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08/06/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946192

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre civile 1, 08 juin 2005, JURITEXT000006946192


ARRET N RG N : 03/01400 AFFAIRE : Me Jean Gilles DUTOUR, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Daniel X... Y.../ S.A.R.L. SEDIMAB, M. Jean Christophe Z... A.../MCM INSCRIPTION D'HYPOTHEQUE grosse à Me GARNERIE, avoué

COUR D'APPEL DE LIMOGES

AUDIENCE SOLENNELLE

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ARRET DU 08 JUIN 2005

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A l'audience publique et solennelle tenue par la première et la deuxième chambres réunies de la COUR d'APPEL de LIMOGES, le HUIT JUIN DEUX MILLE CINQ a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE :

Maître Jean G

illes DUTOUR, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Daniel X..., de nationalité França...

ARRET N RG N : 03/01400 AFFAIRE : Me Jean Gilles DUTOUR, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Daniel X... Y.../ S.A.R.L. SEDIMAB, M. Jean Christophe Z... A.../MCM INSCRIPTION D'HYPOTHEQUE grosse à Me GARNERIE, avoué

COUR D'APPEL DE LIMOGES

AUDIENCE SOLENNELLE

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ARRET DU 08 JUIN 2005

---===oOo===---

A l'audience publique et solennelle tenue par la première et la deuxième chambres réunies de la COUR d'APPEL de LIMOGES, le HUIT JUIN DEUX MILLE CINQ a été rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE :

Maître Jean Gilles DUTOUR, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Daniel X..., de nationalité Française, Mandataire liquidateur, demeurant 68 Rue Molière - 85035 LA ROCHE SUR YON CEDEX représenté par Me Jean-Pierre GARNERIE, avoué à la Cour,

APPELANT d'un jugement rendu le 10 JUIN 1997 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LA ROCHE SUR YON ET :

S.A.R.L. SEDIMAB, dont le siège social est 25, rue de la Sarthe - Z.I. La Dabardière - 49280 CHOLET représentée par Me Erick JUPILE-BOISVERD, avoué à la Cour

Monsieur Jean Christophe Z..., de nationalité Française, né le 15 janvier 1958 à CHEMILLE (Maine-et-Loire), gestionnaire de clientèle, demeurant 27, rue Bretonnaise - 49280 CHOLET représenté par Me Erick JUPILE-BOISVERD, avoué à la Cour

INTIMES

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SUR RENVOI DE CASSATION : JUGEMENT DU 10 JUIN 1997 DU TRIBUNAL DE COMMERCE de LA ROCHE SUR YON - ARRET DU 22 JUILLET 1999 de la COUR

D'APPEL DE POITIERS - ARRET DU 25 JANVIER 2000 DE LA COUR D'APPEL DE POITIERS - ARRET DU 11 JUIN 2003 DE LA COUR DE CASSATION -

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L'affaire a été fixée à l'audience du 11 Mai 2005, après ordonnance de clôture rendue le 28 avril 2005. Maître GARNERIE et Maître JUPILE-BOISVERD, avoués, ont déposé leur dossier.

Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, a renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 08 Juin 2005.

A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, après délibéré de la cour ainsi composée : Monsieur Bertrand LOUVEL, Premier Président, Monsieur Jacques B... et Madame Martine JEAN, Présidents, Monsieur Pierre-Louis C... et Madame Anne-Marie D..., Conseillers.

Greffier à l'audience des 11 mai et 8 juin 2005 : Madame Régine E...

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LA COUR

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Le redressement judiciaire de Monsieur X... a été prononcé par un jugement du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon du 18 décembre 1986 qui a fixé à cette dernière date celle de la cessation des paiements.

Puis, un plan de redressement a été adopté le 8 septembre 1987 et une société SEDIMAB a obtenu contre Monsieur X..., dès le 24 novembre 1987, un jugement de condamnation pour une créance née après le jugement de redressement judiciaire.

En exécution de cette condamnation, SEDIMAB a pris une hypothèque judiciaire sur des biens situés aux LUCS SUR BOULOGNE en Vendée, les 27 septembre 1988 et 16 Novembre 1988.

Plus de sept ans ont passé après l'adoption du plan de continuation

sans que la SEDIMAB soit payée, jusqu'à ce que ce plan soit résolu par un nouveau jugement du 2 mai 1995 et que Monsieur X... soit placé en liquidation judiciaire avec Maître DUTOUR pour liquidateur. Ce jugement a fixé la date de la cessation des paiements au 18 décembre 1986, date qu'avait déjà retenue le jugement de redressement judiciaire, et ceci en méconnaissance de l'article 9 de loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L 621-7 du Code de commerce qui ne permet pas de fixer la cessation des paiements à une date éloignée de plus de 18 mois du jugement ouvrant la procédure collective. En application de cette règle, le jugement du 2 mai 1995 aurait donc dû légalement fixer la cessation des paiements au 2 novembre 1993 au plus tôt. Toutefois, il n'est pas discuté que ce jugement manifestement irrégulier na pas été rectifié ni réformé et qu'il est donc aujourd'hui irrévocable.

Or, l'inscription d'hypothèque de la SEDIMAB ayant été prise le 27 septembre et le 16 novembre 1988 en exécution d'un jugement du 24 novembre 1987, soit postérieurement à la date de cessation des paiements, le liquidateur Maître DUTOUR a fait assigner la SEDIMAB devant le tribunal de commerce de La Roche-Sur-Yon pour obtenir l'annulation de l'inscription hypothécaire en application de l'article 107, 6o, de la loi du 25 janvier 1985 selon lequel est nulle, lorsqu'elle a été faite par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, toute hypothèque judiciaire constituée sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées.

Le tribunal a débouté Maître DUTOUR de sa demande par un jugement du 10 juin 1997 qui a relevé que celui du 2 mai 1995 avait méconnu le délai de 18 mois au-delà duquel ne peut être fixée la date de cessation des paiements, et que Maître DUTOUR était en conséquence mal fondé à se prévaloir d'une disposition d'un jugement contraire à la loi.

Par ailleurs, le jugement déclarait irrecevable l'intervention volontaire d'un tiers, Monsieur Z..., auprès de la SEDIMAB, en jugeant qu'il n'avait pas d'intérêt à agir bien qu'il eût intérêt à l'issue de la procédure, sa rémunération étant liée au recouvrement de la créance de la SEDIMAB.

Maître DUTOUR a saisi d'un appel la cour de Poitiers qui a rendu un premier arrêt le 22 juillet 1999. Dans les motifs de cet arrêt, la cour constatait que la date de cessation des paiements fixée au 18 décembre 1986 par le jugement du 2 mai 1995 n'avait pas fait l'objet de report et que par conséquent l'inscription d'hypothèque prise au cours de la période suspecte était nulle en application de l'article 107, 6o, de la loi du 25 janvier 1985.

Toutefois, en dépit de cette motivation, la cour, qui aurait dû logiquement infirmer le jugement, en prononçait au contraire la confirmation dans le dispositif de son arrêt, sans ordonner la radiation de l'hypothèque.

Saisi par Maître DUTOUR en rectification d'erreur matérielle et omission de statuer, la cour de POITIERS, par un second arrêt du 25 janvier 2000, rectifiait l'erreur commise au dispositif du premier arrêt, infirmait le jugement du 10 juin 1997 et ordonnait la radiation de l'hypothèque.

La SEDIMAB et Monsieur Z... formaient un pourvoi contre ces deux arrêts et ils en obtenaient la cassation par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 juin 2003. Cet arrêt approuvait le raisonnement tenu par le tribunal de commerce en ce sens que le jugement d'ouverture de la procédure collective du 2 mai 1995 ne pouvait pas fixer à une date antérieure de plus de 18 mois la cessation des paiements, soit avant le 2 novembre 1993, ce dont il résultait que l'inscription d'hypothèque qui avait été prise le 27 septembre et le 16 novembre 1988 ne pouvait pas être annulée en

application de l'article 107, 6o, de la loi du 25 janvier 1985 devenu entre temps l'article L 621-107, 6o, du Code de commerce.

La cour de LIMOGES était désignée comme cour de renvoi.

Maître DUTOUR s'y retrouve appelant du jugement du 10 juin 1997 qui l'a débouté de sa demande d'annulation de l'inscription d'hypothèque en raison de l'erreur de droit commise par le jugement d'ouverture du 2 mai 1995.

Maître DUTOUR fait valoir que ce jugement a définitivement fixé la date de cessation des paiements au 18 décembre 1986 et que l'inscription d'hypothèque des 27 septembre et 16 novembre 1988 est donc nulle au regard de l'article L 621-107, 6o.

Il conclut en conséquence à cette annulation et réclame 62.145,46 euros de dommages et intérêts pour abus de procédure, outre 3.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Au contraire, la SARL SEDIMAB et Monsieur Z..., devenu cessionnaire partiel de la créance et gérant de l'indivision ainsi créée, concluent à la confirmation du jugement en invoquant trois moyens.

En premier lieu, ils reprennent à leur compte le moyen qui a motivé la cassation et tiré de ce que leur hypothèque est antérieure de plus de 18 mois au jugement d'ouverture du 2 mai 1995 et n'est donc pas frappée de nullité.

En second lieu, les intimés soutiennent que l'article L 621-107 ne frappe de nullité que les actes faits par le débiteur, que l'inscription d'une hypothèque judiciaire n'est pas un acte fait par le débiteur mais un acte du créancier, et que, par conséquent, l'hypothèque litigieuse n'est pas concernée par ce texte.

En troisième lieu, ils font valoir que l'article L 621-107, 6o, du Code de commerce ne vise que les hypothèques prises pour des dettes contractées antérieurement à la cessation des paiements. Or, la

créance qui a fait l'objet du jugement de condamnation du 24 novembre 1987 est une créance postérieure à la cessation des paiements du 18 décembre 1986 puisqu'il s'agit d'une créance de l'ancien article 40 de la loi du 25 janvier 1985 dans la première procédure collective ouverte le 18 décembre 1986.

Les intimés critiquent l'acharnement procédural de Maître DUTOUR qui les a privés pendant plus de 17 ans du paiement d'une créance légitime qui ne produit plus d'intérêts depuis l'ouverture de la deuxième procédure collective qui en a arrêté le cours en application de l'article L 621-48 du Code de commerce, et alors que le bien hypothéqué a été vendu dès le 24 novembre 1998 pour le prix de 61.741,87 euros et que l'hypothèque de premier rang prise par la SEDIMAB aurait dû lui permettre de recouvrer l'intégralité de sa créance déclarée initialement pour 42.081,72 euros.

C'est pourquoi, ils réclament à Maître DUTOUR le paiement de 48.000 euros de dommages et intérêts correspondant à l'actualisation de la créance : elle aurait dû s'élever à 62.145,46 euros au 1er décembre 1998 et à 110.372,25 euros au 1er décembre 2004, soit une différence de 48.000 euros entre ces deux dates correspondant à l'indemnité demandée, outre 1 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive et 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, sans préjudice d'une amende civile.

SUR CE

Attendu qu'il n'est pas contesté que le jugement du 2 mai 1995 qui a fixé la date de cessation des paiements au 18 décembre 1986 a force de chose jugée ;

Que, dès lors, et quand bien même ce jugement aurait méconnu le droit applicable, la cour de renvoi, qui n'est pas saisie d'un appel dirigé contre ce jugement, et n'a donc pas la faculté d'en apprécier la valeur, ne peut en modifier les dispositions ni les tenir pour non

avenues, alors qu'au contraire, elles s'imposent à elle avec la force de la chose jugée ;

Qu'en effet, l'article L 621-107 du Code de commerce n'édicte pas la nullité des actes qu'il énumère lorsqu'ils sont faits dans le délai maximum prévu par l'article L 621-7, auquel cas il pourrait encore être jugé que les actes réalisés en l'espèce avant le 2 novembre 1993 ne sont pas affectés par cette sanction, mais lorsqu'ils sont faits depuis la date de cessation de paiements, laquelle est nécessairement fixée par jugement ;

Que la date à prendre en compte ne résulte donc pas de la loi mais de la décision du juge ;

Qu'en conséquence, il est manifeste que, en l'espèce, l'hypothèque judiciaire a été prise après la date de cessation des paiements ;

Que, par ailleurs, le texte vise expressément les hypothèques judiciaires comme des acte faits par le débiteur, alors qu'elles sont nécessairement inscrites à l'initiative du créancier ;

Que, sauf à priver de toute portée la prohibition de l'inscription des hypothèques judiciaires après la date de cessation des paiements au motif qu'il ne s'agirait pas d'actes faits par le débiteur, il n'y a évidemment pas lieu de s'arrêter à cette défectuosité de rédaction ;

Que l'hypothèque judiciaire litigieuse entre donc bien dans le champ d'application de l'article L 621-107 ;

Qu'enfin, s'il est vrai que la nullité frappe expressément l'hypothèque judiciaire prise pour une créance née antérieurement à la cessation des paiements, le raisonnement a fortiori doit être appliqué à la créance née comme en l'espèce après la date de cessation des paiements, puisque la règle a pour objet de préserver l'égalité des créanciers à partir du début de la période suspecte et d'empêcher que des privilèges soient constitués au profit de certains

d'entre eux ;

Que l'article 621-107 doit donc s'entendre comme ayant vocation à s'appliquer à toute hypothèque judiciaire inscrite pendant la période suspecte, même pour une créance née antérieurement à cette période, les créances nées postérieurement étant nécessairement comprises aussi dans la prohibition, sauf à faire une situation privilégiée aux créanciers dont la créance serait née entre la date de cessation des paiements et le jugement d'ouverture par rapport à ceux dont la créance serait née avant la date de cessation des paiements, ce qui ne correspond pas au voeu de la loi ;

Qu'en l'occurrence, la période suspecte qui s'impose à la cour s'est étendue du 18 décembre 1986 au 2 mai 1995, et donc la nullité s'applique à l'hypothèque prise entre ces deux dates pour une créance également née entre ces deux dates ;

Qu'en conséquence, le jugement sera infirmé ;

Que toutefois, les conditions de l'application de l'article 1382 du Code civil ne sont pas réunies en l'espèce, et celle de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile n'est pas opportune ; ---==oOOEOo==--- PAR CES MOTIFS ---==oOOEOo==--- LA COUR

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en audience solennelle, sur renvoi après cassation, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de LA ROCHE- SUR-YON du 10 juin 1997,

et, statuant à nouveau,

et, statuant à nouveau,

ANNULE et ORDONNE la radiation de l'hypothèque judiciaire prise le 27 septembre 1988, vol. 1719 no 123, rectifiée le 16 novembre 1988, vol. 1724, no 48, sur les immeubles cadastrés aux LUCS SUR BOULOGNE (Vendée) section E no 458 et 4 pour 98 a 50 ca et section ZD no 143

pour 25 a.

CONDAMNE la SARL SEDIMAB et Monsieur Z... aux entiers dépens exposés en première instance et devant les deux cours d'appel, distraits en faveur de Maître GARNERIE, avoué.

DIT les parties mal fondées en toutes autres prétentions ; les en déboute.

CET ARRET A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE PUBLIQUE ET SOLENNELLE DES PREMIERE ET DEUXIEME CHAMBRES REUNIES DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU HUIT JUIN DEUX MILLE CINQ PAR MONSIEUR LOUVEL, PREMIER PRESIDENT. LE GREFFIER,

LE PREMIER PRESIDENT, Régine E....

Bertrand LOUVEL.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946192
Date de la décision : 08/06/2005
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2005-06-08;juritext000006946192 ?
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