ARRÊT N
RG N : C06 01380
AFFAIRE :
CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES D'OC " GROUPAMA "
C /
Danièle Gilberte Josette X... ès qualités d'héritière de feue Madame Gilberte Antoinette Z... Veuve X...
JL / PS
GARANTIE CONTRACTUELLE
Grosse délivrée à Me GARNERIE, avoué
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE DEUXIÈME SECTION
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ARRÊT DU 22 JANVIER 2008
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A l'audience publique de la chambre civile deuxième section de la cour d'appel de LIMOGES, le VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE HUIT a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES D'OC " GROUPAMA " venant aux droits de la CRAMA DES PAYS VERTS, dont le siège social est 20 Boulevard Carnot-31000 TOULOUSE
représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour assistée de Me François MORICE, avocat au barreau de TULLE-USSEL
APPELANTE d'un jugement rendu le 21 SEPTEMBRE 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TULLE
ET :
Danièle Gilberte Josette X... es qualité d'héritière de feue Madame Gilberte Antoinette Z... Veuve X..., de nationalité Française, née le 16 Juillet 1946 à PARIS (75006), retraitée, demeurant ...-19500 MEYSSAC
représentée par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour assistée de Me MARCHE substituant Me Philippe CAETANO, avocat au barreau de TULLE
INTIMÉE
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L'affaire a été fixée à l'audience du 11 Décembre 2007, après ordonnance de clôture rendue le 14 Novembre 2007 la Cour étant composée de Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, et de Monsieur Gérard SOURY et Madame Anne-Marie DUBILLOT-BAILLY, Conseillers, assistés de Madame Pascale SEGUELA, Greffier, Monsieur Jacques LEFLAIVE, président, a été entendu en son rapport oral, Maître François MORICE et Maître MARCHE avocats, ont été entendus en leurs plaidoiries ;
Puis Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 22 Janvier 2008 ;
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
LA COUR
Gilberte X... était propriétaire d'une maison d'habitation à MEYSSAC (Corrèze), au lieu dit " Pierretaillade ". Elle avait souscrit auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles des Pays Verts un contrat garantissant la réparation pécuniaire des dommages matériels subis par l'immeuble ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, ladite garantie n'étant applicable qu'après la publication d'un arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle.
A la suite de désordres constatés après des pluies importantes survenues le 5 juillet 2001, Gilberte X... a fait une déclaration de sinistre le 10 septembre 2001.
Le 9 février 2002 a été publié au Journal Officiel de la République Française un arrêté ministériel du 23 janvier 2002 pris en application de l'article 5 alinéa 2 de la loi no 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles constatant l'état de catastrophe naturelle sur la commune de MEYSSAC pour un mouvement de terrain du 5 au 6 juillet 2001.
La caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles d'OC (CRAMA d'OC), venue entre temps aux droits de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles des Pays Verts, a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 janvier 2005, indiqué à Gilberte X... que la prescription biennale prévue par l'article L 114. 1 du code des assurances était acquise depuis le 9 février 2004 et d'autre part que les désordres ne résultent pas d'une catastrophe naturelle au sens de l'article L 125-1 alinéa 3 du code des assurances.
Gilberte X... a, par exploit du 26 mai 2005, assigné la CRAMA d'OC devant le tribunal de grande instance de TULLE aux fins de la voir condamner à garantir le sinistre survenu les 5 et 6 juillet 2001, à réparer l'entier dommages et à lui payer 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
En cours d'instance elle a porté à 15 000 euros le montant de sa demande de dommages-intérêts et à 3 000 euros le montant de sa demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et a sollicité une expertise a l'effet de décrire les désordres et les moyens d'y remédier, et de chiffrer le coût de la réfection et les préjudices subis.
La CRAMA D'OC a conclu au débouté de l'ensemble des demandes de Gilberte X... et a réclamé 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. A titre subsidiaire, si une expertise est ordonnée, elle a demandé qu'elle le soit aux frais avancés de Gilberte X... et que l'expert recherche le lien de causalité avec l'événement allégué des 5 et 6 juillet 2001.
Par jugement du 21 septembre 2006, le tribunal de grande instance de TULLE a constaté que la prescription n'est pas acquise, condamné la CRAMA D'OC a garantir les conséquences dommageables du sinistre survenu les 5 et 6 juillet 2001, ordonné une expertise aux frais avancés de la CRAMA D'OC aux fins demandées par Gilberte X... et débouté celle-ci de sa demande d'indemnité provisionnelle.
La CRAMA D'OC a relevé appel de ce jugement le 26 octobre 2006.
Gilberte X... est décédée le 12 juin 2007 et Danielle X..., sa fille, a repris l'instance en sa qualité de seule héritière.
Par écritures déposées en dernier lieu le 30 octobre 2007 la CRAMA D'OC conclut au débouté de l'ensemble des demandes de Danielle X... et réclame à son encontre 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en exposant l'argumentation suivante.
A la suite de la déclaration du sinistre elle a saisi un expert, qui l'a informée que les désordres avaient une origine ancienne et avaient donné lieu antérieurement à une étude de solidité et à des travaux, et que la construction était réalisée dans une zone appelée " la fouille de MEYSSAC ", sujette à des mouvements de terrain. Au surplus l'arrêté ministériel de catastrophe naturelle du 11 août 2001 ne concernait que des inondations et des coulées de boue et non des glissements de terrain. A la suite du nouvel arrêté du 23 janvier 2002 constatant l'état de catastrophe naturelle la CRAMA D'OC a missionné à nouveau le cabinet TERSA, qui s'est adjoint un bureau d'études pour un diagnostic géothermique et l'expertise a conclu à des désordres évolutifs. La prescription biennale n'est pas suspendue par les opérations d'expertise. Lorsque la prescription est interrompue un nouveau délai commence à courir. La CRAMA D'OC n'a jamais fait croire à son assurée que la prise en charge du sinistre lui était acquise. La prescription était donc bien acquise à la date de l'assignation. Subsidiairement sur le fond il ressort de la seconde expertise qu'elle a fait diligenter que les sols d'assise sur lequel repose le pavillon sont hétérogènes, peu compacts en aval et compacts en amont, et que les sols superficiels sont, notamment sous la moitié sud, en limite de stabilité en temps normal et que lors de fortes précipitations les caractéristiques mécaniques des sols chutent et des glissements se produisent. Une étude réalisée en 1983 préconisait la reprise des fondations de l'immeuble, ce qui n'a pas été fait. L'expertise diligentée à la demande de Gilberte X... concluait que les désordres sont dus à des mouvements de terrain, qui sont réactivés régulièrement après chaque précipitation importante. L'existence d'un arrêté de catastrophe naturelle ne dispense pas de la détermination d'un lien de causalité entre le phénomène naturel et le désordre allégué.
Par écritures déposées le 26 juillet 2007 Danièle X... conclut a la confirmation du jugement sauf à voir faire droit à sa demande de provision de 15 000 euros et réclame 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en exposant l'argumentation suivante.
L'arrêté ministériel intéressant le litige est intervenu le 23 janvier 2002 et a été publié le 9 février 2002. La CRAMA D'OC a mandaté des experts dès le mois d'octobre 2001, ce qui démontre qu'elle n'a pas entendu opposer une quelconque tardiveté quant à la date de déclaration du sinistre, elle s'est bien gardée d'informer son assurée que les expertises diligentées ne valaient pas reconnaissance de garantie. Toute désignation d'expert judiciaire ou amiable interrompt la prescription.
Le cabinet d'expertise TERSA a été mandaté par l'assureur le 27 septembre 2001, l'expert E... est intervenu sur place à la demande de Gilberte X... le 23 octobre 2001. Le Cabinet TERSA est intervenu le 22 février 2002. GROUPAMA a missionné le bureau d'études ALPHA BTP le 28 octobre 2003 et celui-ci a déposé son rapport le 6 avril 2004. Dans le courant du mois de mai 2004 de nouveaux experts mandatés par l'assureur sont intervenus pour pratiquer des carottages. L'article R112-1 alinéa 2 du code des assurances imposait à l'assureur de mentionner dans la police les modes d'interruption de la prescription biennale alors que l'article 36 des conditions générales est taisant sur ce point.
Il n'est pas contesté que des fissures étaient apparues avant le sinistre, et elles ont été traitées mais l'intensité exceptionnelle des précipitation des 5 et 6 juillet 2001 a généré de nouveaux désordres très importants, qui ne peuvent pas être exclus de la garantie. Il a fallu un phénomène naturel d'une particulière intensité pour que des désordres d'une telle ampleur mettant en péril l'ouvrage apparaissent, contrairement à ce qui est prétendu des travaux de confortation ont été entrepris au vue du rapport GETEC établi en 1983. Après 40 ans d'occupation seules les intempéries des 5 et 6 juillet 2001 ont créé un péril menaçant la pérennité de la maison.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2007.
SUR QUOI, LA COUR
ATTENDU qu'aux termes de l'article L 114-2 du code des assurances la prescription prévue par l'article L 114-1 du dit code est interrompue par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre ;
Que toute désignation d'un technicien à la suite d'un sinistre par une compagnie d'assurance constitue la désignation d'un expert au sens de l'article L 114-2 du code des assurances et a pour effet d'interrompre la prescription au bénéfice de l'autre partie (en ce sens Civ 1o 3 janvier 1984 D 1985 IR 193) ;
ATTENDU, en l'espèce, qu'il résulte des propres écritures de l'appelante en page quatre, pénultième paragraphe, qu'elle a accepté de missionner le bureau d'étude ALPHA BTP à titre de sapiteur pour un diagnostic géotechnique le 28 octobre 2003 ;
Que de fait le diagnostic géotechnique de la société ALPHA BTP que la CRAMA D'OC produit aux débats fait état d'une commande du 28 octobre 2003 ;
Que cette désignation a ainsi fait courir un nouveau délai expirant le 28 octobre 2005 ;
Que, l'assignation devant le tribunal de grande instance de TULLE ayant été délivrée le 26 mai 2005, la prescription n'est pas acquise ;
ATTENDU, quant au fond, que le tribunal a, par une argumentation pertinente au vu des différents rapports d'expertise et des pièces produites et que la cour adopte, considéré, que, si le sous-sol est instable et a pu entraîner des fissures dans le passé, en l'espèce près de vingt ans auparavant, les pluies diluviennes des 5 et 6 juillet 2001 sont la cause déterminantes des désordres constatés par la suite ;
ATTENDU que c'est à juste titre que le tribunal a ordonné une expertise à l'effet de décrire les désordres liés aux pluies des 5 et 6 juillet 2001 et les travaux nécessaires et d'en chiffrer le coût ;
ATTENDU, sur la demande de la somme de 15 000 euros, que la CRAMA D'OC ne peut se voir reprocher une résistance abusive dans la mesure où l'assurée avait toute latitude pour réclamer la garantie de son assureur et avait d'autant plus intérêt à la faire qu'elle risquait de se voir opposer la prescription biennale ;
Que, si elle estimait que les investigations techniques engagées par la CRAMA D'OC étaient d'une durée excessive, elle avait la possibilité de demander a tout moment une expertise en référé ;
ATTENDU qu'il y a lieu de condamner l'appelante aux dépens et aux frais irrépétibles supportés devant la cour par Danielle X... ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR :
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DONNE ACTE à Danielle X... de son intervention devant la Cour en qualité d'héritière de Gilberte Z... Veuve X..., décédée le 12 juin 2007 ;
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de TULLE en date du 21 septembre 2006 en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES D'OC à payer à Danielle X... 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
RENVOIE les parties devant le tribunal de grande instance de TULLE pour la poursuite de l'instance ;
CONDAMNE la CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES D'OC aux dépens d'appel et accorde à Maître GARNERIE, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
CET ARRÊT A ÉTÉ PRONONCÉ A L'AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE DEUXIÈME SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE HUIT PAR MONSIEUR LEFLAIVE, PRÉSIDENT.