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17/02/2023 | FRANCE | N°22/00101

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre sociale, 17 février 2023, 22/00101


ARRET N° 23/38



R.G : N° RG 22/00101 - N° Portalis DBWA-V-B7G-CKKM



Du 17/02/2023





E.U.R.L. COOL SERVICE



C/



[C]













COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU 17 FEVRIER 2023





Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORT-DE-FRANCE, du 26 Avril 2022, enregistrée sous le n° 20/00417





APPELANTE :



E.U.R.L. COO

L SERVICE

[Adresse 3]

[Localité 1]





Représentée par Me Régine CELCAL-DORWLING-CARTER de la SELARL DORWLING-CARTER-CELCAL, avocat au barreau de MARTINIQUE







INTIMEE :



Madame [N] [K] [C]

[Adresse 2]. Cesna, App. 304

[Locali...

ARRET N° 23/38

R.G : N° RG 22/00101 - N° Portalis DBWA-V-B7G-CKKM

Du 17/02/2023

E.U.R.L. COOL SERVICE

C/

[C]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 17 FEVRIER 2023

Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FORT-DE-FRANCE, du 26 Avril 2022, enregistrée sous le n° 20/00417

APPELANTE :

E.U.R.L. COOL SERVICE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Régine CELCAL-DORWLING-CARTER de la SELARL DORWLING-CARTER-CELCAL, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

Madame [N] [K] [C]

[Adresse 2]. Cesna, App. 304

[Localité 1]

Représentée par M. [H] [A] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 9 décembre 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

- Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

- Madame Anne FOUSSE, Conseillère

- Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame [X] [Z],

DEBATS : A l'audience publique du 9 décembre 2022,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au17 février 2023 par mise à disposition au greffe de la cour.

ARRET : Contradictoire

***************

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [C] a été embauchée le 14 septembre 2014 par la société CHATEAUGAZ SARL dans le cadre d'un CUI CAE-DOM en qualité de vendeur caissier polyvalent Piste et Boutique. Cette société exploitait la station [4] en location gérance. A l'expiration du contrat, la location gérance a été donnée à l'EURL COOL SERVICE dont le gérant est M. [V] [R], suivant contraten date du 20 décembre 2019. Les contrats de travail ont été transférés à cette société dont le contrat de travail de Madame [N] [K] [C].

Par courrier en date du 7 juillet 2020, l'employeur adressait à la salariée un avertissement qu'elle refusait de récupérer en mains propres, qui lui reprochait un écart de caisse.

Par exploit d'huissier du 21 août 2020, l'employeur remettait à Madame [N] [K] [C] une lettre de convocation à un entretien préalable du 31 août 2020 et lui notifiait sa mise à pied conservatoire à compter du 21 août 2020.

Par courrier du 17 septembre 2020, l'EURL COOL SERVICE notifiait à Madame [T] [C] son licenciement pour faute grave accompagné de ses documents sociaux.

S'estimant lésée, Madame [T] [C] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France le 4 décembre 2020. En cours de procédure elle lui demandait de dire et juger que le licenciement est nul et qu'il produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle sérieuse, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, outre des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, procédure abusive, en sus d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction était fixée au 26 janvier 2022 et l'affaire était plaidée devant le bureau de jugement le 8 février 2022, le délibéré étant fixé au 17 mai 2022.

En cours de délibéré, le 8 février 2022, Madame [T] [C] sollicitait la réouverture des débats afin de demander le dépaysement de l'affaire en application de l'article 47 du code de procédure civile au motif que le gérant de l'EURL COOL SERVICE était conseiller prud'homal.

L'EURL COOL SERVICE s'y opposait par courrier du 9 février 2022.

Par ordonnance du 14 mars 2022, la réouverture des débats était ordonnée à l'audience du 5 avril 2022.

Par jugement du 26 avril 2022, le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France se dessaisissait de l'affaire et la renvoyait devant le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre, condamnait l'EURL COOL SERVICE à payer à Madame [T] [C] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile laissant les dépens à la charge du trésor public.

Le Conseil de Prud'hommes considérait que la fonction de conseiller prud'hommal employeur exercée par M. [V] [R], gérant de l'EURL COOL SERVICE, dans le ressort du Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France nécessitait le dépaysement du dossier vers le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre en application de l'article 47 du code de procédure civile.

L'EURL COOL SERVICE relevait appel de ce jugement par déclaration rpva du 1er juillet 2022 dans le délai imparti.

Aux termes de ses conclusions d'appel signifiées par exploit d'huissier du 28 juillet 2022, l'EURL COOL SERVICE demande à la Cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 avril 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France en ce qu'il :

- se dessaisit de l'affaire RG 20/417 et la renvoie devant le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre,

- condamne l'EURL COOL SERVICE à payer à Madame [T] [C] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- rejeter la demande de dépaysement formulée en cours de délibéré par Madame [N] [K] [C] soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée le 26 janvier 2022 et à l'audience de plaidoirie du 8 février 2022,

- dire n'y avoir pas lieu à article 700 du code de procédure civile en faveur de Madame [N] [K] [C] demanderesse au dépaysement,

- renvoyer au fond l'affaire devant le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France dans une nouvelle composition,

- condamner Madame [T] [C] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que la demande de dépaysement invoquée à l'appui de l'article 47 du code de procédure civile est une exception de procédure qui doit être soulevée in limine litis en application de l'article 74 du code de procédure civile qui dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public».

Elle ajoute qu'en application de l'article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444. Elle rappelle qu'en l'espèce, la demande de dépaysement a été formulée en cours de délibéré, après que l'affaire a été plaidée.

Elle fait en outre valoir que cette demande n'était pas justifiée dès lors que M. [R] ne faisait pas partie de la composition du bureau de jugement; que sa qualité de conseiller prud'homal était connue depuis la publication de sa nomination au journal officiel soit depuis le 21 décembre 2020; que la salariée échoue à démontrer que cette circonstance constituerait une cause grave permettant la réouverture des débats.

Elle conteste la condamnation au paiement de l'article 700 du code de procédure civile alors que c'est la demanderesse qui a fait le choix tardif du dépaysement; et qu'en imputant les frais de l'incurie de la demanderesse à son employeur, la juridiction de premier degré préjuge de la cause, ce qui n'est pas légal.

Aux termes de ses conclusions en date du 18 septembre 2012, Madame [T] [C] demande à la Cour de :

- confirmer totalement la décision prise par le Conseil de Prud'hommes le 26 avril 2022,

- à titre reconventionnel,

- débouter l'EURL COOL SERVICE de l'ensemble de ses demandes et la condamner aux dépens et frais d'excution.

Elle fait valoir que la demande de dépaysement n'est pas une exception de compétence, et peut être soulevée à tout stade de la procédure y compris pour la première fois en cause d'appel même si les conditions en étaient déjà réunies en première instance; que les conditions d'application de l'article 47 étant réunies, la requête en dépaysement est recevable. Elle soutient au visa de cet article et de l'article 6 de la CEDH et au regard du principe d'impartialité qu'il n'est pas admissible que l'affaire opposant une salariée à son ancien employeur dont le représentant est conseiller prudhommal puisse être dévolue à cette juridiction.

Elle soutient que la demande de dépaysement pouvait être formulée dans un souci de bonne administration de la justice.

MOTIFS

- Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de cette demande soulevée après clôture de l'instruction

Aux termes de l'article 445 du code de procédure civile «Après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444».

En l'espèce l'ordonnance de clôture a été rendue par le bureau de conciliation et d'orientation le 9 novembre 2021 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 8 février 2022, plaidée à cette audience et mise en délibéré le 17 mai 2022.

Par courrier du 8 février 2022, le défenseur syndical de Madame [T] [C] demandait la réouverture des débats afin de dépaysement de l'affaire au visa de l'article 47 du code de procédure civile, aux motifs que M. [V] [R] gérant de l'EURL COOL SERVICE exerçait un mandat de conseiller de prud'homme au sein du Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France et que les conditions de l'article 47 étaient réunies pour que l'affaire soit renvoyée devant une juridiction située dans un ressort limitrophe. Il joignait à cette demande un extrait kbis de la société à la date du 8 février 2022, mentionnant le nom du gérant de l'EURL outre l'arrêté du 21 décembre 2020 portant nomination complémentaire de conseillers prud'hommes pour le mandat prud'hommal 2018/ 2022 sur lequel figure le nom de M. [V] [R].

Or en application de l'article 445 du code de procédure civile, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations après la clôture des débats sauf pour répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président; il s'ensuit que les écritures autres que celles destinées à transmettre en cours de délibéré, les documents demandés par la Cour d'appel sont irrecevables. Civ 25 juin 1997 95-12594).

Dès lors, la demande de dépaysement formulée en application de l'article 47 du code de procédure civile près la clôture des débats, était irrecevable.

Cependant l'article 47 du code de procédure civile dispose que «Lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions. A peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi. En cas de renvoi, il est procédé comme il est dit à l'article 82".

Les conseillers de prud'hommes sont des magistrats au sens de l'article 47 du code de procédure civile. Or ce texte s'applique non seulement lorsqu'un magistrat est partie au procès en son nom personnel, mais aussi lorsqu'il a la qualité de représentant légal d'une partie.

Ainsi lorsqu'un magistrat est parti à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui ci exerce ses fonctions, le juge doit si le défendeur le sollicite, ordonner le renvoi devant une juridiction située dans un ressort limitrophe.

En fait le juge ne peut rejeter une demande de renvoi formée en vertu de l'article 47 dès lors que les conditions d'application en sont remplies.

Tel est bien le cas en l'espèce, puisqu'il apparaît que M. [R] a été nommé conseiller prud'hommal selon arrêté du 21 décembre 2020.

Il s'ensuit que quand bien même la demande formée après clôture des débats était irrecevable, en première instance, elle peut être présentée pour la première fois en cause d'appel et ce même si les conditions en étaient déjà réunies en première instance.

En sollicitant la confirmation du jugement qui a ordonné le dessaisissement, Madame [T] [C] formule cette demande en appel de faire une stricte application de l'article 47 du code de procédure civile.

Il sera donc fait droit à cette demande et ordonné, en cause d'appel le renvoi de l'affaire devant le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre.

Par ailleurs la condamnation de l'EURL COOL SERVICE au paiement de la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile n'était pas fondée dès lors que Madame [T] [C] a elle même fait le choix de saisir le Conseil de Prud'hommes de Fort-de-France et tardivement de solliciter une demande de dépaysement. Il ne saurait être imputée à l'EURL COOL SERVICE les frais de procédure découlant du choix de la juridiction dont elle avait l 'initiative.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

L'équité commande également de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'EURL COOL SERVICE ne succombant que partiellement, il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes le 26 avril 2022 en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau ;

DIT que la demande de dessaisissement formulée après la clôture des débats était irrecevable en première instance,

Cependant,

DIT que Madame [T] [C] est fondée à demander à la Cour d'appel de Fort-de-France en application de l'article 47 du code de procédure civile, le dessaisissement du Conseil de Prud'hommes de Fort de France cette juridiction au profit du Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre,

ORDONNE le renvoi de l'affaire devant le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre dans les conditions de l'article 82 du code de procédure civile,

DIT que le dossier lui sera transmis par le greffe avec une copie de la décision de renvoi,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT qu'il sera fait masse des dépens qui seront répartis par moitié entre les parties.

Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00101
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;22.00101 ?
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