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26/07/2022 | FRANCE | N°21/00171

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 26 juillet 2022, 21/00171


ARRET N°



N° RG 21/00171 - N° Portalis DBWA-V-B7F-CG4C





[J] [N] [Z]

[U] [K] [B]





C/



[I] [P]

[W] [D] [R] [E] ÉP. [P]



















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 JUILLET 2022





Décision déférée à la cour : Jugement au fond, du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE en date du 26 février 2018, enregistré sous le n° 16/01206, par arrêt de la Cour de Cass

ation en date du 27 Février 2020, enregistrée sous le n°162F-D.





APPELANTS :



Monsieur [J] [N] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Gérard GRANVORKA, avocat au barreau de MARTINIQUE



Madame [U] [K] [B]

[Adresse ...

ARRET N°

N° RG 21/00171 - N° Portalis DBWA-V-B7F-CG4C

[J] [N] [Z]

[U] [K] [B]

C/

[I] [P]

[W] [D] [R] [E] ÉP. [P]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 JUILLET 2022

Décision déférée à la cour : Jugement au fond, du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE en date du 26 février 2018, enregistré sous le n° 16/01206, par arrêt de la Cour de Cassation en date du 27 Février 2020, enregistrée sous le n°162F-D.

APPELANTS :

Monsieur [J] [N] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Gérard GRANVORKA, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [U] [K] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Gérard GRANVORKA, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMÉS :

Monsieur [I] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Alexandre KONDO, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [W], [D], [R] [E] épouse [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Alexandre KONDO, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

La cour n'a pu se réunir au complet ce jour, l'un des assesseurs étant retenu à l'audience de la chambre de l'instruction.

L'affaire a été prise en collégiale bi-rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées après interrogation de la présidente de l'audience.

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Avril 2022 sur le rapport de Madame Christine PARIS, devant la cour composée de :

Président : Madame Christine PARIS, Président de chambre

Assesseur : Madame Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 05 Juillet 2022 puis prorogée au 26 Juillet 2022

ARRÊT : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'alinéa 2 de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié du 26 juin 2015, madame [E] et monsieur [P], propriétaires d'une maison située à [Localité 4], ont signé avec M. [Z] et Mme [B] (les consorts [Z]) un compromis portant sur la vente de celle-ci, sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt par les acquéreurs.

La signature de l'acte authentique devait intervenir avant le 29 octobre 2015.

M. et Mme [P] ont autorisé les consorts [Z] à occuper la maison à compter du 1er septembre 2015, jusqu'à la signature de l'acte authentique, moyennant un loyer de 1000 euros par mois, selon acte sous seing privé non daté.

A la suite de fortes pluies survenues le 19 octobre 2015, des désordres sont apparus, et une nouvelle convention non datée est intervenue entre les parties ' dans l'attente des travaux d'étanchéité jusqu'au 30 novembre 2015".

Par courrier du 24 novembre 2015, les consorts [Z] ont déclaré renoncer, compte tenu des désordres affectant la maison, à son acquisition.

Par actes d'huissier du 17 décembre 2015, madame [E] et monsieur [P] ont sommé madame [B] et monsieur [Z] de quitter les lieux.

Par actes d'huissier du 22 janvier 2016, madame [E] et monsieur [P] ont assigné madame [B] et monsieur [Z] devant le juge d'instance de [Localité 4] statuant en référé, aux fins d'ordonner leur expulsion ainsi que tout occupant de leur chef sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance et jusqu'à la remise des clefs.

Ils demandaient également leur condamnation solidaire, à titre de provision, au paiement d'une indemnité de jouissance à compter du 31 novembre 2015 à hauteur de 1 800,00 € sous déduction de la somme de 1 000,00 € versée en décembre 2015 avec capitalisation des intérêts .

Le 17 mars 2016, la collectivité de [Localité 4] a pris un arrêté de péril imminent portant sur la maison.

Par ordonnance de référé contradictoire rendue en date du 30 mai 2016, le tribunal d'instance de Saint-Martin a statué comme suit :

- CONSTATE que M. [J] [Z] et Mme [U] [B] sont restés illégalement dans la villa de M. [G] [P] et Mme [W] [O] depuis le 30 novembre 2015,

- ORDONNE en conséquence, l'expulsion de M. [J] [Z] et de Mme [U] [B] ainsi que celle de tous occupants de leur chef du logement occupé sans droit ni titre, situé [Adresse 3] à [Localité 4] au besoin avec le concours de la force publique à l'expiration d'un délai de quinze jours courant à compter de la signification de la présente décision, et passé ce délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard qui courra pendant quatre mois,

- CONDAMNE M. [J] [Z] et Mme [U] [B] à payer à M. [G] [P] et Mme [W] [O] la somme provisionnelle de 8.600 euros à titre d'indemnité d'occupation jusqu'au 31 mai 2016, ainsi qu'une somme mensuelle de 1.600 euros à compter du 1er juin 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- DÉBOUTE M. [J] [Z] et Mme [U] [B] de leurs demandes,

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision,

- CONDAMNE M. [J] [Z] et Mme [U] [B] aux dépens et à payer à M. [G] [P] et Mme [W] [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 26 février 2018, la cour d'appel de Basse-Terre a :

- DÉCLARÉ la demande d'expulsion sans objet, M. [J] [N] [Z] et Mme [U] [K] [B] ayant quitté les lieux,

- INFIRMÉ partiellement la décision déférée,

Statuant à nouveau,

Vu l'arrêté de péril imminent pris par la collectivité de [Localité 4] le 17 mars 2016,

- CONDAMNÉ M. [J] [N] [Z] et Mme [U] [K] [B] à payer à M. [I] [P] et Mme [W] [D] [R] [E] épouse [P] la somme de 4.706,60 euros représentant l'indemnité d'occupation de la période du 1er décembre 2015 au 17 mars 2016,

- S'est DÉCLARÉE incompétente pour statuer sur les demandes de M. [J] [N] [Z] et Mme [U] [K] [B] relatives à la requalification de la convention d'occupation précaire, à l'appréciation de l'état d'insalubrité du logement et au remboursement des loyers,

- Les a DÉBOUTÉS de leurs demandes en paiement des frais de relogement et de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

- CONFIRMÉ la décision en ce qu'elle a condamné M. [J] [N] [Z] et Mme [U] [K] [B] au paiement d'une indemnité de procès,

- DIT que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel et les frais générés par sa

défense.

Par arrêt en date du 27 février 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre rendu le 26 février 2018 en toutes ses dispositions et a renvoyé l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt devant la cour d'appel de Fort-de-France.

Le 22 mars 2021, M. [J] [N] [Z] et Mme [U] [K] [B] ont adressé au greffe de la cour d'appel de Fort-de-France une déclaration de saisine visant comme intimés M. [I] [P] et Mme [W] [D] [R] [E] épouse [P].

Un avis d'orientation et de fixation à bref délai selon la procédure de renvoi après cassation leur a été notifié le 23 avril 2021.

Par ordonnance en date du 21 octobre 2021 la présidente de la chambre, saisie par madame [B] et monsieur [Z] a déclaré recevables les conclusions de madame [E] et monsieur [P] du 6 juillet 2021 et a renvoyé l'affaire pour clôture au 17 février 2022 et fixation à la collégiale du 29 avril 2022 à 9H00.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 24 mars 2021, madame [B] et monsieur [Z] demandent à la cour de statuer comme suit :

A TITRE PRINCIPAL:

- INFIRMER le jugement entrepris le 30 mai 2016 par le tribunal d'instance de SAINT MARTIN;

- DIRE ET JUGER qu'aucun loyer ou qu'aucune somme ne peut être versée aux propriétaires en contrepartie de l'occupation de leur logement faisant l'objet d'un arrêté de mise en péril

STATUANT A NOUVEAU,

- DIRE ET JUGER que monsieur [Z] et madame [B] sont titulaires d'un bail classique à effet rétroactif du 1er septembre 2015 portant sur un bien immobilier sis à [Adresse 5];

- DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause, monsieur [Z] et madame [B] occupaient le bien immobilier sis à [Adresse 5], alors que ce bien était impropre à l'habitation et faisait l'objet d'un arrêté de mise en péril;

- CONDAMNER les époux [P] à rembourser à monsieur [Z] et madame [B] la somme de 4 000 € au titre des loyers indûment perçus pour un logement insalubre pour les mois de septembre à décembre 2015 ; outre la somme de 4706,60 € réglée au titre des loyers du 1 er janvier 2016 jusqu'à la libération effective des lieux ;

- DIRE et JUGER que les époux [P] sont redevables envers monsieur [Z] et madame [B] d'une obligation de relogement jusqu'à l'arrêté de mainlevée de l'insalubrité.

- CONDAMNER les époux [P] à rembourser à monsieur [Z] et madame [B] la somme de 13 977,70 € au titre des frais de relogement sur la période du 23 mars 2016 au 1er novembre 2016.

- CONDAMNER les époux [P] à rembourser à monsieur [Z] et madame [B] les frais de relogement depuis le 1er novembre 2016 jusqu'à l'arrêté de mainlevée de l'insalubrité.

- CONDAMNER les époux [P] à payer à monsieur [Z] et madame [B] la somme de 3 000 € à chacun au titre du préjudice moral.

A TITRE INFINIEMENT SUBSIDIAIRE,

- DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à référé en raison de l'existence d'une contestation sérieuse sur la nature de la convention d'occupation, et inviter les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond sur les demandes relatives aux indemnités d'occupation;

En tout état de cause,

- CONDAMNER les époux [P] à payer à monsieur [Z] et madame [B] la somme de 3 000 € à chacun au titre du préjudice moral.

- CONDAMNER, les époux [P] a rembourser à monsieur [Z] et madame [B] la somme de 4 706,60 € réglée au titre des loyers du 1er janvier 2016 jusqu'à la libération effective des lieux, payée au titre de l'exécution de l'arrêt cassé de Cour d' appel de BASSE TERRE ;

- CONDAMNER les époux [P] à payer à monsieur [Z] et madame [B] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.

- CONDAMNER les époux [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'huissier de justice pour les constats des 24 octobre 2015, 25 janvier 2016, concernant les désordres, ainsi que ceux des 29 juin et 8 juillet 2016 sur la carence et l'état des lieux de sortie pour un montant total de 1186,20 € (pièces 34,35, 53bis, 55) .

Ils rappellent que par acte du 26 juin 2015, ils ont signé un compromis de vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt bancaire, l'acte authentique devant intervenir au plus tard le 29 octobre 2015.

Ils soutiennent que lors de la première convention d'occupation des lieux, la condition suspensive d'obtention du prêt était déjà réalisée depuis le 8 août 2015 et qu'il n'existait plus aucune cause objective de précarité. Dès lors il s'agissait d'un bail classique soumis aux dispositions impératives de la législation en faveur des baux à usage d'habitation.La deuxième convention d'occupation fait état d'un bail et d'un loyer, termes incompatibles avec une convention d'occupation précaire. Depuis le 8 août 2015 il n'existait plus aucune circonstance particulière indépendante de la seule volonté des parties permettant de constituer la cause objective de précarité de sorte que cette deuxième convention signée le 30 octobre 2015 ne peut être qualifiée de convention d'occupation précaire. La cause de la réalisation des travaux ne dépendait que des bailleurs, travaux qu'ils ne réaliseront d'ailleurs jamais.

Ils font valoir que madame [E] et monsieur [P] connaissaient l'existence de vices cachés affectant le bien avant la signature du compromis et soulignent qu'en dépit de l'arrêté de mise en péril imminent, ils ont poursuivi la commercialisation de la villa. Enfin, en consentant une troisième convention dénommée bail, fixant un loyer, madame [E] et monsieur [P] consacraient définitivement la requalification d'un bail classique à compter du 1er septembre 2015.Ils rappellent que la villa a fait l'objet d'un arrêté de péril imminent le 17 mars 2016 sur le rapport de Monsieur [T], expert mandaté par le tribunal administratif . Se fondant sur les articles L5 121-2 du code de la construction, ils rappellent que les occupants qui sont demeurés dans les lieux faute d'avoir reçu une offre de relogement conforme, sont des occupants de bonne foi qui ne peuvent être expulsés de ce chef. Ils s'appuient sur le constat d' huissier des 24 octobre 2015 et 25 janvier 2016, ainsi que les constats d'expert du 25 novembre 2015, 14 mars 2016, le rapport d'expertise judiciaire du 20 février 2016 ainsi que le constat d'huissier d' état des lieux de sortie du 8 juillet 2016, pour soutenir que les infiltrations survenaient après les pluies et sont dues à un défaut d'étanchéité et non pas à un problème de tuyauterie apparent de l'électroménager, qui ont pu être endommagées par les rats après leur départ.

Ils contestent le rapport de Monsieur [L], expert en plomberie, qui serait un ami de longue date des consorts [P] . Ils soutiennent que les époux [P] n'ont jamais eu la volonté de faire le nécessaire pour remédier aux graves désordres affectant les lieux loués. Compte tenu de l'arrêté de péril imminent, le bail à effet du 1er septembre 2015 ne pouvait pas être rompu et les locataires ne pourront être expulsés, mais uniquement évacués et relogés du fait de l'arrêté de péril du 17 mars 2016.

Madame [E] et monsieur [P] doivent en conséquence être condamnés à leur rembourser les frais de relogement du 23 mars au 1er novembre 2016 pour un montant de 13'977,70 €. Ils ont demandé également leur condamnation au paiement de la somme de 3000 € pour chacun des locataires, au titre de leur préjudice moral, des époux [P] ayant sciemment loué un bien vicié et impropre à l'usage d'habitation à une famille comportant deux enfants en bas âge créant un état d'anxiété réactionnelle très fort et leur faisant courir un risque d'électrocution ruinant également leur projet d'acquisition immobilier.

Subsidiairement en raison de la contestation sérieuse le juge des référés ne pouvait les condamner à des indemnités d'occupation.

Dans leurs dernières conclusions au fond communiquées par voie électronique le 6 juillet 2021, madame [E] et monsieur [P] demandent à la cour de confirmer l'ordonnance du 30 mai 2016 en toutes ses dispositions et y ajoutant, de débouter madame [B] et monsieur [Z] de l'intégralité de leurs demandes et de les condamner solidairement à leur verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Ils rappellent qu'à la suite d'un compromis de vente en date du 26 juin 2015 ils ont accordé une première convention d'occupation précaire aux acquéreurs à compter du 1er septembre 2015, puis une seconde en raison d'infiltrations d'eau à la suite de fortes pluies le 19 octobre 2015. Ils contestent l'existence d'infiltrations d'eau antérieure et rappellent que madame [B] et monsieur [Z] ont refusé de signer la troisième convention qui leur avait été proposée, indiquant le 24 novembre 2015 qu'ils souhaitaient ne plus poursuivre le processus d'achat de la villa . Ils ont donc dû leur délivrer une sommation de quitter les lieux sous quinzaine par acte du 17 décembre 2015, puis ont introduit la procédure d'expulsion devant le juge des référés le 22 janvier 2016. Ils rappellent qu'ils habitent à Bordeaux et soutiennent avoir découvert la procédure introduite devant le tribunal administratif qui a donné lieu à l'arrêté de péril imminent. Ils reprochent aux consort [Z] d'avoir refusé l'accès du bien à la compagnie des eaux et à divers intervenants et soutiennent que ce n'est que le 17 novembre 2016 que l'agent immobilier, se déplaçant avec un plombier, a déterminé que l'origine des fuites d'eau était due à un tuyau d'arrivée d'eau en grande partie rongé par des rats et des souris .Ils s'appuient sur un rapport d'expertise de Monsieur [L], seul expert inscrit sur la liste des experts près de la cour d'appel de Basse-Terre, qui dans son rapport du 13 janvier 2017 conclut à un premier sinistre dû à un décollement de l'étanchéité du mur pignon sous l'effet des eaux de ruissellement le 22 octobre 2015, puis un second sinistre constaté le 25 janvier 2016 dû au réseau d'eau détérioré par les rongeurs.

Ils précisent que parallèlement une procédure d'annulation du compromis de vente du 26 juin 2015 a donné lieu à un jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 juin 2017 prononçant cette annulation, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 23 mars 2021.

Ils soutiennent que la première convention d'occupation précaire à effet au 1er septembre 2015 est licite et qu'elle a été prorogée jusqu'au 31 novembre 2015. Depuis l'occupation des lieux par madame [B] et monsieur [Z] constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser. Ils font valoir qu' ils il entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de requalifier les conventions litigieuses et ils maintiennent leur demande d'indemnité d'occupation d'autant que les consorts [Z] empêchaient toute réparation et que la situation n'a pu que s'aggraver considérablement. Ils contestent le rapport d'expertise de Monsieur [T] qui a conclu à l'existence d'un péril, sans être en mesure de déterminer les origines des infiltrations et s'appuient sur le rapport de Monsieur [L]. Ils soutiennent que le dégât des eaux a été causé par des fuites d'eau sur le réseau d'alimentation de la machine à laver détérioré par les rongeurs, ce que ne pouvaient ignorer les consorts [Z] à qui ils ont reproché d'avoir volontairement laissé faire ses fuites dans le seul but de justifier la présente action. Ils contestent l'existence d'un vice caché antérieur au compromis de vente et s'appuient sur les attestations des occupants précédents. Ils précisent que le 2 juillet 2019 ils ont revendu la villa et que l'acquéreur a réalisé des travaux d'étanchéité pour un montant de 490 € hors-taxes qui a mis fin aux problèmes d'infiltration. Ils estiment que le comportement de madame [B] et monsieur [Z] est totalement inacceptable et constitue une faute d'une particulière gravité leur ayant causé un grave préjudice, le coût des travaux de remise en état s'élevant à 24'000 € et la perte de valeur de l'immeuble à 33'000 €, la perte de loyer à 32'000 €.

Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées .

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle que les demandes tendant à voir, dire et juger ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile de sorte qu'il n'en sera pas fait mention dans le dispositif. De plus, le dispositif du présent arrêt sera limité aux strictes prétentions formées par les parties constituées, étant rappelé qu'il n'a pas vocation à contenir les moyens venant au soutien des demandes, peu important que ces moyens figurent dans le dispositif des conclusions. Enfin et en application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions .

Aux termes des dispositions de l'article 848 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l'espèce, dans tous les cas d'urgence, le juge du tribunal d'instance peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes des dispositions de l'article 849 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, le juge du tribunal d'instance peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Pour solliciter l'expulsion de madame [B] et monsieur [Z], madame [E] et monsieur [P] s'appuient sur l'existence d'une convention qu'ils qualifient d'occupation précaire, non datée à effet au 1er septembre 2015, prorogée par une seconde convention non datée jusqu'au 30 novembre 2015 et le refus de madame [B] et monsieur [Z] de signer une troisième convention.

Madame [B] et monsieur [Z] soutiennent que les conditions de validité d'une convention précaire ne sont pas réunies et qu'en réalité, depuis le 1er septembre 2015, ils sont titulaires d'un contrat de bail.

La cour constate que la qualification de la convention liant les parties détermine le droit ou non pour madame [B] et monsieur [Z] de rester dans les lieux tant qu'ils ne sont pas relogés en raison de l'arrêté de péril imminent du 17 mars 2016, et le droit pour madame [E] et monsieur [P] de réclamer des indemnités d'occupation.

Madame [E] et monsieur [P] soutiennent que la convention à effet au 1er septembre 2015 prorogée par une nouvelle convention à effet jusqu'au 30 novembre 201 doit être qualifiée de convention d'occupation précaire parfaitement valable compte tenue de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

La convention d'occupation précaire est un contrat sui generis qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties.'

À défaut en application des dispositions d'ordre public de la loi numéro 89 ' 462 du 6 juillet 1989 modifiée, dans sa version applicable au litige, le contrat doit être qualifié de bail d'habitation.

Il est constant que le juge des référés n'est pas compétent pour interpréter la volonté des parties lorsque la convention contestée comporte des termes ambigus ou imprécis qui déterminent l'existence de l'obligation invoquée ou pour déterminer la nature exacte du contrat, si celle-ci dépend d'un examen approfondi des documents de la cause.

La cour constate que, d'une part la date de la signature de la première convention à effet au 1er septembre 2015 reste inconnue et que d'autre part l'événement qui doit être mettre fin à la convention est la signature de l'acte authentique prévu au plus tard le 31 octobre 2015, alors que les consorts [Z] soutiennent que dès le 8 août 2015, ils avaient obtenu un prêt immobilier, ce dont ils avaient informé l'agence par mail et qu'en conséquence, rien ne s'opposait à la signature de l'acte authentique, les époux [P] estimant d'ailleurs que la vente était parfaite dès le 8 août 2015.

La cour constate également que la seconde convention d'occupation à effet jusqu'au 30 novembre 2015 ne comporte pas de date, qu'il est précisé qu'elle est conclue' dans l'attente de la réalisation des travaux d'étanchéité de la villa', réalisation qui ne dépend que de la seule volonté de madame [E] et monsieur [P] au moment de la signature de de la convention, peu importe l'obstruction ultérieure et contestée des consorts [Z]. La cour constate également que les termes employés dans cette convention ,' pour le même montant du loyer' , un 'nouveau bail,' sont contraires aux termes employés dans le cadre d'une convention d'occupation précaire qui fait état de redevances et non de loyers.

Pour faire droit à la demande d'expulsion des madame [B] et monsieur [Z], alors qu'un arrêté de péril est intervenu le 17 mars 2016, et que ces derniers étaient susceptibles de bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux en l'attente d'un relogement dans l'hypothèse d'un bail d'habitation soumis aux dispositions d'ordre public de la loi juillet 1989, le juge des référés ne pouvait, s'en outrepasser ses pouvoirs, considérer que les consort [Z] étaient sans droit ni titre depuis le 30 novembre 2015, la qualification en convention d'occupation précaire de la convention à effet au 1er septembre 2015 et de la seconde convention à effet jusqu'au 30 novembre 2015, étant sérieusement contestée par les consorts [Z] et nécessitant un examen approfondi des pièces des parties produites aux débats .

Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance de référé 30 mai 2016 de ce chef.

De même la demande de condamnation des consorts [Z] à une indemnité provisionnelle d'occupation de 8 600 € jusqu'au 31 mai 2016, puis une somme mensuelle de 1 600 € à compter du 1er juin 2016 jusqu'à la libération effective des lieux se heurtent à une contestation sérieuse de l'obligation au paiement d'une indemnité d'occupation, les consort [Z] opposant l'exception d'inexécution résultant d'un manquement du bailleur à ses obligations de mettre à disposition des occupants un logement hors d'eau, propre à sa destination d'immeuble d'habitation

En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance de référé du 30 mai 2016 en ce qu'elle a fixé une indemnité d'occupation à compter du 1er juin 2016 à hauteur de 1 600 € et condamné les consort [Z] à verser une provision de 8 600 € au titre des indemnités d'occupation jusqu'au 31 mai 2016, d'autant que les seules conventions acceptées entre les parties faisaient état d'un versement mensuel de 1 000 € et non de 1'600 €, la dernière convention portant à 1 600 € ce montant soumise aux consort [Z] ayant été refusée par ces derniers.

Les consorts [Z] demandent également la condamnation des époux [P] au paiement de la somme de 3 000 €, chacun, au titre de leur préjudice moral.

Il convient de rappeler que le juge des référés est compétent que pour accorder les provisions aux créanciers dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il leur appartient dès lors de démontrer une faute non sérieusement contestable de madame [E] et monsieur [P] à l'origine du préjudice qu'ils invoquent.

Les époux [P] soutiennent que l'immeuble mis à disposition des consorts [Z] n'était pas atteint d'un vice caché et que les infiltrations d'eau sont dues en partie, à la détérioration du réseau d'eau par des rongeurs Ils s'appuient pour ce faire sur un rapport d'expertise non contradictoire de Monsieur [L], expert près de la cour d'appel de Basse-Terre,

Les époux [P] opposent aux consorts [Z] leur propre faute contestée, étant observé qu'en première instance les consorts [Z] demandaient le remboursement des sommes versées de septembre à décembre 2015 à hauteur également de la somme de 4 000€ qui, pour les raisons exposées ci-dessus, se heurte à une contestation sérieuse.

Le seul rapport d'expertise judiciaire contradictoire est celui de monsieur [T] ordonné par le juge administratif qui ne se prononce que sur la dangerosité de l'occupation en raison de l'atteinte du tableau électrique par l'eau et non sur l'antériorité du vice.

Au moment où le juge des référés a statué il existait une contestation sérieuse sur la faute de madame [E] et monsieur [P] .

Il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts.

L'ordonnance de référé sera confirmée en ce qu'elle a débouté madame [B] et monsieur [Z] de leurs demandes.

Chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions, elles conserveront leurs dépens exposés en première instance et en appel ainsi que leurs frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME en toutes ses dispositions dont appel l'ordonnance de référé du tribunal d'instance de Saint-Martin en date du 30 mai 2016 sauf en ce qu'elle a débouté les consorts [Z] de leurs demandes

Statuant à nouveau

DEBOUTE madame [E] et monsieur [P] de leurs demandes et les invite à mieux se pourvoir devant le juge du fond

DEBOUTE madame [B] et monsieur [Z] de leurs demandes et les invite à mieux se pourvoir devant le juge du fond

DIT que chacune des parties conservera ses frais et dépens exposés tant en première instance qu'en appel et qu'elles conserveront leurs frais irrépétibles.

Signé par Madame Christine PARIS, Présidente de chambre et par Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, à qui la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00171
Date de la décision : 26/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-26;21.00171 ?
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