COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 11 AVRIL 2013 ARRET N.
RG N : 10/ 00795
AFFAIRE :
M. Régis X...
C/
SAS BUTAGAZ
CMS-iB
demande de dommages et intérêts contre le prestataire de services pour mauvaise exécution
Grosse délivrée à maître PASTAUD, avocat
Le ONZE AVRIL DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Régis X... de nationalité Française né le 27 Octobre 1973 Profession : Directeur Adjoint, demeurant...
représenté par Me Philippe PASTAUD, avocat au barreau de LIMOGES
APPELANT d'un jugement rendu le 11 MARS 2010 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIMOGES
ET :
SAS BUTAGAZ dont le siège social est 47-53 RUE RASPAIL-92594 LEVALLOIS PERET
représentée par Me Marie Jeanne MOUDOULAUD, avocat au barreau de LIMOGES, Me Antoine FITTANTE, avocat au barreau de METZ
INTIMEE
L'affaire a été fixée à l'audience du 10 Janvier 2013, après ordonnance de clôture rendue le 28 décembre 2012, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Madame Christine MISSOUX-SARTRAND, Conseiller a été entendue en son rapport, Maîtres PASTAUD et FITTANTE, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 11 Avril 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
La Cour,
FAITS ET PROCÉDURE
Le 26 octobre 2007, Régis X... qui occupait provisoirement avec sa famille un pavillon, propriété de son père à ... (87), a été victime de l'explosion d'une bouteille de gaz propane de marque BUTAGAZ servant à l'alimentation d'une gazinière, qui, outre avoir détruit une partie du pavillon, lui a occasionné des brûlures à la main entraînant une ITT de 4 semaines.
Considérant que cette explosion et ses conséquences engageaient la responsabilité de la SAS BUTAGAZ, M. X... a alors assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance de LIMOGES en indemnisation de son préjudice personnel, sur d'une part, le fondement de l'article 1386-1 du code civil, et d'autre part, sur l'absence d'information portant sur l'utilisation à l'extérieur du gaz propane du fait de sa dangerosité, M. X... précisant qu'il n'était pas à même de faire la différence entre le gaz butane et le gaz propane.
Par un jugement du 11 mars 2010, le tribunal de grande instance de LIMOGES l'a débouté de ses demandes, et condamné, outre aux dépens, à payer à la SAS BUTAGAZ la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les premiers juges ont estimé qu'en l'absence d'investigations techniques, M. X... ne démontrait pas que le produit aurait été défectueux, et en ne mettant pas en cause le fournisseur direct de la bouteille, il ne les mettait pas en mesure non plus, de savoir si cette bouteille avait été rechargée selon les règles de l'art, alors qu'elle aurait pu faire l'objet d'un trafic et d'un remplissage aux conditions douteuses. Enfin, les premiers juges ont estimé que le fait que M. X... ait, ou non, été informé de la nécessité de placer la bouteille à l'extérieur, n'avait aucune incidence sur la responsabilité de la société BUTAGAZ, dès lors qu'il n'était pas démontré que le produit était défectueux.
M. Régis X... a relevé appel de cette décision et obtenu du Conseiller de la mise en état de la Cour une expertise confiée à M. Y... qui a déposé son rapport le 23 avril 2012 duquel il résulte en substance, que l'explosion et l'incendie qui s'en est suivi, proviennent d'un défaut d'utilisation et non pas d'un défaut de fabrication de la bouteille.
Aux termes de ses conclusions en date du 3 juillet 2012, M. Régis X..., faisant valoir qu'à l'évidence, le gaz PROPANE est un produit dangereux, estime que la SAS BUTAGAZ ne s'est pas acquittée suffisamment de son obligation d'information, et que sa responsabilité doit être recherchée et retenue sur le fondement de l'article 1383 et suivants du code civil, dont notamment l'article 1386-4, sans que cette dernière ne puisse se réfugier derrière un contrat de consignation qu'elle serait sensée remettre au consommateur lors de son premier achat d'une bouteille PROPANE, ou encore, la couleur de la bouteille, ou enfin, l'article 20 du décret de 1977 qui disposerait qu'une bouteille PROPANE doit être stockée à l'extérieur, dans la mesure où cet article ancien ne fait aucunement référence à un danger d'explosion, et invoque au surplus, un récipient de gaz PROPANE d'une contenance supérieure à 6, 5 l, au sujet duquel il est permis de s'interroger sur la capacité du consommateur à évaluer la contenance de la bouteille dont il fait l'acquisition.
En conséquence, M. X... sollicite de la Cour voir :
Vu les articles 1383 et suivants du code civil, et notamment l'article 1386-4,
- infirmer le jugement,
- dire et juger que la société BUTAGAZ n'a pas respecté un devoir d'information suffisant au sujet de la dangerosité du produit PROPANE qu'elle fabrique,
- la condamner à réparer le préjudice subi par Monsieur X..., et à lui verser la somme de 20. 000 euros, outre celle de 2. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, y inclus le coût de l'expertise judiciaire qui a été taxé à 3. 479. 89 euros TTC.
Par conclusions en réponse en date du 16 juillet 2012, la SAS BUTAGAZ sollicite voir :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de LIMOGES en date du 11 mars 2010,
En conséquence,
- dire et juger que la preuve n'est pas apportée par le demandeur de la défectuosité de la bouteille de gaz en cause, ni du lien de causalité entre cette défectuosité éventuelle et le dommage subi,
- dire et juger que la victime a adopté un comportement fautif en introduisant dans son local d'habitation une bouteille propane, contrevenant ainsi aux consignes de sécurité établies par arrêté et rappelées dans le contrat remis par la SAS BUTAGAZ, en utilisant un détenteur inadéquate, de surcroît, dans un local non ventilé et en positionnant la bouteille de gaz dans un compartiment de la gazinière Rosière, de sorte que sur le fondement de l'article 1386-13 du Code civil, sa responsabilité ne saurait être engagée,
- dire et juger qu'elle s'est correctement acquittée de son devoir de conseil à l'égard de son client profane en faisant explicitement mention desdites consignes,
En conséquence,
- débouter Monsieur X... de sa demande en dommages et intérêts au titre du préjudice subi,
- le condamner outre aux dépens, à lui verser la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu qu'il est constant que le pavillon qu'occupait M. X... qui appartient à son père, n'est pas desservi par le gaz naturel (communément dénommé gaz de ville), et que la gazinière installée au sous-sol fonctionnait à l'aide d'une bouteille de gaz entreposée dans un compartiment clos de la gazinière prévu à cet effet ;
Qu'il est tout aussi constant que cette gazinière était prévue pour fonctionner avec du gaz butane ;
Que tombé en panne de gaz, M. X... s'est rendu, avec sa bouteille vide, dans une grande surface distributeur officiel BUTAGAZ pour l'échanger contre une pleine, ce qui n'est plus contesté par la SAS BUTAGAZ ;
Que lors de cet échange, il s'est avéré qu'une bouteille de gaz propane lui a été remise ;
Que nonobstant, M. X... a procédé sans difficulté à la mise en place de cette bouteille, puis fait un court essai au niveau des brûleurs et du four pour s'assurer qu'il n'y avait pas de fuite, lequel s'est avéré concluant ;
Que le lendemain soir, alors qu'il avait mis à réchauffer un plat, il a entendu un bruit bizarre, type claquement de porte ; qu'il est redescendu au sous-sol où se trouvait la gazinière et a constaté qu'il y avait des flammes au niveau du logement de la bouteille dont il a trouvé la porte ouverte, et plus précisément autour du détendeur et du robinet de la bouteille ; qu'il a tenté d'éteindre les flammes et a vidé à cet effet, mais sans succès, deux extincteurs ; qu'il a alors tenté de fermer la bouteille avec une serpillière humide, mais les flammes atteignant déjà le plafond, il s'est aussitôt retiré à l'extérieur en même temps que se produisait l'explosion.
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise ordonné, qu'il n'a pas été mis en évidence de défaut de fabrication ou d'anomalie sur la bouteille de propane 13 kg de charge, ou bien encore, sur le robinet de barrage vissé sur la collerette, et à cet égard, cette bouteille avait été rééprouvée le 19/ 06/ 1996, soit il y avait un peu plus de onze années lors de la survenance du sinistre, sans que d'ailleurs, l'expert ne précise la fréquence réglementaire de ces contrôles ;
Qu'en tout état de cause, la rupture de son enveloppe s'est produite hors soudure et assemblage, par surpression interne imputable à l'élévation de température du milieu dans lequel se trouve rangée cette capacité.
Attendu, selon l'expert, que la cause de " l'explosion trouve son origine dans une fuite du propane, elle-même due :
- soit à un assemblage insuffisant entre le filetage du robinet de barrage de la bouteille de 13kg de propane et le détendeur prévu pour du gaz butane,
- soit à la détérioration de ce dernier, conçu pour servir avec du butane et inadapté aux caractéristiques du propane ".
Attendu, poursuit l'expert, que " l'écoulement accidentel du propane a pu, du fait de la densité de ce gaz (par rapport à l'air), stagner dans le compartiment où était logée la bouteille, puis, soit en conséquence de déplacement d'air (déplacement de M. X...), soit du fait de la quantité de propane diffusé hors conduit, s'enflammer spontanément au contact de l'énergie du brûleur du four qui était en fonctionnement ; que l'échauffement produit par cette combustion incidente dans un volume clos a dû favoriser l'élévation brutale de l'enceinte jusqu'à ce que le seuil atteint autorise la rupture de l'enveloppe en acier et l'explosion du propane contenu ". (page 20)
Attendu qu'au vu de ces conclusions, Monsieur X... invoque à l'appui de ses demandes les articles 1383 et suivants du code civil, dont l'article 1386-4 ;
Que la SAS BUTAGAZ qui réitère ses arguments en défense fondés sur l'article 1386-1 et oppose en outre, la faute de la victime ayant consisté à avoir utilisé du gaz propane alors que la gazinière fonctionnait au butane, et d'avoir stocké cette bouteille à l'intérieur d'un espace clos (le logement de la gazinière prévu à cet effet) et à l'intérieur d'une habitation sans ventilation, alors que ce type de bouteille de gaz doit être obligatoirement placé à l'extérieur de l'habitation ; qu'elle soutient en outre que M. X... aurait manqué de vigilance lors du changement de la bouteille, car les bouteilles propane sont d'une couleur différente de celles contenant du gaz butane, permettant ainsi, de les différencier ;
Que M. X... aurait ainsi enfreint les prescriptions édictées par BUTAGAZ qui sont remises à l'utilisateur lors du premier achat d'une bouteille de gaz, qui reprennent l'article 20 de l'arrêté du 2 août 1977.
Attendu tout d'abord, qu'au niveau de l'échange de la bouteille, il convient de relever que ce n'est pas l'acheteur qui procède lui-même à l'échange, mais le revendeur, les bouteilles de gaz étant en effet, stockées dans un espace verrouillé, et non mises en libre service, tel que chacun peut l'observer lorsqu'il se rend dans une station service, même s'il n'est pas utilisateur de gaz en bouteille ;
Qu'il en résulte d'ores et déjà, que tout repose sur le revendeur qui doit être averti, or dans les grandes surfaces, il existe un certain roulement du personnel qui ne garantit pas sa parfaite information, et ce d'autant, que ce type de distributeurs sont multimarques ; qu'ensuite, ce personnel est sensé avertir l'acquéreur sur les caractéristiques du gaz propane en lui remettant une notice lors du 1er achat, ce qui laisse encore reposer sur le revendeur la charge de l'information, avec les aléas que cela comporte ;
Qu'en ce qui concerne M. X..., il s'est produit manifestement une erreur au niveau de l'échange puisqu'il s'est retrouvé avec une bouteille de gaz propane, que ce dernier n'a pas pu corriger, M. X... admettant ne pas connaître la différence entre ces deux gaz et la nature particulièrement inflammable du Propane ;
Que par ailleurs, la couleur n'est pas en soi, un signe distinctif et révélateur pour l'utilisateur, puisque chaque distributeur possède ses propres couleurs à l'intérieur desquelles, le gaz butane et le gaz propane sont effectivement différenciés, de sorte que pour le consommateur, la couleur serait plutôt le signe distinctif d'une marque (Butagaz, Totalgaz, Primagaz, etc..., que celui d'un gaz différent de par ses caractéristiques, et qui lui réserveraient un sort différent au niveau de l'utilisation ; qu'en tout état de cause, et à supposer que l'on ait à faire à un utilisateur averti, encore faut-il que résidant par exemple, provisoirement dans un immeuble qui n'est pas le sien, tel que c'était le cas de M. X..., celui-ci soit équipé en bouteille de gaz de la même marque dont cet utilisateur aurait l'habitude, à défaut de quoi, la couleur de la bouteille ne lui serait, même averti, d'aucun secours.
Attendu qu'à l'occasion du premier achat, on peut légitimement supposer que le revendeur consciencieux peut attirer verbalement l'attention du consommateur lorsqu'il lui fait signer le contrat de consignation et de déconsignation d'une bouteille de propane ; qu'à tout le moins, avec ce contrat, il doit lui remettre une notice d'utilisation ;
Que la société BUTAGAZ a versé aux débats un exemplaire de ce contrat avec une notice de présentation des produits commercialisés par la marque, contenant également des recommandations (cf. Annexes de l'expertise) ;
Que l'unique page technique, débutant par les développements sur le contrat de consignation, contient deux autres paragraphes consacrés, l'un, à la MISE EN SERVICE, et l'autre, aux RECOMMANDATIONS pour l'utilisation des bouteilles butane et propane ; que ces deux paragraphes sensés renseigner l'utilisateur, ne concernent en fait, que les bouteilles AUTRES que la 13kg carburation.
Or attendu qu'en l'espèce, il s'agit précisément d'une bouteille 13 kg carburation, la plus communément vendue et utilisée, de sorte que l'on peut en déduire légitimement que cette dernière ne fait donc pas l'objet de recommandations particulières de la part de la SAS BUTAGAZ ;
Qu'au demeurant, la présentation de cette notice qui mentionne d'une façon très lapidaire qu'une bouteille propane (autre que celle de 13kg) doit toujours être utilisée à l'extérieur, est écrite sans signe réellement distinctif et apparent qui attirerait l'attention du lecteur, et ce d'autant qu'en suivant, il y est mentionné que tout espace clos renfermant une bouteille..... propane (ex. Abri) doit comporter des orifices d'aération haut et bas d'au moins 200 cm ² d'ouverture chacun, écrit en caractère non gras, ce qui laisse là aussi, supposer que le propane peut donc être mis à l'intérieur ;
Qu'il faut feuilleter jusqu'à la 9ème page de cette notice intitulée " Le saviez-vous " pour trouver en 3 lignes, une référence aux bouteilles de 13kg, mais qui vise seulement à vanter ces qualités économiques du fait de sa " très grande réserve d'énergie " et des conditions extrêmes d'utilisation par- 40o.
Attendu qu'à supposer, que cette notice soit conservée durant des années par les acquéreurs, mais en outre, remise aux utilisateurs successifs qui peuvent être amenés à résider dans l'habitation où on recourt à ce type de gaz conditionné en bouteille, ou bien encore, à tout locataire saisonnier et occasionnel qui loue une maison ou un gîte à la campagne, un chalet à la montagne, ou sur une île, etc.. Cette notice n'est manifestement pas de nature à informer l'utilisateur et le consommateur des précautions à prendre lorsqu'il s'agit du gaz propane, classé extrêmement inflammable, et dont la moindre dispersion peut conduire à une déflagration ou une explosion.
Or, attendu qu'il résulte de l'expertise, et des écritures mêmes de la SAS BUTAGAZ (page 6) qui n'en disconvient pas, que le propane est effectivement un gaz inflammable et dangereux, à capacité hautement explosive, contrairement au gaz butane ; qu'il suffit à cet égard, de se référer à la page 16 de l'expertise pour comprendre que la pression contenue dans une bouteille propane est beaucoup plus élevée et varie en outre, selon la température extérieure (ex : à 20o, la pression est de 2 bars pour le butane et de 8, 2 bars pour le propane, qu'à 30o, elle est de 2, 8 bars pour le butane et de 10, 8 bars pour le propane, qu'à 50o (par exemple bouteille stockée à l'extérieur au soleil), elle est de 4, 9 bars pour le butane et de 26 bars pour le propane, etc..... ; que " cette différence, dit l'expert, qui est notable, offre donc une marge de sécurité bien moindre pour le propane, expliquant qu'il doit être stocké à l'extérieur " ;
Que face à la nature de ce gaz, il est également permis de s'interroger sur le type de contrôle qui doit être adopté par l'utilisateur, sans se mettre en danger, lors de la mise en place de la bouteille pour vérifier éventuellement s'il y a une fuite ; qu'ensuite, en cas de fuite, il est manifeste, que l'utilisateur ne doit pas apporter la même réponse ; qu'enfin, stockée à l'extérieur, cette bouteille doit nécessairement être branchée sur une installation conduisant le gaz à l'intérieur de l'habitation ;
Que cette notice ne livre sur ces points, aucune information.
Attendu que si tout un chacun est sensibilisé et précautionneux dans le maniement du gaz, on apprend néanmoins par cette expertise, que le gaz butane et le gaz propane sont deux produits très différents, ce qui ne peut être soupçonné par le consommateur, dès lors que le conditionnement est identique, dans la forme de la bouteille et dans l'étiquetage qui ne comporte aucune mention particulière d'avertissement du danger, hormis le logo traditionnel rouge signifiant produit inflammable, ce qui ne permet pas à l'utilisateur non averti, de différencier le propane du butane et d'en connaître la dangerosité différente ;
Que c'est d'autant plus regrettable, que le recours au gaz conditionné en bouteilles touche la majorité du territoire (28 000 communes en France ne sont pas alimentés en gaz naturel : les campagnes, la montagne, les îles, etc.....), mais aussi, aujourd'hui les villes, par notamment l'utilisation en terrasse de plus en plus répandue des parasols chauffants qui fonctionnent au propane pour citer cet exemple (restaurants, cafés,...) ;
Que son maniement en est finalement banalisé, sans que l'utilisateur ne sache pour autant, que le propane est dangereux, et qu'il mérite des précautions particulières par rapport au butane.
Attendu d'ailleurs, que son maniement banalisé est d'autant plus dangereux que l'expert judiciaire indique que " les détendeurs butane/ propane sont similaires et peuvent être assemblés aussi bien l'un que l'autre sur la sortie du robinet du barrage " (page 15), ce qui a permis ainsi à M. X... de ne pas se rendre compte de l'erreur commise dans l'échange de la bouteille, ce qui accroît encore le danger d'utiliser ce gaz se présentant conditionné, sans un étiquetage distinctif attirant l'attention sur sa dangerosité, et sans non plus, de connectique spécifique qui rendrait impossible la mise en place d'une bouteille propane sur une installation adaptée au butane.
Attendu qu'il résulte de cet exposé que M. X... n'a commis aucune faute dans l'utilisation de cette bouteille propane car aucune information utile ne pouvait lui permettre d'être renseigné sur la nature du gaz qu'il utilisait, le différenciant du gaz butane, ainsi que sur les dangers auquel il exposait sa personne, mais également sa famille, qui n'ont dû leur salut que par une fuite à l'extérieur de l'immeuble en temps opportun ; qu'enfin, l'absence de ventilation dans le sous-sol est sans effet sur l'explosion, puisque en l'espèce, c'est l'accumulation du gaz dans le logement de la gazinière prévu pour stocker la bouteille, qui est à l'origine de l'explosion ;
Que M. X... n'a commis non plus, aucun manquement aux recommandations prescrites par la société BUTAGAZ dans la notice remise aux clients, tel qu'il a été ci-dessus démontré, et il ne saurait non plus, lui être reproché un manquement aux articles 19 et 20 de l'arrêté du 2 août 1977 dont le contenu ne renseigne pas plus sur la nature extrêmement inflammable et explosive du propane, si tant est que le citoyen moyen ait les moyens d'accéder à cet arrêté.
Attendu qu'il s'évince de ce qui précède que l'offre du produit propane conditionné et distribué de cette façon sur le marché, qui ne le différencie que très insuffisamment, voir pas du tout, du gaz butane, sans en outre, dispenser des éléments d'information minimum dans le document contractuel remis au consommateur lors de l'achat de sa première bouteille, ne garantit pas la sécurité à laquelle tout utilisateur normalement vigilant avec le gaz, peut légitimement attendre d'un distributeur de ce produit, qui est quand même classé dans les Fiches de données Sécurité BUTAGAZ, comme étant " extrêmement inflammable " (cf. Son site Internet), alors que le marché de la demande est immense pour être utilisé au quotidien par des millions de foyers, banalisant ainsi d'autant, son usage comme s'il s'agissait du même gaz que le butane et qu'en matière de substance dangereuse, le fabricant ou le distributeur est débiteur d'une obligation d'information renforcée.
Attendu qu'il en résulte que dans ces circonstances, la société BUTAGAZ ne peut, sur le fondement de l'article 1386-13 du code civil, se prévaloir d'une faute qu'aurait commise M. X... pour s'exonérer de sa responsabilité ; qu'elle sera déclarée responsable du dommage subi par M. X... sur le fondement de l'article 1386-4 du code civil, et condamnée à l'indemniser ;
Que le jugement sera infirmé.
Attendu M. X... sollicite la somme de 20 000 € en réparation de son préjudice né des brûlures qu'il s'est occasionné lorsqu'après avoir vainement vidé deux extincteur pour éteindre les flammes, il s'est muni d'une serpillière humide pour tenter de fermer la bouteille de gaz ;
Qu'hospitalisé, il a été diagnostiqué des brûlures sur la face dorsale de la main droite au deuxième degré, occasionnant une ITT inférieure à 3 mois, et une IPP à prévoir par expertise ;
Qu'il a été en arrêt de travail durant 23 jours, témoignant ainsi de l'importance de ses brûlures et du choc émotionnel subi d'avoir échappé de justesse à la catastrophe ;
Que le 10 mars 2008, le Dr Z... a certifié qu'à ce jour, son état était consolidé, mais qu'une IPP était à fixer par expertise ;
Qu'il lui reste à ce jour une cicatrice sur la face dorsale de la main droite ;
Qu'enfin, l'explosion a causé des dégâts matériels importants, tel que cela résulte des constatations des gendarmes, et les travaux de réfection pris en charge par l'assurance de son père, l'ont contraint à se reloger provisoirement dans un autre logement ;
Qu'au regard de l'ensemble des préjudices physique et de souffrance, du léger préjudice esthétique, du préjudice matériel imposé par son relogement, subi par M. X..., la somme sollicitée, que ne discute pas la société BUTAGAZ, n'apparaît pas excessive, et il sera fait droit à sa demande.
PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement entrepris,
Et STATUANT à nouveau,
VU les articles 1383, 1386-4 et 1386-13 du code civil,
REJETTE la faute exonératoire de l'article 1386-13 du code civil invoquée par la société BUTAGAZ,
DIT que le gaz Propane ainsi distribué par la société BUTAGAZ sans signe distinctif suffisant, sans connectique spécifique, ni information suffisante sur sa dangerosité et son mode d'utilisation, doit être considéré comme un produit défectueux au sens de l'article 1386-4 du code civil,
En conséquence,
DECLARE la SAS BUTAGAZ responsable du préjudice subi par M. Régis X... du fait de l'explosion d'une bouteille de gaz PROPANE,
La CONDAMNE à payer à M. Régis X... la somme de 20 000 € en réparation de ses préjudices corporel, de souffrance, psychologique et matériel, ainsi que celle de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La CONDAMNE également aux dépens de première instance et d'appel, dont les frais d'expertise qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Marie-Christine MANAUD, Martine JEAN.