RG No 04 / 01977 F. L. No Minute :
Grosse délivrée
le :
à :
S. C. P. CALAS
S. C. P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S. C. P. POUGNAND
S. E. L. A. R. L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
AUDIENCE SUR RENVOI DE CASSATION
ARRET DU MARDI 18 MARS 2008
Recours contre une décision (No R. G. 6479 / 92) rendue par le Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE en date du 07 septembre 1995 ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 30 mai 2000 par la Cour d'Appel D'AIX EN PROVENCE et suite à un arrêt de cassation du 19 février 2002
SUIVANT DECLARATION DE SAISINE DU 13 Mai 2004
APPELANTS :
Monsieur André X... né le 20 Février 1931 à ROQUEFORT (47310) de nationalité Française ......13100 AIX EN PROVENCE
Madame Michèle Y... épouse X... née le 08 Octobre 1935 à ORAN ......13100 AIX EN PROVENCE
représentés par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour assistés de Me ATIAS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMES :
Monsieur Giovanni A... né le 02 Mars 1922 ...Chanteclerc 13100 AIX EN PROVENCE
Madame Marie-José B... épouse A... née le 31 Mai 1934 ...... 13100 AIX EN PROVENCE
représentés par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour assistés de Me SEBAG, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Joseph D... ...-......13100 AIX EN PROVENCE
défaillant
Madame Ginette D... née en à ......-...13100 AIX EN PROVENCE
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame LANDOZ, Président Monsieur VIGNAL, Conseiller Madame KLAJNBERG, Conseiller
Assistés lors des débats de Madame Hélène LAGIER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique sur renvoi de cassation tenue le 12 FEVRIER 2008, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du MARDI 18 MARS 2008.
------0------Exposé du litige
Les époux André X... et Michèle Y... sont propriétaires d'un des trois lots du lotissement dit " Le ..." à AIX-EN-PROVENCE, les époux Giovanni A... et Marie-José B... sont propriétaires d'un autre lot dans le même lotissement, le troisième lot étant la propriété des époux Joseph D... et Ginette G....
Par un document signé le 4 juillet 1986 les époux A... se sont engagés à céder aux époux X... une portion de terrain d'une superficie de 858 m ² moyennant paiement de la somme de 30. 000 Frs, Monsieur X... s'engageant à faire un portail sur la largeur de la bande de terrain cédée.
Par jugement du 7 septembre 1995, assorti de l'exécution provisoire, rendu en présence des époux D..., le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE a condamné les époux X... à exécuter le protocole du 4 juillet 1986 en toutes ses dispositions sous astreinte de 500 Frs par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification et à payer aux époux A... la somme de 20. 000 Frs à titre de dommages-intérêts et celle de 5. 000 Frs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt du 30 mai 2000 la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE a confirmé le jugement déféré et y ajoutant, a dit que la somme de 30. 000 Frs devait porter intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1992 ; la même décision a condamné les époux X... à payer aux époux A..., d'une part, et aux époux D... d'autre part, la somme de 5. 000 Frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour les frais d'appel.
Par arrêt du 19 février 2002, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt du 30 mai 2000, au motif qu'en statuant comme elle l'avait fait, sans rechercher si la modification avait été demandée ou acceptée par une majorité de co-lotis et si l'accord des co-lotis avait été suivi d'un arrêté modifiant le cahier des charges, la Cour d'Appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.
Elle a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'Appel de GRENOBLE.
Par acte du 13 mai 2004, les époux X... ont fait leur déclaration de saisine devant la présente juridiction.
Par ordonnance 2 novembre 2004, le conseiller de la mise en état a rejeté l'exception de péremption d'instance soulevée par les époux A....
Les époux A... ont repris cette exception dans des conclusions déposées devant la Cour ; puis postérieurement à l'entrée en application du décret du 28 décembre 2005, ils ont à nouveau saisi le conseiller de la mise en état par conclusions du 23 octobre 2007, pour voir constater la péremption de l'instance ; l'incident a été joint au fond.
Les époux A... soutiennent qu'on ne peut leur opposer de ne pas avoir déféré l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 novembre 2004 dans le délai de deux mois à compter de la date d'entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005, l'application immédiate de ce texte ne signifiant pas sa rétroactivité et étant sans effet sur les actes de procédure accomplis antérieurement.
Ils maintiennent que les diligences accomplies par les époux X... dans l'instance qu'eux-mêmes ont engagée devant le juge de l'exécution pour faire liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 7 septembre 1995, ne sont pas interruptives du délai de péremption, dès lors qu'il n'est pas démontré un lien de dépendance direct et nécessaire avec l'instance d'appel et qu'elles ne manifestent pas la volonté des appelants de poursuivre l'instance après l'arrêt de la Cour de Cassation.
Selon eux, l'instance devant la Cour d'Appel de GRENOBLE est atteinte par la péremption et l'appel est irrecevable.
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Les époux X... concluent au rejet de l'exception de péremption ; ils invoquent le fait que les époux A... n'ont pas, dans le délai légal qui a commencé à courir à compter du 1er mars 2006, date de l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles de procédure, déféré à la Cour l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 novembre 2004 qui statuait sur cette exception ; d'autre part, ils font valoir que dans le régime nouveau, l'exception de péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être soumise au conseiller de la mise en état, ce dont les époux A... se sont aperçus tardivement.
Enfin, ils prétendent qu'ils justifient avoir fait dans l'instance engagée devant le juge de l'exécution pour la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 7 septembre 1995, des diligences qui interrompent le délai ; selon eux en effet, cette instance est unie à la procédure devant la Cour de renvoi par un lien de dépendance directe et nécessaire.
En tout état de cause, ils relèvent que les époux A... eux-mêmes ont interrompu le délai par les conclusions qu'ils ont déposées le 29 décembre 2003 devant la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE, saisie de l'appel à l'encontre de la décision du juge de l'exécution.
Sur le fond, les époux X... font valoir que les obstacles à l'exécution du protocole sont dus à l'attitude des époux A..., notamment en ce qu'ils se sont opposés de mauvaise foi, à la modification des règles du lotissement, empêchant la réitération de l'acte authentique ; ils ajoutent que l'exécution ordonnée par le Tribunal de Grande Instance et par la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE constituerait une infraction aux règles de l'urbanisme, ces décisions étant entachées d'excès de pouvoir par immixtion dans l'exercice du pouvoir administratif.
Ils demandent à la Cour de réformer le jugement du 7 septembre 1995, de rejeter les prétentions des époux A..., de constater qu'ils ont exécuté les prestations mises à leur charge par le protocole du 4 juillet 1986, de dire qu'en tout état de cause, ce protocole en raison du délai de quatre mois fixé par la convention des parties est caduc, de déclarer commun aux époux D... l'arrêt à intervenir et de leur allouer la somme de 4. 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
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Les époux A... répondent à titre subsidiaire sur le fond du litige que les appelants invoquent de mauvaise foi une impossibilité administrative d'exécuter le protocole, dès lors qu'ils n'ont pas craint, dès 1982, de leur imposer par leur voie de fait l'occupation d'une partie de terrain sur laquelle ils n'avaient aucun droit.
Ils ajoutent que les époux X... ne justifient d'aucune démarche auprès des époux D... et de l'Administration pour obtenir la formalisation de la rectification de limite, y compris, si besoin est, par la modification du règlement du lotissement par arrêté préfectoral.
Ils concluent à la confirmation du jugement déféré, à la condamnation des époux X... à exécuter leurs obligations sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et à leur payer la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts.
À titre infiniment subsidiaire, ils demandent que les époux X... soient condamnés à libérer la parcelle de 850 m ² dont ils se sont emparés et à remettre les lieux en l'état sous astreinte de 200 € par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
Ils sollicitent une indemnité de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
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Les époux D... régulièrement assignés à leur domicile, à la personne de leur fils, n'ont pas constitué avoué ; le 26 décembre 2007, l'avoué des époux X... a indiqué que Joseph D... était décédé et a joint un jugement homologuant l'adoption par les époux du régime matrimonial de la communauté universelle ; une nouvelle assignation a été remise à Madame D... ; l'arrêt sera réputé contradictoire.
Motifs et décision
Sur les effets de l'ordonnance du 2 novembre 2004,
L'article 914 du nouveau code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005 était libellé ainsi :
" Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt au fond. Toutefois, elles peuvent être déférées à la Cour d'Appel, dans le délai de quinze jours de leur date, lorsqu'elles avaient pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps ou lorsqu'elles statuent sur une exception d'incompétence ou de connexité ".
En conséquence, à la date du 2 novembre 2004, l'ordonnance du conseiller de la mise en état ne pouvait être déférée à la Cour puisqu'en écartant l'exception de péremption, elle ne mettait pas fin à l'instance.
En application du principe selon lequel les textes nouveaux relatifs à la procédure n'ont pas pour conséquence de remettre en cause les effets de décisions antérieures, postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005, les époux A... n'avaient pas à déférer à la Cour l'ordonnance ci-dessus.
Enfin, les époux A... ont lié à titre conservatoire un nouvel incident devant le conseiller de la mise en état, en application des dispositions nouvelles de l'article 771 du nouveau code de procédure civile qui donne compétence au seul magistrat de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance ; l'incident a été joint au fond par une décision non susceptible de recours, de sorte qu'il appartient à la Cour de trancher.
Sur la péremption telle qu'elle est soumise à la Cour,
De jurisprudence constante, la péremption est interrompue par les actes intervenus dans une instance différente lorsqu'il existe entre les deux procédures un lien de dépendance directe et nécessaire ; plus généralement, pour être interruptif de la péremption, un acte doit faire partie de l'instance et la continuer.
En l'espèce, le juge de l'exécution qui a été saisi par les époux A... en liquidation de l'astreinte telle que fixée par le jugement du 7 septembre 1995 et confirmée par l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE du 30 mai 2000, a rendu son jugement le 1er février 2001 ; de sorte qu'il ne peut être prétendu que l'instance en liquidation de l'astreinte introduite devant le juge de l'exécution, avant la décision de la Cour de Cassation du 19 février 2002, ait un lien de dépendance directe et nécessaire avec l'instance qui devait se poursuivre devant la Cour d'Appel de GRENOBLE à la suite de la cassation de l'arrêt du 30 mai 2000.
En outre, l'appel par les époux A... à l'encontre du jugement rendu par le juge de l'exécution le 1er février 2001 devant la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE et le dépôt de conclusions par les parties devant cette Cour, d'une part ne font pas partie de l'instance poursuivie par la déclaration de saisine de la Cour d'Appel de GRENOBLE laquelle vise à faire exécuter le document appelé " protocole " du 4 juillet 1986, et d'autre part ne sont pas des diligences qui tendent à continuer l'instance devant la Cour de renvoi ; étant sans effet sur le fond de l'affaire et sur l'issue de l'instance sur renvoi de cassation, elles n'ont pas empêché le délai de péremption de continuer à courir.
Ainsi, c'est à bon droit que les époux A... invoquent la péremption de l'instance poursuivie par les époux X... devant la Cour d'Appel de GRENOBLE, la déclaration de saisine ayant été faite plus de deux ans après le jour du prononcé de l'arrêt de la Cour de Cassation.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge des époux A... les frais qu'ils ont dû exposer en cause d'appel et non compris dans les dépens ; les époux X... devront lui payer une indemnité de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Constate la péremption de l'instance poursuivie après le prononcé le 19 février 2002 de l'arrêt de la Cour de Cassation,
Constate le dessaisissement de la Cour d'Appel de GRENOBLE,
Condamne les époux X... à payer à aux époux A... une indemnité de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne les époux X... à tous les dépens de première instance et d'appel depuis l'arrêt cassé et autorise Maître RAMILLON avoué, à recouvrer directement contre eux, les frais avancés sans avoir reçu provision.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame LAGIER, Greffier.