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17/01/2013 | FRANCE | N°12/00056

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile, 17 janvier 2013, 12/00056


COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 17 JANVIER 2013

ARRET N.
RG N : 12/ 00056
AFFAIRE :
M. Bernard X...
C/
SARL LIMOUSIN LOCATION Représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège.

GS/ MCM

REVOCATION ABUSIVE
Grosse délivrée à SCP MAURY-CHAGNAUD-CHABAUD, avocats
Le DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Bernard X... de nationalité Française, né le 19 Décembre 1952 à RHEON (54

), demeurant ...

représenté par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocats au barreau de LIMOGES, Me Marie-Paule ...

COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 17 JANVIER 2013

ARRET N.
RG N : 12/ 00056
AFFAIRE :
M. Bernard X...
C/
SARL LIMOUSIN LOCATION Représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège.

GS/ MCM

REVOCATION ABUSIVE
Grosse délivrée à SCP MAURY-CHAGNAUD-CHABAUD, avocats
Le DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE TREIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Bernard X... de nationalité Française, né le 19 Décembre 1952 à RHEON (54), demeurant ...

représenté par la SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD, avocats au barreau de LIMOGES, Me Marie-Paule DALLET, avocat au barreau de la CORREZE
APPELANT d'un jugement rendu le 25 NOVEMBRE 2011 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BRIVE
ET :
SARL LIMOUSIN LOCATION Représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège. Dont le siège social est 17 rue de la Samaritaine-59430 SAINT POL SUR MER

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES suppléé par Me Emmanuelle POUYADOUX, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMEE
Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 22 Novembre 2012 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 10 janvier 2013. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2012.
A l'audience de plaidoirie du 22 Novembre 2012, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Madame Christine MISSOUX-SARTRAND et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier, Monsieur le Conseiller SOURY a été entendu en son rapport, Maître DALLET et Maître POUYADOUX, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 17 Janvier 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR
FAITS et PROCÉDURE

Par acte du 29 juin 2006, la société Dunkerque Boulogne location (la société DBL), ayant pour activité la location de véhicules, et son ancien directeur commercial, M. Bernard X..., se sont associés pour créer la société Limousin location, la co-gérance de cette nouvelle société étant assurée par ce dernier et par M. Albin B..., par ailleurs dirigeant de la société DBL.
M. X... ayant été révoqué de ses fonctions de co-gérant de la société Limousin location à l'issue de l'assemblée générale ordinaire du 20 mars 2009, il a contesté cette décision et signifié sa volonté de quitter cette société en sollicitant des propositions de rachat de ses parts sociales.
Les parties n'ayant pu parvenir à un accord sur ce rachat, M. X... a assigné la société Limousin location devant le tribunal de commerce de Brive en paiement de dommages-intérêts pour révocation abusive.
Par jugement du 25 novembre 2011, le tribunal de commerce a rejeté la demande de M. X... après avoir retenu que sa demande indemnitaire n'était que la conséquence de l'impossibilité de trouver un accord sur le rachat de ses parts sociales et que sa révocation de ses fonctions de dirigeant ne présentait aucun caractère vexatoire ou brutal.
M. X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
M. X... réclame des dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à sa révocation décidée avant l'assemblée générale sans respect du principe du contradictoire ni des droits de la défense et qui ne repose pas sur un juste motif mais sur des prétextes fallacieux invoqués pour les besoins de la cause.
La société Limousin location conclut à la confirmation du jugement.
MOTIFS
Attendu que M. X... conteste la régularité de la procédure ayant conduit à sa révocation qui, selon lui, ne respecte ni le principe du contradictoire ni les droits de la défense.
Mais attendu que M. X... a été convoqué à l'assemblée générale du 20 mars 2009 par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 mars 2009 comportant en annexe le rapport de gérance faisant état des divers griefs qui lui étaient reprochés dans le cadre de la gestion de la société Limousin location ; que même si l'accusé de réception n'est pas joint, il n'en demeure pas moins que M. X... était présent à l'assemblée générale lors de laquelle il ne démontre pas avoir été empêché de répondre aux critiques qui lui étaient faites, dont il avait été préalablement informé dans la convocation, et il n'a jamais sollicité un délai complémentaire pour préparer sa défense ; que la procédure apparaît régulière.
Attendu, sur le fond, que l'article L. 223-25 du code de commerce, qui organise la possibilité de révocation du gérant par les associés, dispose que si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages-intérêts.
Attendu que le rapport de gérance articule neuf griefs à l'encontre de M. X... ; qu'il convient de vérifier chacun de ceux-ci.
1) L'embauche d'un agent de comptoir malgré l'opposition du co-gérant.
Attendu que M. X... a engagé, à compter du 21 mars 2008, M. Sébastien C..., agent de comptoir, en remplacement de M. Romuald D..., démissionnaire.
Mais attendu qu'il n'est justifié d'aucune opposition de la part du co-gérant, M. B..., à cette embauche ; qu'aucun reproche n'a été formulé de ce chef à l'encontre de M. X... qui a reçu quitus de sa gestion au titre de l'année 2008 ; que ce premier grief n'est donc pas établi.
2) L'emploi de salariés non déclarés.
Attendu que la société Limousin location reproche à M. X... de lui avoir dissimulé l'embauche de deux convoyeurs occasionnels, MM. E... et F..., qui n'ont pas été déclarés aux organismes administratifs et sociaux et qui ont été rémunérés par de fausses notes de frais.
Mais attendu que les conditions du recrutement des deux convoyeurs occasionnels ne sont pas clairement établies ; que même en admettant que M. X... ait procédé à ces recrutements, rien dans les dossiers des parties ne permet d'affirmer qu'il ait dissimulé ces embauches, étant observé que M. F... a été déclaré aux organismes sociaux et que sa rémunération a donné lieu à l'établissement de bulletins de paie ; que la société Limousin location, qui admet dans ses conclusions d'appel (p. 4) que X... bénéficiait de l'appui des services administratifs et comptables de la société DBL, ne démontre pas que ce dernier avait la charge des déclarations des salariés auprès des organismes administratifs et sociaux, alors que celui-ci soutient, sans être utilement contredit sur ce point, que ces déclarations devaient être faites par les services de la société DBL ; que la faute reprochée à M. X... n'est pas caractérisée.
3) Le versement de commissions à des intermédiaires par chèques sans déclaration à l'URSSAF.
Attendu que ce grief concerne deux chèques établis par M. X... :- le 4 mars 2008 d'un montant de 600 euros,- le 12 août 2008 d'un montant de 300 euros ;

Que M. X... a établi deux factures de commissions correspondantes et il a informé le service comptable de la société DBL de ces commissions ; qu'il soutient, sans être utilement contredit sur ce point, que les déclarations à l'URSSAF devaient être faites par les services administratifs et comptables de la société DBL qui lui prodiguaient un appui technique, ce qu'admet la société Limousin location ; que la faute reprochée à M. X... n'est pas caractérisée.
4) Le remboursement par chèques de 45 avoirs sur factures.
Attendu que la société Limousin location soutient que ces nombreux remboursements au cours de l'exercice 2008-2009, qui ont entraîné la résiliation du contrat d'affacturage conclu avec la société Euler Hermes Sfac crédit, traduisent, au mieux, une mauvaise gestion des contestations émises par les clients, et, dans le pire des cas, des avantages indus consentis à des clients privilégiés injustifiés sur le plan commercial.
Mais attendu qu'il ne résulte pas du courrier du 23 octobre 2009 par lequel la société Euler Hermes Sfac crédit a signifié à la société Limousin location la résiliation de son contrat d'affacturage que cette résiliation soit motivée par le nombre des remboursements des avoirs de clients ; que ces remboursements, qui n'ont donné lieu à aucun reproche à l'égard de M. X... lorsqu'ils ont été opérés, ne permettent à eux seuls de caractériser ni une mauvaise gestion des contestations des clients, encore moins une fraude au profit de l'un d'eux ; que le grief reproché à M. X... n'est pas caractérisé.
5) Le lieu de résidence de M. X....
Attendu que la société Limousin location reproche à M. X... d'avoir fixé sa résidence à 100 km du site de Brive, ce qui est l'origine d'une augmentation des frais (carburant, péage, usure prématurée d'un véhicule de la flotte) et démontre à la fois un manque d'implication dans sa gestion de la société et une mésentente avec l'associé majoritaire, M. B....
Mais attendu que la société Limousin location ne justifie pas avoir demandé à M. X... de se rapprocher de son lieu de travail ; que l'éloignement de M. X... ne permet pas à lui seul de caractériser un manque d'implication de sa part dans la gestion de la société, ni une mésentente avec M. B... ; que le grief n'est pas fondé.
6) La baisse du chiffre d'affaire et du résultat net au cours de l'exercice clos le 30 novembre 2008.
Attendu que les documents comptables produits par la société Limousin location révèlent une progression de son chiffre d'affaire, la seule baisse constatée correspondant aux deux premiers mois de l'année 2009, avant la révocation de M. X... ; que cette baisse de chiffre d'affaire apparaît peu significative et ne peut constituer à elle seule un motif légitime de révocation du gérant en l'absence de toute faute de gestion caractérisée ; qu'à cet égard, l'acquisition par M. X... d'un véhicule Opel avec une remise de 14 % fin 2007, alors que la remise était de 18 % en janvier 2008, ou son choix d'une Ford Fiesta ancien modèle, pas plus que l'acceptation d'un tarif privilégié au profit d'un client pour la location de véhicules de chantier en kilométrage illimité, ne caractérisent des fautes de gestion ; que le grief invoqué n'apparaît pas fondé.
7) La violation de l'article 18 des statuts sociaux.
Attendu que la société Limousin location reproche à M. X... d'avoir, au cours de l'année 2008, effectué des investissements (acquisition de véhicules en location financière ou crédit bail) pour un montant total de 955 000 euros en violation de l'article 18 des statuts sociaux qui impose l'autorisation préalable donnée par décision collective des associés pour tout investissement d'un montant supérieur à 10 000 euros.
Mais attendu que les achats de véhicules en cause se sont étalés sur l'année 2008 sans aucune opposition de M. B..., par ailleurs dirigeant de la société DBL associée majoritaire de la société Limousin location ; que M. B..., co-gérant de la société Limousin location, non seulement ne justifie pas avoir formulé des reproches à M. X... au sujet de ces acquisitions, mais il a toujours signé les demandes de financement correspondantes auprès des banques ; qu'il en résulte l'existence d'un accord pour déroger aux statuts sociaux en ce qui concerne les achats de véhicules qui correspondent à des acquisitions courantes pour une société ayant pour objet social leur location ;
Et attendu que la société Limousin location ne démontre pas que les acquisitions réalisées étaient excessives au regard de son activité.
Que ce grief ne peut être retenu.
8) La violation de l'article 20 des statuts sociaux.
Attendu que la société Limousin location reproche à M. X... de s'être octroyé une augmentation de son salaire (passé de 2 500 euros à 3 275 euros par mois) en violation de l'article 20 des statuts qui stipule que la rémunération de la gérance est fixée par décision ordinaire des associés.
Mais attendu que le salaire de M. X... n'a jamais fait l'objet d'une décision de l'assemblée générale des associés ; que ce salaire n'a jamais été contesté ; qu'il incombait à la société Limousin location, si elle entendait contester la rémunération de M. X..., de convoquer l'assemblée des associés aux fins de faire fixer son salaire de gérant conformément aux statuts ; que ce grief ne peut être retenu.
9) Le détournement de fonds.
Attendu que la société Limousin location reproche à M. X... les détournements de fonds qu'elle a constaté dans sa trésorerie.
Mais attendu qu'il résulte de l'attestation rédigée par Mme G..., ancienne salariée de la société Limousin location, que M. X... est étranger aux détournements de fonds ; que le témoin ajoute que M. X... ne pouvait découvrir ces détournements " les choses étant faites de façon à ce que les paiements soient décalés sur les factures les plus anciennes " et qu'en tout état de cause " la partie administrative, et donc le contrôle, était géré par l'agence de Saint Pol sur Mer, siège administratif de Limousin location " étant ici rappelé que M. X... gérait l'agence de Brive ; que le grief ne peut être retenu.
Attendu, enfin, que rien dans les dossiers des parties ne permet de caractériser l'existence d'une mésentente entre M. X... et le co-gérant de la société Limousin location, M. B..., ou avec les autres associés de cette société.
Attendu qu'il s'ensuit que les reproches invoqués par la société Limousin location à l'encontre de M. X... ne sont pas fondés et que sa révocation de sa fonction de gérant ne repose pas sur un juste motif ; que M. X... est fondé à réclamer des dommages-intérêts au titre de sa révocation injustifiée.
Attendu qu'à la suite de sa révocation, M. X... s'est retrouvé sans revenu à l'âge de 56 ans ; que certains des reproches injustifiés qui lui ont été faits étaient de nature à remettre en cause son honnêteté et ses qualités professionnelles en lui imputant notamment une responsabilité dans des détournements de fonds et la fourniture d'avantages injustifiés ; qu'il sera alloué à M. X... une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral.
Attendu que la révocation de M. X... est intervenue après que celui-ci ait reçu notification des reproches qui lui étaient faits et il ne démontre pas avoir été empêché de présenter ses moyens de défense devant l'assemblée générale des associés ; que cette révocation ne présente pas un caractère brutal et elle ne s'entoure pas de circonstances vexatoires qui pourraient justifier une indemnisation particulière.
PAR CES MOTIFS LA COUR

Statuant par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Brive le 25 novembre 2011 ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Limousin location à payer à M. Bernard X... :
-50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral consécutifs à sa révocation injustifiée de ses fonctions de gérant,-1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Limousin location aux dépens et DIT qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
Marie-Christine MANAUD. Martine JEAN.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00056
Date de la décision : 17/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2013-01-17;12.00056 ?
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