ARRET N RG N : 04/01412 AFFAIRE : S.A.R.L. VOYAGES LOISIRS C/ Melle Anne Gaùlle X... agissant tant en son nom personnel qu' en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille Gwénaùlle Y..., M. Thierry Y... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal de Gwénaùlle Y..., Mme Claudette X... épouse Z..., M. Pierre X..., Mme Céline X... épouse A..., S.A. CHADOTEL, CPAM DE LA MANCHE PLP/iB réparation de dommages grosse délivrée à maître JUPILE-BOISVERD, avoué
COUR D'APPEL DE LIMOGES
AUDIENCE SOLENNELLE
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ARRET DU 08 FEVRIER 2006
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A l'audience publique et solennelle tenue par la première et la deuxième chambres réunies de la COUR d'APPEL de LIMOGES, le HUIT FEVRIER DEUX MILLE SIX a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
S.A.R.L. VOYAGES LOISIRS dont le siège social est 22 Rue Violet - 75017 PARIS représentée par Me Erick JUPILE-BOISVERD, avoué à la Cour assistée de Me PAGANI, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE d'un jugement rendu le 12 JANVIER 2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DES SABLES D'OLONNE ET :
Mademoiselle Anne Gaùlle X... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de sa fille Gwénaùlle Y... née le 19 Juillet 1987 aux Ulis (91) demeurant 270 le haut chemin 50710 CREANCES de nationalité Française née le 7 Octobre 1967 à SAINT DIZIER (52), demeurant 270 le haut Chemin - 50710 CREANCES représentée par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour
Monsieur Thierry Y... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal de Gwénaùlle Y... de nationalité Française né le 17 Septembre 1963 à COUTANCES (50) Profession : Chauffeur Routier, demeurant 270 le haut chemin - 50710 CREANCES représenté par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour
Madame Claudette X... épouse Z... de nationalité Française née le 09 Novembre 1939 à MOURMELON (51), demeurant Cour des cendres - 31 rue des bergères - 91940 LES ULIS représentée par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour
Monsieur Pierre X... de nationalité Française né le 09 Janvier 1937 à CREANCES (50), demeurant Nielles - Chemin des quatre vents - 50710 CREANCES représenté par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour
Madame Céline X... épouse A... de nationalité Française née le 05 Juillet 1973 à SAINT DIZIER (52), demeurant Résidence Hautes plaines - Bâtiment 2 - 91940 LES ULIS représentée par la SCP COUDAMY, avoué à la Cour
S.A. CHADOTEL dont le siège social est 90 rue Georges Clémenceau - 85520 JARD SUR MER représentée par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Cour assistée de Me DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS.
CPAM DE LA MANCHE dont le siège social est Montée du Bois André - 50000 SAINT LO représentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Cour
INTIMES
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SUR RENVOI DE CASSATION : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DES SABLES D'OLONNE EN DATE DU 12 JANVIER 2000 - ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE POITIERS EN DATE DU 18 SEPTEMBRE 2001 - ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION EN DATE DU 29 SEPTEMBRE 2004.
L'affaire a été fixée à l'audience du 11 Janvier 2006, après
ordonnance de clôture rendue le 14 décembre 2005, la cour étant composée de Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, Monsieur Jacques LEFLAIVE, Président de chambre, Monsieur Michel ANDRAULT, Président de chambre honoraire faisant fonction de Conseiller, Monsieur Pierre-Louis B... et Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Régine C..., Greffier. Maîtres PAGANI et DECHEZLEPRETRE, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président a renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 08 Février 2006.
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
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LA COUR
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Faits, procédure :
La famille X... a souscrit le 11 juillet 1992 auprès de la société VOYAGES LOISIRS, un séjour dans le camping LE DOMAINE de BEAULIEU à SAINT GILLES CROIX DE VIE exploité par la société CHADOTEL .
Le 6 septembre 1992, soit le lendemain matin de son arrivée en soirée, Anne Gaùlle X... a plongé du bord de la piscine et, en raison de la faible profondeur du bassin, a heurté le fond, ce qui lui a provoqué la fracture de plusieurs vertèbres cervicales générant une tétraplégie.
Consécutivement à une Ordonnance de non lieu rendue par le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par
Anne Gaùlle X..., celle-ci et ses proches ont saisi le Tribunal de Grande Instance des Sables d'Olonne, lequel, par jugement du 12 janvier 2000 a déclaré la société CHADOTEL et la SARL VOYAGES LOISIRS responsables in solidum du dommage subi par Anne Gaùlle X... à la suite de cet accident, par application de l'article 1147 du code civil et de l'arrêté du 14 juin 1982 relatif à la responsabilité des agents de voyages, les a condamnées à verser une provision de 300 000 F à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, a ordonné une expertise médicale, et a déclaré lesdites sociétés responsables in solidum des dommages par ricochet subis par divers proches de la victime.
Le Tribunal a considéré que la société CHADOTEL, liée avec la SARL VOYAGES LOISIRS par un contrat de collaboration de mise à disposition de logements au profit de ses clients, avait manqué à son obligation, d'assurer leur sécurité personnelle dans l'usage de la piscine en raison d'un défaut d'information ou de mise en garde sur l'interdiction de plonger.
S'agissant de la SARL VOYAGES LOISIRS le Tribunal a retenu sa responsabilité en sa qualité d'agent de voyages garant de l'organisation du voyage et du séjour et responsable de sa bonne exécution, sur le fondement de l'arrêté du 14 juin 1982.
Saisie par la SARL VOYAGES LOISIRS, la Cour d'appel de POITIERS a confirmé ce jugement tout en augmentant les sommes versées aux victimes à titre provisionnel.
Cette juridiction a donc confirmé la responsabilité de la société CHADOTEL par application des dispositions de l'article 1147 du code civil et celle de la société VOYAGES LOISIRS en tant qu'agent de voyages lequel, aux termes de l'article 12 de la loi du 11 juillet 1975 doit répondre de tout manquement à l'une de ses obligations dont il est tenu de s'acquitter avec diligence, en veillant notamment
à la sécurité des voyageurs .
Elle lui reprochait l'absence d'apposition sur un panneau, en caractères aisément lisibles, de la mention interdiction de plonger et son installation en un endroit bien visible par les baigneurs.
La Cour d'appel de Poitiers a considéré que la société VOYAGES LOISIRS avait mal choisi son prestataire de service alors qu'il était facile de voir qu'il n'avait pas assuré une signalisation suffisante pour assurer la sécurité des abords du grand bassin par ailleurs insuffisamment rempli d'eau.
Elle lui reprochait également d'avoir omis de s'assurer de la mise en place d'une meilleurs signalisation et d'avoir elle-même publié dans sa brochure une photographie attrayante et un logo laissant penser à des non initiés que le séjour comportait une vaste piscine permettant une activité de natation complète.
Sur le pourvoi formé par la société VOYAGES LOISIRS la première Chambre Civile de la Cour de Cassation a cassé cet arrêt mais seulement en ce qu'il n'avait pas recherché les parts respectives des responsabilités des sociétés CHADOTEL et VOYAGES LOISIRS dans le dommage de Mlle X..., après avoir rejeté le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué aux motifs que l'arrêt relevait que les 2 panneaux, l'un interdisant de plonger et l'autre rappelant la faible profondeur de la piscine, ne constituaient pas une signalisation suffisamment lisible pour attirer l'attention des nouveaux arrivants, que le premier panneau supportant le règlement intérieur écrit en petits caractères ne mentionnait qu'en huitième position l'interdiction dont s'agit et que le second accréditait l'idée d'une certaine profondeur tout comme les 20 mètres de diamètre de la piscine et sa disposition à proximité d'un bassin pour enfants, que ces constations faisaient ressortir une information
de nature à exclure la faute d'attention de Mlle X...
Les consorts X... demandent à la présente Cour d'appel, désignée Cour de renvoi, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf à éventuellement statuer sur la répartition de leur responsabilité entre les sociétés CHADOTEL et VOYAGES LOISIRS.
La société VOYAGES LOISIRS demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société CHADOTEL à la garantir intégralement sur le fondement des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, subsidiairement, de la condamner à garantie à hauteur de 95 % des conséquences de l'accident.
Elle se réfère au contrat de collaboration conclu entre elles suivant lequel c'est la société CHADOTEL qui mettait les appartements à la disposition de ses adhérents selon le descriptif publié dans le catalogue VOYAGES LOISIRS dont les textes devaient être approuvés par la société CHADOTEL.
Le contrat stipulait que VOYAGES LOISIRS bénéficierait d'une commission de 20 % TTC et qu'en cas de litige avec les clients, faute de réponse sous quinzaine de la société CHADOTEL, elle était autorisée à désintéresser les clients et à déduire cet avoir des factures de la société CHADOTEL.
La société appelante insiste sur le fait que l'exploitation du camping par la société CHADOTEL était conforme aux normes, ce qui résulte notamment de l'Ordonnance de non lieu, et que la brochure qu'elle a elle-même réalisée reprenait exactement les logos et descriptifs figurant dans la brochure éditée par la société CHADOTEL.
Enfin la société VOYAGES LOISIRS estime que le grief retenu par la Cour à son encontre d'un défaut de surveillance de la société CHADOTEL était destiné à permettre une indemnisation optimale des victimes dans le cadre de la garantie due par l'intermédiaire aux vacanciers mais ne peut pas être invoqué par la société CHADOTEL dans ses rapports avec la société VOYAGES LOISIRS en raison de l'adage nemo auditur et des dispositions contractuelles qui ne prévoyaient aucun encadrement technique, maîtrise d'.uvre de conception ou surveillance quelconque de CHADOTEL par VOYAGES LOISIRS .
La société CHADOTEL sollicite sa mise hors de cause, subsidiairement, un partage de responsabilité laissant à la SARL VOYAGES LOISIRS la part essentielle de celle ayant contribué à la réalisation du dommage subi par Mlle X..., très subsidiairement, de laisser la charge du sinistre pour moitié à la société VOYAGES LOISIRS.
Après avoir rappelé qu'elle n'était débitrice que d'une obligation de moyens au titre de l'obligation de sécurité envers les résidents et avoir affirmé qu'elle n'avait commis aucune faute de cet ordre, la société CHADOTEL justifie sa mise hors de cause en alléguant que la société VOYAGES LOISIRS avait engagé sa responsabilité en sa qualité d'agent de voyages tenue d'une obligation de résultat, d'un devoir de conseil et d'une obligation de loyauté, en publiant les textes de sa brochure qui omettaient de mentionner que l'équipement se limitait à un simple bassin dans lequel tout plongeon était interdit et n'était donc pas une véritable piscine.
L'approbation de ces textes par elle-même ne doit pas occulter
l'article IV du contrat aux termes duquel les informations publiées sur la brochure France LOISIRS et sur la fiche de renseignements sont contractuelles vis-à-vis des clients France LOISIRS.
Dans l'hypothèse où sa responsabilité serait retenue une part prépondérante de responsabilité devrait être laissée à la société VOYAGES LOISIRS en raison d'un grave manquement à son devoir d'information et compte tenu du fait que c'est sur la foi de cette information que Mlle X... a conclu son contrat.
La CPAM de la Manche demande à la Cour de constater le caractère irrévocable de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Poitiers hormis les dispositions relatives au partage de responsabilité et de débouter la société CHADOTEL de ses demandes tendant à être mise hors de cause.
Vu les conclusions déposées au greffe le 21 juin 2005 pour la SARL VOYAGES LOISIRS ;
Vu les conclusions déposées au greffe le 8 JUILLET 2005 pour la SA CHADOTEL ;
Vu les conclusions déposées au greffe le 10 août 2005 pour les consorts X... ;
Vu les conclusions déposées au greffe le 16 septembre 2005 pour la CPAM de la Manche ;
Vu l'Ordonnance de clôture intervenue le 14 décembre 2005 et le renvoi de l'affaire à l'audience du 11 janvier 2006 où elle fut plaidée et mise en délibéré à ce jour ;
Motifs de la Décision :
Attendu que l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Poitiers le 18 septembre 2001 a été cassé seulement en ce qu'il n'avait pas recherché les parts respectives de responsabilité des sociétés CHADOTEL et VOYAGES LOISIRS dans le dommage de Mlle X..., qu'il s'agit donc de l'unique question dont la présente Cour est saisie en tant que Cour de renvoi ;
Attendu que cette détermination de la part de chacun des 2 co-auteurs dans la réalisation du dommage est rendue nécessaire par l'action en garantie exercée par la société VOYAGES LOISIRS à l'encontre de la société CHADOTEL en première instance et devant la Cour d'appel ;
Attendu qu'il est définitivement acquis que l'accident dont a été victime Mlle X... est dû à un défaut de signalisation de la faible profondeur du bassin et de l'interdiction de plonger dans un contexte (diamètre de la piscine, emplacement situé à proximité d'un bassin pour enfants, caractéristiques de la représentation du bassinà) qui accréditait l'idée d'une certaine profondeur dudit bassin ;
Attendu qu'en sa qualité d'exploitante du camping la société CHADOTEL est à l'origine de cet aménagement fautif des lieux alors que la faute de la société VOYAGES LOISIRS a consisté à faire utiliser par ses clients cette structure défaillante en matière de sécurité des personnes sans l'avoir efficacement contrôlée préalablement ;
Attendu que la part de responsabilité de chaque co-auteur du dommage doit s'apprécier par rapport aux caractéristiques de chaque faute commise et de sa contribution à la réalisation de l'accident et non en fonction des stipulations contractuelles qui les unissaient, ce qui rend sans intérêt l'argument de l'absence d'obligation de contrôle des installations du camping à la charge de l'agent de
voyages dès lors qu'il restait tenue d'une obligation de sécurité à l'égard de ses clients ;
Attendu qu'eu égard à ces éléments et plus généralement à l'ensemble des données de la cause, l'action en garantie exercée par la société VOYAGES LOISIRS apparaît bien fondée dans la proportion des deux/tiers (2/3) ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Par Ces Motifs : La cour,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en audience solennelle, sur renvoi après cassation, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
INFIRME le jugement rendu le 12 janvier 2000 par le Tribunal de Grande instance des Sables d'Olonne, dans les limites de la cassation intervenue, en ce qu'il a dit mal fondé l'appel en garantie dirigée par la société VOYAGES LOISIRS à l'encontre de la société CHADOTEL ; STATUANT à nouveau ;
DECLARE bien fondé l'appel en garantie dirigée par la société VOYAGES LOISIRS à l'encontre de la société CHADOTEL dans la limite des deux tiers de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
DEBOUTE les parties de leurs plus amples ou contraires demandes ;
DIT n'y avoir lieu à allocation de sommes par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
CET ARRET A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE PUBLIQUE ET SOLENNELLE DES
PREMIERE ET DEUXIEME CHAMBRES REUNIES DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU HUIT FEVRIER DEUX MILLE SIX PAR MONSIEUR LOUVEL, PREMIER PRÉSIDENT. LE GREFFIER,
LE PREMIER PRÉSIDENT, Geneviève BOYER.
Bertrand LOUVEL.