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24/03/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946828

France | France, Cour d'appel de Limoges, Ct0002, 24 mars 2005, JURITEXT000006946828


COUR D'APPEL DE LIMOGES

***** N DU 24 MARS 2005

arrêt qui prononce la mise en accusation et le renvoi de Philippe X... devant la cour d'assises de la

CORREZE NOTIFIE LE

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

A l'audience du VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE CINQ, l'arrêt suivant a été prononcé par LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL de LIMOGES, EN CHAMBRE DU CONSEIL, dans l'affaire suivie au parquet de TULLE ENTRE :

Philippe X...

né le 09 Février 1957 à BRIVE,

fils de Roger et de Ida MOURNETAS,

sans emploi,

demeuran

t 31 avenue de la Borie Blanche

UZERCHE

Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 1er octobre 2002 - ...

COUR D'APPEL DE LIMOGES

***** N DU 24 MARS 2005

arrêt qui prononce la mise en accusation et le renvoi de Philippe X... devant la cour d'assises de la

CORREZE NOTIFIE LE

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

A l'audience du VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE CINQ, l'arrêt suivant a été prononcé par LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION DE LA COUR D'APPEL de LIMOGES, EN CHAMBRE DU CONSEIL, dans l'affaire suivie au parquet de TULLE ENTRE :

Philippe X...

né le 09 Février 1957 à BRIVE,

fils de Roger et de Ida MOURNETAS,

sans emploi,

demeurant 31 avenue de la Borie Blanche

UZERCHE

Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 1er octobre 2002 -

MIS EN EXAMEN DU CHEF de : VIOLS PAR PERSONNE AYANT AUTORITE, AGRESSIONS SEXUELLES PAR PERSONNE AYANT AUTORITE, AGRESSIONS SEXUELLES SUR MINEURE DE 15 ANS PAR PERSONNE AYANT AUTORITE -

Ayant pour avocat Maître GOUT, du barreau de TULLE,

---oOo--- ET

PARTIE CIVILE

Séverine X...

21 bis rue Cotepet - 63000 CLERMONT FERRAND

Ayant pour avocat Maître CLARISSOU, du barreau de TULLE, ET ENCORE :

Monsieur le PROCUREUR GENERAL,

son agresseur ; en pleurs, elle avait réussi à ouvrir la portière de la voiture et ce dernier s'était arrêté, dans son entreprise, lui demandant de ne rien révéler de ce qui c'était passé.

Quelques jours après, Laetitia Y... s'était confiée à sa mère, qui ne l'avait pas réellement soutenue ; elle n'avait toutefois plus revu

Quelques jours après, Laetitia Y... s'était confiée à sa mère, qui ne l'avait pas réellement soutenue ; elle n'avait toutefois plus revu Philippe X... et voulait à présent tout oublier, de crainte de revivre les difficultés endurées pour se reconstruire après ce viol. * *

*

Interpellé et placé en garde à vue, le 30 septembre 2002, Philippe X..., reconnaissait les attouchements sexuels dénoncés par Séverine X... mais affirmait que sa nièce était alors majeure et parfaitement consentante. N'ayant rien à se reprocher, il suggérait que sa nièce portait aujourd'hui plainte contre lui par jalousie, sans pouvoir réellement en préciser les motifs.

Il restait toutefois très évasif sur la nature des actes commis sur Séverine X... ainsi que sur leur contexte, indiquant à plusieurs reprises que cela faisait longtemps et qu'il ne s'en souvenait plus vraiment.

Pour autant, et en dépit de ce souvenir lointain, Philippe X... confirmait s'être retrouvé souvent seul avec sa nièce à son domicile, et avoir échangé avec elle de façon régulière et sans contrainte de sa part des caresses de nature sexuelle sur le corps, y compris le sexe, des fellations et des cunnilingus ; Séverine y prenait du plaisir ; de même, ils regardaient ensemble des cassettes pornographiques dans son salon.

---oOo--- COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE DE L'ARRET PRESIDENT : Monsieur Serge BAZOT, Président de la chambre de l'instruction, CONSEILLERS ASSESSEURS TITULAIRES : Monsieur Philippe Z... et Monsieur Pierre-Louis A...,

Tous trois désignés en application de l'article 191 du code de procédure pénale,MINISTERE PUBLIC : Monsieur Pierre B..., Avocat Général, GREFFIER : Madame Nathalie C...

Le Président et les Conseillers sus-désignés en ayant délibéré conformément à la loi hors la présence du ministère public et du greffier.

---oOo---

Maître Sylvie BADEFORT, avocat membre de la SCP GOUT-DIAS et associés, conseil de Monsieur Philippe X... ayant, le 19 janvier 2005 interjeté appel de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises de la CORREZE rendue le 12 janvier 2005 par Monsieur Pierre BARON, juge d'instruction au tribunal de grande instance de TULLE,

---oOo---

A l'audience tenue EN CHAMBRE DU CONSEIL, le 3 mars 2005, ont été entendus :

Monsieur le Président en son rapport oral,

Monsieur l'Avocat Général en ses réquisitions orales pour Monsieur le Procureur Général,

---oOo---

Les débats étant terminés, Monsieur le Président a renvoyé le prononcé de l'arrêt pour plus ample délibéré à l'audience du vingt

quatre mars deux mille cinq,

LA COUR

Vu les pièces de la procédure,

Il disait se souvenir l'avoir rejointe nue sous la douche, pour la laver, aimant bien voir les jeunes filles dénudées, sa nièce étant au surplus jolie. Il l'avait alors caressée, sans opposition de cette dernière ; cet épisode s'était selon lui produit en 1995 ou 1996, quand sa nièce était majeure.

Il niait en revanche formellement avoir pénétré Séverine X... de son sexe, arguant qu'il ne pouvait avoir de relations sexuelles normales, du fait de ses problèmes rénaux, ses érections et pénétrations sexuelles restant rapides.

Philippe X... ne contestait pas, non plus, être allé avec sa nièce au bord du lac du Vigeois et y avoir regardé depuis sa voiture, avec des jumelles, les poitrines dénudées des jeunes baigneuses ; pour autant, s'il avait caressé les seins de sa nièce dans son véhicule, comme allégué par cette dernière, cela l'avait été "accidentellement, sans plaisir sexuel". Selon lui, toute relation avec sa nièce avait cessé en 1994, quand elle avait rencontré son ami, Patrice ROUSSEL.

S'agissant des faits dénoncés par Laetitia Y..., Philippe X... confirmait avoir souvent gardé Laetitia, quand elle avait 15/16 ans. Il lui arrivait fréquemment de prendre des douches avec elle et de se laver ensemble

Il l'avait bien aussi accompagnée au lac de Vassivière ; restés tous

ux dans le véhicule en stationnement, ils s'étaient, chacun, déshabillés, lui caressant pour sa part les seins et le sexe ; il mentionnait ne pas se souvenir d'avoir pénétré de ses doigts, le sexe de Laetitia Y..., laquelle l'avait, de son côté, masturbé.

En tout état de cause Laetitia Y... était, à son avis, consentante et s'était prêtée volontiers à ces agissements, ce qui était normal pour une jeune fille de 16 ans.

Mis en examen chefs d'agressions sexuelles sur mineur de 15 ans, agressions sexuelles par personne ayant autorité et viols par Vu l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises et de non-lieu partiel rendue le 12 janvier 2005 par Monsieur BARON, juge d'instruction au tribunal de grande instance de TULLE,

Vu l'appel interjeté le 19 janvier 2005 par Maître Sylvie BADEFORT, avocat membre de la SCP GOUT-DIAS et associés, conseil de Monsieur Philippe X...,

Vu les pièces de la procédure desquelles il résulte que Monsieur le Procureur Général a donné avis le 27 janvier 2005 par lettres

recommandées au mis en examen et à son avocat, ainsi qu'à la partie civile et à son avocat, de la date de l'audience, soit le 3 mars 2005 à laquelle l'affaire serait appelée,

Vu les réquisitions écrites de Monsieur le Procureur Général en date du 28 Février 2005,

Vu le mémoire adressé par Maître GOUT, conseil du mis en examen et reçu le 14 février 2005 au greffe de la chambre de l'instruction,

Vu le mémoire adressé par Maître CLARISSOU et reçu le 1er mars 2005 au greffe de la chambre de l'instruction,

Attendu qu'il a été satisfait aux formes et délais prescrits par l'article 197 du code de procédure pénale,

---oOo---

Attendu que de l'information résultent les faits suivants :

Le 19 juin 2002, Séverine X..., alors âgée de 26 ans, comme étant née le 24 mai 1976 déposait plainte auprès des services de police de CLERMONT-FERRAND contre son oncle, Philippe X..., pour viols et agressions sexuelles, dont elle avait été victime plusieurs années auparavant de la part de ce dernier.

Entendue par les services de gendarmerie d'UZERCHE, compétents à raison du lieu des faits dénoncés, elle les relatait de la façon suivante :

En vacances avec ses parents à UZERCHE au domicile de son grand-père

personne ayant autorité sur Séverine X... et Laetitia Y... dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 1er octobre 2002, Philippe X... devait confirmer tout au long de l'instruction ses premières déclarations.

Il persistait à considérer son comportement avec les deux jeunes filles sus mentionnées comme parfaitement normal, toutes deux étant en âge d'avoir des relations sexuelles, et ayant été consentantes.

S'agissant de Séverine X..., le mis en examen continuait à nier les pénétrations sexuelles dénoncées par Séverine X... souffrant d'insuffisance rénale depuis 1991 et greffé d'un rein début 1993, il était sujet à des troubles de l'érection ; pour autant, il convenait que ces derniers ne l'empêchaient pas d'avoir de rapides érections, ce qui s'avérait correspondre parfaitement aux déclarations de la victime.

Séverine X... qui s'était constituée partie civile en octobre 2002, maintenait devant le juge d'instruction ses accusation à l'encontre de son oncle Philippe X..., et expliquait que, longtemps culpabilisée de ne pas avoir su s'opposer avec suffisamment de force à son oncle, elle n'avait tenté d'en parler à ses parents qu'en 2000, mais en minimisant toujours par honte, la gravité des actes commis. Devenue fortement dépressive, elle était en arrêt maladie depuis janvier 2002.

Laetitia Y... confirmait, quant à elle, au juge d'instruction, que le mis en examen lui était apparu comme un "obsédé sexuel" et qu'il passait son temps à regarder les jeunes femmes nues au bord des plages. A la suite de son viol, elle s'était renfermée sur elle-même et justifiait son absence de dépôt de plainte par son souci de ne pas revivre ces événements douloureux

Philippe X... réitérait, ses premières

déclarations, disant au juge d'instruction ne pas se souvenir s'il avait ou non pénétrée paternel, son oncle Philippe X... habitant à proximité, venait régulièrement passer les après-midi en famille, et emmenait souvent sa nièce se promener au bord du lac. Au retour, il avait l'habitude de repasser chez lui prendre des médicaments, souffrant alors de problèmes rénaux importants. Elle se retrouvait seule à son domicile, jusqu'à ce que son oncle la raccompagne chez son grand-père paternel pour dîner.

Au cours de l'été 1991, Séverine X... s'était rendue chez son oncle pour prendre une douche, celle de son grand-père ne fonctionnant plus. L'ayant rejointe dans la salle de bains, et profitant de ce qu'elle était nue sous la douche, son oncle l'avait caressée sur le corps et le sexe. Surprise, elle lui avait demandé d'arrêter, mais celui-ci lui avait enjoint de se laisser faire et avait poursuivi ses caresses quelques instants avant d'arrêter, lui recommandant de ne rien dire de ce qui s'était passé.

Au cours de ces mêmes vacances, au retour d'une promenade, elle avait accompagné son oncle à son domicile, ce dernier devant y prendre des médicaments ; sur place il l'avait appelée depuis la salle de bains, où elle le trouvait entièrement nu, en train de se caresser le sexe en érection. Son oncle lui prenait d'autorité la main, et la forçait à le masturber, jusqu'à éjaculation, puis l'avait menacée que, si elle parlait, "cela se passerait mal" pour elle.

Séverine X... ajoutait enfin que son oncle la conduisait en bordure du lac de VIGEOIS, pour observer depuis sa voiture, avec des jumelles les seins dénudés des jeunes femmes présentes sur la plage ; il en profitait alors pour lui caresser les seins par dessous les vêtements, malgré ses refus.

Ces agressions s'étaient répétées en s'aggravant pendant les vacances suivantes.

Ainsi, au cours de l'hiver 1992/1993, alors que Séverine s'était

digitalement Laetitia Y... ; il affirmait qu'en tout état de cause, elle ne lui avait pas semblé avoir eu mal, tout en admettant que la jeune adolescente était bien sortie de la voiture en pleurs et qu'elle n'était pas vraiment d'accord avec les attouchements sexuels, ce qu'elle lui avait dit, tout en lui demandant de ne pas lui en vouloir, alléguant être en réalité fâchée contre son père ; la victime démentait formellement, en ce qui la concerne, une telle assertion.

SUR QUOI, LA COUR

En l'état des investigations diligentées par le juge d'instruction des charges existent à l'encontre de Philippe X...

S'agissant des agressions sexuelles commises sur la personne de Séverine X..., il est établi que Philippe X... a pratiqué des attouchements de nature sexuelle sur sa nièce, lui ayant caressé le sexe et les seins à plusieurs reprises et s'étant fait masturbé à plusieurs reprises par celle-ci. Contrairement à ce qu'allégué par Philippe X..., Séverine X... a toujours fait état de son absence de consentement et de la contrainte qui avait été exercée sur elle par son agresseur.

Ces faits ont été bien commis entre 1991 et 1994, les affirmations de Philippe X... tendant à les situer postérieurement à 1994, étant dénuées de tout fondement ; rien ne permet cependant, de considérer qu'ils auraient eu lieu avant la date anniversaire des 15 ans de Séverine X... ce qui ressort des déclarations de cette dernière ; aussi, il y a donc lieu de confirmer les dispositions de l'ordonnance querellée concernant les faits commis avant le 25 mai 1991.

Les faits de viols par pénétrations buccale et sexuelle, commis à l'encontre de Séverine X... sont eux aussi caractérisés. Philippe X... a reconnu les pénétrations buccales tout en excipant du retrouvée seule avec son oncle, à son domicile, celui-ci l'avait plusieurs fois contrainte de marcher nue devant lui, ce qui selon ses propres dires ; l'excitait, lui même restant assis entièrement nu, sur le canapé et la regardant.

Une autre fois, après l'avoir fait marcher nue devant lui, Philippe X... l'avait fait s'asseoir à ses côtés sur le canapé, contre son gré ; il lui avait ensuite tiré les cheveux, pour la forcer à pratiquer sur lui une fellation ; Séverine X... ayant réussi à ôter sa tête, Philippe X... s'était alors masturbé, puis mis à genoux devant elle pour lui lécher le sexe, tout en l'insultant de "pute", en lui disant "qu'elle ferait cela toute sa vie, que c'était normal", et ce sans égard à ses pleurs et protestations.

Selon Séverine X..., ces humiliations avaient été fréquentes ; craignant fortement son oncle qui la menaçait, tout en lui disant qu'il l'aimait, elle n'avait pas su comment l'arrêter dans ses entreprises, et avait préféré se taire, de sorte que ces agressions s'étaient poursuivies.

Les derniers faits avaient eu lieu au cours de l'été 1993 : Philippe X..., l'ayant obligée à monter chez lui, et après verrouillage de la porte d'entrée, l'avait renversée brusquement sur son lit et s'était allongé sur elle et, ayant réussi à baisser son pantalon jusqu'aux genoux en dépit de sa résistance, l'avait pénétrée rapidement avant de se retirer pour éjaculer, elle même ayant hurlé qu'elle répéterait tout à son grand-père. Son oncle s'était arrêté, tout en menaçant de la tuer, si elle venait à parler.

Eprouvant un fort sentiment de honte et de culpabilité, elle n'avait rien osé dire pendant de longues années, ni à sa famille, ni à son entourage. Devenue dépressive, elle avait du suivre une psychothérapie à la faveur de laquelle elle avait, courant mai 2000,

Marlé à mots couverts de ces faits tant à son compagnon Patrice consentement de la victime, ce qui ne ressort pas de l'instruction ; s'agissant de la pénétration sexuelle proprement dite, les déclarations de la victime sont restées constantes et concordantes, au contraire des allégations de Philippe X... contradictoires et peu probantes.

En outre, les éléments recueillis quant à la personnalité de la victime font ressortir l'importance du traumatisme subi par celle-ci ainsi que sa crédibilité. Séverine X... est en effet décrite comme une jeune femme intelligente, dépourvue de pathologie ou de trouble grave de la personnalité, dont la sensibilité, mise à vif par les événements subis, a été encore exacerbée par le sentiment qu'elle a eu de n'être pas soutenue par ses parents.

Elle ne souffre par ailleurs d'aucune tendance à la mythomanie ou à l'affabulation, tandis qu'un suivi psychothérapeutique est nécessaire pour lui permettre de "réaborder et de reconstruire son histoire en lui donnant les moyens de consolider ses défenses face aux

traumatismes vécus".

Compte tenu de l'état de minorité de Séverine X... au temps des faits dénoncés (1991- début 1994), le délit de prescription applicable à ces derniers n'a commencé à courir qu'à compter du 25 mai 1994, date anniversaire des 18 ans de Séverine X...

S'agissant des faits qualifiés de crime, leur prescription ne pourrait être acquise qu'à compter du 25 mai 2004.

En revanche, pour ce qui concerne les faits qualifiés de délits, le délai de prescription applicable au 25 mai 1994 était de trois ans, de sorte qu'au jour de l'entrée en vigueur de la loi 98-468 du 17 juin 1998 ayant porté de 3 à 10 ans le délai de prescription des délits commis sur mineur par ascendant, les faits dénoncés s'avéraient être d'ores et déjà prescrits depuis le 23 mai 1997. Un non lieu sera donc prononcé.

ROUSSEL qu'à son père puis souscrit à la même époque, une déclaration en main courante au commissariat de police de CLERMONT-FERRAND.

Entendu par les enquêteurs le 16 août 2002, Alain X... confirmait que sa fille Séverine lui avait révélé qu'au printemps de l'année 2000, avoir été victime d'attouchements sexuels de la part de Philippe X... ; ces accusations l'avait surpris, car Séverine et son oncle semblaient proches, chahutant souvent ensemble ; lui même et son épouse n'avaient pas remarqué de geste déplacé de la part de ce dernier.

Il avait néanmoins donné crédit aux propos de sa fille et l'avait accompagnée au commissariat de police de CLERMONT-FERRAND pour une déclaration en main courante ; il avait pensé, comme son épouse, que la psychothérapie alors entreprise par sa fille serait suffisante, pour lui permettre de surmonter ces événements douloureux ; aussi disait-il ne pas comprendre aujourd'hui les reproches formulés par Séverine à son égard, considérant avoir toujours soutenu sa fille.

Au cours de l'été 2001, une dispute avait, en l'absence de Séverine, éclaté entre ses parents et Philippe X..., lequel, interrogé sur son comportement envers sa nièce, avait déclaré, ivre, que Séverine était

"une salope", qu'il n'avait rien fait, qu'elle était majeure et savait bien ce qu'elle faisait".

Pour sa part, Patrice ROUSSEL, compagnon de Séverine X..., confirmait au cours de l'année 2000 que celle-ci souffrait de fréquentes crises d'angoisse, le manque de soutien ressenti de la part de ses parents, l'avait conduite à plusieurs tentatives de suicide, avant de sombrer dans la dépression. A ce jour toute relation de Séverine avec ses parents avait cessé.

* *

*

L'enquête d'environnement, alors diligentée par les gendarmes de la Philippe X..., oncle de la victime de 19 ans son aîné, a ainsi profité de l'autorité et de l'ascendant qu'il exerçait sur la personne de sa nièce Séverine, compte tenu de la proximité géographique existant entre le domicile du grand-père paternel, de la différence d'âge importante entre-eux et de la garde de fait qu'il exerçait sur cette enfant au cours de promenades dans la journée. Le lien de parenté qui l'unissait à la victime instituait

une confiance qui a facilité la commission des faits. La circonstance de personne ayant autorité concernant Philippe X..., prévue à l'article 222-24 du code pénal a donc été visée à juste titre en ce qui concerne Séverine X...

Il en est de même en ce qui concerne Laùtitia Y..., fille de sa concubine, sur lequel il exerçait une autorité non contestée.

*

* *

De même, le crime de viol commis sur la personne de Laétitia Y..., s'avère exactement caractérisé ; la jeune fille a été constante et concordante tout au long de la procédure, sur l'existence de pénétrations digitales ainsi que sur la contrainte exercée par son agresseur, dont les dénégations sont restées floues et fluctuantes.

Au plan psychologique, Laetitia Y... présente une personnalité fragile, qui était influençable et

impressionnable au moment des agressions ; le fait que Philippe X... ait été l'amant de sa mère, ayant rendu plus difficile son opposition aux entreprises de son agresseur. Aucune tendance à la mythomanie ou à l'affabulation n'a été en outre décelée.

L'expert a insisté sur l'importance du traumatisme subi par la victime, même si celle-ci explique à présent ne plus vouloir penser à ces faits, ne plus vouloir en parler. En effet, la jeune femme s'étant renfermée sur elle-même à la suite des agressions subies, a brigade d'UZERCHE, mettait en exergue des faits similaires commis par Philippe X... sur d'autres jeunes filles. En effet Laurent FÉVRIER, ami de longue date du mis en cause, devait mentionner que Marthe GUIRAUDOU épouse Y..., une ancienne maîtresse de Philippe X..., lui avait confié quelques années auparavant, que sa fille aurait été violée par ce dernier. Il ajoutait avoir entendu plusieurs fois son ami dire qu'il aimait caresser les jeunes garçons et filles (D15).

Marthe Y..., convenant avoir été l' ancienne maîtresse de Philippe X... pendant les années 1988 à 1992, mentionnait que sa fille Laétitia Y... lui avait révélé courant 1994 avoir été victime d'une tentative de viol de la part de Philippe X..., à la faveur d'une promenade au lac de Vassivière.

Si aucune plainte n'avait été déposée, Laetitia Y..., à présent âgée de 24 ans, comme étant le 26 avril 1975 devait confirmer pour autant les déclarations faites par sa mère et situait les faits litigieux, courant 1994 :

Philippe X... étant devenu l'amant de sa mère, Laetitia Y... s'était retrouvée souvent en compagnie de ce dernier à son domicile. Plusieurs fois, Philippe X... lui avait proposé de visionner ensemble des films pornographiques, ce qu'elle avait refusé. Il était également entré une fois dans la salle de bains, alors qu'elle était nue, et avait voulu la laver, ce qu'elle avait

refusé avec colère.

Au cours de l'été 1994, Philippe X... l'avait conduite dans son véhicule Ford rouge au lac de Vassivière. Sur le parking, il avait dégrafé son pantalon, sorti son sexe en érection, puis demandé à la jeune fille de le masturber, lui attrapant, pour ce faire, la main. Dans le même temps, ayant glissé sa main dans la culotte de l'adolescente pour la caresser, il avait réussi à introduire ses doigts dans son vagin.

Laetitia Y... avait eu mal, ayant été blessée par les ongles de développé un sentiment de honte et de culpabilité, avec des angoisses récurrentes, des cauchemars, des répercussions sur sa sexualité, d'où la nécessité de mettre en place un suivi psychothérapeutique afin d'éviter une exacerbation de ce vécu traumatique.

La victime n'étant devenue majeure qu'à compter du 26 avril 1996, la prescription du crime imputé à Philippe X... n'était pas acquise au jour de l'ouverture de la présente information.

En l'état, l'ensemble de ces éléments justifie la mise en accusation de Philippe X... devant la Cour d'Assises de la Corrèze des chefs de viols par personne ayant autorité.

* *

*

RENSEIGNEMENTS ET PERSONNALITE

Né le 9 février 1957 à BRIVE, Philippe X... est actuellement âgé de 48 ans. Son père étant toujours en vie, sa mère étant décédée depuis 1982. Il a un seul frère, Alain X..., père de Séverine X...

Son enfance est décrite comme ayant été "ni heureuse ni malheureuse", avec de bonnes relations parentales.

Scolarisé sans difficulté jusqu'en 1974, à UZERCHE et à BRIVE, il a du interrompre ses études par suite de problèmes de santé ayant nécessité son hospitalisation pour deux mois sur BORDEAUX. Souffrant de problèmes rénaux importants, il n'a pas pu reprendre ses études et a intégré un premier emploi en qualité de manutentionnaire dans une

entreprise d'électricité sur UZERCHE.

Licencié économique en 1981, il a exercé un emploi de magasinier jusque 1988 puis, d'agent de surveillance pour une société briviste jusque 1991.

Depuis 1991, Philippe X... n'a plus travaillé du fait de l'aggravation de ses problèmes rénaux, ayant nécessité de nouvelles hospitalisations et la mise en place d'un traitement par dialyse, avant de bénéficier d'une greffe de rein début 1993. Ces traitements médicaux subis depuis son adolescence l'ont selon ses propres dires marqué.

Ayant rencontré en 1975 sur son lieu de travail Simone LEONET, il l'a épousée en avril 1979. La vie du couple s'est rapidement dégradée et les époux se sont séparés 5 ans plus tard, et le divorce prononcé en 1984. Aucun enfant n'étant issu de leurs relations.

Par la suite, Philippe X... a connu diverses liaisons épisodiques ; vivant seul, il est décrit par son entourage comme un homme solitaire, travailleur, gentil, mais

dépendant de l'alcool depuis plusieurs années.

Depuis la révélation des faits par sa nièce, Philippe X... n'entretient plus de relation avec sa famille, et s'est replié sur lui-même, ainsi que constaté dans l'enquête de personnalité, "dans un rejet ressenti, du fait de sa maladie, de son divorce, de sa rupture familiale" pour s'installer alors "dans une marginalité revendiquée comme seul statut et renforcé par tout événement extérieur" ; le déni des agissements incriminés tend à s'inscrire dans ce contexte particulier.

Selon les experts psychiatrique et psychologique qui l'ont examiné, Philippe X... ne souffre d'aucune pathologie psychiatrique particulière, et doit être considéré comme responsable de ses actes, même si sa personnalité a été fragilisée par d'importantes carences narcissiques du fait de son parcours personnel, de sa maladie et des problèmes sexuels en résultant.

Cette fragilité participant d'une attitude défensive, est à mettre en relation de l'avis des experts, avec une faillite du contrôle pulsionnel chez Philippe X..., tandis que

la recherche d'une excitation sexuelle s'en est trouvée facilitée par l'autorité et l'ascendance exercées sur les victimes. Tout en connaissant la loi et les interdits, Philippe X... tend à rejeter toute responsabilité à l'évocation des faits, ne manifestant "aucune empathie envers les victimes, considérant qu'elles étaient consentantes et ne se considérant pas comme coupable".

Il ne présente pas un état dangereux pour lui-même, et reste accessible à une sanction pénale.

Le casier judiciaire de Philippe X... ne porte mention d'aucune condamnation.

* *

*

Dans ces conditions, il y a donc lieu :

- de réformer l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle n'a pas constaté la prescription triennale des délits d'agression sexuelle commis entre mai 1991 et 1993 sur la personne de Séverine X..., avec cette circonstance que ledits

délits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime ;

- de confirmer pour le surplus l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à poursuivre contre Philippe X..., pour ce qui concerne les faits d'atteintes sexuelles commis avant le 25 mai 1991 ;

- de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a mis en accusation Philippe X... devant la Cour d'Assises de la Corrèze du chef de viols commis courant mai 1991 à 1993, sur la personne de Séverine X..., avec cette circonstance que Philippe X... avait la qualité de personne ayant autorité sur la victime et du chef de viol, courant 1994, sur la personne de Laetitia Y..., avec cette circonstance que Philippe X... avait la qualité de personne ayant autorité sur la victime ;

Eu égard à la nature des faits et à la personnalité du mis en examen, il n'y a pas lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure de contrôle

judiciaire prise le 1er octobre 2002 qui continue à produire ses effets.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION,, EN CHAMBRE DU CONSEIL,

En la forme, DECLARE l'appel de Philippe X..., recevable,

Au fond, INFIRME partiellement l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises de la CORREZE rendue le 12 janvier 2005 par le juge d'instruction de TULLE,

STATUANT A NOUVEAU :

- CONSTATE la prescription des délits d'agressions sexuelles par personne ayant autorité commis entre mai 1991 et 1993 sur la personne de Séverine X..., et en conséquence prononce un non-lieu à suivre de ces chefs d'infractions et déclare irrecevable la constitution de partie civile y afférente,

- pour le surplus, confirme l'ordonnance entreprise et en conséquence :

PRONONCE LA MISE EN ACCUSATION DE

Philippe X...

né le 09 Février 1957 à BRIVE,

fils de Roger et de Ida MOURNETAS,

sans emploi,

demeurant 31 avenue de la Borie Blanche

UZERCHE

UZERCHE devant la cour d'assises de la CORREZE pour avoir :

- à UZERCHE (19), entre 1991 et 1993, par contrainte, violence, menace ou surprise, commis des actes de pénétrations sexuelles, de quelque nature qu'ils soient sur la personne de Séverine X..., avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime, en l'espèce son oncle.

- à VASSIVIERE (19), courant 1994, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Laetitia Y..., avec cette

circonstance que les faits ont été commis par une personne ayant autorité sur la victime, en l'espèce le concubin de sa mère.

Crimes prévues et réprimés par les articles 222-22, 222-23, 222-24, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1 du code pénal et par l'article 332 de l'ancien code pénal en vigueur au moment des faits. ORDONNE son renvoi devant la cour d'assises du département de la CORREZE,

CONSTATE que le contrôle judiciaire continue à produire ses effets.

Ordonne la notification du présent arrêt dans les termes de l'article 217 du code de procèdure pénale,

Ainsi fait et prononcé en audience de la CHAMBRE DE L'INSTRUCTION de la COUR D'APPEL de LIMOGES, EN CHAMBRE DU CONSEIL, le VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE CINQ, lecture faite par le Président, LE GREFFIER,

LE PRESIDENT, Nathalie C... Serge BAZOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Ct0002
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946828
Date de la décision : 24/03/2005

Analyses

PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Crime ou délit - Mineur victime - Loi du 10 juillet 1989 modifiée par la loi du 4 février 1995 - Prescription acquise avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 1998 - Portée - /

Pour des faits qualifiés de délits, le délai de prescription applicable au 25 mai 1994 était de trois ans, de sorte qu'au jour de l'entrée en vigueur de la loi 98-468 du 17 juin 1998 ayant porté de trois à dix ans le délai de prescription des délits commis sur mineur par ascendant, les faits dénoncés s'avèraient être d'ores et déjà prescrits depuis le 23 mai 1997. Un non-lieu sera donc prononcé pour ce faits


Références :

code de procédure pénale, article 8
loi n° 98-468 du 17 juin 1998

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.limoges;arret;2005-03-24;juritext000006946828 ?
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