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10/05/2024 | FRANCE | N°22/00002

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 10 mai 2024, 22/00002


ARRET N° 24/57



R.G : N° RG 22/00002 - N° Portalis DBWA-V-B7G-CI5N



Du 10/05/2024





[Z]



C/



S.A.S. SOCOARMES













COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU 10 MAI 2024





Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Fort de france, décision attaquée en date du 28 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00453





APPELANTE :
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Madame [K] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Marie céline COSPAR, avocat au barreau de MARTINIQUE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004396 du 09/12/2021 accordée par le bureau d'aide j...

ARRET N° 24/57

R.G : N° RG 22/00002 - N° Portalis DBWA-V-B7G-CI5N

Du 10/05/2024

[Z]

C/

S.A.S. SOCOARMES

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 10 MAI 2024

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Fort de france, décision attaquée en date du 28 Septembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00453

APPELANTE :

Madame [K] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Marie céline COSPAR, avocat au barreau de MARTINIQUE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004396 du 09/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de FORT DE FRANCE)

INTIMEE :

S.A.S. SOCOARMES prise en la personne de son Président exercice

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle OLLIVIER de la SELARL AGORALEX, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 décembre 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Séverine BLEUSE, Conseillère, chargée du rapport et présidant l'audience. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

- Madame Séverine BLEUSE, Conseillère présidant l'audience

- Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de chambre

- monsieur Thierry PLUMENAIL , Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Rose-Colette GERMANY,

DEBATS : A l'audience publique du 08 Décembre 2023,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 08 mars 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, délibéré prorogé au 10 mai 2024.

ARRET : Contradictoire

*****************

EXPOSE DU LITIGE :

Aux termes de plusieurs contrats à durée déterminée, dont le premier débutait le 26 octobre 2006, Mme [K] [Z] a été embauchée par la société Socolam Carrefour au poste d'employé libre service.

Le 1er décembre 2010, cette dernière a signé avec la société Socolam Carrefour un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité d'employée, niveau 2B.

Le 1er février 2012, son contrat de travail a été  transféré à la société Socoarmes.

Le 29 juin 2019, Mme [K] [Z] a été mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé réception datée du 25 juillet 2019, la société Socoarmes a notifié à Mme [K] [Z] son licenciement pour faute grave.

Le 25 octobre 2019, Mme [K] [Z] a saisi le Conseil des prud'hommes de Fort-de-France.

Par jugement en date du 28 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [K] [Z] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [K] [Z] aux dépens,

- débouté la Sas Socoarmes de sa demande de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil de prud'hommes a considéré que la faute grave était avérée au motif que Mme [Z] avait violé les consignes professionnelles.

Par déclaration électronique 4 janvier 2022, Mme [K] [Z] a interjeté appel du jugement dans les délais impartis.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 septembre 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, Mme [K] [Z] demande à la cour de :

- débouter la Sas Socoarmes de l'ensemble de ses demandes,

A titre principal,

- ordonner la réintégration de Mme [K] [Z],

A titre subsidiaire, condamner la société Socoarmes au paiement des sommes suivantes :

- indemnités pour procédure irrégulière : 1.628,31 euros,

- indemnités compensatrices de préavis : 3.256,62 euros,

- congés payés sur préavis : 488,49 euros,

- indemnités de licenciement : 3.663,69 euros,

- indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14.654,79 euros,

- rappels de salaire de mise à pied : 1.334,69,

- congés payés sur rappels de salaire : 133,46 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 2.500 euros,

- dommages et intérêts pour rupture abusive : 5.000 euros.

- Condamner la société Socoarmes aux dépens

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 septembre 2023, la société Socoarmes demande à la cour de :

A titre principal,

dire n'y avoir lieu à statuer, la cour n'étant saisie d'aucun litige ;

A titre subsidiaire,

confirmer le jugement rendu le 28 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Fort-de-France en ce qu'il a :

- débouté Mme [K] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Mme [K] [Z] aux entiers dépens ;

A titre plus subsidiaire,

- juger fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [K] [Z],

- juger que l'accord collectif du commerce de la Martinique du 20 mai 1998 n'est pas applicable,

- juger que seule la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 est applicable à la société Socoarmes ;

A titre infiniment plus subsidiaire,

- réduire à de plus juste proportions l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter Mme [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêt pour rupture abusive ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [K] [Z] à payer à la Sas Socoarmes la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRET :

A titre liminaire

1- Sur la recevabilité de l'appel de Mme [K] [Z]

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 il est précisé que «l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible».

L'article 901, 4° du même code prévoit «que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible».

La déclaration d'appel qui ne mentionne pas les chefs du jugement critiqués peut être sanctionnée de deux manières, d'une part par le prononcé de la nullité de la déclaration d'appel par le conseiller de la mise en état, d'autre part par l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel qui ne saisit pas la cour d'appel.

La société Socoarmes rappelle que Mme [K] [Z] a interjeté appel le 4 janvier 2022. Sa déclaration d'appel fait état, dans son objet, d'un «appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués». Toutefois, l'acte d'appel est ensuite rédigé en ces termes : Réformation du jugement qui déboute Madame [Z] de toutes ses demandes, indemnités compensatrices de préavis, congés sur préavis, indemnités de licenciement, indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappels de salaires de mise à pied, congés payés sur rappels de salaires, dommages et intérêts pour rupture abusive et article 700 du CPC.

L'intimée précise que l'acte d'appel ne tend pas à l'annulation du jugement mais précise qu'il s'agit d'une «réformation du jugement» et que par ailleurs, l'énumération qui est faite n'est ni plus ni moins que la liste des demandes formulées devant le Conseil de prudhommes de Fort-de-France.

Elle précise enfin qu'elle ne demande pas la nullité de l'acte d'appel pour vice de forme mais de constater que la cour n'est saisie d'aucun litige

Mme [K] [Z] indique que par conclusions en date du 28 juin 2022, la société Socoarmes a conclu au fond en intimé. Puis, aux termes de conclusions en date du 07 novembre 2022, ladite société a pris des conclusions d'incident excipant de l'irrecevabilité de la déclaration d'appel. Aux termes d'une ordonnance en date du 17 février 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel de Mme [K] [Z] recevable et a condamné la société Socoarmes aux dépens.

Elle reproche à l'intimée de solliciter pour la première fois aux termes de nouvelles conclusions en date du 03 mars 2023, l'absence de litige, cette prétendue nullité ayant été couverte par les conclusions au fond puis en incident.

En l'espèce en première instance devant les juges du fond, Mme [K] [Z] a sollicité la condamnation de la société Socoarmes au paiement des sommes suivantes :

- indemnités pour procédure irrégulière 1 628.31 €,

- Indemnités compensatrices de préavis 3 256.62 €,

- congés payés sur préavis 488.49 €,

- Indemnités de licenciement 3 663.69€,

- Indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse 14 654.79€,

- rappels de salaire de mise à pied 1 334.69 €,

- congés payés sur rappels de salaire 133.46€,

- dommages et intérêts pour rupture abusive 5000 €,

- article 700 du CPC 2 500€.

Les premiers juges ont débouté la demanderesse de l'intégralité de ses demandes et la cour constate que la déclaration d'appel ne mentionne pas un «appel total» mais sollicite la réformation de la décision sur les chefs qu'elle énumère.

Si l'énumération correspond aux demandes formulées par les premiers juges il n'en demeure pas moins que les chefs du dispositif que l'appelant a entendu attaquer sont aisément identifiables dans la déclaration d'appel de sorte que l'effet dévolutif de l'appel doit s'opérer.

L'appel sera donc déclaré recevable.

2- Sur la régularité de la procédure de licenciement

Les juges du fond indiquent que la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement et qu'en l'absence de représentant du personnel élu dans l'entreprise elle a pu se faire assister d'un salarié de l'entreprise. L'employeur a sollicité la présence de M. [U] à ses côtés lors de cet entretien. Considérant que Mme [K] [Z] ne rapporte pas la preuve du caractère préjudiciable de la démarche de la société par cette présence, le conseil des prud'hommes a considéré la procédure comme étant régulière.

Mme [K] [Z] rappelle que l'entretien préalable en date du 11 juillet 2019 s'est tenu en présence de la responsable des ressources humaines, Mme [Y], représentant de l'employeur, le chef de la sécurité M [U] et le représentant du personnel l'assistant, M. [T] [I]. Que par ailleurs, M. [U] ne s'est pas contenté d'assister à l'entretien mais s'est «tranformé en enquêteur» et a demandé à ce que l'appelante fournisse des noms d'autres employés qui auraient procédé à l'application de prix erronés.

Pour la société Socoarmes, en l'absence de précision de l'article L 1232-4 du Code du travail, la jurisprudence rappelle la possibilité pour l'employeur de se faire assister au cours de l'entretien préalable et de pouvoir choisir n'importe quel salarié de son entreprise, dès lors que sa présence est destinée à éclairer les griefs reprochés au salarié et à permettre de recueillir ses explications. L'intimée conteste le fait que M. [U] aurait procédé à un interrogatoire et précise que la salariée n'a procédé à aucun compte rendu sur le déroulé de l'entretien.

Sur ce, il n'est pas contesté que l'employeur peut également être assisté lors de l'entretien préalable au licenciement.

En l'espèce, l'appelante reproche à M. [U] son comportement et le fait qu'il se serait comporté en un enquêteur. La cour constate que Mme [K] [Z] ne rapporte pas la preuve de ses allégations et ne communique aucune pièce au soutien de sa demande pas plus qu'elle ne justifie d'un préjudice ouvrant droit à une indemnisation.

La demande d'indemnités pour procédure irrégulière sera rejetée et la décision du conseil de prud'hommes confirmée de ce chef.

3- Sur le motif de licenciement

Il résulte des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importante telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la période de préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté, mais elle peut résulter de la nature des fonctions exercées et du risque encouru par l'entreprise par le comportement du salarié.

Le juge doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En ce cas, en application de l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif à un licenciement, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles, si un doute persiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement précise qu'après avoir effectué des courses personnelles au magasin, la salariée a été contrôlée et interpellée par la sécurité en possession de barquettes de jarretons et de palettes dont les étiquettes ne correspondaient pas aux poids réels. Lors de l'entretien, la salariée a indiqué qu'elle avait demandé l'autorisation de vendre ces produits à petits prix car ils étaient en fin de vie. De même cette dernière a indiqué utiliser des pinces pour effectuer la pesée des produits afin d'obtenir un prix inférieur à la valeur réelle.

Les juges du fond ont considéré que Mme [K] [Z] avait violé les consignes professionnelles que sont le règlement intérieur et la pratique interne en apposant une étiquette minorant le prix de vente sur certains produits après consigne de la direction.

Mme [K] [Z] indique qu'aux termes d'une lettre en date du 25 Juillet 2019 elle s'est vue notifiée par la société la SAS SOCOARMES son licenciement pour faute grave aux motifs qu'elle avait falsifié le prix réel de produits non avariés en contravention avec le règlement intérieur.

Or Mme [K] [Z] précise qu'elle avait obtenu de son supérieur hiérarchique, comme il est d'usage dans l'entreprise, l'autorisation de prendre des invendus (viande et charcuterie) destinés à la «casse» c'est-à-dire des produits avariés qu'elle a payé à un prix bradé.

Par ailleurs la salariée précise qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction ni remontrance au sein de la société pendant 8 années.

La société intimée précise dans ses écritures qu'elle a été contrainte de licencier pour faute grave Mme [K] [Z] après avoir découvert que le samedi 23 juin 2019, cette dernière avait acheté des barquettes de jarretons et palettes en apposant elle-même des étiquettes de prix ne correspondant pas à leurs poids réels.

Dans un mail en date du 20 juin 2019, M. [U] indique «ce jour sur place, je constate que, sur une de nos caméras, une salariée du stand traiteur, Mme [Z], pose une cuillère sur la balance, et sort plusieurs étiquettes de prix qu'elle colle sur sa main et son avant bras. Avec ces étiquettes, elle se dirige vers l'atelier contigu au stand puis ressort et va dans le magasin. Elle effectue par la suite des courses personnelles et passe en caisse. Elle paye ses produits puis rentre à nouveau dans le magasin, passe par l'atelier chaud traiteur et se rend à son vestiaire.

Elle se dirige ensuite vers le pointeau ou je fais effectuer un contrôle par les agents de sécurité'..Je me rends au pointeau et constate des écarts importants de poids et de prix sur deux articles» (pièce n°17).

Après vérification il s'avère que M. [U] avait obtenu un poids de 0,558 kilo (soit 558 grammes) pour la palette cuite rôtie, contre les 0,178 kilo (178 grammes) mentionnés sur l'étiquette apposée par la demanderesse.

Concernant le jarreton, la différence de poids était de 0,814 k (814 grammes).

M. [U] informera la salariée que le règlement intérieur interdit de modifier le prix de vente des marchandises fixées préalablement et qu'aucune remise ne peut être consentie sur un prix sans l'accord et la signature de la direction ou d'un membre du personnel. Il en est de même pour une modification du prix de vente des marchandises.

Suite à ces faits Mme [K] [Z] a été mise à pied.

La salariée a ainsi délibérément violé la règle consistant à apposer une étiquette de rabais de - 50 % uniquement sur les articles en fin de vie. La salariée n'a pas utilisé d'étiquette de réduction à -50% mais le procédé a consisté à réduire le poids réel des articles concernés et opérer une réduction de 65 % pour la palette cuite et de plus de 75% pour le jarreton alors que les articles n'étaient pas en fin de vie. La société intimée précise de plus que même en fin de vie, les articles ne supportaient pas de telles réductions.

Par ailleurs, les produits concernés n'étaient pas destinés à la «casse». En effet, le supérieur hiérarchique de Mme [K] [Z] de l'époque, M. [M], chef du département produits frais précise dans son attestation en date du 29 juin 2020 qu'il n'existait aucun produit du rayon traiteur destiné à la «casse» parce que périmés et que les produits mis en vente ce jour-là avaient été emballés le matin même. Quand bien même les produits auraient été périmés ils n'auraient pas dû être vendus, puisque l'article 24 du règlement intérieur stipule que «toute sortie de marchandises (casse, démarque, display, présentoir, matériel divers) ne peut se faire que dans le cadre de dons autorisés par la direction et doit faire l'objet d'un bon de sortie établi et signé par celle-ci».

En l'espèce, il ressort des écritures qu'un produit en fin de vie, est un produit qui est encore en rayon, alors que sa date de limite de consommation est proche. La réduction permet de le vendre au plus vite, tant qu'il est encore consommable. Dans ce cas une étiquette - 50 % est par la suite apposée sur l'emballage, par-dessus le prix initial de vente ce qui signifie que le produit est en fin de vie.

Or, les produits trouvés dans le sac de l'appelante et avec lesquels elle s'est présentée à la caisse, portaient une étiquette avec un poids falsifié, mais pas d'étiquette de - 50 %. Il ne s'agissait pas de produit en fin de vie puisqu'il ressort des pièces produites (pièce de la société intimée n°11) que les produits frauduleux avaient été emballés le jour même et donc non périmés.

En réalité le prix falsifié par la salariée lui a permis de s'auto-appliquer une réduction de 65% pour la palette cuite et une de plus de 75% pour le jarretons, soit des promotions bien supérieures à ce que qui est permis pour les articles en fin de vie.

Enfin la salariée ne rapporte pas la preuve d'une autorisation de la Direction qui lui a été accordée pour ses agissements lui permettant de s'affranchir des règles de vente fixées par le règlement intérieur. Elle a en revanche précisé dans ses écritures avoir acheté les articles à un prix réduit parce qu'ils étaient invendus et destinés à «la casse». Or, un produit destiné à «la casse» est un produit dont la date limite de consommation est dépassée, qui ne pouvant plus être mis en vente et devait être immédiatement retiré des rayons et détruit.

Il ressort des éléments communiqués que conformément au règlement intérieur, toute sortie de marchandise payante ou gratuite ne peut se faire sans autorisation de la direction.

Par conséquent, en considérant qu'elle pouvait récupérer des produits comme étant destinés à la casse, en s'octroyant des réductions sans l'accord de sa direction et en violation du règlement intérieur, Mme [K] [Z] a commis des agissements d'une telle importance que le maintien de son contrat de travail était rendu impossible.

La commission de faits fautifs isolés peut justifier un licenciement, sans qu'il soit nécessaire que la salariée ait fait l'objet préalablement d'un avertissement. En l'espèce les faits reprochés à Mme [K] [Z] constituent un comportement déloyal vis à vis de l'employeur par un usage sciemment dévoyé des règles internes de vente et de sortie des marchandises au détriment de l'entreprise.

Enfin la salariée avait accès aux étiquettes et aux marchandises. Par conséquent en dehors d'une surveillance permanente de Mme [K] [Z] dans le supermarché et lors de ses passages en caisse, ce qui n'était pas envisageable pour l'employeur. Dès lors, le contrat de travail devait prendre immédiatement fin, le préavis ne pouvant être exécuté.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimés que ces faits constituaient une faute grave justifiant par conséquent une mise à pied immédiate et une dispense de préavis.

Le jugement entrepris sera confirmé et Mme [K] [Z] sera déboutée de sa demande de préavis, de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement.

Par ailleurs, le licenciement étant jugé pour faute grave, la salariée sera déboutée de sa demande de réintégration.

4- Indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard du développement précédent concluant à un licenciement pour faute grave, la salariée sera donc déboutée de sa demande d'indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement.

5- Rappel de salaire de mise à pied et congés payés sur rappel de salaire

Mme [K] [Z] a été mise à pied conservatoire verbalement dès le 29 juin 2019 à la fin de sa journée de travail. Cette mise à pied a été confirmée par courrier du 1er juillet 2019.

La salariée a été dispensée d'exécuter son travail en attendant qu'il soit statué sur la suite à donner aux faits reprochés.

Dès lors que le licenciement pour faute grave a été confirmé par la cour, l'employeur est dispensé du paiement des salaires y afférant.

Mme [K] [Z] sera déboutée du chef de cette demande par confirmation du jugement.

6- Dommages et intérêts pour rupture abusive

Sur le fondement de l'article 1240 du code civil, une demande de dommages et intérêts pour rupture abusive peut être envisagée dès lors que la salariée rapporte la preuve de conditions vexatoires lors de son licenciement.

Mme [K] [Z] indique dans ses écritures «licenciée du jour au lendemain comme une voleuse alors qu'elle a seulement payé à vil prix des produits impropres à la consommation destinés à être jeté, produits qu'elle n'a jamais pu récupérer alors qu'ils ont été payés».

La salariée reconnaît le paiement des articles à un prix moindre que leurs coûts réels.

En réalité Mme [K] [Z] ne peut invoquer une irrégularité dont elle est à l'origine et ainsi obtenir la restitution des produits.

Dés lors l'appelante échoue dans la démonstration de son préjudice moral.

Mme [K] [Z] sera donc déboutée du chef de cette demande par confirmation du jugement.

7- Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [K] [Z] aux dépens et débouté la société Socoarmes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] [Z] sera condamnée aux dépens d'appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate l'effet dévolutif de l'appel,

Confirme le jugement du 28 septembre 2021 du conseil de prud'hommes de Fort-de-France en toutes ses dispositions dont appel,

Y ajoutant

- condamne Mme [K] [Z] aux dépens d'appel,

- déboute Mme [K] [Z] et la société Socoarmes de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel

Et ont signé le présent arrêt Mme Séverine BLEUSE, Conseillère présidant l'audience et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffière

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00002
Date de la décision : 10/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-10;22.00002 ?
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