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28/05/2024 | FRANCE | N°22/00065

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 28 mai 2024, 22/00065


ARRET N°



N° RG 22/00065



N°Portalis DBWA-V-B7G-CJMN















M. [K] [L]





C/



S.A.S. CARREFOUR VOYAGES



S.A. BRED BANQUE POPULAIRE















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 28 MAI 2024





Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Fort de France, en date du 18 Janvier 2022, enregistré sous le n° 2019/0

592 ;





APPELANT :



Monsieur [K] [L], gérant de société, venant aux droits de la Société PASS TRAVEL

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]



Représenté par Me Isabelle TAVERNY, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Jean-Noël SANCHEZ, avocat p...

ARRET N°

N° RG 22/00065

N°Portalis DBWA-V-B7G-CJMN

M. [K] [L]

C/

S.A.S. CARREFOUR VOYAGES

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 28 MAI 2024

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Fort de France, en date du 18 Janvier 2022, enregistré sous le n° 2019/0592 ;

APPELANT :

Monsieur [K] [L], gérant de société, venant aux droits de la Société PASS TRAVEL

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Isabelle TAVERNY, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Jean-Noël SANCHEZ, avocat plaidant, au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A.S. CARREFOUR VOYAGES, prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alban-Kévin AUTEVILLE, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Caroline DEMEYERE de la SELARL BEDNARSKI - CHARLET & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LILLE

S.A. BRED BANQUE POPULAIRE, agissant poursuites et diligences de son dirigeant en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Régine ATHANASE de la SELARL ATHANASE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été Communiquée au Mnistère Public représenté par, Madame B. SENECHAL, Vice- procureur placée, qui a fait connaître son avis.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mars 2024 sur le rapport de Mme Nathalie RAMAGE, devant la cour composée de :

Présidente : Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Amandine PELATAN, Vice -Présidente placée

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 28 Mai 2024 ;

ARRÊT : Contradictoire

Pononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'alinéa 2 de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 26 avril 2016, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Pass'travel, dirigée par M. [K] [L], procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 28 juin 2016.

La SELARL Montravers-[T], prise en la personne de Maître [J] [T], a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Suivant exploit délivré le 7 janvier 2019, le mandataire liquidateur a fait assigner M. [K] [L] en comblement de passif de la SARL Pass'travel.

Par acte délivré le 22 janvier 2019, M. [K] [L] a fait assigner la SAS Carrefour voyages et la société anonyme coopérative de Banque populaire BRED Banque populaire devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France afin d'obtenir leur condamnation à lui payer les sommes de :

- 1 707 395,04 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande,

- 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 18 janvier 2022, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a :

- déclaré les actions en comblement du passif et en responsabilité entreprises par M. [K] [L] irrecevables en raison du défaut de qualité à agir de ce dernier,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée soulevée par la BRED Banque populaire,

- débouté M. [K] [L] de l'intégralité de ses prétentions,

- condamné M. [K] [L] à payer à la SAS Carrefour voyages et à la BRED Banque populaire les sommes suivantes :

- 10 000 euros à chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 5 000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] [L] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

Par déclaration électronique du 16 février 2022, M. [K] [L] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [K] [L] aux droits de la société Pass'travel, de sa demande indemnitaire contre Carrefour voyages, BRED Banque populaire à hauteur de 1 707 395,04 euros au titre de ses actions en comblement de passif et en responsabilité contractuelle, assortie des intérêts légaux à compter du jour de l'assignation du 22 janvier 2019, alors que :

* l'action judiciaire est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention en application de l'article 31 du code de procédure civile, sa condamnation au titre de sa caution contre Carrefour voyages et la BRED Banque populaire lui permettant son action récursoire, sans que l'article L 651-2 du code de commerce puisse limiter cette action ;

* l'article L 651-1 du code de commerce permet toute action contre le dirigeant de fait qu'est Carrefour voyages, sans restriction de l'auteur de l'action au sens de l'article L 651-3 du code de commerce,

* la condamnation de M. [L] comme caution lui permet d'agir directement de façon récursoire si les organes prévus à l'article L 651-3 du code de commerce ne l'ont pas fait,

* le passif est né du soutien abusif de la BRED et de la gestion de fait de la société Carrefour voyages ainsi que les pièces produites dont les rapports d'expertise l'ont établi,

* la pièce n°36, action de Maître [T], ne se fonde sur aucune décision ayant l'autorité de la chose jugée,

* l'action sur le fond dans le cadre d'une action en comblement de passif est du ressort même de la juridiction commerciale,

- débouté M. [K] [L] aux droits de la société Pass'travel, de sa demande de dommages et intérêts de 1 000 000 euros contre Carrefour voyages, BRED Banque populaire,

- débouté M. [K] [L] aux droits de la société Pass'travel, de sa demande de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile contre Carrefour voyages, BRED Banque populaire,

- condamné M. [K] [L] aux droits de la société Pass'travel au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de Carrefour voyages, BRED Banque populaire,

- condamné M. [K] [L] aux droits de la société Pass'travel au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Carrefour voyages et de la BRED Banque populaire,

- condamné M. [K] [L] aux droits de la société Pass'travel aux dépens.

L'affaire a été orientée à bref délai.

La SAS Carrefour voyages s'est constituée intimée le 22 février 2022.

La SA BRED Banque populaire s'est constituée intimée le 17 mars 2022.

Aux termes de ses premières et dernières conclusions d'appel notifiées par voie électronique le 28 mars 2022, M. [K] [L] demande à la cour de :

- saisir la Cour européenne des droits de l'Homme de la compatibilité des article L. 651-1, L. 651-2 et L. 651-1 avec l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme,

- infirmer le jugement du 18 janvier 2022 (RG 2019/0592) rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France sur les chefs de critiques exposés ;

En conséquence,

- déclarer la demande de M. [L] venant aux droits de la société Pass'travel recevable et bien fondée,

- condamner solidairement la société Carrefour voyages et la banque BRED Banque populaire à payer conjointement à M. [L] et à la société Pass'travel la somme de 1 707 395,04 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;

- condamner solidairement la société Carrefour voyages et la banque BRED Banque populaire, à payer conjointement à M. [L] et à la société Pass'travel à lui payer la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner solidairement la société Carrefour voyages et la banque BRED Banque populaire à payer conjointement à M. [L] et à la société Pass'travel à payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Jean Noël Sanchez en application de l'article 699 du code civil,

- condamner solidairement la société Carrefour voyages et la banque BRED Banque populaire aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2022, la BRED Banque populaire demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré les actions en comblement du passif et en responsabilité entreprises par M. [L] irrecevables pour défaut de qualité à agir de ce dernier,

* condamné M. [L] à payer à la BRED les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté M. [L] de l'intégralité de ses prétentions,

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée soulevée par la BRED ;

Statuant à nouveau,

- déclarer M. [L] irrecevable en sa demande en responsabilité contre la BRED au titre d'un soutien abusif en raison de l'autorité de la chose jugée,

- condamner M. [K] [L] à payer à la BRED les sommes 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens.

Par arrêt avant dire droit du 25 juillet 2023, la cour a :

- ordonné la réouverture des débats afin de communiquer la procédure au ministère public, lui permettre de faire connaître son avis, permettre aux parties d'y répondre et de conclure sur l'incidence de l'absence de communication de la procédure au ministère public devant le premier juge,

- ordonné la communication de la procédure au ministère public,

- renvoyé l'affaire à la conférence du 18 janvier 2024, aux fins de clôture et de fixation à l'audience collégiale du 22 mars 2024 :

- invité le ministère public à faire connaître son avis avant le 6 octobre 2023,

- invité les intimés à conclure avant le 9 novembre 2023,

- invité l'appelant à conclure avant le 21 décembre 2023,

- réservé les droits des parties.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 08 novembre 2023, la société Carrefour voyages demande à la cour de :

- juger irrecevable et mal fondée la demande de saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme formée pour la première fois devant la cour par M. [L],

- confirmer le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France en date du 18 janvier 2022 en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- juger irrecevable la demande de M. [L] tendant tout à la fois à condamner la société Carrefour voyages au passif de la société Pass'travel et à la condamner à une somme de 1 000 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'exécution du contrat de franchise et ce, faute de qualité et de droit à agir,

- juger irrecevable de ce chef l'action récursoire revendiquée par M. [L] en sa qualité de caution, ce dernier ne pouvant se substituer à Maître [T] en qualité de liquidateur de la société Pass'travel, outre qu'il n'a ni déclaré de créance à ce titre au passif de cette dernière ni payé la société Carrefour voyages en sa qualité de caution suite aux condamnations prononcées à son encontre,

- juger que M. [L] ne justifie d'aucune faute à l'égard de la société Carrefour voyages s'agissant de l'exécution du contrat de franchise,

- juger que M. [L] ne justifie d'aucun mandat au titre de la négociation d'incentives ou de marges arrières avec les fournisseurs et qu'il ne justifie par conséquent d'aucune somme qui lui serait due à ce titre par la société Carrefour voyages,

- juger par ailleurs que M. [L] ne justifie aucunement de la somme réclamée à titre de dommages et intérêts à hauteur de 1 000 000 euros,

- débouter en conséquence M. [L] de toutes demandes de ce chef,

- juger par ailleurs que M. [L] ne justifie aucunement de la qualité de gérant de fait de la société Carrefour voyages,

- juger que M. [L] ne justifie pas davantage de quelconques fautes de gestion de la part de la société Carrefour voyages,

- juger en outre que M. [L] ne justifie d'aucun lien de causalité entre l'insuffisance d'actif de la société Pass'travel et les prétendues fautes reprochées à la société Carrefour voyages,

- débouter en conséquence M. [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [L] au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

- condamner M. [L] au paiement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Me Alban-Kévin Auteville, avocat aux offres de droit.

M. [L] et la BRED n'ont pas conclu après la réouverture des débats.

Le parquet général a conclu le 02 octobre 2023 à la confirmation du jugement.

L'instruction a été clôturée le 18 janvier 2024 et l'affaire appelée à l'audience collégiale du 22 mars 2024.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS :

1/ Sur la nullité du jugement :

La cour, dans son arrêt avant-dire droit du 25 juillet 2023, a sollicité les observations des parties sur la nullité du jugement encourue au regard des dispositions de l'article 425 du code de procédure civile.

Aucune des parties n'a formulé les observations sollicitées.

Le jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France du 18 janvier 2022, statuant sur l'action en comblement de passif initiée par M. [L], ne fait mention d'aucune communication de la procédure au ministère public.

Il doit en conséquence être annulé.

2/ Sur la demande de saisine de la Cour européenne des droits de l'homme :

L'appelant demande in limine litis à la cour de saisir la Cour européenne des droits de L'Homme de la compatibilité des articles L 651-1, L 651-2 et L 651-1 avec l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Les intimées soulèvent l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en cause d'appel d'une part et en ce que la Cour européenne ne peut être saisie qu'après épuisement des voies de recours internes.

La demande de l'appelant est effectivement irrecevable dès lors que la saisie de la Cour européenne des droits de l'homme suppose l'épuisement des voies de recours internes, lequel fait en l'espèce défaut.

3/ Sur la recevabilité des actions en comblement de passif et en responsabilité contractuelle :

M. [L] soutient qu'en application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, son action est recevable puisqu'il a un intérêt à agir comme ayant été condamné en première instance à payer le passif de la société Pass'travel sur la créance de la société Carrefour voyages.

Il prétend que ledit article 31 lui ouvre une action récursoire du fait de sa condamnation comme caution et lui permet d'agir aux droits de la société Pass Travel si les organes de la procédure sont défaillants.

Il se prévaut en outre des dispositions des articles L 651-1 du code de commerce permettant toute action contre le dirigeant de fait qu'est Carrefour voyages et de l'article L 651-3 du même code visant l'hypothèse d'une défaillance des organes de la liquidation judiciaire.

La société Carrefour voyages relève que M. [L] part du postulat qu'il a payé en qualité de caution, ce qu'elle conteste, faisant valoir que l'action récursoire de M. [L] est irrecevable en ce que, n'ayant effectué aucun paiement en sa qualité de caution, il ne peut prétendre à la subrogation dans les droits du débiteur.

Elle affirme que l'action en comblement de passif est réservée aux seuls liquidateur, ministère public et sous certaines conditions les contrôleurs, à l'exclusion du dirigeant caution de la société liquidée ; que la preuve du soutien abusif et la gestion de fait auquel il prétend du chef de la société Carrefour voyages et de la BRED n'est pas rapportée.

Elle expose encore que l'action en responsabilité civile introduite par M. [K] [L] est irrecevable pour défaut de qualité à agir de ce dernier, d'autant que cette action ne peut se cumuler avec une action en comblement de passif.

Elle précise que la cour d'appel de Paris a débouté M. [L] de l'intégralité de ses prétentions relativement aux prétendues fautes qui auraient été commises par la société Carrefour voyages en sa qualité de franchiseur, et soutient que cette décision s'impose aujourd'hui à M. [L] comme étant revêtue de l'autorité de chose jugée, nonobstant le pourvoi en cassation formé par ce dernier.

La BRED soulève l'irrecevabilité à agir contre elle en comblement de passif par M. [L] au nom de la société Pass'travel, mais aussi en son propre nom au titre d'un soutien abusif contre la banque.

Elle indique que dans l'instance introduite par la BRED ayant abouti au jugement du 06 novembre 2018 et à l'arrêt confirmatif du 15 septembre 2020, M. [L] était recherché en sa qualité de caution, et aussi bien le tribunal que la cour l'ont déchargé de ses obligations à ce titre ; que le tribunal a expressément retenu la responsabilité de la BRED à l'égard de M. [L] au titre d'un soutien abusif de Pass'travel et l'a indemnisé du préjudice ; que le litige entre la BRED et M. [L] portant sur la responsabilité de la banque pour soutien abusif du débiteur ayant causé un préjudice à la caution a donc définitivement été jugé au fond ; qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 06 novembre 2018 et à l'arrêt confirmatif du 15 septembre 2020, M. [L] est irrecevable en sa qualité de caution à agir en responsabilité contre la BRED pour les mêmes faits.

La cour retient que si l'article 31 du code de procédure civile ouvre l'action à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, il restreint ce droit comme suit : « sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

S'agissant de l'action en comblement de passif, cette qualité est réservée par l'article L 651-3 du code de commerce au liquidateur, au ministère public et à la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le liquidateur n'a pas engagé l'action.

M. [L], qui se prévaut de sa qualité de caution et de créancier de la société liquidée, ne justifie d'aucun paiement effectif en cette qualité, ni ne démontre que ce paiement fait de lui une « majorité des créanciers », étant par ailleurs observé que le liquidateur a agi en comblement de passif de la société Pass'travel' à l'encontre de M. [L].

Ce dernier ne pouvant se substituer au liquidateur, la demande au titre du comblement de passif est irrecevable.

S'agissant de la demande au titre de la responsabilité des intimées, M. [L] ne peut pas plus prétendre venir aux droits de la société Pass 'travel en sa qualité de caution de cette dernière au regard des dispositions de l'article L 641-9 du code de commerce et en ce que le recours exercé par une caution suppose un paiement effectué par cette dernière, lequel n'est, pour rappel, pas justifié en l'espèce, et est exercé à l'encontre du débiteur principal, soit la société Pass 'travel.

Cette demande apparaît donc également irrecevable, sans examen surabondant des autres fins de non-recevoir soulevées.

3/ Sur les demandes de dommages et intérêts :

3-1/ Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société Carrefour voyages et la BRED ont toutes deux sollicité en première instance la condamnation de M. [L] à leur verser à chacune la somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

L'évidente irrecevabilité des demandes de M. [L] conduit à retenir que celui-ci a agi avec une légèreté blâmable, sa démarche étant manifestement vouée à l'échec.

La réparation du préjudice ainsi causé à la société carrefour voyages et à la BRED justifie l'allocation à chacune d'une somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts.

3-2/ Sur les demandes de dommages et intérêts pour appel abusif :

Les intimées précitées sollicitent des sommes et intérêts pour appel abusif, d'un montant, respectivement, de 10 000 et 50 000€.

L'appel interjeté par M. [L] ayant permis à la cour de relever l'absence de communication de la procédure au ministère public et ayant conduit à l'annulation du jugement pour ce motif, il ne peut être considéré comme abusif, ce, même si l'annulation n'a pas été sollicitée par l'appelant et si celui-ci succombe en l'intégralité de ses prétentions.

4/ Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant en première instance comme en cause d'appel, M. [L] supportera la charge des dépens des deux instances.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la société Carrefour voyages et de la BRED l'intégralité des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

La somme de 3 000€ sera allouée à chacune au titre des frais irrépétibles engagés en première instance, et celle de 5 000€ devra leur être également versée par M. [L] au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

ANNULE le jugement du tribunal mixte de commerce de Fort de France du 18 janvier 2022 en l'absence de communication de la procédure au ministère public ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE M. [K] [L] irrecevable en toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la société Carrefour voyages la somme de 10 000€ (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la BRED Banque populaire la somme de 10 000€ (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE M. [K] [L] aux dépens ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la société Carrefour voyages la somme de 3 000€ (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la BRED Banque populaire la somme de 3 000€ (trois mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Et y ajoutant,

DÉBOUTE la société Carrefour voyages et la BRED Banque populaire de leurs demandes de dommages et intérêts pour appel abusif ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la société Carrefour voyages la somme de 5 000€ (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [K] [L] à payer à la BRED Banque populaire la somme de 5 000€ (cinq mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Mme Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00065
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-28;22.00065 ?
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