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17/05/2024 | FRANCE | N°23/00040

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 17 mai 2024, 23/00040


ARRET N° 24/64



R.G N° 23/00040 -

N° Portalis

DBWA-V-B7H-CLYT



Du 17/05/2024





Association MADI'DEV



C/



[P]













COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU 17 MAI 2024





Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 28 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 22/00005





APPELANTE :



Asso

ciation MADI'DEV Prise en la personne de son Président

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Frédérique URSULE, avocat au barreau de MARTINIQUE







INTIME :



Monsieur [Y] [P]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représenté par Me Alizé APIO...

ARRET N° 24/64

R.G N° 23/00040 -

N° Portalis

DBWA-V-B7H-CLYT

Du 17/05/2024

Association MADI'DEV

C/

[P]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 17 MAI 2024

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 28 Septembre 2022, enregistrée sous le n° 22/00005

APPELANTE :

Association MADI'DEV Prise en la personne de son Président

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique URSULE, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIME :

Monsieur [Y] [P]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Alizé APIOU-QUENEHERVE, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 février 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

- Madame Anne FOUSSE, Présidente

- Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

- Madame Séverine BLEUSE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l'audience publique du 16 février 2024,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 19 avril 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, délibéré prorogé au 17 mai 2024.

ARRET : Contradictoire

*************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [Y] [P] a été embauché par l'Association Madi'dev selon contrat à durée déterminée à temps complet pour six mois soit du 26 mai au 25 novembre 2021 en qualité de monteur câbleur. Son salaire brut était de 1554,62 euros.

Par courrier du 30 octobre 2021, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, se plaignant de retenues injustifiées sur son salaire.

S'estimant lésé, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 11 janvier 2022, pour faire reconnaître la prise d'acte aux torts de l'employeur et voir dire qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter diverses indemnités en découlant.

Par jugement contradictoire du 28 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Fort-de-France a :

- dit reconnaître que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [Y] [P] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'Association Madi'dev à lui payer la somme de :

- 1554, 62 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1554,62 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 155,42 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 1500 euros à titre de retenue à tort sur salaires,

- débouté M. [Y] [P] de ses autres demandes,

- condamné L'association Madi'dev aux dépens ;

Le conseil a, en effet, considéré que M. [Y] [P] était bien fondé en sa demande de requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais n'a pas retenu le travail dissimulé de l'employeur.

Par déclaration électronique du 15 février 2023, l'Association Madi'dev a relevé appel du jugement dans les délais impartis.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 décembre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre 2023, l'appelante demande à la cour de :

- Déclarer l'appel de l'Association MADI'DEV recevable et bien fondé ;

EN CONSEQUENCE

- Infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné l'Association MADI'DEV au paiement des sommes suivantes :

* 1554,62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse ;

* 1554,62 € à titre d'indemnité de préavis ;

* 155,42 € à titre de d'indemnité de congés payés sur préavis ;

- Constater que l'Association MADIDEV souhaite régler les 1500 € au titre de la retenue sur salaire et sollicite l'IBAN de l'intimé pour ce faire,

Et ce faisant :

- Débouter Monsieur [Y] [P] de l'ensemble de ses demandes ;

- Confirmer la décision de première instance pour le surplus ;

- Condamner Monsieur [Y] [P] à payer à l'Association MADI'DEV la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2023, M. [Y] [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- statuant de nouveau sur ce point :

- condamner l'Association Madi'dev à lui verser la somme de 9327,72 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- statuer ce que de droit sur les dépens en matière d'aide juridictionnelle ;

MOTIVATION

- Sur la rupture anticipée du CDD

La Cour rappelle que la rupture anticipée du CDD est celle qui intervient avant le terme initialement fixé en l'espèce avant le 25 novembre 2021.

Tel est bien le cas de cette rupture intervenue par courrier du 30 octobre 2021, avant le terme.

Or le CDD ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure, d'inaptitude du salarié ou encore si le salarié justifie d'une embauche en CDI.

En cas de rupture anticipée du CDD par le salarié, il appartient aux juges de vérifier si la rupture a pour origine une faute grave de l'employeur.

En cas de faute grave de l'employeur le salarié ne peut que prétendre à l'indemnité compensatrice de congés calculés sur la période antérieure à la rupture ainsi qu'à des dommages et intérêts en fonction du préjudice subi, ou à l'indemnité de fin de contrat dans les conditions prévues par les articles L 1243-8 à L1243-10.

Il s'ensuit que le Conseil de Prud'hommes ne pouvait requalifier la prise d'acte de la rupture du salarié d'un contrat à durée déterminée, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour lui allouer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis, de congés payés sur préavis.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

Il convient toutefois d'apprécier si l'employeur a commis une faute suffisamment grave pour justifier la rupture anticipée de son contrat de travail par le salarié.

Celui-ci invoque les retenues abusives sur son salaire.

Lesdites retenues ne sont pas niées et apparaissent effectivement sur les bulletins de salaire de M. [Y] [P] dès le mois de juin 2021, juillet, août et septembre 2021, pour la somme de 1500 euros.

L'employeur indique avoir constaté des dégradations sur le matériel fourni au salarié, et reconnaît avoir procédé à un recadrage.

Il ne justifie pas pour autant de telles dégradations et n'était pas non plus autorisé par le code du travail à sanctionner le salarié sur son salaire.

Aux termes de ses écritures d'appel, il reconnaît une erreur de sa part.

La Cour considère que le non paiement du salaire dû dans sa totalité constitue une faute grave de l'employeur qui justifiait la rupture anticipée du contrat de travail par le courrier du 30 octobre 2021.

Le salarié sollicite une indemnité égale à un mois de salaire d'un montant de 1554,62 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture dont il s'agit ne pouvant être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne sera pas fait droit à cette demande, étant précisé en outre qu'il ne fait pas état ni ne justifie d'aucun préjudice, la Cour n'étant pas informée de sa situation personnelle dans les suites immédiates de la rupture anticipée du contrat de travail.

- Sur la demande au titre des rappels de salaire

L'employeur expose que seule la somme de 1500 euros a été retenue sur les bulletins de paie des mois de juin, juillet, août et septembre 2021, et non celle de 1700 euros.

Le Conseil de Prud'hommes a d'ailleurs alloué au salarié la somme de 1500 euros au vu des bulletins de salaire produits aux débats.

Le salarié sollicite la confirmation du jugement.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

- Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 (dissimulation d'activité) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche,

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il mentionne sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce,  l'Association Madi'dev prétend avoir procédé à la DPAE dès l'embauche et lui avoir remis ses bulletins de salaire de juin à novembre 2021. Elle affirme donc que celui-ci a régulièrement été déclaré dès le 26 mai 2021. Elle soutient que l'absence de mise à jour des relevés de carrière ne lui est pas imputable mais qu'elle est un problème récurrent de la CGSS; que la remise des bulletins de paie traduit l'absence de volonté de dissimulation.

De son côté, le salarié maintient que le relevé de carrière permet de constater qu'il n'a pas été déclaré et maintient sa demande d'indemnité à hauteur de 9327,72 euros.

Il apparaît effectivement que l'employeur a bien procédé à la déclaration préalable à l'embauche le 27 mai 2021 et a bien délivré les bulletins de salaire à M. [Y] [P].

L'intention de dissimulation d'emploi n'est donc pas caractérisée, nonobstant le relevé de carrière produit aux débats qui bien qu'édité le 20 décembre 2021, ne retrace que la synthèse des droits du salarié au 1er janvier 2022.

Il est rappelé que le salarié a été embauché le 26 mai 2021, de sorte qu'il n'est toujours pas démontré en cause d'appel que le caractère incomplet dudit relevé de carrière incombe à l'employeur.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il déboute le salarié de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 28 septembre 2022 en ce qu'il a débouté M. [Y] [P] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, et condamné l'Association Madi'dev à lui payer la somme de 1500 euros à titre de retenue à tort sur salaire,

L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la Cour,

Statuant à nouveau,

Dit que la rupture anticipée par M. [Y] [P] de son contrat de travail à durée déterminée ne peut s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [Y] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel lesquels seront recouvrés comme matière d'aide juridictionnelle.

Et ont signé le présent arrêt Mme Anne FOUSSE, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffière

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00040
Date de la décision : 17/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-17;23.00040 ?
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