COUR D'APPEL DE LIMOGES CHAMBRE CIVILE--- = = oOo = =--- ARRET DU 24 OCTOBRE 2012--- = = = oOo = = =---
ARRET N.
RG N : 11/ 00962
AFFAIRE :
M. Théodorus X..., Mme Angela Y... épouse X... C/ CABINET D'ARCHITECTURE Z...
ST/ MCM
CONTRAT DE MAITRE D'OEUVRE
Grosse délivrée à Maître DASSE, avocat
Le VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DOUZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Théodorus X... de nationalité Hollandaise, né le 23 Juillet 1955 à VENLO (PAYS-BAS), Gérant, demeurant...-19130 LASCAUX
représenté par la SCP DEBERNARD DAURIAC, avocats au barreau de LIMOGES, Me Marloes MORH, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame Angela Y... épouse X... de nationalité Hollandaise, née le 28 Décembre 1957 à AMSTERDAM (PAYS-BAS), Sans profession, demeurant...-19130 LASCAUX
représentée par la SCP DEBERNARD DAURIAC, avocats au barreau de LIMOGES, Me Marloes MORH, avocat au barreau de TOULOUSE
APPELANTS d'un jugement rendu le 13 MAI 2011 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BRIVE
ET :
SELARL CABINET D'ARCHITECTURE Z... dont le siège social est Pech de Diane-24590 SAINT GENIES
représenté par Me Hubert-Antoine DASSE, avocat au barreau de LIMOGES
INTIME
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Selon calendrier de procédure du Conseiller de la Mise en Etat, l'affaire a été fixée à l'audience du 13 Juin 2012 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 5 septembre 2012. L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2012.
A l'audience de plaidoirie du 13 Juin 2012, la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Serge TRASSOUDAINE, Conseillers assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier, Monsieur le Conseiller TRASSOUDAINE a été entendu en son rapport, Maître MORH et Maître DASSE, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 24 Octobre 2012 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
--- = = oO § Oo = =--- LA COUR--- = = oO § Oo = =---
Exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties :
M. Theodorus X... et son épouse, née Angela Y..., tous deux ressortissants hollandais, qui avaient fait l'acquisition en mars 2008 de bâtiments ruraux sis sur la commune de Lascaux (19), ont contacté M. Paul Z..., architecte de nationalité néerlandaise exerçant en Dordogne, en lui faisant part de leur intention d'y faire construire et aménager des gîtes et chambres d'hôtes. Le 18 juillet 2008, ils ont signé avec la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Cabinet d'architecture Z... un contrat d'architecte pour " travaux sur existants ", par lequel, moyennant des honoraires convenus à hauteur de la somme de 12 000 € toutes taxes comprises, sur laquelle ils ont versé le 27 octobre 2008 un acompte de 5 324, 59 €, ils lui ont confié la mission de procéder aux études préliminaires, aux avant-projets sommaire et définitif et d'élaborer le dossier de demande de permis de construire.
Mais, alors que le 22 décembre 2008, les services de la direction départementale de l'équipement avaient informé les maîtres de l'ouvrage que le délai d'instruction de la demande de permis de construire, qu'ils avaient déposée le 4 décembre 2008, serait portée de 3 à 6 mois au motif que le projet concernait un établissement recevant du public (ERP), le conseil des époux X..., par une lettre recommandée avec avis de réception du 23 mars 2009, mettait en demeure le cabinet d'architecture Z... d'accepter la résolution du contrat, de restituer la somme de 5 324, 59 € et de payer une somme de 50 000 € à titre d'indemnisation de leur préjudice. En réponse, par un courriel du 15 avril 2009, M. Z... indiquait aux époux X... qu'il résiliait le contrat à partir du 25 mars 2009.
En dépit d'une expertise amiable, puis de la saisine du Conseil régional de l'Ordre des architectes, aucune solution amiable n'a pu intervenir et, le 26 octobre 2009, les époux X... ont, sur le fondement des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, fait assigner la SELARL Cabinet d'architecture Z... (la SELARL) aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat et condamner le cabinet d'architecture à leur restituer la somme de 5 324, 59 €, ainsi qu'à leur payer les sommes de 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour résiliation unilatérale de contrat sans motif légitime, de 50 000 € à titre d'indemnisation pour perte d'exploitation et manque à gagner, et de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par un jugement du 13 mai 2011, dont les époux X... ont interjeté appel le 25 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Brive les a déboutés de l'intégralité de leurs prétentions, et, statuant sur les demandes reconventionnelles de la SELARL, les a condamnés solidairement à payer la somme de 6 675, 41 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2010, ainsi que celle de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au cabinet d'architecture Z..., lequel a, par ailleurs, été débouté de sa demande reconventionnelle tendant à la suppression du projet architectural sur le site internet des époux X....
Par leurs dernières écritures d'appel (no 2) déposées le 2 février 2012, auxquelles la Cour renvoie pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux X..., qui concluent à la réformation de cette décision, demandent de prononcer la résiliation judiciaire du contrat et de condamner le cabinet d'architecture Z... à leur payer les sommes de 5 324, 59 € à titre de restitution des honoraires versés, de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel (avec désignation, à titre subsidiaire, d'un expert judiciaire pour donner tous éléments permettant d'évaluer le chiffre d'affaires et le bénéfice qu'ils pouvaient légitimement escompter de leur projet), de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral, ainsi que 4 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Les époux X... rappellent qu'en tant que professionnel, M. Z... est débiteur envers le maître d'ouvrage d'une obligation de moyen de renseignement et de conseil. Ils soutiennent qu'en mentionnant " 6 appartements-chambres d'hôtes " sur la demande de permis de construire déposée à la direction départementale de l'équipement, ainsi présentée comme un établissement recevant du public (ERP), cet architecte a failli à son obligation de présenter et d'obtenir un permis de construire conforme à leur projet, lequel, comme le montre le plan qu'il a établi, consistait à réaliser " 4 gîtes dans des constructions existantes, 4 chambres d'hôtes (sans cuisine) et 2 appartements (avec cuisine) à construire ". Les époux X... estiment, en conséquence, avoir engagé des frais d'architecte pour rien. Bien qu'indiquant ne pas être à même de pouvoir produire le moindre élément comptable puisqu'ils n'ont pu démarrer l'exploitation, ils affirment que leur préjudice matériel existe dans son principe et que la Cour l'appréciera dans le cadre de son pouvoir souverain.
Par ses dernières conclusions du 27 mars 2012, auxquelles se réfère également la Cour, la SELARL demande de confirmer le jugement déféré, sauf, s'agissant de l'atteinte à son droit de propriété intellectuelle, à voir condamner, sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, les époux X... à supprimer de leur site internet www. lamaisondesperes. nl toutes références de quelque nature qu'elles soient au projet et aux plans que le cabinet d'architecture a établi. La SELARL sollicite, en outre, la condamnation des époux X... à lui payer une indemnité de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SELARL soutient que les époux X... ne rapportent nullement la preuve de leurs affirmations, qu'ils ont toujours fait état de 6 " appartements chambres d'hôtes ", qu'ils étaient parfaitement informés du travail de l'architecte et d'accord avec ses plans, et qu'ils ont paraphé et signé le permis de construire qu'il a établi, étant précisé que l'ensemble des courriers électroniques ont été échangés en langue néerlandaise entre les parties. La SELARL fait également observer qu'aucun délai de réalisation n'avait été contractuellement prévu. De plus, tout en prétendant que c'est à tort que les services de la direction départementale de l'équipement ont considéré que le projet portait sur un établissement recevant du public, la SELARL indique que, dès qu'elle a été informée du problème, elle a proposé aux maîtres de l'ouvrage une modification de la demande, que ceux-ci ont refusée. Enfin, rappelant que selon l'article 146 du code de procédure civile, une expertise ne peut pas être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, la SELARL relève que les époux X..., à qui incombe cette charge, ne produisent aucun élément justifiant de leur préjudice d'exploitation commerciale.
Conformément à la demande formulée par la Cour lors de l'audience des débats du 13 juin 2012, le 10 août 2012, les époux X... ont déposé une note en délibéré relative aux dispositions pertinentes applicables à la solution du litige, à laquelle la SELARL a répondu par une note en délibéré reçue par courriel au greffe le 20 septembre 2012.
Motifs de la décision :
C'est de manière parfaitement conforme aux souhaits des époux X..., qui le reconnaissent (cf. leurs conclusions d'appel, p. 6), que les plans d'architecte établis par la SELARL, qui sont produits au dossier et qui ont été communiqués à l'Administration en vue de la délivrance du permis de construire, comportent, à l'étage, 4 chambres d'hôtes sans cuisine et 2 appartements avec cuisine à construire, en sus de 4 gîtes indépendants au rez-de-chaussée de constructions déjà existantes.
Par ailleurs, ne constitue pas une faute imputable à la SELARL, contractuellement chargée de l'élaboration du dossier de demande de permis de construire, ou un manquement à son obligation de moyen d'information et de conseil, le fait pour celle-ci, sans opérer de ventilation précise entre les 4 chambres d'hôtes et les 2 appartements précités, de s'être limitée à mentionner, dans la partie de l'imprimé administratif ad hoc intitulée " courte description de votre projet ou de vos travaux " : « Il s'agit de la transformation de deux granges en habitation et la reconstruction de l'ancienne maison des pères. L'ensemble comprendra au total 4 gîtes (dont 1 gîte accessible aux personnes handicapées) et 6 appartements-chambres d'hôtes... ». Cette indication numérique globale et dénuée d'inexactitude, mentionnée en chiffres et donc lisibles par des ressortissants néerlandais, que les époux X... avaient du reste, en toute connaissance de cause, approuvée en signant ce document et en le déposant eux-mêmes à la mairie le 4 décembre 2008, ne pouvait en effet-sauf, pour eux, à avoir malicieusement espéré la création d'une apparence trompeuse au regard, en particulier, des dispositions de l'article D 324-13 du code du tourisme qui limitent l'activité de location de chambres d'hôtes à un nombre maximal de 5 chambres pour une capacité maximale d'accueil de 15 personnes-, avoir eu pour conséquence d'opérer un rallongement du délai d'instruction de leur demande, ni de changer la réglementation réellement applicable à leur projet, dès lors que, contrairement à ce qu'ils soutiennent, ce n'est pas à une vérification séparée par catégories d'hébergement que devait se livrer l'Administration pour en déterminer le régime juridique applicable, mais à une appréciation de la situation d'ensemble qui, en application de l'article PE 2 § 2- b) de l'arrêté modifié du 25 juin 1980 portant approbation du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, faisait normalement entrer le projet architectural dans la 5e catégorie visée par ce texte réglementaire et prévue par l'article R*123-19 du code de la construction et de l'habitation. Il sera, à cet égard, rappelé qu'aux termes de l'article R* 123-21 de ce code, si la répartition en types d'établissements prévue à l'article R* 123-18 ne s'oppose pas à l'existence, dans un même bâtiment, de plusieurs exploitations de types divers ou de types similaires dont chacune, prise isolément, ne répondrait pas aux conditions d'implantation et d'isolement prescrites au règlement de sécurité, ce groupement ne doit toutefois être autorisé que si les exploitations sont placées sous une direction unique, responsable auprès des autorités publiques des demandes d'autorisation et de l'observation des conditions de sécurité tant " pour l'ensemble des exploitations " que pour chacune d'entre elles.
De même, alors que la date du dépôt du permis de construire envisagée au 1er décembre 2009, qui figure seulement dans un courriel de la SELARL du 9 juillet 2008 (cf. document no 1), n'avait qu'une valeur prévisionnelle indicative mais non contractuelle, et que c'est en réalité sans retard dommageable que, le 3 décembre 2009, la SELARL a remis le dossier de demande de permis de construire aux époux X...- qui, dès le lendemain, ont été en mesure de le déposer en mairie-, aucun manquement ne saurait être reproché de ce chef à la SELARL. Celle-ci ne saurait, non plus, être tenue pour responsable de l'allongement de la durée d'instruction de la demande du permis de construire, qui n'est qu'une conséquence légale de la nature véritable du projet des époux X.... Il sera enfin relevé, que c'est dès le 9 février 2009, c'est-à-dire aussitôt qu'elle en a été avisée par une lettre des époux X... du 4 février 2009 (cf. pièce no 4), que la SELARL a établi les documents complémentaires exigés par l'Administration pour vérifier la conformité du projet avec les règles d'accessibilité aux personnes handicapées et de sécurité prévues par le code de l'urbanisme pour les établissements recevant du public de 5e catégorie (cf. documents no 2).
Il s'ensuit que, comme l'a justement décidé le premier juge, les époux X... doivent être déboutés de l'intégralité de leurs prétentions, qui sont mal fondées.
C'est dans ces circonstances que le Conseil régional de l'Ordre des architectes d'Aquitaine, qui avait été saisi par les époux X..., a émis le 7 décembre 2009 l'avis selon lequel, alors que l'architecte Paul Z... avait exécuté sa mission, conformément à son contrat, dans son intégralité, soit jusqu'à la phase " dossier de demande de permis de construire " incluse, le maître de l'ouvrage ayant validé les prestations en déposant la demande de permis de construire en mairie, les honoraires correspondants-dont l'inhabituelle modicité est d'ailleurs stigmatisée par cet Ordre professionnel-étaient dus, déduction faite de l'acompte versé (cf. pièce no 12).
Aussi convient-il, comme le sollicite la SELARL dans le dispositif de ses conclusions d'appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a, par des motifs exacts et pertinents que la Cour fait siens, condamné les époux X... à lui verser le solde de ses honoraires, soit la somme de 6 675, 41 € toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 février 2010.
S'agissant, enfin, de sa demande de suppression, sous astreinte, de toutes références de quelque nature qu'elles soient au projet établi par le cabinet d'architecture Z... SELARL, cette société, qui se borne en cause d'appel à produire une mauvaise copie d'écran informatique qui n'est ni authentifiée, ni datée, ni actualisée (cf. document no 11), ne rapporte toujours pas la preuve que, sur leur site internet www. lamaisondesperes. nl, les époux X... violent, de manière certaine et actuelle, ses droits de propriété intellectuelle sur le projet et les plans d'architecte qu'elle a établis à leur profit. Le jugement déféré sera, dès lors, également confirmé en ce qu'il a, à juste titre et par des motifs pertinents, débouté la SELARL de ce chef de demande.
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LA COUR
Statuant par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Condamne M. Theodorus X... et son épouse, née Angela Y..., aux dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Theodorus X... et son épouse, née Angela Y..., à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Cabinet d'architecture Z... une indemnité pour frais irrépétibles de 1 500 €, en sus de la même somme déjà allouée à ce titre en première instance.