ARRET N°
N° RG 22/00011
N°Portalis DBWA-V-B7G-CI7R
Mme [J] [R]
C/
SARL GARAGE AUTOS RENOV
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 06 JUIN 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire, de Fort-de-France, en date du 07 Décembre 2021, enregistré sous le n° 21/01153 ;
APPELANTE :
Madame [J] [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Georges-Emmanuel GERMANY, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMÉEE :
SARL GARAGE AUTOS RENOV
agissant poursuites et diligences de son représentant égal, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Raphaël CONSTANT, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Avril 2023, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine PARIS, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 06 Juin 2023 ;
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement réputé contradictoire en date du 7 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France statué comme suit :
- condamne Mme [J] [R] au paiement de la somme de 18.523,41 euros à la SARL GARAGE AUTO RENOV au titre de la facture n°20 192 836 du 27 mars 2019,
- condamne Mme [J] [R] au paiement des frais de gardiennage fixé à la somme de 10 euros TTC par jour à compter du 16 novembre 2019 jusqu'à enlèvement du véhicule par Mme [J] [R],
- déboute la SARL GARAGE AUTOS RENOV de sa demande au titre de la résistance abusive,
- déboute la SARL GARAGE AUTOS RENOV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelle que l'exécution provisoire est de droit,
- condamne Mme [J] [R] aux entiers dépens.
Suivant déclaration au greffe en date du 10 janvier 2022, Mme [J] [R] a interjeté appel de chacun des chefs du jugement précité sauf en ce qu'il a débouté la SARL GARAGE AUTOS RENOV de ses demandes.
L'affaire a été orientée à la mise en état le 17 janvier 2022.
Par ordonnance en date du 13 octobre 2022 le magistrat chargé de la mise en état a rejeté la demande d'expertise graphologique de madame [J] [R] ainsi que la demande de radiation de la SARL Garage Autos Renov.
Dans ses dernières conclusions communiquées le 4 avril 2022 madame [J] [R] demande à la cour de statuer comme suit :
"Dire et juger la demande de Madame [J] [R] concluante, recevable et bien fondée,
Par conséquent,
Avant dire droit
- ORDONNER une expertise graphologique afin de comparer la signature de Madame [R] [J] et la signature figurant sur l'ordre de réparation ;
- SURSEOIR à statuer dans l'attente de l'expertise, le CME étant saisi de la dite demande.
A titre principal :
Dans la négative et statuant à nouveau ;
- INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 7 décembre 2021 ;
- DECLARER que la signature sur l'ordre de réparation n'est pas celle de Madame [R] [J] ;
- DECLARER que la société AUTOS RENOV n'avait pas l'accord de Madame [R] [J] pour effectuer des travaux à hauteur de 18.523, 41 euros selon la facture du 27 mars 2019 ;
- DECLARER qu'en l'absence d'accord de Madame [R] [J], la société AUTOS RENOV ne peut réclamer le paiement de la facture de 27 mars 2019 à hauteur de 18.523, 41 euros ;
- DECLARER que la société AUTOS RENOV a manqué à son devoir de conseil et d'information envers Madame [R] [J];
- CONDAMNER la societe AUTOS RENOV à payer à Madame [R] [J] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- CONDAMNER la société AUTOS RENOV à payer à Madame [R] [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société AUTOS RENOV aux entiers dépens dont frais de signification des présentes conclusions et pièces".
Se fondant sur les dispositions de l'article L 121- 12 du code de la consommation, elle soutient qu'elle n'a pas donné son accord pour les réparations à effectuer, n'ayant pas signé l'ordre de réparation, la comparaison de la signature apposée sur cet ordre de réparation et le courrier rédigé permettant de constater que les signatures sont différentes. Elle demande en conséquence à la cour d'ordonner une expertise graphologique.
Elle souligne que l'ordre de réparation est incomplet, lacunaire et que la preuve de son accord n'est pas rapportée.
Se fondant sur les dispositions de l'article 1112-1 du code civil et L 111-1 du code de la consommation, elle fait valoir que le garage a manqué à son devoir de conseil et d'information à son égard ne l'ayant pas informée du prix des réparations avant d'effectuer les travaux effectués sans attendre son accord. En raison du manquement de la société à son devoir de conseil d'information, elle demande paiement d'une somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts.
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 23 juin 2022, la SARL Garage Autos Renov demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner madame [J] [R] à lui verser la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle reconnaît que madame [J] [R] n'a pas signé le bon de réparation ne pouvant se déplacer, mais fait valoir qu'elle a envoyé sa s'ur pour le signer. Elle rappelle que c'est bien madame [J] [R] qui a fait déposer son véhicule au garage suite à un accident de la circulation. Elle souligne que sur l'ordre de réparation, il est indiqué "selon canevas de l'expert" qui a chiffré le coût des réparations à 16'429,06 euros et a estimé que le véhicule était irréparable compte tenu de sa valeur. La SARL Garage Autos Renov se fonde aussi sur le rapport d'expertise et l'indication d'un refus de vente le 18 octobre 2018 opposé par madame [J] [R] alors que sa compagnie d'assurances proposait de racheter le véhicule . Elle rappelle les échanges de courrier et soutient qu'elle était en droit de considérer qu'elle devait réparer le véhicule d'autant que madame [J] [R] n'a jamais réclamé celui-ci et a demandé à un expert de vérifier les réparations et la capacité de circulation du véhicule.
Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées.
L'ordonnance de clôture est en date du 16 février 2023. L'affaire a été retenue à l'audience du 14 avril 2023 mise en délibéré au 6 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
La cour ne répondra dans son dispositif qu'aux prétentions que ne sont pas les demandes de déclarer.
Sur la demande d'expertise.
Aux termes des dispositions des articles 287 et 288 du code de procédure civile il appartient au juge de procéder à la vérification des écritures si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui attribuée à son auteur.
Il convient de rappeler qu'avant d'ordonner une expertise le juge doit procéder lui-même à la vérification d'écriture et qu'il ne peut ordonner une mesure d'instruction que si ces vérifications ne lui permettent pas de conclure.
En l'espèce, madame [J] [R] soutient qu'elle n'a pas signé l'ordre de réparation du 3 septembre 2018.
La SARL Garage Autos Renov reconnaît que ce n'est pas madame [J] [R] qui a signé ce bon mais la s'ur de cette dernière, sans être contredite sur ce point par madame [J] [R]. En conséquence il n'y a pas de contestation sur l'absence de signature par madame [J] [R] de l'ordre de réparation du 3 septembre 2018 et il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure d'expertise graphologique sollicitée.
Sur la demande de paiement de la SARL Garage Autos Renov.
Aux termes des dispositions de l'article L 121-12 du code de la consommation, il est interdit d'exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel ou s'agissant de biens, d'exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l'objet d'une commande préalable du consommateur.
Aux termes des dispositions de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes des dispositions de l'article 1353 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il appartient à la SARL Garage Autos Renov qui a procédé à la réparation du véhicule de madame [J] [R] de rapporter la preuve de l'accord de madame [J] [R] pour qu'elle procède aux réparations de son véhicule accidenté et effectue des travaux pour un montant de 18'523,41 € correspondant à la facture du 27 mars 2019.
Il n'est pas contesté et il est établi que l'ordre de réparation du 3 septembre 2018 n'a pas été signé par madame [J] [R]. En tout état de cause cet ordre de réparation ne précise pas les travaux effectués et encore moins leur montant, portant au titre du libellé des travaux une référence MF039461 et la mention « selon canevas de l'expert remorque ». Il ne saurait dès lors se déduire de la signature de cet ordre de réparation un accord pour la réalisation de travaux à hauteur de la somme de 18'523,41 €. L'expert d'assurance dans son rapport du 18 octobre 2018 indique que le véhicule est techniquement réparable mais qu'il n'est pas économiquement réparable et évalue le coût des travaux à la somme de 16'429,06 euros. La compagnie d'assurances indique au garage le 6 novembre 2018 qu'elle lui demande de livrer le véhicule à son propriétaire et qu'elle accepte la prise en charge si le montant hors taxes des travaux n'est pas supérieur à 6 500 €. Elle précise que cet accord devient caduc si l'expert déclare le véhicule économiquement irréparable.
Le véhicule ayant été déclaré économiquement irréparable l'accord de l'assurance est devenu caduc.
Le garage s'appuie sur sa pièce 10 qu'elle indique émaner de l'expert où il est précisé :
« refus de vente reçue le 18/10/ 2018.
Le sociétaire concerve le véhicule pour le réparer»
La cour constate d'une part que cet écrit ne provient pas de madame [J] [R], d'autre part que le fait que madame [J] [R] ait refuser de vendre à son assurance le véhicule et ait décidé de le réparer, ne permet de caractériser le consentement de madame [J] [R] à la réalisation de travaux pour un montant de 18'523,41 € et de confier la réalisation de ces travaux à la SARL Garage Autos Renov.
Elle déduit également de l'existence d'une expertise à la demande de madame [J] [R] pour vérifier la qualité de la réparation, l'accord de madame [J] [R].
Il résulte de l'attestation d'un expert en date du 4 mai 2022 de cette date et de sa note d'honoraires du 29 mars 2019, qu'il a" ouvert un dossier de suivi de réparation avec le garage" la SARL Garage Auto Renov "pour le véhicule" de madame [J] [R]. Si la note d'honoraires est adressée à madame [J] [R] ces deux seules pièces ne permettent pas d'établir que l'expert ait été missionné par madame [J] [R] et en tout état de cause il ne peut en être déduit un accord préalable de madame [J] [R] à l'exécution des réparations, l'expert étant intervenu après les réparations. De plus madame [J] [R] selon la pièce 12 du garage, ayant fait le choix de conserver le véhicule, avait l'obligation d'établir un rapport d'expertise certifiant que le véhicule était en mesure de circuler dans des conditions normales.
En tout état de cause il ne peut être déduit de la réalisation de cette expertise un accord de madame [J] [R] à la réalisation des travaux pour un montant de plus de 18'000 €, madame [J] [R] étant en droit de vérifier le bon état de son véhicule toujours conservé par le garage à cette date.
Il ne peut également être déduit du silence de madame [J] [R] son accord pour la réalisation par la SARL Garage Autos Renov des travaux pour un montant de 18'000 € sans acceptation d'un devis préalable, les courriers de relance étant au surplus postérieurs à la réalisation des travaux.
Enfin dans son courrier du 10 août 2020 madame [J] [R] souligne qu'elle ne pouvait deviner que les réparations auraient été entamées sans son accord.
En conséquence la cour ne peut que constater l'absence d'accord de madame [J] [R] à la réalisation des travaux sur son véhicule pour un montant de 18'523,41 €.
La SARL Garage Autos Renov n'invoquant aucun autre moyen à l'appui de sa demande en paiement, il convient d'infirmer le jugement du 7 décembre 2021 et de débouter la SARL Garage Autos Renov de sa demande en paiement de la facture du 27 mars 2019.
Le tribunal a condamné madame [J] [R] au paiement des frais de gardiennage et fixé ces frais à la somme de 10 € par jour à compter du 16 novembre 2019 jusqu'à l'enlèvement du véhicule par madame [J] [R], en se fondant sur les dispositions des articles 1949 et 1948 du code civil.
La cour constate l'absence d'appel incident et l'absence de moyens formés à l'appui de la demande d'infirmation de ce chef de la décision.
En conséquence c'est par des motifs pertinents et que la cour adopte, que le premier juge a condamné madame [J] [R] au règlement des frais de gardiennage fixés à 10 € par jour à compter du 16 novembre 2019.
Sur la demande de dommages et intérêts.
Madame [J] [R] demande paiement d'une somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts en raison des manquements de la SARL Garage Autos Renov à son devoir de conseil et d'information.
Il ressort des motifs susvisés que la SARL Garage Autos Renov a procédé à la réparation du véhicule sans attendre l'accord exprès de madame [J] [R] et sans lui communiquer un devis du montant des réparations. Ce faisant le garage a manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard du consommateur qui est resté privé de son véhicule retenu par le garage, et qui s'est vu imposer des réparations sur son véhicule sans son accord. Il convient de condamner la SARL Garage Autos Renov au paiement d'une somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts aux fins de réparer ses manquements à ses obligations.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant très largement dans ses demandes la SARL Garage Autos Renov supportera les dépens de première instance et d'appel et conservera ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Il est équitable qu'elle prenne en charge les frais exposés par madame [J] [R] non compris dans les dépens pour faire valoir ses droits en appel, frais évalués à 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande d'expertise graphologique ;
INFIRME en toutes ses dispositions dont appel le jugement du 7 décembre 2021, sauf en ce qu'il a condamné madame [J]
[R] au paiement des frais de gardiennage fixés à la somme de
10 € TTC par jour à compter du 16 novembre 2019 jusqu'à l'enlèvement du véhicule par madame [J] [R] ;
Statuant à nouveau
DÉBOUTE la SARL Garage Autos Renov de sa demande de paiement de la somme de 18'523,41 € au titre de la facture du 27 mars
2019 ;
MET les dépens de première instance à la charge de la SARL Garage Autos Renov ;
Y ajoutant
CONDAMNE la SARL Garage Autos Renov à verser à madame [J] [R] la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts ;
CONDAMNE la SARL Garage Auto Renov aux dépens d'appel ;
CONDAMNE la SARL Garage Autos Renov à verser à madame [J] [R] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la SARL Garage Autos Renov de sa demande de titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,