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21/06/2024 | FRANCE | N°23/00015

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 21 juin 2024, 23/00015


ARRET N° 24/79



R.G : N° RG 23/00015 - N° Portalis DBWA-V-B7H-CLOG



Du 21/06/2024





[N]



C/



S.A.S. FITNESS PARK CLUNY













COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU 21 JUIN 2024





Décision déférée à la cour : jugement du conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 14 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 21/00411





APPELANTE :



Madame

[H] [N]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 1]



Représentée par M. Jason THEOPHILLE (Délégué syndical ouvrier)







INTIMEE :



S.A.S. FITNESS PARK CLUNY Prise en la personne de représentant légal domicilié en cette qualité audit si...

ARRET N° 24/79

R.G : N° RG 23/00015 - N° Portalis DBWA-V-B7H-CLOG

Du 21/06/2024

[N]

C/

S.A.S. FITNESS PARK CLUNY

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 21 JUIN 2024

Décision déférée à la cour : jugement du conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 14 Décembre 2022, enregistrée sous le n° 21/00411

APPELANTE :

Madame [H] [N]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par M. Jason THEOPHILLE (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE :

S.A.S. FITNESS PARK CLUNY Prise en la personne de représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Centre Commercial La Galleria C/O SOCODIS

[Adresse 2]

Représentée par Me Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE 

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 janvier 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

- Mada Anne FOUSSE, Présidente

- Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

- Madame Séverine BLEUSE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l'audience publique du 19 janvier 2024,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 19 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la cour. Le délibéré a été prorogé aux 17 mai et 21 juin 2024.

ARRET : Contradictoire

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [H] [N] a été embauchée par La SASU Fitness Park Cluny par CDI du 4 novembre 2019 en qualité de conseillère clientèle, statut employé groupe 1, moyennant un salaire brut mensuel de 1557,39 euros.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 étendue par arrêté du 21 novembre 2006.

Par courrier du 21 juin 2021, remis en main propre Mme [H] [N] était convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 29 juin 2021 avec mise à pied conservatoire.

Par courrier du 23 juin 2021, Mme [H] [N] revenait sur les faits qui s'étaient déroulés le 14 juin 2021 à l'occasion de son absence pour se rendre à un rendez-vous médical.

A la suite de l'entretien préalable du 29 juin 2021, La SASU Fitness Park Cluny notifiait à Mme [H] [N] son licenciement par lettre RAR du 16 juillet 2021comme suit :

« '

Cette décision est motivée par les faits décrits ci-dessous à savoir :

le 14 juin 2021, votre planning de travail a été modifié à votre demande en raison d'un rendez-vous médical prévu à 11 h. Il a donc été convenu avec votre manager que vous effectueriez les horaires 15h- 21 h.

Ce même jour, vous avez dans un premier temps contacté votre collègue sur site à 14 h 30 pour l'informer que vous auriez du retard car vous vous étiez trompée sur l'heure de votre rdv qui devait en fait se tenir à 13 h. Vous lui avez indiqué ne pas savoir à quelle heure vous arriveriez à votre poste.

Vous avez ensuite contacté votre supérieure hiérarchique à 14 h 45. Vous l'avez informé de votre retard sans être capable de lui donner une indication sur votre heure d'arrivée à votre poste bien qu'étant consciente que ce dernier ne peut rester vacant. Vous lui avez rétorqué qu'il s'agissait de rendez-vous pour votre santé. Vous avez également tenu des propos déplacés et irrespectueux à son égard. Cette dernière se retrouvant face à votre absence à 15 minutes de votre prise de poste et à votre manque de coopération a du pallier au plus vite en faisant venir une salariée du site du [Y], ne sachant pas si votre retard se calculerait en minutes ou en heures.

Elle vous a alors informé que vous pouviez prendre votre journée pour vos rendez-vous médicaux puisque vous ne saviez pas combien de temps cela vous prendrait. Vous lui avez alors rétorqué : «Mais vous avez des problèmes ! C'est l'heure de mon rendez-vous« puis vous avez raccroché car vous ne souhaitiez pas perdre une journée.

les retours clients oraux et écrit du 15 juin 2021 faisant état d'un comportement irrespectueux et non professionnel à leur égard. Nous avions par ailleurs eu à vous sanctionner pour les mêmes raisons en juin 2020.

Ce type d'attitude envers votre supérieur hiérarchique ne peut être toléré. De plus ces agissements nuisent à l'organisation du pôle auquel vous êtes affectée et perturbe son bon fonctionnement et ce, malgré nos tentatives de rappels à l'ordre.

Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis qui débutera à la date du présent courrier soit le 16 juillet 2021 et se terminera le 17 septembre 2021 date à laquelle vous quitterez les effectifs de l'entreprise.

Votre salaire continuera à vous être versé durant cette période aux dates habituelles du paiement des salaires dans l'entreprise. '...».

Le 19 septembre 2021, Mme [H] [N] recevait son solde de tout compte, son certificat de travail et son attestation Pôle emploi.

Elle dénonçait le solde de tout compte par courrier RAR du 26 octobre 2021, faute d'avoir perçu une indemnité de licenciement et un salaire au titre de la mise à pied conservatoire.

L'employeur lui remettait un reçu pour solde de tout compte rectifié qu'elle signait le 12 décembre 2021, ainsi qu'une fiche de salaire rectifiée pour le mois de septembre pour tenir compte de l'indemnité de licenciement et du rappel de salaire.

S'estimant lésée, Mme [H] [N] saisissait le Conseil de Prud'hommes le 18 novembre 2021 pour contester ce licenciement et solliciter la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 3114,78 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 3114,78 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement contradictoire du 14 décembre 2022, le Conseil de Prud'hommes de Fort-de -France statuait comme suit :

- dit et juge les demandes de Mme [H] [N] injustifiées,

- reconnaît le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [H] [N],

- en conséquence,

- déboute Mme [H] [N] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne les parties à la prise en charge de leurs dépens.

Le Conseil de Prud'hommes a considéré que l'attitude discourtoise envers la supérieure hiérarchique était avérée, de même que l'insatisfaction des clients et la perturbation dans le fonctionnement du Pôle.

Mme [H] [N] a interjeté appel du jugement par acte du 8 janvier 2023 soit dans les délais impartis.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 octobre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions en réplique n° 2 notifiées le 19 mai 2023 par lettre recommandée reçue le 31 mai 2023, déposées au greffe de la Cour le 13 juin 2023, l'appelante demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel de la décision rendue le 14 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de -France,

- y faisant droit

- infirmer sus énoncé et daté en ce que le Conseil de Prud'hommes a dit et jugé que les demandes de Mme [H] [N] étaient injustifiées, reconnaît le licenciement pour cause réelle et sérieuse, la déboute de l'intégralité de ses demandes, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamne les parties à la prise en charge de leurs dépens ;

- et statuant de nouveau,

- juger que le licenciement prononcé à son encontre en date du 16 juillet 2021 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence :

- condamner La SASU Fitness Park Cluny à lui payer les sommes suivantes :

3114,78 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3114,78 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause :

- condamner La SASU Fitness Park Cluny à la somme de 1000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France,

- condamner La SASU Fitness Park Cluny à la somme de 1000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour d'appel de Fort-de-France,

- condamner La SASU Fitness Park Cluny aux entiers dépens et actes d'exécution de l'instance.

Par conclusions en réplique en date du 27 juillet 2023 déposées au greffe par le rpva et notifiées le même jour par lettre RAR au défenseur syndical reçue le 29 juillet 2023, La SASU Fitness Park Cluny demande à la Cour de :

A titre liminaire,

- juger irrecevables les demandes de demanderesse,

* au titre de la nullité du licenciement,

* au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse préjudice moral et matériel,

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 14 décembre 2022 en ce qu'il :

- dit et juge les demandes de Mme [H] [N] injustifiées,

- reconnaît le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [H] [N],

En conséquence,

- déboute Mme [H] [N] Mme [H] [N] de l'intégralité de ses demandes,

- infirme le jugement rendu en ce qu'il a :

* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamne les parties à la prise en charge de leurs dépens,

Et statuant à nouveau,

condamne Mme [H] [N] à lui verser la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant le Conseil de Prud'hommes et aux entiers dépens ;

En tout état de cause,

condamner Mme [H] [N] à verser la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour d'appel et aux entiers dépens.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes de Mme [H] [N]

* au titre de la nullité du licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

La SASU Fitness Park Cluny soutient qu'aux termes de sa requête initiale Mme [H] [N] sollicitait la condamnation de La SASU Fitness Park Cluny à lui verser les sommes suivantes :

* 9000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 713,79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* 1401,65 euros au titre du paiement de la mise à pied,

- l'exécution provisoire, les intérêts légaux, la capitalisation des intérêts et les dépens.

Elle ajoute qu'aucune demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement ni pour préjudice matériel et moral n'avait été formulée par Mme [H] [N]; que ce n'est que par conclusions du 7 mars 2022, que cette dernière a ajouté de nouvelles demandes en sollicitant désormais :

* 10000 euros pour licenciement nul,

* 3114,78 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse préjudice moral et matériel.

Elle fait valoir qu'en application du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, aucune demande nouvelle ne peut être formulée en cours d'instance, la règle de l'unicité de l'instance ayant été supprimée en abrogeant l'article R 1452-7 du code du travail à compter du 1er août 2017.

Elle reconnaît néanmoins que Mme [H] [N] a abandonné dans ses dernières écritures ses demandes au titre de la nullité du licenciement mais a maintenu sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour préjudice moral et matériel, tant devant le Conseil de Prud'hommes que devant la Cour.

Il s'agit selon elle d'une demande nouvelle formulée en cours d'instance et donc irrecevable.

Or aux termes de l'article 70 du code de procédure civile «les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elle se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout».

Sur ce point la Cour considère que la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée dès la requête initiale et la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice moral et matériel formulée par conclusions ultérieures en cours d'instance devant le Conseil de Prud'hommes tendent toutes deux aux mêmes fins , soit à l'indemnisation d'un licenciement considéré par Mme [H] [N] comme dénué de cause réelle et sérieuse.

Le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est jugé recevable, le juge de première instance l'ayant indiqué dans ses motifs mais omis de l'indiquer dans le dispositif du jugement.

Sur le licenciement

En application de l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif à un licenciement, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute persiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Le licenciement pour cause réelle et sérieuse doit être fondé sur des faits objectifs imputables au salarié.

Mme [H] [N] soutient que le licenciement sans cause réelle et sérieuse est dénué de cause réelle et sérieuse aux motifs que :

elle n'a pas été en mesure de donner l'heure précise de son retour à son poste car elle ne pouvait connaître précisément la durée de la consultation médicale. La consultation s'est terminée à 15 h 30 et elle a donc été licenciée pour 30 minutes de retard,

la désorganisation invoquée par l'employeur n'a pas de sens puisqu'en moins de 5 minutes une solution a été trouvée pour la remplacer,

pour que la mise à pied puisse être qualifiée de conservatoire, la procédure disciplinaire doit être engagée à très bref délai. Un délai de 6 jours a été jugé trop long par la Cour de cassation (soc 30 octobre 2013 n° 12-22962). La durée de la mise à pied conservatoire est abusive et ne se justifie nullement. La preuve en est que l'employeur va prononcer un licenciement pour faute sérieuse et non pour faute grave; qu'en l'espèce, sa mise à pied conservatoire a été prononcée le 21 juin 2021 et elle a été convoquée le 29 juin 2021 soit 10 jours après pour être finalement licenciée le 16 juillet, plus d'un mois après la mise à pied conservatoire. Ainsi du 21 juin au 16 juillet 2021 (3 semaines et 4 jours), elle s'est retrouvée sans salaire. Elle a dû dénoncer son solde de tout compte par lettre du 26 octobre 2021 faute de paiement de son salaire de mise à pied, et de son indemnité de licenciement et ne les a obtenus que le 7 décembre 2021 soit 2 mois après la dénonciation du solde de tout compte.

Elle considère que si l'employeur n'a pas engagé immédiatement la procédure de licenciement, la mise à pied sera qualifiée de disciplinaire et le licenciement considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse, car le fait a déjà été sanctionné et ne peut plus l'être par le licenciement. Elle rappelle que le délai séparant la notification de la mise à pied et la convocation à l'entretien préalable est excessif s'il dépasse 4 jours ; qu'en l'espèce le délai est de 8 jours.

Elle ajoute que la mise à pied conservatoire est obligatoirement rémunérée si l'employeur fonde le licenciement sur une faute simple et non pas sur une faute grave de sorte que l'absence de versement de salaire rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (cass soc 18 décembre 2013 12-18548).

L'intimée prétend qu'elle n'a pu organiser la visite médicale auprès du médecin du travail en raison du covid qui a suspendu cette possibilité. Mme [H] [N] considère au contraire que si l'employeur avait organisé cette visite à son arrivée et au plus tard en février 2020, il aurait pu proposer un aménagement de poste compte tenu de ses problèmes auditifs.

Elle soutient par ailleurs que le fait de quitter son poste pour un motif de santé afin de consulter un médecin ne peut constituer une faute de nature à justifier un licenciement. Elle considère qu'en réalité le licenciement trouve sa véritable cause dans une discrimination liée à sa maladie.

Elle conteste les attestations produites par La SASU Fitness Park Cluny, au motif qu'on ne peut identifier quelle salariée est concernée par les plaintes des clients ; que l'attestation de Mme [E] n'est pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile ; que les attestations sont de complaisance et émanent de ses propres salariés ; que l'une des attestations évoque son comportement irrespectueux, le 16 juin 2020 alors qu'à cette date, elle était en congé maladie ;

elle fait valoir que les attestations qu'elle produit font état de son professionnalisme à l'inverse des attestations de l'employeur.

La SASU Fitness Park Cluny rappelle que la Cour de cassation a admis le licenciement pour faute grave d'un salarié adoptant un comportement désinvolte et refusant le pourvoir de direction de l'employeur, ou tenant des propos vifs et injurieux à l'endroit de son supérieur hiérarchique ; qu'en l'espèce la lettre de licenciement reproche une attitude désinvolte au travail tant à l'égard de la supérieure hiérarchique qu'à l'égard des clients de la société.

Elle soutient que la salariée n'a pas été licenciée «pour ne pas avoir été en mesure de prévoir exactement la durée de l'examen médical», mais pour l'avoir informée à 14 h 45 alors qu'elle devait prendre son poste à 15 heures, qu'elle serait en retard sans savoir à quelle heure elle arriverait sachant pourtant pertinemment que son poste d'accueil ne pouvait rester vacant. La SASU Fitness Park Cluny indique avoir dû trouver une remplaçante en urgence venant du [Y], désorganisant les deux clubs. Elle lui reproche encore sa réponse irrespectueuse et exprimant son refus de ne pas perdre une journée de travail quand la supérieure hiérarchique lui a indiqué que ce n'était pas la peine de revenir à son poste compte tenu du remplacement.

Sur ce,

Il est reproché à Mme [H] [N] une attitude discourtoise à l'égard de sa supérieure hiérarchique, un comportement irrespectueux et non professionnel à l'égard des clients nonobstant un avertissement pour les mêmes raisons en juin 2000, ces agissements nuisant à l'organisation du Pôle auquel elle était affectée et perturbant son bon fonctionnement.

Il est établi par les conclusions des parties, par le courrier de Mme [H] [N] du 23 juin 2021 et par l'attestation de Mme [L], Manager Générale, que la salariée devait effectuer son créneau horaire de 9 h à 15 heures le lundi 14 juin 2021. Ayant prévenu le 10 juin qu'elle devait se rendre à un rendez-vous médical à 13 heures, Mme [H] [N] et Mme [E] ont échangé leur plage horaire, cette dernière devant la suppléer de 9 h à 15 heures et Mme [H] [N] reprendre son poste à 15 heures.

Il ressort ensuite d'un rapport de Mme [L], que Mme [H] [N] devait être à son poste à 15 heures mais qu'à 14 h45 elle a informé Mme [E] et non elle-même de son retard ; qu'elle a réussi à la joindre après deux appels pour lui demander où elle se trouvait ; que la salariée lui a répondu qu'elle était encore à son rendez-vous en raison du retard et ne savait pas dans combien de temps elle pourrait être de retour à son poste à Cluny ; Qu'après avoir trouvé une solution de remplacement par une salariée du [Y], elle a rappelé Mme [H] [N] pour lui dire que ce n'était pas la peine de venir compte tenu de ce remplacement mais que cette dernière s'est énervée en lui demandant si elle avait un problème et en disant qu'il n'était pas question qu'elle perde une journée de travail.

Mme [E] confirme dans une attestation produite devant la Cour conforme à l'article 202 du code de procédure civile, que Mme [H] [N] ne l'a avertie de son retard qu'aux alentours de 14 h 30 ; que celle-ci ne pouvait pas prévoir un horaire de retour à son poste.

Elle confirme également avoir prévenu la manager de l'absence de Mme [H] [N] et les démarches entreprises par Mme [L] informée par Mme [E] à 14 h 45 tant pour trouver un agent disponible pour la remplacer sur le site de Cluny, que pour la prévenir de ce remplacement.

La SASU Fitness Park Cluny fait grief à Mme [H] [N] de lui avoir répondu d'une manière discourtoise ce que cette dernière conteste tout en reconnaissant néanmoins qu'elle avait répondu qu'elle ne perdrait pas une journée de travail à cause d'un rendez-vous médical.

Les pièces du dossier établissent la réponse de la salariée opposée à son remplacement alors qu'elle n'était pas en mesure d'être à l'heure pour sa reprise de poste ni de préciser l'heure de son retour et la désorganisation provoquée par le déplacement en urgence sur le site de Cluny d'une salariée commerciale se trouvant au [Y], alors que l'employeur démontre de son côté avoir fait diligence non seulement avant le rendez-vous, puis ensuite pour pallier urgemment à son remplacement.

- pour justifier du comportement irrespectueux et non professionnel de Mme [H] [N] à l'égard des clients, bien que déjà sanctionné, La SASU Fitness Park Cluny produit :

- un avertissement du 27 juin 2020, remis en main propre à Mme [H] [N] dans lequel l'employeur lui indique avoir reçu plusieurs plaintes concernant son attitude et son comportement envers les clients, se plaignant d'un manque de respect et d'avoir été mal reçus par elle,

-des messages de clients sur facebook déplorant un refus opposé de visiter la salle et un manque de professionnalisme de la part d'une jeune femme du club de Cluny, notamment celui de M. [F] [G] décrivant son interlocutrice comme étant une jeune fille métisse du nom de [P], qui déplore avoir été mal reçu par cette personne, ou encore celui de Mme [O] [D] qui critique le manque de respect des employés de l'accueil lors des appels téléphoniques, ou sur le site,

une attestation de M [C] [V] qui indique que le mardi 16 juin 2020 vers 15 h 30, la réceptionniste lui aurait répondu de manière désobligeante en ces termes « vous commencez à me fatiguer avec vos histoires » alors qu'il avait patienté 15 minutes dans une file d'attente pour refaire sa carte d'accès et avait proposé à la réceptionniste de refaire sa carte après séance.

La Cour constate que les messages facebook ne sont pas datés, voir insuffisamment précis pour incriminer Mme [H] [N]. L'attestation de M. [V] date du 16 juin 2020 et a déjà servi pour délivrer l'avertissement du 27 juin 2020. Ce grief n'est donc pas matériellement vérifiable.

S'il ne peut être contesté que le remplacement impromptu de la salarié a provoqué une désorganisation momentanée du site de Cluny, l'attitude discourtoise alléguée à l'égard de la Manager n'est pas établie. Non seulement la salariée la conteste mais Mme [E] ne l'a pas constaté puisqu'elle se borne à écrire au conditionnel, «il semblerait que le ton soit monté car [H] [N] n'a pas apprécié que l'on organise son remplacement».

Ainsi, le seul motif retenu par la Cour, de la désorganisation momentanée consécutive à l'impossibilité pour la salariée de regagner son poste alors qu'elle était encore dans l'attente de son rendez-vous médical et n'avait aucune maîtrise de la durée de ce rendez-vous, ne pouvait caractériser une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise durant la procédure de licenciement et justifier une mise à pied conservatoire avec privation de salaire.

Il ne pouvait pas plus constituer une cause sérieuse de licenciement.

Au surplus, si la mise à pied a été notifiée à la salariée le 21 juin 2021 en même temps que l'engagement de la procédure disciplinaire par la convocation à l'entretien préalable, La SASU Fitness Park Cluny s'est abstenue de payer le salaire correspondant à la période de mise à pied, alors même que celle-ci n'a pas été pas suivie d'un licenciement pour faute grave.

Il se déduit du non paiement du salaire de Mme [H] [N] correspondant à la période de mise à pied avant le 7 décembre 2021, (soit plus de 4 mois après de licenciement et plus de près de deux mois après la dénonciation de son solde de tout compte sur ce point par courrier du 26 octobre 2021), que cette mesure présentait le caractère d'une sanction disciplinaire de sorte que l'employeur avait épuisé son pouvoir de sanction et qu'il ne pouvait sanctionner une deuxième fois par un licenciement la salariée pour les mêmes faits.

Au vu de ces motifs, la Cour déclare le licenciement de Mme [H] [N] survenu le 16 juillet 2021 sans cause sérieuse.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement,

* indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement étant fondé sur une cause non sérieuse, la demande de Mme [H] [N] est justifiée en son principe.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son ancienneté de 1 an et 10 mois, Mme [H] [N] est en droit de percevoir une indemnité comprise entre 1 mois et 2 mois de salaire brut.

Le salaire brut s'élevant à la date du licenciement à la somme de 1557,39 euros , il est fait droit intégralement à la demande de Mme [H] [N] en son montant soit 3114,78 euros.

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Il a été considéré supra que cette demande était recevable.

Pour autant la salariée ne la motive pas ni ne justifie d'un préjudice distinct de celui découlant de la perte d'emploi déjà indemnisée par l'indemnité accordée.

La demande de dommages et intérêts est donc rejetée.

Les demandes accessoires

Mme [H] [N] a été assistée d'un défenseur syndical tant en première instance qu'en appel, lequel est intervenu gratuitement. Elle ne justifie pas des frais irrépétibles restés à sa charge.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle est par ailleurs déboutée de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel pour les mêmes motifs.

En revanche le jugement est infirmé en ce qu'il a laissé aux parties la charge de leurs dépens en première instance. La SASU Fitness Park Cluny partie succombante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare la demande additionnelle de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par Mme [H] [N] en première instance et renouvelée en cause d'appel recevable,

Infirme le jugement rendu le 14 décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu'il déboute Mme [H] [N] de demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rejette les demandes d'indemnités fondées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare le licenciement de Mme [H] [N] survenu le 16 juillet 2021, dénué de cause sérieuse,

Condamne La SASU Fitness Park Cluny à payer à Mme [H] [N] la somme de 3114,78 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne La SASU Fitness Park Cluny aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et ont signé le présent arrêt Mme Anne FOUSSE, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffière

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00015
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;23.00015 ?
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