ARRET N.
RG N : 10/ 00624
AFFAIRE :
M. Christian X...
C/
Mme Jacqueline Y..., S. A. R. L. MEUBLES MARTEL, Me Bernadette Z..., en qualité d'administrateur judiciaire de la Sté MEUBLES MARTEL, Me Mireille A..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la Sté MEUBLES MARTEL
DB-iB
cession de parts sociales
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU 25 AVRIL 2012
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Le VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE DOUZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :
ENTRE :
Monsieur Christian X...
de nationalité Française
né le 21 Janvier 1951 à SAINTE GEMME (17)
Profession : Gérant (e) de Société, demeurant...-33290 SAINT CHRISTOLY DE BLAYE
représenté par Me Jean-Pierre GARNERIE, avocat au barreau de LIMOGES et par Me Franck AIDAN, avocat au barreau de PARIS
APPELANT d'un jugement rendu le 08 MARS 2007 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINTES
ET :
Madame Jacqueline Y...
de nationalité Française
née le 22 Février 1953 à SAINTE GEMME (17)
Profession : Gérante de Société, demeurant...-33820 SAINT CIERS SUR GIRONDE
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, et par Me Daniel PICOTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
S. A. R. L. MEUBLES MARTEL
dont le siège social est à Liauze-17250 PONT L'ABBE D'ARNOULT
représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES et par Me Daniel PICOTIN, avocat au barreau de BORDEAUX
Maître Bernadette Z..., en qualité d'administrateur judiciaire de la Sté MEUBLES MARTEL
de nationalité Française
Profession : Administrateur Judiciaire, demeurant...-85000 LA ROCHE SUR YON
Maître Mireille A..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de continuation de la Sté MEUBLES MARTEL
de nationalité Française
demeurant ...-17100 SAINTES
Non comparantes.
INTIMES
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Sur renvoi de cassation : jugement du tribunal de commerce de Saintes en date du 08 mars 2007- arrêt de la cour d'appel de Poitiers en date du 28 octobre 2008- arrêt de la cour de Cassation en date du 9 février 2010
L'affaire a été fixée à l'audience du 21 Mars 2012, après ordonnance de clôture rendue le 22 février 2012, la Cour étant composée de Monsieur Alain MOMBEL, Premier Président, de Monsieur Didier BALUZE et de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Conseillers, assistés de Madame Elysabeth AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Monsieur Didier BALUZE, Conseiller a été entendu en son rapport oral, Maîtres AIDAN et PICOTIN, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Monsieur Alain MOMBEL, Premier Président, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 25 Avril 2012 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.
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LA COUR
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EXPOSE du LITIGE
La SARL Meubles Martel a été créée en 1981 entre trois frères et soeurs, Christian, Jacqueline et Jacky X..., dans la suite de l'entreprise du père. Chaque associé avait un tiers des parts. M. Christian X... était le gérant de cette SARL Il y a des conflits dans la fratrie qui conduisent à divers contentieux.
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Le 31 août 2005, M. Christian X... a fait l'objet d'une révocation de ses fonctions de gérant.
Le 6 septembre 2005, la SARL a déposé le bilan. Me Z... a été nommée administrateur judiciaire.
Par jugement du 7 septembre 2006 rectifié le 16 novembre 2006, le Tribunal de Commerce de Saintes a :
- arrêté le principe de la cession forcée des parts de M. Christian X..., associé minoritaire,
- désigné M. B...pour procéder à l'évaluation des parts.
Après expertise, par jugement du 8 mars 2007, le Tribunal de Commerce de Saintes a :
- ordonné la cession des parts détenues par M. Christian X... au profit de Mme Y... pour 78. 000 €,
- arrêté le plan de continuation de la SARL Meubles Martel.
M. Christian X... a interjeté appel.
Par arrêt du 28 octobre 2008, la Cour d'Appel de Poitiers a confirmé le jugement.
Par arrêt du 9 février 2010, la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers en renvoyant l'affaire dans son état antérieur à la cour d'appel de Limoges.
L'arrêt de la Cour de Cassation a été rendu, par rapport à la première branche du moyen, au visa de l'article L 621-59 du commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et de l'article 41, alinéa 1er du décret 27 décembre 1985.
La Cour énonce qu'il résulte de ces textes que la qualité de dirigeant du détenteur de parts sociales dont le Tribunal peut ordonner la cession si cela est nécessaire à la survie de l'entreprise, s'apprécie à la date du jugement qui ordonne la cession, et qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que M. X... n'avait plus la qualité de dirigeant à la date à laquelle le Tribunal a ordonné la cession, la Cour a violé ces textes.
Sur la seconde branche du moyen, la Cour vise l'article 1843-4 du Code Civil, elle relève que l'arrêt s'est fondé sur les conclusions de l'expert désigné par le Tribunal, qu'en statuant ainsi alors que la désignation de l'expert selon cet article appartient au seul président du Tribunal, la Cour a violé ce texte.
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M. Christian X... a saisi la Cour de renvoi.
Sur la base de l'arrêt de la Cour de Cassation, il demande :
- d'infirmer le jugement du 8 mars 2007 en ce qu'il a ordonné la cession forcée de ses parts pour 78. 000 €,
- de dire et juger que M. Christian X... qui n'exerce plus les fonctions de gérant depuis le 31 août 2005 ne pouvait se voir obligé judiciairement de céder ses parts,
- de dire et juger que le rapport de M. B...désigné de manière nulle est lui-même frappé de nullité,
- d'inviter la SARL Meubles Martel et Mme Y..., le cas échéant, à mieux se pourvoir,
- de rejeter les prétentions de la SARL Meubles Martel et Mme Y....
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La SARL Meubles Martel et Mme Y... font valoir que l'annulation de la cession est inopportune en raison du contexte conflictuel qu'elles détaillent dans leurs conclusions.
Subsidiairement, elles font observer que le jugement du 7 septembre 2006 rectifié le 16 novembre 2006 n'a pas fait l'objet d'un appel alors qu'il a arrêté le principe de la cession forcée des parts de M. Christian X... et désigné M. B...pour procéder à l'expertise.
Elles demandent :
- à titre principal de confirmer le jugement,
- subsidiairement :
- de constater l'autorité de chose jugée du jugement du 7 septembre 2006 rectifié le 16 novembre arrêtant le principe de la cession et ordonnant une expertise,
- de constater que M. X... n'avait remis en cause (lors de son appel) que la valeur des parts sociales,
- d'inviter les parties à se mettre d'accord sur un nouvel expert (possibilité prévue par l'article 1843-4 du Code Civil) sinon de renvoyer la plus diligente à saisir en référé le président du Tribunal de Commerce pour la désignation d'un nouvel expert conformément à cet article.
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M. X... réplique que le jugement du 7 septembre 2006 rectifié était avant dire droit et donc insusceptible d'appel, ce que conteste les intimés.
Chaque partie sollicite une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Il est renvoyé aux dernières conclusions (no 2) de ces parties déposées par M. X... le 19 octobre 2011 et par la SARL Meubles Martel et Mme Y... le 16 décembre 2011.
Me Saint Martin, commissaire à l'exécution au plan, a été assignée à domicile, mais n'a pas constitué de représentant.
Me Z..., n'étant plus administratrice, par l'effet du jugement du 8 mars 2007 en ce qu'il a arrêté un plan de redressement par continuation de l'entreprise n'a pas été assignée.
MOTIFS
Il ressort de l'article L 621-59 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 juillet 2005 que le tribunal de la procédure collective peut, quand la survie de l'entreprise le requiert, ordonner la cession forcée des parts sociales d'un ou plusieurs " dirigeants ".
Il est constant que M. Christian X... n'était plus dirigeant de la SARL Meubles Martel le 8 mars 2007.
Par ailleurs, selon l'article 1843-4 du Code Civil, l'expert doit être désigné (à défaut d'accord entre les parties) par le président du Tribunal. Il en est déduit par l'arrêt précité que le Tribunal ne peut pas lui-même ordonner une telle expertise. En conséquence, l'expertise réalisée par M. B...doit être considérée comme nulle.
Le Tribunal ne pouvait donc ordonner le cession forcée des parts sociales de M. X... à Mme Y... pour 78. 000 €, du moins sur la base du texte susvisé et de cette expertise.
Le caractère " inopportun " selon Mme Y... et la SARL MEUBLES MARTEL d'une réformation de la cession est juridiquement inopérant.
Cette disposition du jugement sera en conséquence réformée.
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Cela étant, le jugement du 7 septembre 2006 rectifié par celui du 16 novembre 2006 dispose que le Tribunal " arrête le principe de la cession forcée des parts de M. Christian X..., associé minoritaire ".
Cette disposition est une décision selon laquelle la cession forcée est " arrêtée ". Ce verbe a notamment le sens de fixer par un choix, déterminer une solution, une décision. Et d'ailleurs les termes d'arrêtés ou d'arrêts désignent les décisions de diverses autorités administratives ou juridictions.
La motivation du jugement montre que le Tribunal a entendu ordonner la cession.
Saisi par une requête de l'administrateur aux fins de cessions des parts de M. X..., le Tribunal énonce que des associés par un vote ont exprimé le souhait d'une procédure de cession forcée desdites parts, que la mésentente entre les associés a entraîné la SARL MEUBLES MARTEL dans de grandes difficultés qui ont conduit à l'ouverture d'un redressement judiciaire, que la survie de l'entreprise est menacée, qu'il convient en conséquence d'arrêter le principe de la cession forcée des parts de M. Christian X... et de désigner un expert pour procéder à l'évaluation des parts.
Le Tribunal reprend donc ensuite et énonce dans le dispositif ces deux décisions.
Si la formulation aurait pu être différente, il ressort donc de ce dispositif que le Tribunal a décidé d'ordonner d'une part la cession des parts de M. Christian X... dans son principe et d'autre part, une expertise sur leur valeur, sursoyant ainsi sur les modalités d'organisation de la cession.
En énonçant dans le dispositif d'abord qu'il arrêtait le principe de la cession, le Tribunal a nécessairement entendu que le principe de la cession soit acquis (sous réserve d'un recours), ce qui était logique et cohérent car la mesure d'expertise ne se concevait que si la cession était prévue.
Le jugement a donc tranché le principal dont le Tribunal était saisi puisque la requête de l'administrateur le sollicitait de statuer sur la demande de cession de parts et la demande subséquente de désignation d'un expert.
Ce jugement n'est donc pas simplement un jugement avant dire-droit-il ne l'aurait été que si le dispositif s'était borné à ordonner l'expertise-mais il s'agit d'un jugement mixte qualifié à juste titre d'ailleurs par le Tribunal comme étant en premier ressort.
Il était ainsi susceptible d'appel. Il n'est pas allégué qu'il y ait eu appel ou que celui-ci soit encore possible.
Le jugement du 7 septembre 2006 rectifié le 16 novembre 2006 a donc maintenant force de chose jugée.
Quel que soit son bien fondé ou non juridiquement, ce jugement est définitif.
Si celui du 8 mars 2007 a indiqué à nouveau qu'il ordonnait la cession forcée des parts de M. X..., ce qui n'était pas strictement nécessaire vu le jugement du 7 septembre 2006, cela est indifférent, le principe de la cession forcée des parts de M. Christian X... est acquis, et ceci de manière définitive.
Il apparaît d'ailleurs que M. X... l'avait entendu ainsi, auparavant. La Cour de Limoges ne dispose pas du dossier de la Cour de Poitiers ni des conclusions des parties devant celle-ci. Mais il ressort de l'arrêt du 28 octobre 2008 qu'il ne contestait que l'évaluation des parts.
Sur les modalités de la cession, qui restent seules à organiser, essentiellement la valeur des parts (et le bénéficiaire de la cession), il ne peut être statué sur cette valeur. Si le jugement qui a aussi désigné l'expert n'a donc pas fait lui-même l'objet d'un recours, le rapport établi ultérieurement par cet expert ne peut être à lui seul retenu, compte tenu de l'arrêt de cassation et des motifs exposés ci-dessus sur cet aspect.
Les parties ou la plus diligente seront donc renvoyées à suivre la procédure préalable de l'article 1843-4 du Code Civil.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'une ou l'autre des parties ses frais irrépétibles. Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR
Statuant par décision de défaut, sur renvoi de Cassation, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Réforme le jugement du Tribunal de Commerce de Saintes du 8 mars 2007 en ce qu'il a ordonné la cession forcée des parts détenues par M. (Christian) X... au profit de Mme Y..., pour la somme de 78. 000 €, conformément au rapport d'expertise de M. B..., expert désigné par le Tribunal,
Statuant à nouveau :
Dit que le principe de la cession forcée des parts de M. Christian X... dans la SARL Meubles Martel a été décidé par jugement définitif du Tribunal de Commerce de Saintes du 7 septembre 2006 rectifié par celui du 16 novembre 2006,
Déclare nul le rapport d'expertise de M. Bernard B...du 27 février 2007,
Renvoie les parties, quant à la détermination des modalités de cette cession, plus spécialement la valeur des parts sociales, à accomplir les diligences prévues à l'article 1843-4 du Code Civil,
Rejette les demandes contraires ou pour le surplus des parties, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens de première instance restent en frais privilégiés de redressement judiciaire et que les dépens d'appel seront supportés par moitié entre d'une part M Christian X... et d'autre part Mme Y... et la SARL Meubles Martel et autorise l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PREMIER PRÉSIDENT,
Elysabeth AZEVEDO. Alain MOMBEL.