COUR D'APPEL
DE FORT DE FRANCE
Premier Président
Le Premier Président ou son délégataire, statuant en matière de procédure de sortie immédiate des personnes hospitalisées sans leur consentement prévue à l'article L. 3211 du code de la santé publique (articles R. 3211-1 et suivants du code de la santé publique).
MINUTE ORDONNANCE N° 24/01
DU 03 MAI 2024
ORDONNANCE
N° de rôle : N° RG 24/00005 - N° Portalis DBWA-V-B7I-COK2
A l'audience publique du 03 Mai 2024 sise à la Cour d'Appel de FORT DE FRANCE, Amandine PELATAN, vice-présidente placée, auprès du Premier Président de la cour d'appel de Fort de France, déléguée à la cour d'appel de Fort de France selon ordonnance du 21 décembre 2023, agissant sur délégation de M. Le Premier Président, assistée de Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, a rendu l'ordonnance dont la teneur suit, après débats à l'audience du même jour, concernant :
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [5]
[Adresse 3]
non comparant, non représenté
APPELANT
ET :
Monsieur [O] [P] [E]
né le 20 Mars 1973 à [Localité 4]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
non comparant représenté par Me Jyllie JULIARD, avocat au barreau de MARTINIQUE
Monsieur le PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE, représentant le Ministère Public à qui l'affaire a été communiquée
[Adresse 1]
non comparant
Monsieur LE PREFET DE LA MARTINIQUE
[Adresse 6]
Non comparant, non représenté
EXPOSÉ DU LITIGE :
Vu l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique,
Vu l'article L. 3212-7 du code de la santé publique,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 19 avril 2024 ordonnant la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M. [O] [P] [E],
Vu la notification de l'ordonnance du 19 avril 2024 ;
Vu 1'appel relevé par le directeur du centre hospitalier [5] de cette ordonnance, par lettre en date du 23 avril 2024 enregistrée au greffe de la cour d'appel le 26 avril 2024 ;
Vu la transmission du dossier au greffe de la cour d'appel de Fort de France le même jour et la convocation régulière des parties intéressées à l'audience du 03 mai 2024 à 10 heures ;
Vu l'avis d'audience adressé à l'ordre des avocats ;
Vu les réquisitions de M. le procureur général, jointes au dossier le 29 avril 2024 tendant à l'infirmation de l'ordonnance déférée ;
Vu 1'avis médical motivé du 22 avril 2024 du Docteur [M] [U] de maintien de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète concernant M. [O] [P] [E] ;
Vu le récépissé de remise d'un avis d'audience à une personne hospitalisée signée par M. [O] [P] [E] le 29 avril 2024 ;
Vu le certificat du Dr [Z] [T] en date du 02 mai 2024 indiquant que M. [O] [P] [E] refuse d'aller à la cour d'appel, cette opposition étant sous tendue par un délire de persécution et par une réticence pathologique ;
Vu son absence à l'audience du 03 mai 2024 ;
Vu la présence de Me JULIARD, avocate de M. [O] [P] [E] ;
SUR CE :
SUR LA RECEVABILITÉ :
En application de l'article R.3211-18 alinéa 1er du code de la santé publique, l'ordonnance du
juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la Cour d'appel ou son délégué dans un délai de 10 jours à compter de sa notification. Il résulte des articles 640 et suivants du code de procédure civile, que le délai d'appel ne commence à courir qu'au lendemain à zéro heure de la notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et expire le dernier jour à 24 heures.
En 1'espèce la notification de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est du 19 avril 2024 de sorte que le délai d'appel a commencé à courir le 20 avril 2024 à zéro heure et a expiré le 29 avril 2024 à 24 heures. En conséquence, l'appel interjeté par lettre transmise à la cour le 26 avril 2024 est recevable.
SUR LE FOND :
L'article L3212-4 du code de la santé publique dispose : 'Lorsque l'un des deux certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 conclut que l'état de la personne ne justifie plus la mesure de soins, le directeur de l'établissement d'accueil prononce immédiatement la levée de cette mesure.
Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de prolonger les soins, le directeur de l'établissement prononce le maintien des soins pour une durée d'un mois, en retenant la forme de la prise en charge proposée par le psychiatre en application du même article L. 3211-2-2. Il joint à sa décision, le cas échéant, le programme de soins établi par le psychiatre.
Dans l'attente de la décision du directeur de l'établissement, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète.
Lorsque le psychiatre qui participe à la prise en charge de la personne malade propose de modifier la forme de prise en charge de celle-ci, le directeur de l'établissement est tenu de la modifier sur la base du certificat médical ou de l'avis mentionnés à l'article L. 3211-11.'
L'article L3212-7 du même code dispose : 'A l'issue de la première période de soins psychiatriques prononcée en application du deuxième alinéa de l'article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus par le directeur de l'établissement pour des périodes d'un mois, renouvelables selon les modalités prévues au présent article.
Dans les trois derniers jours de chacune des périodes mentionnées au premier alinéa, un psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical circonstancié indiquant si les soins sont toujours nécessaires. Ce certificat médical précise si la forme de la prise en charge de la personne malade décidée en application de l'article L. 3211-2-2 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen de la personne malade, le psychiatre de l'établissement d'accueil établit un avis médical sur la base du dossier médical.
Lorsque la durée des soins excède une période continue d'un an à compter de l'admission en soins, le maintien de ces soins est subordonné à une évaluation médicale approfondie de l'état mental de la personne réalisée par le collège mentionné à l'article L. 3211-9. Cette évaluation est renouvelée tous les ans. Ce collège recueille l'avis du patient. En cas d'impossibilité d'examiner le patient à l'échéance prévue en raison de son absence, attestée par le collège, l'évaluation et le recueil de son avis sont réalisés dès que possible.
Le défaut de production d'un des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations mentionnés au présent article entraîne la levée de la mesure de soins.
Les copies des certificats médicaux, des avis médicaux ou des attestations prévus au présent article et à l'article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l'établissement d'accueil à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5.'
Au cours du débat tenu lors de l'audience du 03 mai 2024, le conseil de M. [E] fait valoir que la période d'un mois renouvelable prévue à l'article L3212-7 du code de la santé publique commence à courir à compter de la décision d'admission de la personne en hospitalisation. Elle soutient qu'en l'espèce, cette décision d'admission est intervenue le 10 octobre 2023 de sorte que la première période s'achevait le 11 novembre 2023, or le certificat médical a été établi le 13 novembre 2023 soit hors délai. Elle expose ensuite qu'il peut être entendu que M. [E] a besoin de soins psychiatriques mais qu'il faut le faire dans le respect de la loi et que le centre hospitalier peut refaire la procédure en respectant les délais. Elle souligne enfin qu'il faut respecter les règles de la procédure afin de protéger les droits de la personne hospitalisée et que les irrégularités de la présente procédure la conduisent à solliciter la confirmation de l'ordonnance de mainlevée déférée.
Aux termes de l'ordonnance en date du 19 avril 2024, le juge des libertés et de la détention a jugé sur le fondement de l'article L3212-7 du code de la santé publique que M. [O] [P] [E] a été admis en hospitalisation complète sur demande d'un tiers par décision du directeur d'établissement en date du 10 octobre 2023, que le premier certificat mensuel a été établi le 13 novembre 2023 et la première décision du directeur de l'établissement maintenant les soins psychiatriques du jour même ; que les délais prévus à l'article L3212-7 susmentionné courent à compter du lendemain de la décision administrative soit à compter du 11 octobre 2023 et qu'en conséquence, le premier certificat médical mensuel devait intervenir dans les trois jours précédents la décision de maintien, laquelle ne pouvait être postérieure au 9 novembre 2023 ; qu'en conséquence la décision de maintien en hospitalisation sous contrainte est tardive ; que cela constitue une irrégularité qui porte nécessairement atteinte aux droits du patient et a ordonné la mainlevée de la mesure.
Il résulte de l'application de l'article L3212-7 du code de la santé publique susvisé qu'à l'issue de la 1ère période de soins psychiatriques prononcée en application du 2 ème alinéa de l'article L. 3212-4, les soins peuvent être maintenus pour des périodes d'1 mois renouvelables.
En son 2ème alinéa, il dispose qu'un certificat médical circonstancié (ou un avis médical si l'examen du patient ne peut être réalisé) doit être établi « dans les trois derniers jours de chacune des périodes » mentionnées au 1 er alinéa.
Il résulte de la lecture combinée des articles L3212-4 et L3212-7 susvisés que le 1er certificat mensuel doit être établi dans les 3 derniers jours du mois écoulé après la décision de maintien des soins, autrement dit la décision prise à l'expiration de la période d'observation.
C'est donc par une interprétation éronnée des articles susvisés que le juge des libertés et de la détention a fait courir le délai d'un mois de la première période à compter du lendemain de la décision d'admission et non de la décision de maintien en hospitalisation.
En conséquence, la décision de maintien en hospitalisation étant intervenue le 13 octobre 2023, le délai d'un mois a commencé à courir le 14 octobre 2023 et le 1er certificat mensuel devait intervenir au cours des trois jours précédent le 14 novembre 2023. Dès lors, le certificat médical en date du 13 novembre 2023 est intervenu dans le délai légal prévu à l'article L3212-7 du code de la santé publique.
Aucune irrégularité de la procédure n'étant constatée, la décision du juge des libertés et de la détention sera infirmée en ce qu'elle a constaté l'irrégularité de la procédure et a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation.
Il résulte des éléments médicaux de la procédure, soit l'avis motivé du médecin en date du 18 avril 2024 et l'avis motivé en date du 30 avril 2024, que M. [E] nécessite toujours des soins et une prise en charge au sein du centre hospitalier car il demeure dans un fort déni de ses troubles et manifeste un trouble réfractaire à toute thérapeutique médicamenteuse recommandée. Il présente des symptômes psychiatriques qui nécessitent une attention particulière et se montre passif et calme dans le cadre de la contrainte hospitalière tandis qu'il se montre agressif et menaçant si ses désirs de sortie selon ses propres conditions irréalisables sont contrariés. La réalité de ce besoin de soins sous le contrainte hospitalière n'est pas contestée par l'avocate de M. [E] présente au débat pour le représenter.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le maintien de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M. [O] [P] [E] sera ordonné.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, en dernier ressort, non susceptible d'opposition,
DÉCLARE recevable l'appel interjeté par le directeur du centre hospitalier [5] de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Fort-de-France le 19 avril 2024 qui lui a été notifiée le même jour,
Au fond :
INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
ORDONNE le maintien de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M. [O] [P] [E] né le 20 mars 1973 ;
LAISSE les dépens à la charge du trésor public.
Ainsi fait et jugé à FORT DE FRANCE, le 03 Mai 2024 à 14 heures.
LA GREFFIERE, LE PREMIER PRÉSIDENT
Par délégation,