ARRET N.
RG N : 11/ 01433
AFFAIRE :
M. Pierre Y..., Mme Nicole X...épouse Y...
C/
SAS Y..., SAS VINCI ENERGIES FRANCE SUD-OUEST MEDITERRANEE ANTIL LES GUYANE
DB-iB
bail
Grosse délivrée à Selarl Dauriac Coudamy Cibot, avocats
COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 16 MAI 2013--- = = = oOo = = =---
Le SEIZE MAI DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Pierre Y...de nationalité Française né le 17 Janvier 1944 à COUSSAC BONNEVAL (87) Profession : Retraité, demeurant ...
représenté par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES
Madame Nicole X...épouse Y...de nationalité Française née le 16 Juillet 1942 à GLANDON (87), demeurant ...
représentée par la SELARL DAURIAC-COUDAMY-CIBOT SELARL, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANTS d'un jugement rendu le 03 OCTOBRE 2011 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES
ET :
SAS Y...dont le siège social est Bourdelas-87500 SAINT YRIEIX LA PERCHE
représentée par Me Sandrine PAGNOU, avocat au barreau de LIMOGES, Me Pierre PIC, avocat au barreau de PARIS
SAS VINCI ENERGIES FRANCE SUD-OUEST MEDITERRANEE ANTIL LES GUYANE dont le siège social est 24 avenue MArcel Dassault BP 25820-31505 TOULOUSE CEDEX 05
représentée par Me Sandrine PAGNOU, avocat au barreau de LIMOGES, Me Pierre PIC, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
--- = = oO § Oo = =---
L'affaire a été fixée à l'audience du 14 Mars 2013, après ordonnance de clôture rendue le 25 juillet 2012, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Monsieur Didier BALUZE, Conseiller a été entendu en son rapport, Maîtres DAURIAC et PIC, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 16 Mai 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Exposé du Litige
Un bail emphytéotique a été conclu en décembre 1984 entre Mme Nicole X...épouse de Pierre Y...et la SARL Entreprise Y..., représentée par son gérant, M. Pierre Y....
Ce bail portait sur " une parcelle de terrain " avec construction à usage de dépôt, située au bourg de Glandon en Haute-Vienne (cadastre nos 41, 44, 45). Sa durée était de 18 ans à compter du 1er janvier 1984. Il était stipulé que les constructions réalisées par la société deviendraient de plein droit propriété de la bailleresse.
Selon bail commercial du 20 août 2003 à effet au 1er janvier 2002, Mme Y...a loué à la SAS Y...(représentée par son Président Pierre Y...) l'ensemble immobilier situé à Glandon (34/ 40/ 41/ 44/ 45) comprenant terrain et bâtiments (hangars et locaux à usage de bureaux).
Il était notamment stipulé :
Le preneur prendra les lieux loués dans leur état au jour de l'entrée en jouissance. Dans le mois des présentes, un état des lieux sera dressé contradictoirement entre les parties aux frais du preneur ; à défaut, le preneur sera réputé avoir reçu les lieux en parfait état.
En 2005 la société Vinci Energies Sus Ouest (ou VESO) a acheté les actions du capital de la SAS Y...(acte réitératif du 31/ 03/ 2005).
La SAS Y...a donné congé pour le 31/ 12/ 2007.
Un constat d'état des lieux de sortie a été établi le 2/ 01/ 2008.
Un référé expertise sur la remise en état des locaux a été diligenté (ordonnances des 14 mars et 28 mars 2008, rapport de M. Z...du 4/ 08/ 2010, ou RE pour rapport d'expertise).
Puis sur action au fond, le Tribunal de Commerce de Limoges par jugement du 3/ 10/ 2011 a statué ainsi :
- prend acte que la SAS Y...accepte de prendre en charge les réparations d'ordre locatif pour 6338 € HT,
- met hors de cause M. Y...,
- déclare recevable les demandes de Mme Y...contre la société VESO,
- condamne la société VESO à verser à Mme Y...3. 047, 50 € HT pour les travaux de remise en état du site et 19. 300 € HT pour les travaux de décontamination et de dépollution,
- déboute Mme Y...et la société VESO du reste de leurs demandes, les condamne aux dépens chacune pour moitié.
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M. et Mme Y..., appelants, demandent pour l'essentiel de condamner les sociétés Y...et Veso à payer à Mme Y...:
-7. 580, 25 € (dégradations locatives TTC),
-14. 579 € (remise en état terrain arrière),
-266. 885, 60 € (dépollution),
- une indemnité d'occupation mensuelle de 2. 200 €/ mois à compter du 1er janvier 2008, pour l'immobilisation du bien,
- le tout avec intérêts,
-20. 000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile et 6. 000 € de ce chef à M. Y....
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Les SAS Y...et VESO demandent :
- de rejeter l'appel de M et Mme Y...,
- de confirmer le jugement quant au donné acte,
- de réformer le jugement en ce qui concerne les travaux de remise en état du terrain arrière, les frais de dépollution du poste, la perte de loyers et la garantie de M. Y...,
- de déclarer irrecevable la demande contre la SAS VESO,
- de rejeter toutes autres demandes de Mme Y...,
- subsidiairement, de condamner M. Y...à garantir la SAS Y...et à indemniser la SAS VESO de toutes condamnations,
- de leur allouer 40. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Il est renvoyé aux dernières conclusions des parties transmises par les appelants le 22 mai 2012 et par les intimées le 23 juillet 2012.
Motifs
Le rapport locatif litigieux a été conclu entre Mme Y...et la société Y....
Seule celle-ci était locataire.
Si la SAS VESO est devenue l'actionnaire de la SAS Y..., cela est indifférent et n'a pas modifié les parties au rapport contractuel et substitué un locataire à un autre ou ajouté un autre locataire au preneur initial.
La SAS Y...continue d'exister juridiquement de manière autonome, et elle est restée seule locataire, nonobstant les modifications dans son capital.
La SAS VESO n'ayant donc pas la qualité de locataire ne peut être actionnée en paiement de réparations locatives ou du chef du bail commercial litigieux. Les demandes contre elle seront déclarées irrecevables.
*** La date d'effet du bail emphytéotique remonte donc à janvier 1984. La société Y...était déjà en activité (commencement d'activité en janvier 1978).
Le bail commercial a été conclu près de 20 ans après, le 20 août 2003, mais avec effet rétroactif au 1er janvier 2002.
Il n'y a pas d'état des lieux d'entrée. Le preneur a négligé cette précaution, étant rappelé que son dirigeant était le mari de la bailleresse.
Il y a eu un constat le 12/ 09/ 2006 mais qui n'est pas très utile pour les extérieurs et la décontamination du site.
S'il existe une présomption de bon état de réparations locatives (article 1731 du Code Civil), d'abord elle ne concerne que les réparations locatives, et ensuite il s'agit d'une présomption simple.
Il convient aussi de préciser préalablement que si M. Z...dans son rapport évoque parfois l'antériorité ou non de telle situation par rapport notamment à l'époque de mars 2005 (celle des cessions au sein de la société Y...), cela est consécutif à la mission qui lui avait été donnée, et ne signifie donc pas nécessairement que ladite situation n'est pas plus ancienne.
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M. Z...liste d'abord une série désordres dans le bâtiment principal de bureaux (2. 2. 1) et les bâtiments annexes (2. 2. 2) et il les évalue à une somme globale de 6. 338 € HT.
Il s'agit par exemple pour les postes les plus importants d'une remise en place d'une cloison (dans 2o pièce à droite dans le hall, l'expert situe la modification après mars 2005, estimation 2. 548 €) d'un nettoyage de l'atelier mécanique (3. 250 €)...
La SAS Y...accepte de prendre en charge cette somme de 6. 338 €.
Il y a lieu de faire droit à ce chef de demande, sauf à allouer à Mme Y..., bailleur particulier, cette somme TTC.
Il est précisé à toutes fins que ces désordres relèvent du fait même du preneur et de réparations à caractère locatif (dépose d'une cloison, nettoyage d'un local...) et ne peuvent permettre la mise en jeu de la responsabilité personnelle de M. Pierre Y....
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Pour la décontamination du site (RE 2. 4. 2, évaluation : fourchette de 181. 620 € à 204. 620 € H. T.), M. Z...expose que le site présente trois sources potentielles de pollution des sols : le poste de distribution de carburant-gas-oil avec deux cuves et une pompe ; l'atelier mécanique ; une zone de brûlage de déchets divers, essentiellement des câbles électriques.
Pour le poste de distribution de carburant, il indique que les deux citernes étaient d'anciennes citernes de camion, installées depuis l'origine de l'exploitation des locaux (2. 2. 3), posées à même le sol, sans cuve de rétention, le tout relié à une pompe vétuste, sans dispositif pour recueillir les hydrocarbures qui s'écoulent soit par des fuites aux raccords ou sur la pompe, soit lors de la distribution du carburant.
Il ressort de ces indications qu'il s'agit d'une installation en elle-même sommaire (en fait citernes de camions et non citernes de stockage) et non protégée (pas de dispositif de rétention et de recueil des écoulements). Il s'agit donc de défauts inhérents à l'installation.
Le rapport du sapiteur (SAS Ginger Environnement et Structures, page 7/ 36) qui relève aussi l'absence de rétention (sol nu avec graves sous les cuves) fait état de deux " anciens " volucompteurs, comme M. Z...qui mentionne " d'anciennes citernes " installées depuis l'origine de l'exploitation, de déversements " chroniques " lors de l'alimentation des véhicules.
Il résulte de ces renseignements qu'il s'agit d'une installation ancienne et vétuste ayant généré une pollution depuis longtemps. Il peut être signalé que depuis fin 2006, l'alimentation en gas-oil des véhicules de la société ne se pratiquait plus par cette installation (mais par approvisionnement en station service).
Au sujet de l'atelier mécanique, M. Z...explique que le sol en béton est contaminé par des hydrocarbures suite à des " déversements chroniques " d'huile de vidange. Il précise plus avant (2. 3. 2) que le sol n'a apparemment jamais été nettoyé depuis la mise en service des locaux. Le nettoyage en lui-même du sol est intégré dans la somme de 6. 338 € mais là aussi il ressort des indications de l'expert que la pollution elle-même a une origine chronique.
Quant à la zone de brûlage des déchets, M. Z...note que cette pratique de brûlage semble avoir perduré pendant de nombreuses années avant la reprise des locaux par VESO, et il est produit deux attestations de salariés selon lesquels les déchets étaient brûlés dans un trou creusé dans le terrain en friche, pour l'un " depuis plusieurs années avant la reprise du groupe Vinci ", pour l'autre " déjà dans les années 97-99, nous faisions brûler... ".
Et l'expert conclut l'ensemble de ce paragraphe sur la contamination du site par l'indication selon laquelle les occupants successifs ont pollué le site sans discontinuer depuis 1984.
D'ailleurs, il apparaît que la pollution est assez importante, le rapport de la SAS Ginger fait état notamment d'un volume de sols pollués de l'ordre de 1. 015 m3 et d'une profondeur moyenne de contamination de 3, 5 m. (page 34), cela, avec les causes de pollution sus évoquées, est significatif d'une formation du phénomène sur une longue durée.
Il ressort de ces éléments que la contamination est ancienne, résultant de déversements " chroniques ", qu'elle est due partiellement (poste de distribution de gas-oil) à une installation d'origine non conforme, très vétuste et obsolète ou à des pratiques inadaptées depuis de nombreuses années (brûlage, sol jamais nettoyé), et qu'elle peut donc être considérée comme antérieure à la prise d'effet du bail commercial. Par ailleurs, la dépollution lourde préconisée ne relève pas de simples réparations d'entretien, locatives.
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En ce qui concerne l'état du terrain situé à l'arrière des bâtiments (côté nord-est), M. Z...estime que cette partie de terrain a supporté depuis de nombreuses années un entreposage de véhicules obsolètes ou hors d'usage.
D'ailleurs dans une lettre de novembre 2006, Mme Y...écrivait à la SAS Y...qu'elle était sollicitée pour l'achat du terrain annexe non aménagé vous jouxtant où est entreposé du vieux matériel appartenant à mon mari, prochainement il va être entrepris le nettoyage et l'enlèvement des matériels et encombrants stockés...
Il apparaît qu'en fait ce terrain faisait bien partie de la location.
En tout cas, l'expert poursuit en indiquant que compte tenu de l'état du terrain lors de sa première visite, l'entretien n'avait pas été fait depuis plusieurs années, ce qui apparaît d'après les photos du constat de 2006 où il est noté : espaces verts à l'abandon.
Et, il termine en estimant que même si la société VESO n'a rien fait pour améliorer l'entretien de cette partie de terrain qu'elle a " laissée " à l'abandon, la somme de 12. 190 € HT (pour la remise en état dudit terrain) concerne à son avis le propriétaire.
Compte tenu de ces observations et de ce qui ressort aussi de celles sur la contamination du site au sujet de l'état des extérieurs, il apparaît également que ce terrain était dans l'état d'une sorte de quasi décharge lors de la prise d'effet du bail.
En raison ainsi de l'ensemble de ces éléments, il peut être considéré que le preneur renverse la présomption pouvant lui être opposée, que le terrain arrière était déjà en mauvais état et le site déjà pollué en janvier 2002, que cette situation était, dans les rapports bailleresse-preneur, imputable à la bailleresse qui était propriétaire ou devenue propriétaire, à la fin du bail emphytéotique, de l'ensemble des lieux qu'elle donnait alors en location et que le coût des travaux de remise en état et de dépollution, laquelle ne relève pas d'une réparation locative, ne peut être mis à la charge du preneur.
Il est ajouté qu'il n'est pas justifié que ce site et l'activité seraient une installation classée. Il peut d'ailleurs être observé à ce sujet que l'activité de la société Y...est l'étude et la réalisation de lignes électriques et toutes opérations se rattachant à l'électricité, le téléphone, les travaux publics et la location de matériel y afférents. Il n'apparaît pas qu'elle exerce ainsi une activité polluante en soi. Par ailleurs, une telle dépollution ne relève pas de simples réparations locatives.
La demande d'indemnité d'immobilisation des lieux loués se fondait sur la pollution. Elle ne peut non plus donc être admise. Cette demande ne peut en tout cas se justifier par les seules réparations locatives pour 6. 338 € HT sus évoquées.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles.
--- = = oO § Oo = =--- PAR CES MOTIFS--- = = oO § Oo = =--- LA COUR
Statuant par décision contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement en ses deux premières dispositions et celle sur l'article 700 du code de procédure civile,
Réforme le jugement pour le surplus,
Déclare irrecevables les demandes de Mme Y...contre la SAS Vinci Energies Sud Ouest,
Condamne la SAS Y...à payer à Mme Nicole Y...la somme de 7. 580, 25 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2011,
Rejette les demandes contraires ou pour le surplus,
Condamne Mme Y...et la SAS Y...chacune à la moitié des dépens (incluant ceux des référés, le coût de l'expertise judiciaire, les dépens de première instance et d'appel) et autorise l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.