ailleurs pas allégué. Ce procès-verbal évoque une perquisition dans le coffre fort loué par M et Mme X... dans une banque et qui s'est avéré vide.
Ces copies de chèques sont produites par les SARL BRUNO et FREE BOARD qui ont dû les demander à leur banque, ce qui suppose qu'ils ont bien été encaissés.
Si M. X... était donc l'expert comptable de ces deux sociétés, le montant de ses appels d'honoraires selon les états périodiques produits (dans dossier COVEA RISKS) variaient entre 400/ 500 € environ et 1200 € environ. Ces montants ne correspondent pas à ceux des chèques susvisés qui sont plus importants (plus de 2. 000 €, souvent plus de 3. 000, 4. 000 ou 5. 000 €). Il n'est d'ailleurs pas fait état que tel ou tel de ces chèques concerne tel ou tel état d'honoraires et frais.
M et Mme X... et l'assureur à la suite soutiennent notamment aussi sur cet aspect que la seule victime de ces éventuels détournements est le Trésor Public qui n'a pu encaisser ces montants de TVA et que les deux SARL n'ont subi aucun préjudice et n'en subiront aucun car le Fisc en raison de la prescription ne peut plus opérer de redressement. Ils estiment ainsi implicitement légitime de conserver le produit de ces détournements...
Mais, par les stratagèmes frauduleux de Mme X..., des fonds des SARL BRUNO et FREE BOARD ont été débités des comptes de ces sociétés pour bénéficier à M et Mme X..., et ceci à l'insu de ces deux sociétés.
En l'état de cette situation et quelle que soit la destination qui aurait dû être celle de ces fonds, ces sommes sont sorties du patrimoine de ces sociétés qui en subissent donc bien un dommage correspondant à leur montant.
Il peut être ajouté qu'il n'est pas certain ni en tout cas établi que pour les années 2002 à 2004, les montants de TVA auraient été équivalents aux détournements (si pour les années 2006 à 2008, il y a concordance pour la SARL FREE BOARD, si tant est d'ailleurs que le montant des détournements n'ait pas été calculé là plutôt en fonction du redressement, il n'y a pas concordance pour la SARL BRUNO).
Ensuite, s'il n'y aura plus de TVA à payer pour ces années là, il reste que ces sommes appartenaient aux SARL FREE BOARD et BRUNO et que le fait que Mme X... les leur ait subtilisées leur cause un préjudice équivalant à leur montant.
Enfin la demande peut se fonder aussi sur l'obligation de restitution purement et simplement de sommes détournées à celui à qui elles ont été détournées.
Le principe des demandes de ce chef doit donc être admis.
Sur le décompte du montant détourné pour cette période avant 2006, et d'abord pour la SARL BRUNO, il est produit 12 copies de chèques (sans décompte).
Le premier chèque est quasiment illisible (date, montant, bénéficiaire). Il en est de même d'un autre présenté comme de janvier 2003 pour 2199 €.
La demande pour cette société sera donc retenue pour 47. 951 €.
Pour la SARL FREE BOARD, un chèque devant être celui de 6. 134 € (juillet 2002) selon le décompte est également illisible. La demande sera retenue, au vu des autres chèques, pour un total de 54. 769 €.
* * *

Les SARL BRUNO et FREE BOARD demandent respectivement 22. 832, 25 € et 18. 822, 17 €, sommes correspondant au montant des honoraires depuis 2001.
Elles font état à la fois de dommages intérêts correspondant au montant des honoraires et de remboursement d'honoraires perçus au cours de ces années.
Ces sociétés ont été dédommagées pour les détournements, ces demandes s'analysent comme une demande de restitution ou de réfaction des honoraires de l'expert comptable.
Il n'y a pas autorité de la chose jugée au pénal par rapport à cette prétention. Comme la Cour l'a précisé dans son arrêt de la chambre correctionnelle du 2 avril 2010, le montant des honoraires versés au cabinet comptable n'est pas un élément du préjudice résultant directement des infractions constituées à l'encontre d'Arlette X.... La Cour en sa formation correctionnelle n'a pas statué à ce sujet car cela concernait des rapports contractuels entre M. Alain X... et ses deux clientes et ne relevait pas de sa compétence sur l'action civile liée aux seules conséquences des infractions pénales.
Il ressort des éléments exposés ci-dessus sur le principe de la responsabilité de M. X... qu'il y a des manquements de sa part à ses obligations contractuelles vis-à-vis de ses deux clientes et cette mauvaise exécution de sa prestation justifie le principe d'une réduction des honoraires.
Il n'y a pas lieu à suppression de ceux-ci car les difficultés ont concerné une partie du travail de l'expert-comptable, celle relative aux déclarations de TVA.
Les sommes évaluées par le Tribunal (5. 000 € et 2. 500 €) apparaissent adaptées et seront donc maintenues.
* * *

M. X... bénéficie d'une assurance groupe responsabilité auprès de COVEA RISKS (contrat RC souscrit par l'Ordre).
La SA COVEA RISKS oppose une première exclusion de garantie au motif que l'expert comptable (ou sa préposée) a pratiqué des maniements de fonds, opérations interdites aux experts-comptables.
La Cour adopte sur cet aspect les motifs pertinents du jugement (page 11, paragraphe B/ quant à l'exclusion de garantie). En substance, il n'y a pas eu maniement de fonds car les chèques étaient signés par le client. Seul celui-ci était donc à l'origine et maître du début du processus d'émission. M. ou Mme X... n'avaient pas à leur disposition les chéquiers ou chèques avec délégation de signature ou procuration.
La SA COVEA RISKS oppose une seconde exclusion de garantie pour faute dolosive de l'assuré.
Il peut être relevé d'abord que selon les pièces relatives à l'assurance, M. X... est lui-même donc assuré, qu'il y a une exclusion pour les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, sous réserve de l'a. L121. 2 du code des assurances selon lequel l'assureur est garant des dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l'a. 1384 du Code Civil quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes, et que sont couvertes notamment les conséquences résultant de détournements commis par un préposé de l'assuré.
L'assurance s'applique donc du chef de M. X..., y compris pour les agissements de Mme X....
M. X... a été relaxé du chef de la complicité qui lui était reprochée.
Pour les raisons exposées en début des motifs, sur le principe de la responsabilité, il n'est pas caractérisé une faute intentionnelle ou dolosive de M. X.... S'il a été négligent dans le contrôle de l'activité de son épouse au sein du cabinet professionnel, il a été jugé qu'il ne connaissait pas les détournements opérés par sa femme de telle sorte qu'il ne peut lui être imputé une faute intentionnelle dans ces détournements.
En conséquence, ce cas d'exclusion est également inopérant en l'espèce.
La garantie de l'assureur peut donc être retenue, du seul chef de M. X..., ce qui est suffisant. La SA Covéa Risks sera donc tenue à paiement des sommes mises à la charge de son assuré M. X..., ce qui couvre aussi Mme X... en tant que préposée celui-ci.
Cette garantie ne s'applique cependant pas aux contestations relatives aux honoraires (vu contrat groupe, conditions générales, page 7, article 3- exclusions, 4o).
La SA Covéa Risks invoque aussi la faute des victimes qui remettaient des chèques signés en blanc au cabinet X....
Il peut cependant être admis qu'il y avait une relation de confiance entre ces clients et leur expert comptable. Celui-ci intervenait pour elles depuis plusieurs années. Mme X... avait bien dissimulé ses manoeuvres puisqu'aussi pendant plusieurs années le Fisc ne s'en est pas aperçu. Il peut même être relevé que le jugement du 23 juillet 2009 relate (page 13) que Mme X... avait précisé dans l'enquête qu'elle avait mis un ordre Trésor Public au crayon pour pouvoir adresser une photocopie du chèque au client, puis effacer cette mention et porter son nom comme bénéficiaire.
Compte tenu de ces éléments et des décisions pénales desquels il ressort que les détournements sont imputables à Mme X... elle-même, il n'y a pas lieu d'écarter ou de réduire l'indemnisation des SARL FREE BOARD et BRUNO.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge des SARL FREE BOARD et BRUNO leurs frais irrépétibles d'appel. Il leur sera alloué une indemnité supplémentaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =---

LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Réforme le jugement en sa première disposition et, en sa deuxième disposition, quant au montant des sommes allouées aux SARL FREE BOARD et BRUNO,
Déclare recevables mais non fondées les demandes de la SARL BRUNO et de la SARL FREE BOARD contre M. Alain X... et la SA COVEA RISKS au titre de l'indemnisation de préjudices liés aux redressements fiscaux pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008,
Rejette en conséquence ces demandes,
Condamne in solidum M. Alain X..., Mme Arlette Y... épouse X... et la SA COVEA RISKS à payer :
- à la SARL BRUNO la somme de 47. 951 €,
- à la SARL FREE BOARD la somme de 54. 769 €,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamnent in solidum M. Alain X..., Mme Arlette Y... épouse X... et la SA COVEA RISKS à payer à la SARL BRUNO : 1. 500 €, et à la SARL FREE BOARD : 1. 500 € d'indemnités supplémentaires en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne in solidum M. Alain X..., Mme Arlette Y... épouse X... et la SA COVEA RISKS aux dépens lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00637
Date de la décision : 27/06/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2013-06-27;12.00637 ?
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