ARRET N°
N° RG 20/00318
N°Portalis DBWA-V-B7E-CFIK
LA MUTUELLE DES PERES ET MERES DE FAMILLE (MPMF)
C/
SARL CARIBIS
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 27 JUIN 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 21 Juillet 2020, enregistré sous le n° 19/00545;
APPELANTE :
LA MUTUELLE DES PERES ET MERES DE FAMILLE (MPMF)
Représentée par sonPrésident en exercice, y domicilié
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEE :
SARL CARIBIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Valérie VADELEUX de la SELARL VADELEUX & ASSOCIES, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Avril 2023 sur le rapport de Mme Christine PARIS, devant la cour composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 27 Juin 2023 ;
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'alinéa 2 de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
La Mutuelle Pères et Mères de Famille ( la MPMF ) est une mutuelle de droit privé qui a souhaité développer deux activités accessoires à son activité principale.Elle a signé le 25 juillet 2017 un contrat cadre en vue de l'organisation de la gestion des prestations médico-sociales et des services de télé assistance avec la SARL Caribis qui a notamment pour activité la vente de prestations d'accompagnements sanitaires et sociales.
Par acte en date du 28 janvier 2019 la SARL Caribis a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France la MPMF aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 90'752,24 € correspondant aux factures impayées du 16 avril 2018 et 26 juillet 2018 avec capitalisation des intérêts outre paiement d'une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 21 juillet 2020 le tribunal judiciaire de Fort de France a statué comme suit :
- Constate la résiliation du contrat cadre en date du 25 juillet 2017 acquise depuis le 9 août 2018 ;
- Condamne la Mutuelle Pères et Mères de Famille à verser à la SARL Caribis la somme de 90'752,24 € au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2018 ;
- Autorise l'anatocisme ;
- Déboute la SARL Caribis de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral ;
- Rejette toute demande plus ample ou contraire ;
- Condamne la Mutuelle Pères et Mères de Famille à verser à la SARL Caribis la somme de 2 500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonne l'exécution provisoire ;
- Condamne la Mutuelle Pères et Mères de Famille aux dépens.
Par déclaration date du 6 août 2020 la MPMF a fait appel de chacun des chefs du jugement la condamnant.
Par arrêt en date du 29 avril 2022 la cour ordonnait la révocation de l'ordonnance de clôture du 7 avril 2022.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 mai 2022, la Mutuelle des Pères et Mères de Famille demande à la cour de statuer comme suit :
" RECEVOIR la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE en son appel.
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Fort de France le 21 juillet 2020 sur les chefs ci-dessus critiqués en ce qu'il a débouté la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE des demandes suivantes :
' Débouté la société CARIBIS de l'ensemble de ses demandes comme non fondées.
' Condamné la société CARIBIS au paiement à la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE la somme de
20 000 € pour rupture abusive des relations contractuelles.
' Condamné la société CARIBIS au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
' Ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
' Condamner la société CARIBIS aux entiers dépens de l'article 699 du CPC.
En ce qu'il a :
' Constaté la résiliation du contrat-cadre du 25 juillet 2017 acquise depuis le 9 août 2018 ;
' Condamné la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE à verser à la société CARIBIS la somme de 90 752,24 € au titre
des factures impayées avec intérêt au taux légal à compter du 09 août 2018 ;
' Autorisé l'anatocisme ;
' Condamné la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE à verser à la société CARIBIS la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du CPC ;
' Ordonné l'exécution provisoire ;
' Condamné la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE aux dépens.
STATUANT A NOUVEAU :
JUGER que la société CARIBIS, dans le cadre de la mission de mise en place du service MPMF ASSISTANCE définie par les articles 1 et 2 du contrat cadre du 25 juillet 2017, n'a pas rempli et /ou n'a rempli que partiellement son obligation de mise en place d'une plate-forme sanitaire et sociale comprenant le service d'information et d'accompagnement pratique, juridique, psychologique et social et l'assistance vie quotidienne décès et santé.
JUGER que la société CARIBIS n'a pas respecté les modalités de facturation du service MPMF ASSISTANCE définies par l'article 4 du contrat-cadre du 25 juillet 2017.
JUGER que la société CARIBIS n'a pas respecté son obligation de communication à la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE des statistiques d'utilisation du service MPMF ASSISTANCE et du service de TELEASSISTANCE prévue à l'article 7.2 du contrat cadre du 25 juillet 2017.
En conséquence de ces inexécutions,
JUGER que la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE parfaitement fondée en application de l'article 11 du contrat-cadre du 25 juillet 2017, à opposer à la société CARIBIS l'inexécution du paiement de :
- De la facture du 16 avril 2018 de la société CARIBIS pour la période courant du 16 janvier 2018 au 15 avril 2018 d'un montant de 45 376,12 € TTC ;
- De la facture du 26 juillet 2018 de la société CARIBIS pour la période du 16 avril 2018 au 15 juillet 2018 d'un montant de
5 376,12 € TTC ;
JUGER que la créance qui fonde les factures de la société CARIBIS du 16 avril et du 26 juillet 2018 n'est ni certaine ni exigible.
DECHARGER la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE de son obligation à paiement des factures du 16 avril 2018 d'un montant de 45 376,12 € TTC et du 26 juillet 2018 d'un montant de 45 376,12 € TTC.
DEBOUTER la société CARIBIS de l'ensemble de ses demandes en paiement et notamment de celle de 90 752,24 €.
JUGER que la société CARIBIS a commis une faute contractuelle en prononçant la résiliation de plein droit du contrat cadre du 25 juillet 2017 en application de son article 8.2.
CONDAMNER la société CARIBIS au paiement à la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE de la somme de VINGT MILLE euros (20 000 €) pour rupture abusive des relations contractuelles.
SUR L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE CARIBIS
JUGER IRRECEVABLE la nouvelle demande de la SARL CARIBIS de dommages et intérêts pour résistance abusive, objet de son appel incident.
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Fort de France le 21 juillet 2020 en ce qu'il a débouté la SARL CARIBIS de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
A titre subsidiaire,
Dans la circonstance ou par extraordinaire, la Cour estimait la demande de la SARL CARIBIS recevable.
JUGER qu'aucune résistance abusive ne peut être retenue à l'encontre de la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE.
En conséquence,
DEBOUTER la SARL CARIBIS de sa demande de condamnation de la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE au paiement de la somme de 15 000 € en raison de sa résistance abusive.
DANS TOUS LES CAS
CONDAMNER la société CARIBIS au paiement à la MUTUELLE PERES ET MERES DE FAMILLE de la somme de CINQ MILLE euros (5 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la société CARIBIS aux entiers dépens de l'article 699 du code de procédure civile."
Elle rappelle le contexte de la signature du contrat cadre et conteste les prétendues dysfonctionnements de la mutuelle alléguées par la SARL Caribis en matière économique et financière.
Elle s' oppose au règlement des deux factures litigieuses .Elle invoque cinq moyens d'infirmation :
1) l'inexécution ou la mauvaise exécution par la SARL Caribis de sa mission de formation et de prestations auprès des adhérents,
2) non-respect de la SARL Caribis des modalités de la facturation du service MPMF/assistance,
3) non-respect par la SARL Caribis de son obligation de communication des statistiques,
4) omission de statuer sur l'exception d'inexécution et sur son bien-fondé,
5)créances incertaines et donc il n'est exigible sur la période d'activité correspondant aux deux factures impayées et sur l'abus de facturation de la SARL Caribis.
En conséquence elle demande à la cour d'infirmer la décision de condamnation au paiement de la somme de 90'152,24 € et en raison de l'exception d'inexécution, de dire qu'elle n'est redevable pour la période du 15 janvier au 15 juillet 2018 d'aucune rémunération en contrepartie.
À titre reconventionnel elle demande la condamnation de la SARL Caribis pour rupture abusive des relations contractuelles à hauteur de la somme de 20'000 €.
Sur l'appel incident, elle soutient que la demande de condamnation pour résistance abusive est irrecevable et à titre subsidiaire conteste l'existence d'une résistance abusive et demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SARL Caribis de sa demande de dommages-intérêts.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 mai 2022, la SARL Caribis demande à la cour de statuer comme suit :
" Vu les articles 1103, 1104,1111,1l94 et1231-6 du code civil
Vu le contrat de prestation de service en date du 24 juillet 2017 ;
- RECEVOIR la SARL Caribis en ses demandes, et les dire bien fondées ;
Y faisant droit
- CONFIRMER le jugement qui a été rendue par le Tribunal judiciaire de Fort de France le 21 juillet 2020 en ce qu'il a :
- CONSTATE la résiliation du contrat-cadre en date du 25 juillet 2017 acquise depuis le 9 août 2018 ;
- CONDAMNE la MUTUELLE DES PERES ET MERES DE FAMILLE à verser à la SARL CARlBlS la somme de 90 752, 24 € au titre des factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2018 ;
- AUTORISE l'anatocisme ;
- CONDAMNE La Mutuelle des Pères et Mères de Famille à verser à la SARL CARIBIS la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
- INFIRMER la décision du 21 juillet 2020 en ce qu'elle a débouté la SARL CARIBIS de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 € par personne protégée au titre du préjudice moral.
Ce faisant
- CONDAMNER la MUTUELLE DES PERES ET MERES DE FAMILLE à verser à la SARL CARIBIS la somme de 15 000 € par personne protégée ta titre de dommages et intérêts en raison de sa résistance abusive.
En tout état de cause
- DEBOUTER purement et simplement La Mutuelle des Pères et Mères de Famille de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires ;
- CONDAMNER La Mutuelle des Pères et Mères de Famille à payer à la SARL CARIBIS la somme de CINQ MILLE EUROS
(5 000,00 € ) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle rappelle sa propre vision du contexte de la signature du contrat cadre et elle soutient avoir respecté l'intégralité de ses obligations contractuelles tant en ce qui concerne la formation du personnel de la MPMF que son accompagnement sur la communication du service.En ce qui concerne l'incident du 20 avril 2018 elle soutient que les deux décisions relevaient non pas de son analyse mais du règlement mutualiste et rappelle que ces services sont au profit des adhérents désignés par la MPMF. Elle critique le fonctionnement de la MPMF et fait valoir des manquements graves de la part des dirigeants de la MPMF. Elle souligne que le contrat cadre lui permet de faire appel à des tiers et précise ne pas avoir refacturé les prestations réalisées par des prestataires externes à titre de geste commercial. Elle soutient avoir transmis les statistiques d'utilisation du service MPMF assistance le 24 avril 2018 et rappelle les modalités de calcul de la prime globale annuelle précisant qu'il avait été annoncé un chiffre de 24'000 bénéficiaires revu à la baisse à 15'000 sans aucun justificatif.
Elle soutient que son appel incident est recevable dans la mesure où elle avait déjà demandé des dommages-intérêts en première instance et où en application des dispositions des articles 563 et 565 du code de procédure civile, elle peut baser ses prétentions sur un fondement juridique différent. Elle estime avoir subi un important préjudice de trésorerie.
Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées.
L'ordonnance de clôture est en date du 16 février 2023.
L'affaire a été retenue à l'audience collégiale du 28 avril 2023 mise en délibéré aux 27 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel de La Mutuelle des Pères et Mères de Famille n'est pas contestée et il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
La Mutuelle des Pères et Mères de Famille et la SARL Caribis ont signé le 25 juillet 2017 un contrat cadre auquel sont annexées deux conventions de la MPMF / assistance, une convention de services MPMF/Santé et une convention de services MPMF / Décès ainsi qu'un contrat pour l'usager et une fiche individuelle.
La cour constate qu'elle n'est pas saisie d'une demande de nullité de cette convention et qu'en conséquence le contexte précédant la signature de ce contrat cadre, importe peu.
De même la cour constate qu'elle n'est pas saisie d'une demande d'annulation de la cession de parts sociales par l'UFR dans la SARL Caribis au profit de la MPMF à hauteur de 3337 parts sur les 16'638 parts sociales de la SARL Caribis et qu'elle n'a pas à répondre aux moyens invoqués quant à la régularité de cette cession.
Aux termes des dispositions de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes des dispositions de l'article 1111 du code civil le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des contrats d'application précisent les modalités d'exécution.
Aux termes des dispositions de l'article 1217 du code civil la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- Refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- Poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- Obtenir une réduction du prix ;
- Provoquer la résolution du contrat ;
- Demander réparation des conséquences de l'inexécution ;
- Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées. Les dommages-intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Aux termes des dispositions de l'article 1219 du code civil une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Selon l'article 3 du contrat cadre du 25 juillet 2017, celui-ci prend effet rétroactivement au 1er juillet 2017 et est conclu pour une durée de quatre années renouvelable par tacite reconduction pour la même durée sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties sous réserve du respect d'un délai de préavis d'un an avant sa date anniversaire.
Aux termes des dispositions de l'article 8 de ce même contrat cadre intitulé " fin de contrat clause résolutoire ", à l'expiration de la période de quatre ans et dans les conditions de préavis prévues par cet article, il pourra être mis fin au contrat par lettre recommandée avec avis de réception ou par exploit d'huissier. À l'exception des délais stipulés spécifiquement dans certains articles, à défaut de respect de l'une quelconque des clauses du présent accord et de ses annexes, le contrat sera résilié de plein droit par la partie lésée, 30 jours après une mise en demeure d'exécuter, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, restée sans effet.
L'article 4 du contrat cadre prévoit le coût et la facturation du service et l'article 4.2.2 précise le calcul du coût des prestations de la SARL Caribis comme suit :
Coût unitaire x nombre d'adhérents bénéficiaires de l'année à venir = prime globale prévisionnelle.
Au 30 octobre de chaque année, la MPMF doit transmettre à la SARL Caribis le nombre d'adhérents bénéficiaires pour l'année à venir, aux fins de calcul de la prime globale prévisionnelle.
Le coût unitaire pour les années 2017 et 2018 est fixé à 11,50€.
La révision de ce cours est déterminée par une commission ad hoc au plus tard le 30 septembre de l'année en cours pour l'exercice prochain et qui tient compte des sinistres constatés et de l'évolution du service MPMF assistance et des prestations offertes.
Le montant de la prime globale prévisionnelle est facturé par la SARL Caribis à la MPMF à compter du 15 novembre de l'exercice en cours pour l'exercice prochain et sera payé par la MPMF en quatre échéances à chaque début de trimestre et sur le 15e jour du premier mois de chaque trimestre, soit le 15 janvier, le 15 avril, le 15 juillet et le 15 octobre.
La cour rappelle que la SARL Caribis a saisi le tribunal judiciaire de Fort de France d'une demande de paiement des factures du 16 avril 2018 et du 26 juillet 2018 et d'une demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral.
La facture du 16 avril 2018 porte sur un montant de 45'376,12 € TTC pour la période du 16 janvier 2018 au 15 avril 2018 et a fait l'objet d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 9 juillet 2018.
Elle a donné lieu par lettre recommandée datée du 14 août 2018 reçue le 21 août 2018 à la résiliation du contrat cadre pour défaut de paiement dans les 30 jours suivant la réception de la mise en demeure du 9 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 4.2.2 du
contrat susvisé.
Si la facture du 16 avril 2018 ne rappelle pas les modalités de calcul des prestations, dans un courriel du 19 décembre 2017 adressé par le directeur de la SARL Caribis au président de la MPMF, il est indiqué que la facturation annuelle totale est de 180'504,50 € correspondant à un coût de 11,50 € multiplié par 15'783 correspondant au" fichier client" transmis par la MPMF. Le courriel rappelle que conformément au contrat cadre la facturation interviendra le 15 octobre, le 15 janvier, le 15 avril et le 15 juillet sur la base de 45'376,12 € par trimestre soit un quart du montant total.
Le courriel du 19 décembre 2017 rappelle que la première facture à l'échéance du 15 octobre correspond à la période du 15 septembre 2017 au 15 octobre 2017 puis que la prochaine facture sera éditée le 15 janvier 2018 et concernera la période du 15 octobre 2017 au 15 janvier 2018.
La cour constate que la MPMF reconnaît avoir réglé les deux premières factures et conteste uniquement les factures des 15 avril et 15 juillet 2018.
La cour constate également que la SARL Caribis dans ce courriel rappelle qu'il était convenu lors d'un entretien de partir sur une base de 24'000 adhérents et que la MPMF ne conteste pas avoir transmis un fichier client faisant état de 15'783 clients.
L'article 6 du contrat cadre prévoit que la MPMF transmet par support magnétique ou données informatiques à la SARL Caribis la liste de l'ensemble des adhérents bénéficiaires et que ces transmissions doivent intervenir tous les trimestres le premier jour du mois.
Les factures des 15 avril et 15 juillet 2018 correspondent au quart de la prime globale annuelle prévisionnelle prévue par la convention cadre, soit 11,50 € multipliés par le nombre d'adhérents qui doit être communiqué par la MPMF .En l'absence de contestation suite à la réception du courriel du 19 décembre 2017, il appartenait à la MPMF de rectifier le nombre de clients effectifs dans la mesure où selon le rapport de gestion 2017 produit en pièce 10 par la MPMF elle compte 11'279 adhérents au 31 décembre 2017 contre 11'443 lors de la précédente clôture. La MPMF ne justifie pas avoir communiqué ce rapport de gestion à la SARL Caribis avant la présente procédure.
La MPMF produit en pièce 26 le "fichier client," qui reprend le listing des assurés des bénéficiaires de la MPMF au 17 février 2017 sans toutefois en indiquer le nombre total. Elle indique dans ses écritures que le nombre de 15'783 est issu du listing des adhérents communiqué par la MPMF le 13 mars 2017.
Elle ne saurait dès lors reprocher à la SARL Caribis d'avoir
retenu ce chiffre correspondant au listing qu'elle a communiqué. Il appartenait à la MPMF de communiquer au 30 décembre 2017 le
listing de ses adhérents à cette date pour permettre le calcul de la prime globale due pour 2018, conformément à l'article 4.2.2 qui précise qu'au 31 décembre de chaque année les parties arrêtent la prime globale annuelle en fonction du nombre de bénéficiaires de l'année écoulée.
Si pour l'année 2017, la prime globale devait être calculée sur le nombre de bénéficiaires de l'année 2016, la MPMF ne justifie par aucun élément avoir communiqué ce nombre à la SARL Caribis et au surplus elle a réglé les factures produites pour l'année 2017 y compris celles couvrant la période du 15 octobre 2017 au 15 janvier 2018 pour un montant de 45'376,12 € correspondant à un nombre d'adhérents de 15'783.
De plus en application des dispositions de l'article 6.1 du contrat cadre la MPMF devait transmettre la liste de l'ensemble des adhérents bénéficiaires tous les trimestres le premier jour du mois ce qu'elle n'a pas fait.
Elle ne peut dès lors se prévaloir de sa propre carence pour refuser de régler les factures des 15 avril et 15 juillet 2018 établies conformément au contrat cadre et en fonction du nombre d'adhérents communiqué le 13 mars 2017 selon listing du 17 février 2017 correspondant à la pièce 26.
Le contrat cadre prévoit une régularisation de la prime globale prévisionnelle calculée sur le nombre de bénéficiaires de l'année écoulée en fonction du nombre de bénéficiaires de l'année en cours. La cour constate que la MPMF ne justifie pas du nombre de bénéficiaires pour l'année 2018 et elle ne peut en conséquence faire droit à la demande de la MPMF qui se réfère au nombre d'adhérents au 31 décembre 2017, tel qu'il résulte de son rapport de gestion contester au demeurant par la SARL Caribis.
La MPMF se prévaut également d'une mauvaise exécution ou d'une inexécution par la SARL Caribis de sa mission d'assistance.
Il appartient à la MPMF de rapporter la preuve de ce défaut d'exécution ou de cette mauvaise exécution.
Aux termes de l'article 1 du contrat cadre, le contrat a pour objet la mise en place, le fonctionnement des services gérés par la SARL Caribis au profit des adhérents désignés par la MPMF. Le service MPMF assistance défini dans l'annexe 1 correspond à un service d'information et d'accompagnement pratique, juridique, psychologique et social et d'une assistance vie quotidienne décès et santé pour les adhérents de la MPMF. Ceux-ci disposent d'un numéro spécifique d'appel. La SARL Caribis doit mettre en place également un service de télé assistance au profit des adhérents désignés par la MPMF.
La MPMF soutient qu'on lui demande de rapporter une preuve négative.
Cependant si les adhérents s'étaient plaints d'un défaut d'assistance ou d'une mauvaise assistance, elle pouvait aisément en justifier. Au surplus la SARL Caribis produit la liste des abonnés télé- assistance et la liste des dossiers traités, toutes deux jointes aux statistiques communiquées le 24 avril 2018 au président de la MPMF. Elle justifie également d'interventions auprès d'adhérents . La MPMF ne conteste pas ce listing et l'a obtenu alors que la facture du 16 avril 2018 avait été émise et qu'elle ne pouvait dès lors s'opposer pour ce motif à son règlement.
La MPMF invoque également un manquement à la formation sans toutefois viser l'article du contrat cadre qui n'aurait pas été respecté. En tout état de cause, la SARL Caribis produit les plaquettes publicitaires remise à la MPMF(pièces 3,4,5,7,8) pour faire connaître ce nouveau service et justifie avoir effectué la formation du personnel de la MPMF le 7 septembre 2017 pour un premier groupe, le 8 septembre 2017 pour un second groupe et le 11 septembre 2017 pour les collaborateurs ainsi que le 19 avril 2018 selon compte rendu de son intervenant. La MPMF ne saurait ignorer où étaient ses salariés ces jours de formation. Elle ne produit aucune attestation de ses salariés pour contester l'existence de cette formation ou son défaut de qualité. La production du mail du 4 décembre 2017 d'un salarié de la MPMF témoigne de l'existence d'une formation mais ne permet pas d'en déduire une absence de qualité.
La MPMF reproche également à la SARL Caribis avoir fait appel à des tiers pour assurer ses obligations.
Aux termes de l'article 4.2.1 contrat cadre, si les prestations peuvent être effectuées par un tiers prestataire qui facture directement à la SARL Caribis, celle-ci doit refacturer à la MPMF au moins une fois par mois une facture à laquelle est jointe la facture du prestataire. La SARL Caribis soutient sans être contredite, n'avoir refacturé aucune prestation. La cour constate en tout état de cause que les deux factures dont le règlement reste impayé et qui sont contestées ne correspondent pas à des refacturations de prestations pour des tiers mais à une fraction de la prime globale prévisionnelle selon les modalités de calcul déjà expliquées ci-dessus.
La MPMF ne pouvait en conséquence pour ce motif s'abstenir de régler les deux factures litigieuses.
La MPMF reproche également à la SARL Caribis de ne pas avoir répondu à ces questions du 20 avril 2018 concernant deux dossiers litigieux. Cependant comme le rappelle la SARL Caribis c'est aux adhérents qu'elle doit donner des informations et non pas à la MPMF. Le refus de réponse renvoie à la lecture du règlement mutualiste de la MPMF et ne démontre pas l'incompétence de la SARL
Caribis ou un manquement d'autant qu'elle n'avait toujours pas obtenu le règlement de sa facture du 16 avril 2018.
La MPMF conteste le nombre de dossiers traités et listés en pièces 33 par la SARL Caribis.
Cependant la cour rappelle que les deux factures litigieuses correspondent à une fraction de la prime globale prévisionnelle, indépendante du nombre d'interventions de la SARL Caribis.
À titre de troisième moyen d'infirmation, la MPMF reproche à la SARL Caribis un non-respect de son obligation de communication des statistiques.
Pour les raisons exposées ci-dessus, les factures litigieuses sont sans relation avec les statistiques réclamées et au surplus la SARL Caribis justifie avoir communiqué ses statistiques le 24 avril 2018. La MPMF n'explique pas en quoi les statistiques communiquées ne seraient pas claires alors qu'il s'agit de tableaux et listings compréhensibles même pour la cour. Enfin, ces statistiques ne présentent un intérêt que dans le cadre de la révision du coût unitaire des prestations pour les années 2019 et 2020 alors que le contrat a été résilié en 2018.
Il ne peut en conséquence être fait droit à sa demande d'infirmation sur ce moyen.
La MPMF reproche au tribunal une omission de statuer sur l'exception d'inexécution et sur son bien-fondé. Pour les raisons exposées ci-dessus la cour a rejeté les défauts d'exécution ou les mauvaises exécutions invoquées et la MPMF échoue dans sa charge de la preuve d'une inexécution des clauses du contrat cadre en application de l'article 11 de ce contrat ou des articles 1217 et 1219 du code civil.
La MPMF invoque également les dispositions de l'article 1164 du code civil aux termes duquel dans les contrats cadre, il peut être convenu que le prix sera fixé unilatéralement par l'une des parties à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de contestation. En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages-intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. Cependant le contrat cadre fixe le montant forfaitaire du prix, 11,50 €, et la MPMF ne produit aucun élément permettant de contredire le caractère contractuel de ce prix qui n'a donc pas été fixé unilatéralement par la SARL Caribis. Elle ne peut en conséquence se prévaloir de ces dispositions.
La MPMF invoque de plus les dispositions de l'article 441-3 alinéa 3 du code de commerce relatives aux conventions écrites entre un fournisseur et un prestataire de services. Cependant la cour rappelle
qu'il s'agit en l'espèce d'un contrat cadre, qui est certes une convention écrite mais qui fixe les obligations mises à la charge de la SARL Caribis qui ont été exécutées comme indiqué ci-dessus.
Dès lors c'est à juste titre que le tribunal a condamné la MPMF au paiement des deux factures des 16 avril 2018 et 26 juillet 2008 pour un montant global de 90'752, 24 € correspondant pour chacune à un quart de la prime globale prévisionnelle calculée selon les termes de la convention cadre et en fonction des éléments communiqués par la MPMF quant au nombre d'adhérents. La cour constate que la MPMF ne produit aucun élément permettant de justifier qu'elle a communiqué à la SARL Caribis son rapport de gestion 2017 avant l'introduction de la présente procédure. Le point de départ des intérêts a été fixé à la date de réception de la mise en demeure et l'application de l'anatocisme ne souffrent d'aucune critique.
La MPMF demande également la condamnation de la SARL Caribis au paiement d'une somme de 20'000 € pour rupture abusive des relations contractuelles.
Aux termes des dispositions de l'article 8.2 du contrat cadre, à défaut de respect de l'une quelconque des clauses de l'accord et de ses annexes, le contrat sera résilié de plein droit par la partie lésée 30 jours après mise en demeure d'exécuter, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée sans effet.
La facture du 16 avril 2018 dûment justifiée pour les raisons exposées ci-dessus, a fait l'objet d'une mise en demeure adressée par lettre recommandée reçue le 9 juillet 2018 demeurée infructueuse. C'est donc en application des dispositions contractuelles susvisées que par lettre recommandée datée du 14 août 2018 et reçue le 21 août 2018, la SARL Caribis s'est prévalue de la résiliation de plein droit du contrat cadre pour défaut de paiement de la facture à l'expiration du délai de 30 jours suivant la mise en demeure.
La rupture des relations contractuelles n'est dès lors pas abusive et la MPMF sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
La SARL Caribis dans le cadre de l'appel incident, demande paiement d'une somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts par personne protégée en raison de la résistance abusive de la MPMF. La cour constate qu'en première instance la SARL Caribis sollicitait paiement d'une somme de 15'000 € de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, demande qui a été rejetée par le tribunal en l'absence de préjudice.
La demande n' est alors pas nouvelle, la SARL Caribis pouvant invoquer en appel des moyens nouveaux à l'appui de sa prétention
d' indemnisation en application des dispositions de l'article 563 du code de procédure civile. S'agissant de dommages et intérêts le quantum peut être revu en fonction du préjudice.
En appel, la SARL Caribis fait valoir qu'elle a dû effectuer plusieurs démarches pour faire entendre raison à la MPMF, qu'elle a été contrainte de déposer une requête aux fins de saisie conservatoire et que le défaut de règlement des factures a une répercussion sur sa trésorerie d'autant que les sommes auraient dû être réglées sur toute la période contractuelle, ce qui constitue un manque à gagner.
Cependant la cour constate que c'est elle qui a demandé la résiliation du contrat impliquant une absence de rémunération ultérieure et qu'elle ne justifie par aucun bilan comptable et aucun élément d'une perte de trésorerie ou d'un manque à gagner. En conséquence elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les dépens et les demandes accessoires
Le jugement du 21 juillet 2020 étant confirmé en toutes ses dispositions, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que le tribunal a condamné la MPMF aux dépens et à verser à la SARL Caribis la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justement appréciée en équité.
Succombant en appel, la MPMF devra prendre en charge les dépens et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il est équitable qu'elle prenne en charge les frais exposés par la SARL Caribis pour faire valoir ses droits en appel, frais évalués à 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Fort de France du 21 juillet 2020 ;
Y ajoutant
MET dépens à la charge de La Mutuelle des Pères et Mères de Famille ;
CONDAMNE La Mutuelle des Pères et Mères de Famille à verser à la SARL Caribis la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,