COUR D'APPEL
DE LIMOGES
ordonnance n 793
ETRANGERRétention administrative
ORDONNANCE
Le 11 octobre 2006 à 12 heures30,
Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président de la Cour d'Appel de LIMOGES, assisté de Madame Marie-Claude LAINEZ, greffier, a rendu l'ordonnance dont la teneur suit par mise à disposition au greffe :
ENTRE
Monsieur Catalin X..., né le 31 juillet 1979 à Chisinau (Moldavie), de nationalité moldave, sans domicile fixe,
Assisté de Maître Eric MALABRE, avocat à la Cour de LIMOGES,ET
Monsieur le préfet de la Région Limousin, Préfet de la Haute-Vienne, 1 rue de la Préfecture BP 87031 LIMOGES CEDEX,
Intimé,
Non présent, ni représenté,EN PRÉSENCE DE
Monsieur le procureur général près la cour d'appel de LIMOGES représenté par Monsieur Lionel CHASSIN, substitut général,*
Vu la convocation des parties à comparaître le mercredi 11 octobre 2006 à 10 heures 30 à l'audience du premier président,
Vu l'avis donné aux parties à l'issue des débats par Monsieur le premier président, que la décision serait rendue le 11 octobre 2006 à 12 heures 30 par mise à disposition au greffe de la cour.
Monsieur X... a fait l'objet le 22 septembre 2006 un arrêté de reconduite à la frontière et d'un arrêté de placement en rétention administrative.
Une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 23 septembre 2006 a prolongé pour quinze jours au plus la rétention administrative à partir du 24 septembre à 10 heures.
Faute d'avoir pu exécuter la reconduite à la frontière, le préfet de la Haute-Vienne a de nouveau saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la rétention administrative, ce qui a été accordé par une ordonnance rendue le 9 octobre 2006 à 9 heures 30 pour cinq jours au plus à compter du 9 octobre à 10 heures.
Cette ordonnance porte qu'elle a été notifiée le même jour à 9 heures 45 à Monsieur X....
Celui-ci en a relevé appel par une télécopie qui a commencé à être émise à destination du télécopieur du greffe de la cour le 10 octobre 2006 à 9 heures 46, ainsi que l'établissent l'horodatage de la télécopie et le journal du télécopieur émetteur, et qui a été reçue au greffe de la cour à 9 heures 56.
Monsieur X... se plaint de ce qu'il est retenu depuis le 22 septembre 2006, non pas dans un centre de rétention administrative, mais dans les locaux du commissariat de police de LIMOGES, et ce en méconnaissance de l'article 6 du décret du 31 mai 2005, de sorte qu'il est privé des garanties prévues par ce texte.
Il sollicite en conséquence l'annulation de l'ordonnance du 9 octobre 2006.* * *
Le ministère public soulève l'irrecevabilité de l'appel au motif qu'il n'a été formé qu'après l'expiration du délai de 24 heures dans lequel il doit intervenir.* **
Monsieur X... réplique que l'irrecevabilité de l'appel ne peut
lui être opposé car il n'était pas assisté d'un interprète devant le juge des libertés et de la détention et que son appel n'a pu être régularisé qu'après une laborieuse intervention de la CIMADE, sollicitée par téléphone et qui n'intervient normalement qu'en centre de rétention aux fins d'assistance juridique des étrangers retenus.
Sur le fond, Monsieur X... estime qu'il a été irrégulièrement retenu dans de simples locaux de rétention après qu'il eut été statué sur son recours administratif le 25 septembre 2006 et que cette circonstance justifie sa mise en liberté, étant encore précisé qu'il n'a pas reçu la notification de ses droits dans lesdits locaux.
Par ailleurs, le préfet ne justifie pas qu'il a obtenu un laissez-passer le 9 octobre à 11 heures ainsi qu'il l'a affirmé devant le juge des libertés et de la détention ni qu'il a fait le nécessaire pour obtenir un billet d'avion.
Monsieur X... réclame 1435,20 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi que des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.SUR CE
Attendu que Monsieur X... était assisté d'un avocat devant le juge des libertés et de la détention, qu'il comprend et parle le français ainsi que le premier président s'en est assuré à l'audience, et que le procès-verbal de son audition par le juge des libertés et de la détention mentionne qu'il a été informé du délai de 24 heures pour faire appel devant le premier président ;
Que la procédure a donc été régulière devant le juge des libertés et de la détention et que le délai d'appel a commencé à courir le 9 octobre 2006 à 9 heures 45 pour expirer le 10 octobre à 9 heures 45 ;
Qu'il est constant que l'appel n'a été émis du commissariat de police qu'à partir de 9 heures 46, donc après l'expiration du délai d'appel ;
Que, toutefois, il n'est pas discuté par le préfet absent des débats en appel que celui-ci a été formalisé grâce à une intervention à distance de la CIMADE qui assure l'assistance juridique des étrangers dans les centres de rétention administrative ;
Que cette intervention s'est faite par téléphone, la CIMADE préparant l'acte d'appel, puis le transmettant à un avocat qui s'est rendu en fin de délai au commissariat d'où l'acte a pu finalement être télécopié au greffe de la cour ;
Que, par ailleurs, il n'est pas discuté davantage par le préfet qu'en application de l'article 6 du décret 2006-617 du 30 mai 2005, Monsieur X... n'aurait plus dû se trouver dans de simples locaux de rétention provisoire depuis le 26 septembre, mais en centre de rétention administrative où il aurait pu bénéficier d'une assistance directe de la CIMADE pour formaliser son appel ;
Que, dans ces conditions, il n'est pas douteux que les complications et retards apportés à la formalisation normale d'un appel et résultant du maintien irrégulier de la rétention de Monsieur X... au commissariat de LIMOGES, ont directement influé sur le dépassement d'une seule minute du délai légal ;
Qu'il doit donc être jugé que l'appel de Monsieur X... aurait été formalisé dans ce délai si sa rétention s'était déroulée dans des conditions régulières, et qu'il est donc recevable ;
Attendu que, par ailleurs, sur le fond, l'irrégularité des conditions de cette rétention depuis le 26 septembre 2006 impose la mise en liberté immédiate de l'intéressé qui ne bénéficie pas de l'exercice effectif de l'ensemble des droits qui lui sont garantis en centre de rétention administrative ;
Qu'il sera alloué 1000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
PAR CES MOTIFS
Le Premier Président, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de LIMOGES du 9 octobre 2006,
Ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur X...,
Condamne le Préfet de la Haute-Vienne, ès qualités, aux dépens et à payer 1000 euros à Monsieur X... en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Le Greffier,
Le Premier Président,Marie-Claude LAINEZ
Bertrand LOUVEL