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24/06/2008 | FRANCE | N°221

France | France, Cour d'appel de Limoges, Ct0044, 24 juin 2008, 221


RG N° : 07 / 00055
AFFAIRE :
Richard X..., Noëlle D... épouse X...
C /
Odette F..., Donatienne Z..., Marie Madeleine A... épouse B..., Pierre C..., Association NATIONALE DE SERVICE SENIOR ECUREUIL " ANSSE " venant aux droits du CENTRE DE RÉÉDUCATION ET DE RÉADAPTATION FONCTIONNELLE DE LA FOT dit CRRF DE LA FOT
indemnisation préjudice
Grosse délivrée à Me DEBERNARD DAURIAC, Me GARNERIE, SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 24 JUIN 2008
A l'audience publique de la chambre civile deu

xième section de la cour d'appel de LIMOGES, le VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT a été ren...

RG N° : 07 / 00055
AFFAIRE :
Richard X..., Noëlle D... épouse X...
C /
Odette F..., Donatienne Z..., Marie Madeleine A... épouse B..., Pierre C..., Association NATIONALE DE SERVICE SENIOR ECUREUIL " ANSSE " venant aux droits du CENTRE DE RÉÉDUCATION ET DE RÉADAPTATION FONCTIONNELLE DE LA FOT dit CRRF DE LA FOT
indemnisation préjudice
Grosse délivrée à Me DEBERNARD DAURIAC, Me GARNERIE, SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 24 JUIN 2008
A l'audience publique de la chambre civile deuxième section de la cour d'appel de LIMOGES, le VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Richard X..., de nationalité Française, né le 13 Juillet 1951 à MERLEBACH (Moselle), demandeur d'emploi, demeurant ...
représenté par la SCP COUDAMY, avoués à la Cour assisté de Me Etienne WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS

Noëlle D... épouse X..., de nationalité Française, née le 26 Décembre 1952 à COLMAR (Haut-Rhin), éducatrice spécialisée, demeurant ...

représentée par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour assistée de Me Etienne WEDRYCHOWSKI, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS d'un jugement rendu le 11 JANVIER 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE GUÉRET
ET :
Odette F..., de nationalité Française, née le 12 Septembre 1954 à BOURGANEUF (Creuse), sans profession, demeurant ... .
représentée par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Cour assistée de Me Stéphanie DUFRAIGNE, avocat au barreau de GUÉRET

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 073486 du 20 / 09 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Limoges)
Donatienne Z..., de nationalité Française, née le 9 Décembre 1966 à BLANQUEFORT (Gironde), aide soignante, demeurant ... .
représentée par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Cour assistée de Me Stéphanie DUFRAIGNE, avocat au barreau de GUÉRET

Marie Madeleine A... épouse B..., de nationalité Française, née le 27 Février 1961 à NANTIAT (Haute-Vienne), agent de service, demeurant ...
représentée par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Cour assistée de Me Stéphanie DUFRAIGNE, avocat au barreau de GUÉRET

Pierre C..., de nationalité Française, né le 13 Février 1947 à CONSTANTINE (ALGÉRIE), docteur en mèdecine, demeurant ... .
représenté par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour assisté de Me Muriel NOUGUES, avocat au barreau de GUÉRET

Association NATIONALE DE SERVICE SENIOR ECUREUIL " ANSSE " venant aux droits du CENTRE DE REEDUCATION ET DE READAPTATION FONCTIONNELLE DE LA FOT dit CRRF DE LA FOT, dont le siège est 1, Allée de l'Europe-67960 ENTZHEIM
représentée par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour assistée de Me Dominique MAZURE, avocat au barreau de GUÉRET

INTIMES
L'affaire a été fixée à l'audience du 27 Mai 2008, après ordonnance de clôture rendue le 30 Avril 2008 la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, et de Monsieur Philippe NERVE et M. Jean-Pierre COLOMER, Conseillers, assistés de Madame Pascale SEGUELA, Greffier, Monsieur Jacques LEFLAIVE, président, a été entendu en son rapport oral, Maître Etienne WEDRYCHOWSKI, Maître Stéphanie DUFRAIGNE, Maître Muriel NOUGUES, et Maître MAZURE, avocats, ont été entendus en leurs plaidoiries ;
Puis Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 24 Juin 2008 ;
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
LA COUR
Par acte sous seing privé du 6 janvier 1997 l'association de gestion du centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de la FOT a engagé Richard X... en qualité de directeur du centre pour une durée indéterminée.
Le 20 août 1997 Odette F..., qui travaillait comme agent de service au CRRFF, a déposé plainte contre Richard X... à la brigade territoriale de gendarmerie de la SOUTERRAINE (Creuse) pour harcèlement sexuel et a signalé que Donatienne Z... avait été victime d'agissements analogues à ceux qu'elle dénonçait de la part de Richard X... et qu'elle s'était confiée à Pierre C..., médecin chef du centre, qui lui aurait conseillé de déposer plainte.
Pierre C..., qui exerçait alors les fonctions de médecin chef au CRRFF, a été entendu le 23 août 1997 à la brigade de gendarmerie de LA SOUTERRAINE et a déclaré qu'Odette F... lui avait fait part d'agissements de Richard X... à son encontre et également de Donatienne Z..., d'une secrétaire prénommée Véronique et de Marie-Madeleine B..., une autre employée, et qu'il lui avait conseillé de déposer plainte.
Donatienne Z... a déposé plainte à son tour contre Richard X... le 2 septembre 1997 à la brigade de gendarmerie de LA SOUTERRAINE pour harcèlement sexuel.
Marie-Madeleine A... épouse B... a déposé plainte contre Richard X... le 4 septembre 1997, toujours pour harcèlement sexuel.
Ces plaintes ont fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de GUÉRET au motif que l'infraction de harcèlement sexuel qui était dénoncée ne lui paraissait pas caractérisée dans tous ses éléments constitutifs.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 1997 l'association de gestion du CRRFF a notifié à Richard X... son licenciement en indiquant les motifs suivants : " le licenciement est motivé par votre attitude vis-à-vis des personnels et de la tension très vive qui en résulte, notamment à la suite d'accusations de harcèlement sexuel, contribuant à une dégradation plus que regrettable du climat social et compromettant gravement la sérénité, les intérêts et le bon fonctionnement du centre de rééducation fonctionnelle et de réadaptation de la FOT. Vous comprendrez que ces faits engendrent une perte de confiance et ne permettent pas le maintien de votre contrat de travail dans l'établissement ".

Odette F..., Marie-Madeleine B... et Donatienne Z... ont déposé une plainte avec constitution de partie civile contre Richard X... le 8 juillet 1998 auprès du juge d'instruction de GUÉRET pour harcèlement sexuel. Au résultat d'une information au cours de laquelle Richard X... a été entendu en qualité de témoin assisté le juge d'instruction de GUÉRET a rendu le 29 mars 1999 une ordonnance de non-lieu dont il n'a pas été relevé appel.
Entre-temps Richard X... avait saisi le conseil de prud'hommes de GUÉRET le 9 octobre 1997 et il a demandé à cette juridiction de déclarer son licenciement abusif. Après avoir sursis à statuer jusqu'à l'issue de l'action pénale, le conseil de prud'hommes de GUÉRET a, par un jugement du 31 janvier 2000, qui est définitif, dit le licenciement abusif et condamné l'association de gestion du CRRFF à payer à Richard X... 361 535 francs à titre de dommages et intérêts.
Richard X... et son épouse née Noëlle D... ont, par exploits des 17 et 18 juillet 2001, assigné Odette F..., Donatienne Z..., Marie-Madeleine A... épouse B..., Pierre C... et l'association de gestion du CRRFF devant le tribunal de grande instance de GUÉRET aux fins suivantes :
- dire que les plaintes d'Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... déposées par deux fois en dénonçant Richard X... de façon calomnieuse sont constitutives d'une faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil-dire qu'en incitant ces mêmes personnes à déposer plainte à l'encontre de Richard X... le jour où il s'était vu mettre à pied Pierre C... est l'instigateur de cette machination et a commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil.- dire qu'en encourageant les trois salariées à déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile dont elle a payé la consignation a seule fin d'obtenir le renvoi de Richard X... devant le tribunal correctionnel et sa condamnation et de justifier ainsi son licenciement l'association de gestion du CRRFF a commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil-condamner in solidum Odette F..., Donatienne Z..., Marie-Madeleine B... et l'association de gestion du CRRFF à payer à titre de dommages-intérêts 350 000 francs à Noëlle D... épouse X... et sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile 30 000 francs aux époux X....

Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... ont conclu au débouté de l'ensemble des demandes des époux X... et ont réclamé chacune 600 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Pierre C... a conclu au débouté des demandes des époux X... et a réclamé à leur encontre 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'association nationale de service senior Ecureuil (ANSSE), venue Entre-temps aux droits de l'association de gestion du CRRFF a conclu au débouté de l'ensemble des demandes des époux X... et a réclamé à leur encontre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement du 11 janvier 2005 le tribunal de grande instance de GUÉRET a débouté les époux X... de l'intégralité de leurs demandes et Pierre C... de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts et a condamné les époux X... à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :-500 euros à Odette F...-500 euros à Donatienne Z...-500 euros à Marie-Madeleine B...-1 000 euros à Pierre C...-700 euros à l'association ANSSE.

Les époux X... ont relevé appel de ce jugement le 11 janvier 2007.
Par écritures déposées en dernier lieu le 22 avril 2008 ils reprennent intégralement les termes de leurs demandes présentées en première instance en portant toutefois à 5 000 euros le montant de la demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et exposent l'argumentation suivante.
Les allégations d'Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... étaient inconsistantes et n'ont pas été confirmées par Véronique K..., qui a déclaré aux gendarmes que Richard X... n'avait jamais eu de gestes ou de propos déplacés à son encontre qu'elle n'avait rien à lui reprocher, que leurs relations sont restées simplement professionnelles, qu'elle ne comprenait pas les bruits qui pouvaient courir dans le centre sur les relations qu'elle entretiendrait avec le directeur et qu'elle n'avait jamais remarqué d'attitudes ambiguës de la part de celui-ci vis-à-vis des employés féminins du centre. Les plaintes qui ont été classées sans suite ont été déposées de façon téméraire et avec une incroyable légèreté et constituent des dénonciations calomnieuses. Alors qu'il n'y avait aucun élément nouveau, Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... ont déposé une plainte avec constitution de partie civile un an après le classement sans suite, ce qui a retardé d'un an l'aboutissement de l'instance prud'homale. Les fautes commises sont caractérisées par la fausseté des faits, la mauvaise foi manifeste et l'intention de nuire. La témérité d'une plainte suffit à engager la responsabilité de son auteur.
Pierre C..., qui était médecin-chef, s'est impliqué étrangement dans cette affaire qui ne le concernait pas, ce qui serait totalement incompréhensible s'il n'avait pas une raison personnelle de se venger du directeur, qui venait de lui remettre une lettre de mise à pied et de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement.
En versant la consignation fixée par le juge d'instruction le CRRFF apparaît comme directement impliqué dans leur initiative. Il avait un intérêt évident à faire rebondir le procès pénal de son directeur car une condamnation pénale entraînait immanquablement la perte de son procès prud'homale dont le cours était en outre très sensiblement retardé.
Ces accusations mensongères ont entraîné le licenciement dont les conséquences ont certes été réparées par le conseil de prud'hommes mais aussi un préjudice professionnel très important car Richard X... travaillait dans un secteur très fermé où l'information circule vite, ce qui explique qu'il n'ait pas pu retrouver d'emploi de directeur de centre. Ces dénonciations calomnieuses manipulées par Pierre C... et réactivées par le CRRFF ont causé un préjudice moral particulièrement humiliant et éprouvant à son épouse.
Par écritures déposées le 19 novembre 2007 Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine A... épouse B... concluent à la confirmation du jugement et réclament à l'encontre des époux X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile 1 000 euros pour Odette F..., 1 500 euros pour Donatienne Z... et 1 500 euros pour Marie-Madeleine A... épouse B..., en exposant l'argumentation suivante.
Il n'y a eu aucune mauvaise foi de la part d'Odette F..., qui a exposé les faits tels qu'elle les a vécus, a ressenti le comportement de Richard X... comme parfaitement anormal et déplacé, en a parlé à plusieurs salariés, dont l'une lui a suggéré d'en faire part à Pierre C..., alors médecin-chef, qui lui a conseillé de déposer plainte. Odette F... vit d'autant plus mal cette procédure qu'elle est victime d'une sclérose en plaque qui a généré une dépression sévère avec plusieurs tentatives de suicide.
Donatienne Z... a eu une discussion d'environ deux heures avec Richard X... et a bien ressenti qu'il l'a draguait en vue d'un premier rendez-vous et d'une suite éventuelle. Elle en a été très troublée et en a parlé à des collègues et à sa supérieure hiérarchique. Alors qu'elle avait quitté le centre et n'avait plus de lien juridique avec son employeur elle a accepté de réitérer sa déclaration dans le cadre d'une plainte avec constitution de partie civile.
Marie-Madeleine B... a été entendue à son retour de vacances, a relaté les invitations de Richard X... à se rencontrer à l'extérieur du centre et sa pression tendant à lui faire déposer plainte contre Odette F... et a terminé son audition en indiquant avoir dit l'entière vérité sur cette affaire et se sentir soulagée.
Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... n'ont pas pu se concerter lors du départ de la plainte initiale d'Odette F... puisqu'elles étaient toutes les deux en vacances. Les déclarations de toutes les trois sont néanmoins concordantes sur le comportement de Richard X.... Elles n'ont commis ni faute ni négligence en relatant les faits tels qu'elles les ont ressentis.
Par écritures déposées le 16 janvier 2008 Pierre C... conclut à la confirmation du jugement et réclame à l'encontre des époux X... une indemnité supplémentaire de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en exposant l'argumentation suivante.
Le président de l'association lui a notifié le 20 août 1997 une mise à pied conservatoire et une convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement, et il a été licencié le 13 septembre 1997. Ce n'est pas Richard X..., contrairement à ce que prétend celui-ci, qui lui a notifié la mise à pied et la convocation. Il existait un conflit entre l'association et Pierre C..., qui n'avait aucune animosité particulière contre Richard X.... Entendu comme témoin, Pierre C... n'a fait que relater les faits qui lui avaient été révélés par Odette F.... C'est une salariée du centre qui lui a suggéré d'en faire part à Pierre C..., lequel a, de bonne foi, comme il devait le faire comme citoyen et comme médecin, et sans intention de nuire, conseillé à Odette F... de déposer plainte. Pierre C... n'a plus jamais remis les pieds au centre après le 20 août 1997. Ce n'est que sur la demande de CRRFF que les salariés ont réitéré leur plainte un an plus tard devant le juge d'instruction. Pierre C... ne peut se voir reprocher une quelconque collusion avec le Centre, avec qui il était en opposition radicale et contre qui il plaidait. Il n'y a eu aucun complot contre Richard X....
Par écritures déposées le 12 février 2008 l'association ANSSE conclut à la confirmation du jugement et réclame à l'encontre des époux X... 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante.
La direction du centre ne pouvait qu'envisager le licenciement de Richard X... en raison de la dégradation du climat social qui compromettait gravement les intérêts et le bon fonctionnement du centre. Devant le tribunal les trois salariés ont maintenu que ce qu'elles avaient déclaré était bien exact. Le comportement pour le moins ambigu de Richard X... et les relations très tendues qu'il entretenait avec Pierre C... sont exclusivement à l'origine du préjudice dont il demande réparation. Contrairement à ce qu'il prétend Richard X... n'a pas été débauché par le CRRFF mais s'est porté candidat à la fonction de directeur car il voulait quitter l'emploi qu'il avait alors. Le CRRFF n'a pris aucune initiative à l'égard de son épouse qui ne produit aucune pièce pour justifier de son préjudice.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2008.
SUR QUOI, LA COUR
A) Sur les demandes dirigées contre Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine A... épouse B... :
Attendu qu'au soutien de sa plainte Odette F... a indiqué que Richard X... l'a convoquée dans son bureau pour lui demander si elle voulait servir en restauration, que, sachant qu'il imposait le port de la mini-jupe pour effectuer ce service elle a refusé en faisant valoir qu'elle n'avait pas de belles jambes en raison de problèmes circulatoires, qu'il lui a alors demandé de remonter son pantalon jusqu'au genou pour lui montrer ses jambes, que dix jours plus tard il l'a convoquée dans son bureau pour débarrasser un plateau de boissons, lui a demandé de fermer les fenêtres et les volets et a fermé la porte de son bureau, a commencé à discuter et a demandé s'ils pourraient se voir, lui a proposé d'aller au lieu-dit la Croisière et lui a finalement fixé un rendez-vous devant les pompes à essence du magasin STOC, qu'elle a accepté par peur de sa réaction mais qu'elle n'y est pas allée en raison d'un rendez-vous chez un médecin à LIMOGES, qu'elle a ressenti sa démarche comme s'il s'agissait de coucher avec elle, qu'il a une attitude bizarre avec les femmes du Centre, qu'il agit de la même façon avec une autre salariée, Donatienne Z..., et qu'elle en a parlé à Pierre C..., qui lui a conseillé de déposer plainte ;
Que Donatienne Z..., entendue le 2 septembre 1997, a indiqué que Richard X... lui a fait demander par le chef cuisinier de servir un repas qu'il partageait avec son épouse et un ami, que le cuisinier lui a signalé que Richard X... avait décidé que les serveuses devaient être vêtues en jupe et chemisier blanc, qu'après le repas il a parlé seul avec elle pendant trente minutes de sa situation professionnelle et familiale, cherchant absolument à savoir si elle vivait seule, lui a dit qu'elle était la femme idéale pour travailler en restauration, l'a complimentée sur ses bijoux, son maquillage et son physique, lui a dit qu'elle était belle et toujours souriante, qu'elle pouvait monter plus haut grâce à ses qualités et qu'on pouvait parler de tout cela en dehors du Centre et lui a donné un délai de réflexion jusqu'au lundi suivant, que l'entrevue a duré environ deux heures et que, si elle s'est déroulée de façon courtoise, elle a bien senti qu'il la draguait afin d'avoir un premier rendez-vous et éventuellement une suite, et il lui a dit textuellement que, si elle acceptait le rendez-vous à l'extérieur, il pouvait appuyer pour qu'elle reste au Centre mais que dans le cas d'un refus il ne pouvait rien pour elle si le troisième étage n'ouvrait pas ;
Qu'elle ajouté qu'elle est ressortie mal à l'aise de cet entretien et en a parlé à son supérieur hiérarchique, à une secrétaire Carole L... et au chef cuisinier, Fabrice M..., qui lui a indiqué que Richard X... avait agi de même avec Marie-Madeleine B..., qu'elle a interrogée par la suite et qui le lui a confirmé, que le lendemain elle est allée voir Richard X... dans son bureau et lui a dit qu'elle ne voulait pas de son rendez-vous et qu'il lui a alors répété qu'il ne pouvait rien pour son embauche ;
Que, entendue à son tour le 4 septembre 1997, Marie-Madeleine B... a indiqué que depuis qu'elle travaillait en restauration Richard X... avait pour habitude de la recevoir dans son bureau, l'interrogeait sur sa vie privée, lui proposait de la voir à l'extérieur du Centre, lui demandait quelles relations elle entretenait avec son mari et, lorsqu'elle lui a dit qu'elle envisageait le divorce, lui a proposé à nouveau d'aller boire un verre avec lui en ville ; que le 1er septembre il l'a convoquée dans son bureau pour lui demander de déposer plainte contre Odette F... qui la mettait en cause et qu'il l'a convoquée à nouveau le lundi et le mardi suivants pour réitérer sa demande, disant que s'il était viré le Centre fermerait ;
ATTENDU que non seulement les agissements dénoncés constituent des manquements flagrants à la réserve que doit observer un supérieur hiérarchique à l'égard de ses subordonnés, mais il est incontestable que Richard X... a cherché à nouer des relations personnelles avec ces salariées, lesquelles étaient légitimement fondées à considérer, eu égard à ses propos et à son comportement, qu'il souhaitait obtenir d'elles des faveurs sexuelles ;
Que, interrogé par le conseil de Richard X... pour confirmer le classement sans suite des plaintes, le Procureur de la République de GUÉRET a précisé que ce classement a été motivé par le fait que l'infraction de harcèlement sexuel qui était dénoncée n'apparaissait pas caractérisée dans tous ses éléments constitutifs ;
Que ce classement ne remettait donc nullement en cause la sincérité des déclarations ;
ATTENDU que, comme tout justiciable, Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... étaient en droit de penser outre au classement sans suite en saisissant le juge d'instruction d'une plainte avec constitution de partie civile ;
Que, si le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu il a relevé que ces trois intimées ont maintenu leurs accusations au cours de l'information et a également motivé sa décision pour l'insuffisante caractérisation de l'infraction après avoir rappelé à juste titre que le code pénal est d'interprétation stricte ;
Que la décision du magistrat instructeur ne permet pas davantage de remettre en cause la sincérité des déclarations d'Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... ;
ATTENDU qu'en l'état actuel de la procédure ces dernières ne remettent nullement en cause leurs déclarations, faisant valoir qu'elles n'ont été dictées que par leur conscience et sans volonté de nuire ;
Qu'en dehors des pièces pénales les appelants ne produisent aucune pièce au soutien de leur allégation suivant laquelle il s'agissait de dénonciations téméraires voire calomnieuses ;
ATTENDU que la fausseté des faits n'apparaît nullement démontrée ;
ATTENDU que la nature des faits qu'elles dénoncent autorisait Odette F..., Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... a considérer que Richard X... souhaitait obtenir d'elle des faveurs sexuelles, et dès lors il ne peut pas être soutenu que leurs plaintes successives présentaient une quelconque témérité, l'autorité judiciaire ayant seule qualité pour dire si la qualification pénale invoquée pouvait être retenue ;
Que c'est donc à juste titre que les époux X... ont été déboutés de leurs demandes contre ces trois intimées ;
B) Sur les demandes dirigées contre Pierre C... :
ATTENDU que lorsqu'elle a déposé plainte le 20 août 1997 Odette F... a précisé qu'elle est allée se confier à Pierre C..., qui était le médecin-chef de l'établissement, et que celui-ci lui a conseillé de déposer plainte ;
Que, eu égard à cette précision et à la fonction de Pierre C... dans l'établissement il est logique que les gendarmes aient commencé par l'entendre avant toute autre investigation ;
Que lors de son audition le 23 août 1997 Pierre C... a confirmé qu'Odette F... lui a fait part des agissements dont elle aurait été victime de la part de Richard X... et qu'il lui a conseillé de déposer plainte, a précisé qu'elle lui a indiqué à cette occasion que Donatienne Z... et une secrétaire nommée Véronique auraient été victimes des mêmes faits, qu'il s'est renseigné auprès du personnel qui lui aurait confirmé les accusations d'Odette F... et que le 21 août Donatienne Z... lui a téléphoné pour lui dire que Richard X... lui avait fait des propositions de rendez-vous et qu'elle ne serait pas embauchée lors de l'ouverture du troisième étage, qu'il ne savait rien de plus concernant la nommée Véronique et qu'Odette F... lui a appris que Marie-Madeleine B... avait fait l'objet des mêmes propositions ;
Que, eu égard à la nature des faits dénoncés, il ne peut pas lui être sérieusement reproché d'avoir conseillé a Odette F... de déposer plainte et d'avoir cherché à s'informer auprès du personnel ;
Que les indications qu'il a données concernant Donatienne Z... et Marie-Madeleine B... ont été confirmées par ces dernières ;
Que la demande dirigée contre lui apparaît tout aussi dépourvue de fondement ;
C) Sur la demande dirigée contre l'association ANSSE :
ATTENDU que le motif invoqué pour le licenciement avait trait aux accusations portées contre Richard X... et le CRRFF, aux droits duquel vient l'association ANSSE avait un intérêt légitime à voir aboutir une procédure pénale, ce qui aurait pu faire échec à l'instance prud'homale poursuivie par Richard X... pour contester son licenciement ;
Que la circonstance qu'il a payé la consignation fixée par le juge d'instruction ne saurait lui être imputée à faute, l'existence d'une pression sur les salariées pour les amener à déposer plainte, n'apparaissant pas démontrée au vu des pièces versées aux débats ;
D) Sur les dépens et les frais irrépétibles :
ATTENDU que les époux X... qui ont attendu deux ans pour relever appel du jugement et sont à nouveau intégralement déboutés de leurs demandes, doivent être condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles supportés par les intimées devant la cour ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de GUÉRET en date du 11 janvier 2005 en toutes ses dispositions critiquées devant la cour.
CONDAMNE Richard X... et son épouse née Noëlle D... à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile-1 000 euros à Pierre C...-1 000 euros à l'association nationale de service senior Ecureuil-700 euros à Odette F...-1 000 euros à Donatienne Z...-1 000 euros à Marie-Madeleine A... épouse B... ;

CONDAMNE Richard X... et son épouse née Noëlle D... aux dépens d'appel et accorde à la SCP DEBERNARD-DAURIAC, la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET et à Maître GARNERIE, avoués le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
CET ARRÊT A ÉTÉ PRONONCÉ A L'AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE DEUXIÈME SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT PAR MONSIEUR LEFLAIVE, PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Ct0044
Numéro d'arrêt : 221
Date de la décision : 24/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Guéret, 11 janvier 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2008-06-24;221 ?
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