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21/06/2024 | FRANCE | N°21/00209

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 21 juin 2024, 21/00209


ARRET N° 24/69



R.G N° 21/00209 -

N° Portalis

DBWA-V-B7F-CIK3



Du 21/06/2024





[Y]



C/



CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE MARTINI QUE

Organisme IRCOM AGIRC ARRCO

Caisse L'INSTITUTION INTERPROFESSIONNELLE DE RETRAITES CO MPLÉMENTAIRES DE LA MARTINIQUE













COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU 21 JUIN 2024





Décision déférée à la cour : jugement du Pôle socia

l du Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, décision attaquée en date du 31 Août 2021, enregistrée sous le n° 19/01046







APPELANT :



Monsieur [K] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représenté par Me Alexandre KONDO, avocat au...

ARRET N° 24/69

R.G N° 21/00209 -

N° Portalis

DBWA-V-B7F-CIK3

Du 21/06/2024

[Y]

C/

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE MARTINI QUE

Organisme IRCOM AGIRC ARRCO

Caisse L'INSTITUTION INTERPROFESSIONNELLE DE RETRAITES CO MPLÉMENTAIRES DE LA MARTINIQUE

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 21 JUIN 2024

Décision déférée à la cour : jugement du Pôle social du Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, décision attaquée en date du 31 Août 2021, enregistrée sous le n° 19/01046

APPELANT :

Monsieur [K] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Alexandre KONDO, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE MARTINI QUE

Pôle juridique

[Adresse 6]

[Localité 3]

IRCOM AGIRC ARRCO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Alizé APIOU-QUENEHERVE, avocat au barreau de MARTINIQUE

Caisse L'INSTITUTION INTERPROFESSIONNELLE DE RETRAITES CO MPLÉMENTAIRES DE LA MARTINIQUE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Mark BRUNO, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 janvier 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Séverine BLEUSE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Séverine BLEUSE, Conseillère, présidant l'audience

Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre,

Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame [T] [D],

DEBATS : A l'audience publique du 12 janvier 2024,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 12 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la cour. Le délibéré a été prorogé aux 17 mai et 21 juin 2024.

ARRET : Contradictoire

****************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [Y] [K] a exercé la profession de chirurgien-dentiste à titre libéral, et a été affilié à la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages femmes (CARCDSF) dès le 1er juin 1985.

M. [Y] [K] a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France le 16 juin 2015. Il a fait l'objet d'une radiation du registre du commerce et des sociétés, et de la CARCDSF.

Le 30 décembre 2014, il a créé avec sa fille Mme [Y] [V] [P] [F], la SELARL [4]» au sein de laquelle il précise travaille en tant que dentiste salarié depuis le 1er septembre 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée conclu le 28 juillet 2015 avec cette structure.

Par courrier du 19 mai 2017, la CARCDSF a notifié à M. [Y] [K] sa ré-affiliation suite à sa reprise d'activité libérale, en joignant à ce courrier les modalités de paiement de ses prochaines cotisations.

Le directeur de la CARCDSF a fait signifier par exploit d'huissier, deux contraintes à l'encontre de M. [Y] [K] pour le recouvrement des cotisations sociales exigibles en 2018.

Par requête déposée au greffe le 20 décembre 2019, M. [Y] [K] a saisi le tribunal judiciaire de Fort-de-France afin de contestation de deux contraintes qui ont été délivrées par la CARCDSF et signifiées le 13 décembre 2019, relatives aux cotisations et contributions sociales exigibles au titre des années 2018 pour un montant de 32 638,60 euros.

Par jugement contradictoire du 31 août 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :

déclaré l'opposition aux deux contraintes formées le 20 décembre 2019 délivrées à M. [Y] [K] par la Caisse Autonome de Retraite des Chirurgiens-Dentistes et des Sages Femmes recevable,

validé la contrainte du 4 décembre 2019 et signifiée le 13 décembre 2019 par la CARCDSF à M. [Y] [K] pour un montant de 32 638,60 euros,

débouté M.[Y] [K] du surplus de ses demandes,

condamné M. [Y] [K] aux dépens de l'instance, incluant les frais de signification de la contrainte et, le cas échéant, les frais de son exécution forcée,

condamné M. [Y] [K] à verser à la CARCDSF la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [Y] [K] à supporter les frais de signification des deux contraintes en application de l'article R 133-6 du code de la sécurité sociale,

rejeté les autres demandes des parties.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Fort de France en date du 21 septembre 2021, M. [Y] [K] a fait appel de la décision du tribunal judiciaire.

Par arrêt avant dire droit du 16 septembre 2022, la cour d'appel de Fort de France a indiqué qu'en cas de conflit d'affiliation, il ne peut être statué sans que les organismes de sécurité sociale concernés ne soient mis en cause par application de l'article 14 du code de procédure civile; que tel était le cas en l'espèce, puisque le litige porte sur la nature de l'activité exercée par M. [Y] [K] (salariée ou libérale) et son affiliation à la CARCDSF ou aux organismes gestionnaires de régimes de travailleurs salariés.

Il ressortait des pièces notamment des bulletins de paie que des règlements ont été effectués aux différents organismes de protection sociales des salariés (maladie, allocations familiales, AT, vieillesse, retraite complémentaire), de sorte qu'il y a lieu de mettre en cause tous les organismes intéressés, notamment la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique(CGSSM) ainsi que l'institution interprofessionnelle de retraites complémentaires de la Martinique(IRCOM).

Par conséquent, la cour avant dire droit invitait la CARCDSF à mettre en cause les organismes gestionnaires de régimes de travailleurs salariés, et à recalculer les cotisations de l'appelant sur la base de ses revenus, produits aux débats.

Aux termes de conclusions d'appel notifiées le 18 novembre 2022, M. [Y] [K] demande à la cour d'infirmer le jugement en toute ses dispositions.

Statuant à nouveau de :

A titre principal,

- déclarer nulles et de nul effet les deux contraintes en date 4 décembre 2019, signifiées à l'appelant le 13 décembre 2019,

- condamner la caisse de retraite complémentaire des chirurgiens-dentistes à payer à M. [Y] [K] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- déclarer que les revenus annuels de M. [Y] [K] tirés de son activité de chirurgien-dentiste au titre de l'année 2018 se sont établis à 86 002 euros,

- déclarer que la taxation d'office de la caisse de retraite complémentaire des chirurgiens-dentistes ne tient pas compte des revenus réels perçus par M. [Y] [K] au titre des années 2018,

- déclarer en conséquence, nulles et de nul effet la contrainte en date du 4 décembre 2019, signifiées à l'appelant le 13 décembre 2019, en ce qu'elles sont injustifiées dans leur quantum,

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter le montant des contraintes litigieuses aux sommes réellement dues par M. [Y] [K] au regard de ses revenus 2016 et 2017 sur justification par la CARCDSF de la régularisation de sa taxation d'office et des modalités de calcul des nouvelles sommes réclamées,

En tirer les conséquences et,

- ordonner à la Caisse Générale de Sécurité ociale de la Martinique de rembourser à la SELARL [4]» (employeuse de M. les cotisations indûment versées pour le compte de ce dernier, de sa date d'affiliation à ce jour).

- ordonner à l'IRCOM intervenant pour l'AGIRC-ARRCO de rembourser à la SELARL [4]» les cotisations indûment versées pour le compte de ce dernier, de sa date d'affiliation à ce jour.

A défaut,

- déclarer nulles et de nul effet la contrainte en date du 4 décembre 2019, signifiées à l'appelant le 13 décembre 2019, en ce qu'elles sont injustifiées dans leur quantum,

En tout état de cause,

- Condamner la caisse de retraite complémentaire des chirurgiens-dentistes aux entiers dépens.

Par conclusions d'intervention volontaire en date du 18 novembre 2022 la SELARL [4]» demande à la cour de :

- déclarer la SELARL [4]» recevable en la forme, en son intervention principale volontaire, par application des articles 63 et 68 du Code de procédure civile,

- déclarer la SELARL [4]» recevable comme n'ayant été ni partie ni représentée en première instance, par application de l'article 554 du même code,

- déclarer la SELARL [4]» bien fondée, comme ayant un intérêt à faire juger que dans l'hypothèse d'une annulation de l'affiliation de Monsieur [K] [Y] à l'IRCOM AGIRC-ARRCO et à la CGSS en qualité de salarié, les cotisations indûment versées par l'intervenante volontaire auprès de ces deux Caisses pour le compte de l'appelant, de sa date d'affiliation à ce jour, lui soient remboursées,

- dire que cette question se rattache incontestablement à l'objet des demandes dont se trouve saisie la cour, dans la présente procédure,

Et statuant sur le fond de la demande,

- ordonner à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de Martinique de rembourser à la SELARL [4]» (employeuse de M. [Y]), les cotisations indûment versées pour le compte de ce dernier, de sa date d'affiliation à ce jour,

- ordonner à l'IRCOM intervenant pour l'AGIRC-ARRCO de rembourser à la SELARL [4]» (employeuse de M. [Y]), les cotisations indûment versées pour le compte de ce dernier, de sa date d'affiliation à ce jour,

- condamner à la Caisse de retraite complémentaire des chirurgiens-dentistes et des sages femmes à payer à la SELARL [4]» la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Caisse de retraite complémentaire des chirurgiens-dentistes aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions d'appel notifiées le 12 juillet 2023 la CARCDSF demande à la cour de :

- constater la mise en cause des organismes gestionnaires de régimes de travailleurs salariés par la CARCDSF,

- rejeter l'ensemble des moyens soulevés par M [Y],

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Fort de France Pôle Social du 31.08.2021,

- prendre acte que le montant de contrainte a été ramené à 18 596,60 euros correspondant à un principal de 16 677,80 euros et à des majorations de retard pour 1918,80 euros,

- condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions d'appel notifiées le 19 juin 2023, la caisse de sécurité sociale de la Martinique(CSSM) demande à la cour de :

- constater que M. [Y] est salarié de la SELARL [4]»,

- annuler la demande de remboursement par la SELARL [4]» à la CGSS».

Aux termes de conclusions d'appel notifiées le 12 juillet 2023, l'IRCOM demande à la cour de :

- prendre acte de ce que l'IRCOM a fait sienne les conclusions de la CGSSM,

- débouter la SELARL [4]» de sa demande de remboursement des cotisations versées au titre de l'affiliation de M. [Y] es qualité de salarié,

- condamner la CARSDSF à payer à l'IRCOM la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux afférents à la requête et à l'injonction de payer querellées.

MOTIVATION

A titre liminaire

- Sur l'intervention volontaire de la SELARL [4]».

L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant, d'après l'article 325 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Le 30 décembre 2014, Mme [V] [Y] et M [K] [Y] ont crée une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) ayant pour objet l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste.

Mme Mme [V] [Y] détient 99 parts sociales et M. [K] [Y] une part sociale.

M. [K] [Y] produit un contrat de travail en date du 28 juillet 2015 au terme duquel il est embauché en contrat de travail indéterminé par le cabinet du sourire.

Ce cabinet se présente comme étant employeur de M. [K] [Y] et ayant acquitté auprès de la CGSS et de l'AGIRC ARRCO les cotisations liées à l'affiliation de l'appelant auprès de ses organismes en qualité de salarié.

Par conséquent, le cabinet du sourire, ni présent ni représenté en première instance a qualité à agir dés lors que sa demande se rattache à la demande initiale.

- Sur le bien-fondé des cotisations

Sur l'assujettissement de la rémunération du gérant minoritaire

Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi du 21 décembre 2015 «pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire».

L'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale pose le principe de l'obligation d'affiliation au régime général précisant «sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat».

Les juges du fond ont considéré que M. [Y] [K] ne peut contester son affiliation à la CARCDSF aux motifs qu'il est associé ultra minoritaire de la SELARL [4]» et qu'il bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de salarié collaborateur. La création d'une SELARL ne l'a pas fait personnellement sortir du cadre ordinal et il n'exerce pas son activité de chirurgien-dentiste sous la subordination de la société puisqu'il reste entièrement responsable des actes qu'il effectue.

Au soutien de ses prétentions,M. [Y] [K] verse au débat les statuts de la SELARL [4]» et fait valoir que son statut de salarié ne fait aucun débat. Il ajoute qu'il n'est aucunement gérant, mais associé minoritaire à hauteur de 1% de cette société, le capital social étant détenu à 99 % par un autre chirurgien dentiste, en l'occurence Mme [V] [P] [F] [Y].

Ce dernier fournit des pièces (contrat de travail, avenants du 25 octobre 2015 et du 25 janvier 2019 enregistrés au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, ainsi que le justificatif de son affiliation à la retraite complémentaire des salariés depuis octobre 2015), déterminant son lieu de travail, et le versement d'un salaire mensuel soumis à toutes les cotisations salariales.

Selon, M. [Y] [K] tous ces éléments démontrent l'existence d'un véritable lien de subordination entre lui et la SELARL employeuse.

M. [Y] [K] argue ainsi qu'il appartient à la CARCDSF contestant l'existence du lien de subordination, d'en rapporter la preuve contraire. Il produit également l'attestation de l'IRCOM AGIRC-ARRCO certifiant que la SELARL [4]» est à jour de ses cotisations au titre du régime de retraite complémentaire au 31 juillet 2021 que la contestation de cette contrainte n'est pas destinée à échapper au paiement de ses cotisations au titre de la retraite mais à éviter une double affiliation d'autant que les cotisations retraite ont déjà été acquittées par la SELARL employeuse.

De plus, M. [Y] [K] conclut qu'il ressort du relevé bancaire de ladite SELARL et son relevé de compte de tiers payant auprès de la CGSS, que les actes médicaux qu'il a pratiqués sont remboursés par la CGSS sur le seul compte bancaire de la société employeuse.

M. [Y] [K] déclare que les informations figurant sur sa carte professionnelle de santé mentionnent sans équivoque qu'il exerce et facture en qualité de salarié, aucune prérogative pour engager les dépenses en son nom propre ne lui étant accordée.

Par ailleurs, il produit une attestation de radiation de la CGSS précisant que ce dernier a cessé son activité libérale depuis le 26 octobre 2015 et que son activité en qualité de chirurgien-dentiste salarié de la SELARL [4]» a été prise en compte au fichier national des professionnels de santé à compter du 27 octobre 2015.

M. [Y] [K] indique qu'au regard du droit des procédures collectives et en tant que débiteur en cours de liquidation judiciaire, il ne peut exercer qu'une activité salariale.

A titre subsidiaire l'appelant soutient qu'il ressort du tableau récapitulatif des cotisations maximales dues pour l'année 2021 publié sur site de la CARCDSF que, le montant des sommes de cotisations réclamées par cette dernière est erroné. De sorte que, M. [Y] [K] demande à la cour si elle venait à valider les contraintes querellées de les limiter au montant réactualisé par la CARCDSF sur le fondement de ses revenus réels.

Au soutien de ses prétentions la CARCDSF fait valoir que, les statuts de la SELARL [4]» montrent que M. [Y] [K] est un associé professionnel de la société d'exercice libéral et qu'à ce titre, les cotisations de ce dernier doivent être assises sur l'ensemble des revenus professionnels trouvant leur origine dans l'exercice de sa profession, peu important leur forme ou qualification fiscale, et relèvent de son ressort et non du régime général. La CARCDSF conclut que M. [Y] [K] n'étant pas gérant de la SELARL [4]», il n'a pas à être affilié aux assurances sociales du régime général.

Selon la CARCDSF aux termes de l'article 21 des statuts de la SELARL [4]», M. [Y] [K] demeure responsable de l'ensemble de ses actes professionnels accomplis au sein de la dite société et qu'à ce titre il doit posséder une assurance professionnelle souscrite à titre personnel.

La CARCDSF argue que, M. [Y] [K] est inscrit en tant que chirurgien-dentiste conventionné et qu'il a bénéficié en son nom propre de remboursement pour un montant d'honoraires de 203 295 euros au titre des actes médicaux effectués sous convention. Elle ajoute que ces prestations ne peuvent être attribuées qu'à des chirurgiens-dentistes ayant exercé une activité professionnelle non salariée.

La CARCDSF soutient que la cour de cassation retient qu'un chirurgien-dentiste, exerçant sa profession sous le couvert d'une société d'exercice libéral, reste tenu de la même obligation d'affiliation en matière d'assurance vieillesse qu'avant la création de la société et relève encore du régime de retraite obligatoire des chirurgiens-dentistes.

S'agissant du contrat de travail de M. [Y] [K], la CARCDSF ajoute qu'à la lecture dudit contrat, le lien de subordination n'est pas caractérisé, d'autant qu'il reste personnellement responsable de ses actes professionnels, soumis personnellement aux règles de la profession dentaire dont les règles déontologiques, soumis personnellement au régime conventionné de la CPAM et inscrit personnellement à l'ordre des dentistes.

La CGSSM déclare avoir effectué des recherches auprès de ses services et confirme que l'appelant est déclaré comme salarié sur les déclarations sociales nominatives de la société  la SELARL [4]».

L'IRCOM précise dans ses écritures qu'il n'a pas de pouvoir décisionnaire sur l'affiliation d'un travailleur ou non, auprès de son institution et se trouve directement lié par la décision d'affiliation de la CGSSM. De ce fait sa position est identique à celle de la CGSSM.

Sur ce, les statuts de la société précisent à l'article 8 que M. [Y] [K] est associé minoritaire à hauteur de 1 % tandis que sa fille détient 99 % des parts.

Selon la jurisprudence, peu importe l'existence d'un contrat de travail, la qualité de gérant minoritaire d'une société à responsabilité limitée rend, à elle seule, obligatoire l'affiliation aux assurances sociales du régime général et, par voie de conséquence, ouvre droit, pour l'intéressé, aux prestations afférentes, qu'il soit par ailleurs lié ou non à la société par un contrat de travail.

Dans une SELARL seul le gérant minoritaire peut devenir salarié de la société dès lors qu'il est en mesure de démontrer sa subordination à la société pour cette fonction.

Par ailleurs, les gérants minoritaires de SARL ne sont obligatoirement assujettis en tant que salariés que s'ils sont rétribués.

- Concernant le lien de subordination,

Ce lien est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives et d'en contrôler l'exécution.

En l'espèce, l'appelant verse au débat les statuts de la SELARL dont il est salarié et justifie que détenant uniquement 1% des parts il ne peut s'opposer à aucune décision de l'associé majoritaire. Seule Mme [V]-[P] [F] [Y] qui détient 99% du capital social de la SELARL dispose des pleins pouvoirs pour nommer, révoquer le gérant et représenter la société dans ses relations avec les tiers.

M. [Y] [K] fournit des pièces, contrat de travail, avenants du 25 octobre 2015 et du 25 janvier 2019 enregistrés au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, ainsi que le justificatif de son affiliation à la retraite complémentaire des salariés depuis octobre 2015.

Par ailleurs, le contrat de travail précise les horaires, le montant de la rémunération, le lieu de travail avec la mise à disposition du matériel et des outils de travail de la SELARL.

Enfin les actes médicaux conventionnés pratiqués sont remboursés non pas à M. [Y] [K] lui-même, mais à la SELARL [4]».

Ces éléments permettent d'établir que M. [Y] [K] fourni une prestation de travail pour le compte de la SELARL.

- Concernant la rémunération

Les dispositions de l'article 311-3 du code de la sécurité sociale exigent une rémunération du gérant minoritaire comme condition de l'affiliation au régime général (Cass. ch. réunies, 24 juin 1966, no 63-18.821, Bull. civ. ch. réunies, no 4, p. 3).

Les pièces versées aux débats démontrent le versement par la SELARL [4]» au profit de M. [Y] [K], d'un salaire mensuel soumis à toutes les cotisations salariales, notamment : l'assurance maladie, l'assurance vieillesse, l'assurance chômage, la retraite complémentaire.

Enfin, le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes reconnaît dans son attestation du 14 septembre 2021 le statut de collaborateur salarié à M. [Y] [K]. La CGSSM a également précisé dans son attestation de radiation du 12 juillet 2017 que ce dernier a cessé son activité libérale depuis le 26 octobre 2015 et que son activité en qualité de chirurgien-dentiste salarié de la SELARL [4]» a été prise en compte au Fichier National des Professionnels de Santé à compter du 27 octobre 2015.

Par conséquent, il se déduit de ces éléments que l'activité professionnelle de M. [Y] [K] a été réalisé au profit de la SELARL [4]» en tant que gérant minoritaire et que ses revenus perçus doivent être soumis à cotisations sociales du régime général.

C'est donc à tort que les premiers juges ont validé la contrainte délivrée par la CARCDSF et signifiées le 13 décembre 2019, relatives aux cotisations et contributions sociales exigibles au titre des années 2018 pour un montant de 32 638,60 euros

- Sur la demande de remboursement des cotisations versées par la SELARL [4]» à la CGSSM et l'IRCOM.

La cour ayant jugé que M. [Y] [K] n'est redevable à l'encontre la CARCDSF d'aucune somme, la SELARL [4]» sera déboutée de ses demandes de remboursement de cotisations à l'IRCOM et à la CGSSM.

- Sur les frais irrépétibles et dépens

La CARCDSF succombant, elle sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CARCDSF sera condamnée à régler la somme de 1 000 euros à M. [Y] [K], 800 euros à la SELARL [4]», 500 euros à l'IRCOM et 500 euros à la CGSSM titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- déclare recevable en son intervention en cause d'appel la SELARL [4]»,

Infirme le jugement du 26 août 2021 du pôle social du tribunal judiciaire de Fort de France en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

- dit nulle la contrainte délivrée par la CARCDSF et signifiées le 13 décembre 2019 , relatives aux cotisations et contributions sociales exigibles au titre des années 2018 pour un montant de 32 638,60 euros sera annulée,

- déboute la Caisse Autonome de Retraite des Chirurgiens-Dentistes et des Sagefemmes (CARCDSF) de l'intégralité de ses prétentions,

- déboute la SELARL [4]» de l'intégralité de ses prétentions,

- condamne la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages femmes aux dépens de la procédure d'appel,

- condamne la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages femmes à régler la somme de 1 000 euros à M. [Y] [K], 800 euros à la SELARL [4]», 500 euros à l'IRCOM et 500 euros à la CGSSM titre de l'article 700 du code de procédure civile

Et ont signé le présent arrêt Mme Séverine BLEUSE, Conseillère présidant l'audience et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffière

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00209
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;21.00209 ?
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