La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2022 | FRANCE | N°20/00327

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 26 juillet 2022, 20/00327


ARRET N°



N° RG 20/00327



N° Portalis DBWA-V-B7E-CFI6



















S.C.I. WEM





C/



S.A. MAAF ASSURANCES















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 JUILLET 2022





Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 19 Mai 2020, enregistré sous le n° 18/01571





APPELANTE

:



S.C.I. WEM

Prise en la personne de son gérant domicilié de droit audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Sébastien DE THORE, de L'AARPI OVEREED, avocat au barreau de MARTINIQUE





INTIMEE :



S.A. MAAF ASSURANCES

Agissant poursuites et diligences...

ARRET N°

N° RG 20/00327

N° Portalis DBWA-V-B7E-CFI6

S.C.I. WEM

C/

S.A. MAAF ASSURANCES

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 JUILLET 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 19 Mai 2020, enregistré sous le n° 18/01571

APPELANTE :

S.C.I. WEM

Prise en la personne de son gérant domicilié de droit audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sébastien DE THORE, de L'AARPI OVEREED, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :

S.A. MAAF ASSURANCES

Agissant poursuites et diligences en la personne de son epésentant légal domicilié audit siège

Chaban

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie DRIGUEZ, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Lisa HAYERE de L'ACLH AVOCATS, avocat plaidant, au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2022, sur le rapport de Madame Marjorie LACASSAGNE, devant la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 26 Juillet 2022 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 10 septembre 2008, la SCI WEM a acquis la propriété d'un terrain situé [Adresse 1], cadastrée section N numéro [Cadastre 3], sur lequel existait un hangar construit en parpaings sur ossature métallique d'une superficie de 250 m², outre une dalle de béton de 250 m² à usage de parking, les biens étant alors loués à la SARL PRESTIGE PISCINES au terme d'un bail devant se terminer le 30 juin 2008 et ayant été prorogé jusqu'à la vente.

Au début de l'année 2009, la SCI WEM a fait construire un deuxième bâtiment à usage de bureaux et de local artisanal pour une surface hors 'uvre nette créée de 257 m². Une déclaration d'achèvement des travaux a été établie le 4 mars 2009.

Par actes sous seing privé du 18 septembre 2010, la SCI WEM a consenti :

- à la SARL POLYESTER CARAIBES un premier bail commercial portant sur « un hangar couvert de 100 m2 et une aire de stockage de 200 m² » et prenant effet au 1er octobre 2010 moyennant un loyer de 2 712 € TTC,

- à la SARL POLYESTER CARAIBES un second bail commercial portant sur « un hangar couvert de 250 m², une aire de stockage de 300 m², deux toilettes dans le hangar, un bureau à l'étage de 60 m² avec salle de bains et toilettes, un show-room de 15 m² » et prenant effet au 1er octobre 2010 moyennant un loyer de

4 340 € TTC,

- à la SARL DALLAGE CARAIBES un bail commercial portant sur « un hangar couvert de 250 m², une aire de stockage de 100 m², trois toilettes dans le hangar, un réfectoire avec salle de, un bureau à l'étage de 40 m² et une mezzanine de 250 m² » et prenant effet au 1er octobre 2010 moyennant un loyer de 4 340 € TTC.

Le 21 mars 2011, la SARL POLYESTER CARAIBES et la SARL DALLAGE CARAIBES, toutes deux représentées par Madame [P], leur gérante et également gérante de la SCI WEM, ont souscrit une assurance multirisque professionnelle auprès de la SA MAAF assurances.

Le 26 juillet 2016, un incendie est survenu sur les bâtiments appartenant à la SCI WEM.

Le 27 juillet 2016, la SARL POLYESTER CARAIBES et la SARL DALLAGE CARAIBES ont déclaré ce sinistre auprès de leur assureur, la SA MAAF assurances.

Par arrêt rendu le 3 juillet 2018, la cour d'appel de Fort-de-France, infirmant une ordonnance de référé rendu par le président du tribunal de Fort-de-France le 29 septembre 2017, a condamné la SA MAAF assurances à payer à la SCI WEM la somme de 850 000 € à titre de provision complémentaire à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant de la destruction par incendie de son immeuble à usage locatif, avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2017 et a dit que la SA MAAF assurances se libérerait de cette somme par priorité entre les mains de la CRCAM.

Par exploit d'huissier du 26 juillet 2018, la SCI WEM a fait assigner la SA MAAF assurances, assureur de la SARL POLYESTER CARAIBES, devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamner l'assureur à l'indemniser des différents préjudices subis au titre notamment des dommages matériels causés aux bâtiments et des pertes de loyers.

Par exploit d'huissier du 17 mai 2019, la SA MAAF assurances a appelé en cause la SARL POLYESTER CARAIBES aux fins de la voir garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre, si la déchéance de garantie était prononcée à l'encontre de son assurée par le tribunal mixte de commerce dans le litige qui les oppose.

La SARL POLYESTER CARAIBES n'a pas constitué avocat.

Par jugement rendu le 19 mai 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :

- avant dire droit sur l'instance opposant la SA MAAF assurances et la SARL POLYESTER CARAIBES, déclaré recevable l'intervention forcée de la SARL POLYESTER CARAIBES, sursis à statuer sur la demande de garantie formée par la SA MAAF assurances à son encontre dans l'attente de la décision définitive à intervenir dans le litige opposant ces deux parties devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, réservé les demandes et les dépens,

- ordonné la disjonction de l'instance et dit que les affaires initialement jointes seront désormais à nouveau suivies sous deux numéros distincts : RG 18/1571 pour la procédure opposant la SCI WEM et la SA MAAF assurances et RG 20/469 pour la procédure opposant la SA MAAF assurances et la SARL POLYESTER CARAIBES.

Statuant au fond sur l'instance opposant la SCI WEM et la SA MAAF assurances, par décision contradictoire et en premier ressort :

- condamné la SA MAAF assurances à payer à la SCI WEM la somme de 867 426 € due par la SA MAAF assurances en qualité d'assureur de la SARL POLYESTER CARAIBES en réparation des dommages subis du fait de l'incendie survenu le 26 juillet 2016,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article L.122-2 du code des assurances et rejeté la demande tendant à voir fixer le point de départ des intérêts légaux à toute date antérieure à la décision de ce jour,

- rejeter les demandes distinctes formées au titre des pertes de loyers, des honoraires d'experts et des pertes indirectes,

- dit que les sommes provisionnelles d'ores et déjà payés par la SA MAAF assurances à hauteur de 890 000 € s'imputeront sur le montant de la présente condamnation,

- constaté en conséquence le trop-perçu de 22 574 € et condamner la SCI WEM à rembourser cette somme à la SA MAAF assurances,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI WEM et la SA MAAF assurances chacune pour moitié aux dépens,

- dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire.

Par déclaration électronique reçue au greffe le 13 août 2020, la SCI WEM a interjeté appel de cette décision.

La SA MAAF assurances s'est constituée le 6 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 octobre 2021, la SCI WEM demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France le 19 mai 2020 en ce qu'il a rejeté les demandes distinctes formées au titre des pertes de loyer, les honoraires d'experts et des pertes indirectes, en ce qu'il a dit que les sommes provisionnelles d'ores et déjà payés par la MAAF à hauteur de 890 000 € s'imputeront sur le montant de la condamnation, en ce qu'il a constaté un trop-perçu de 22 574 € et condamner la SCI WEM à rembourser cette somme à la MAAF, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article L.122-2 du code des assurances et rejeter la demande tendant à voir fixer le point de départ des intérêts à une date antérieure à la décision et en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de l'article sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- condamner la société MAAF assurances à indemniser la SCI WEM pour la perte des loyers causée par le sinistre du 26 juillet 2016 à hauteur de 8 000 € hors taxes par mois à compter du 26 juillet 2016,

- subsidiairement, condamner la société MAAF assurances à indemniser la SCI WEM pour la perte des loyers causée par le sinistre du 26 juillet à hauteur de 6 500 € hors taxes par mois à compter du 26 juillet 2016,

- très subsidiairement, condamner la société MAAF assurances indemniser la SCI WEM pour la perte des loyers causée par le sinistre du 26 juillet 2016 à hauteur de 4 000 € hors taxes par mois à compter du 26 juillet 2016,

- condamner la société MAAF assurances à payer à la SCI WEM une somme équivalente à 5% du montant de l'ensemble des dommages consécutifs au sinistre survenu le 26 juillet 2016, tel que fixés dans le jugement du 19 mai 2020 s'agissant du préjudice relatif aux biens immobiliers et dans la décision à intervenir s'agissant des autres préjudices, au titre des honoraires contractuellement dus au cabinet d'expertise GALTIER,

- condamner la société MAAF assurances à payer à la SCI WEM la somme de 63 935,70 € à parfaire à titre d'indemnisation des pertes indirectes causées par le sinistre du 26 juillet 2016,

- assortir l'ensemble des condamnations pécuniaires des intérêts au taux d'intérêt légal à compter du 13 avril 2017,

- condamner la société MAAF assurances à payer à la SCI WEM la somme de 5 000 € au titre de l'article sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

À l'appui de ses prétentions, la SCI WEM rappelle que la SA MAAF assurances n'a jamais contesté son obligation de réparer l'entier préjudice subi résultant de l'incendie survenu le 26 juillet 2016 et dont la SARL POLYESTER CARAIBES, son locataire, est responsable. Elle fait observer que le montant alloué par le tribunal au titre des dommages immobiliers n'est pas discuté et qu'en conséquence, le litige ne porte plus que sur le montant des autres postes de préjudices dont elle réclame l'indemnisation.

Elle fait grief au tribunal d'avoir estimé que le second contrat de bail souscrit avec la SARL POLYESTER CARAIBES était frauduleux et n'avait vocation qu'à augmenter artificiellement le montant des préjudices de la SCI WEM.

Elle rappelle qu'à la suite de l'acquisition des biens en 2008, elle a consenti un contrat de bail commercial à la SARL PRESTIGE PISCINES portant sur des locaux d'une surface approximative de 150 m² de hangar, plus la mezzanine. Elle précise qu'elle n'est pas en mesure de produire au débat le contrat écrit, qui a certainement été détruit durant l'incendie du 26 juillet 2016. Elle fait observer néanmoins que la réalité de l'occupation des lieux par la SARL PRESTIGE PISCINES résulte d'un ensemble d'éléments extrinsèques et rappelle qu'en matière de bail, la preuve est libre. Elle indique qu'ensuite, les sociétés PRESTIGE PISCINES, DALLAGE CARAIBES et POLYESTER CARAIBES ont, un temps donné, occupé l'ensemble des locaux appartenant à la SCI WEM, situation qui a permis que la société POLYESTER CARAIBES récupère la surface occupée par la société PRESTIGE PISCINES à son départ des lieux en 2013. Elle indique que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le premier bail consenti à la SARL POLYESTER CARAIBES ne portait pas sur un hangar de 200 m² mais sur un hangar de 100 m².

Elle affirme que la SCI WEM a concédé concomitamment, à la société PRESTIGE PISCINES, la jouissance d'un hangar de 150 m² avec la mezzanine située dans l'édifice existant pour une période allant de fin 2008 à 2013, à la société POLYESTER CARAIBES, la jouissance d'un hangar de 100 m² et d'une aire de stockage située dans l'édifice existant et à la société DALLAGE CARAIBES, la jouissance d'un hangar de 250 m² environ situés dans le nouvel édifice.

Elle précise qu'à l'issue du second contrat de bail, la SARL POLYESTER CARAIBES bénéficiait non seulement d'une plus grande surface de hangar (250 m² au lieu de 100 m²) et d'aire de stockage (300 m² au lieu de 200 m²), mais aussi de nouveaux espaces (sanitaires, bureaux, show-room correspondant à la mezzanine). Elle indique que compte tenu de l'augmentation de ces surfaces, le loyer a été modifié pour être porté à 4 000 € HT.

Elle considère que, à supposer que le tribunal a eu un doute sur l'authenticité de ce second contrat de bail, en revanche, il n'existait aucun doute sur l'existence du premier contrat de bail de sorte que le tribunal aurait dû faire droit à la demande d'indemnisation de la perte de loyer au minimum à hauteur de 2 500 € HT.

Elle ajoute avoir communiqué à la SA MAAF assurances des quittances de loyer ainsi que des relevés de compte faisant apparaître des virements émanant de la SARL POLYESTER CARAIBES, démontrant de plus fort son occupation des lieux.

Elle fait également grief au tribunal d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation au titre des frais d'expertise dus au cabinet GALTIER qui est intervenu pour son compte, dans les opérations d'expertise amiable aux côtés de l'expert mandaté par la MAAF, en vertu d'un contrat de prestation de services conclu le 10 mai 2017 qui précisait bien les conditions de rémunération.

Elle fait en outre grief au tribunal d'avoir rejeté sa demande au titre de l'indemnisation des pertes indirectes, faisant valoir qu'elle a subi un préjudice économique lié à la déchéance du terme des deux emprunts qu'elle avait contractés auprès du Crédit Agricole pour financer l'acquisition et la valorisation de l'immeuble sinistré par l'incendie du 26 juillet 2016. Elle explique que la déchéance du terme des deux prêts trouve sa cause dans l'absence de perception des loyers par la SCI WEM et indique que le préjudice économique qui en résulte pour elle s'élève à la somme de 63 935,70 €.

Elle reproche enfin au tribunal de l'avoir déboutée de sa demande d'application des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 13 avril 2017, en violation des dispositions des articles 1231-6 et 1344 du code civil. Elle fait observer notamment que dans son arrêt du 3 juillet 2018, la cour d'appel de Fort-de-France a assorti la condamnation de la MAAF au paiement d'une provision des intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 juin 2021, la SA MAAF ASSURANCES demande à la cour de :

- déclarer recevable mais à tout le moins mal fondé l'appel interjeté par la SCI WEM à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France le 19 mai 2020,

- débouter la SCI WEM de sa demande de confirmation (sic) des dispositions du jugement du 19 mai 2020 relative aux pertes de loyers, honoraires d'experts, pertes indirectes et intérêts au taux légal,

- confirmer le jugement du 19 mai 2020 en toutes ses dispositions,

- condamner la SCI WEM au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La SA MAAF assurances rappelle qu'elle a soulevé en première instance le caractère particulièrement défaillant de la SCI WEM à établir la réalité du préjudice supporté au titre de la perte des loyers, au regard des contradictions patentes constatées et des explications évasives apportées. Elle considère que la preuve du bail consenti par la SCI WEM à la SARL PRESTIGE PISCINES auquel aurait succédé la SARL POLYESTER CARAIBES n'est pas établie.

Elle fait observer que la SCI WEM n'est toujours pas en mesure, en cause d'appel, de produire le bail en question, ni même de préciser le montant du loyer qui était celui de la société PRESTIGE PISCINES, ni même d'expliquer précisément et chronologiquement la succession des baux intervenus. Elle fait remarquer par ailleurs que la SCI WEM ne produit toujours pas les bilans comptables et relevés de compte susceptibles de justifier de la perception des loyers allégués.

S'agissant des honoraires d'expert, elle rappelle que l'indemnisation d'un préjudice ne saurait intervenir que sur la base de justificatifs de dépenses réellement effectuées. Or en l'espèce, elle constate que la SCI WEM se borne à produire aux débats une proposition commerciale qui ne saurait équivaloir à une facture définitive du cabinet GALTIER.

S'agissant de l'indemnisation au titre des pertes indirectes, que la SCI WEM réclame à hauteur de la somme de 63 935,70 €, elle estime que c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté qu'il n'était pas démontré par la SCI WEM qu'elle aurait été empêchée d'honorer les mensualités des prêts du seul fait de l'incendie. Elle ajoute que dans la mesure où la réalité de ses revenus n'est pas démontrée, il ne peut être retenu comme acquis que ces loyers constituaient la condition sine qua non au remboursement des échéances de prêts.

Enfin, concernant la demande d'application des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 13 avril 2017, la SA MAAF fait observer que la SCI WEM ne critique pas utilement la motivation des premiers juges alors qu'elle n'a jamais été en mesure de justifier réellement du préjudice supporté. Elle considère qu'il ne saurait être reproché à la MAAF le retard pris dans l'indemnisation de son préjudice dès lors que c'est bien la SCI WEM qui s'est trouvée défaillante dans l'établissement de la preuve qui lui incombait en qualité de demanderesse à l'indemnisation.

La procédure a été clôturée le 17 mars 2022 et l'affaire fixée à l'audience collégiale du 20 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément référé au jugement déféré et aux dernières conclusions notifiées.

MOTIFS

1°) Sur la demande d'indemnisation de la SCI WEM au titre de la perte des loyers

Pour débouter la SCI WEM de sa demande d'indemnisation au titre de la perte des loyers, le tribunal a relevé que le second contrat de bail conclu avec la SARL POLYESTER CARAIBES le 18 septembre 2010 était frauduleux et qu'il n'avait été établi que dans l'objectif d'augmenter artificiellement le montant des sommes réclamées à la SA MAAF ASSURANCES.

Le tribunal a retenu d'une part, que la SCI WEM ne rapportait pas la preuve du bail qu'elle prétendait avoir conclu initialement avec la SARL PRESTIGE PISCINES, dont la SARL POLYESTER CARAIBES aurait récupéré les locaux, et d'autre part, que les surfaces affectées en vertu des trois baux conclus le 18 septembre 2010 par la SCI WEM ne correspondaient ni à la configuration ni à la superficie globale des lieux.

La SCI WEM ne conteste pas être dans l'incapacité de produire au débat le contrat de bail conclu avec la SARL PRESTIGE PISCINES, à la suite de son rachat des biens le 10 septembre 2008.

Elle précise que la location portait sur un hangar de 150 m2 avec la mezzanine située dans l'édifice existant et que le bail avait été conclu pour la période allant de fin 2008 à 2013.

La SCI WEM produit en appel le rapport établi par le mandataire judiciaire de la SARL PRESTIGE PISCINES, le 9 septembre 2016, indiquant que celle-ci bénéficiait d'un contrat de bail commercial écrit conclu avec la SCI WEM pour un loyer de 3.000 euros par mois. Il est mentionné dans ce rapport que la SARL PRESTIGE PISCINES a quitté les lieux au début de l'année 2013 et que sa liquidation judiciaire a été prononcée le 30 août 2016.

Ces éléments confirment que la SARL PRESTIGE PISCINES a bien occupé les locaux appartenants à la SCI WEM, situés [Adresse 6], jusqu'à son départ des lieux au cours de l'année 2013. L'assurance professionnelle souscrite par la SARL PRESTIGE PISCINES auprès de la SA MAAF assurances pour les locaux situés [Adresse 6] s'est même poursuivie jusqu'au 31 décembre 2015 ainsi qu'il résulte d'une attestation versée au débat.

Il est également établi que la SARL POLYESTER CARAIBES s'est installée à cette adresse au plus tard au cours de l'année 2011, ainsi qu'il ressort du document justifiant de sa souscription d'assurance auprès de la SA MAAF en 2011 ( pièce n°6), l'adresse de la société étant bien mentionnée comme étant [Adresse 6].

Ces éléments confirment les explications données par la SCI WEM s'agissant de la succession des baux qu'elle a consentis aux différentes sociétés locataires, qui ont pendant une certaine période, occupé simultanément les biens lui appartenant.

Il s'ensuit que la validité du premier bail conclu le 18 septembre 2010 entre la SCI WEM et la SARL POLYESTER CARAIBES portant sur « un hangar couvert de 100 m2 et une aire de stockage de 200 m² » ne peut être sérieusement contestée. En effet, à cette date, il est établi que la SARL PRESTIGE PISCINES occupait déjà le hangar le plus ancien, de sorte que le bail consenti à la SARL POLYESTER n'a pu porter que sur une partie de ce bien ( 100m2 sur 250m2). Le deuxième hangar, plus récent, était quant à lui, loué et occupé par la SARL DALLAGE CARAIBES.

La validité du second contrat de bail conclu entre la SCI WEM et la SARL POLYESTER CARAIBES portant sur « un hangar couvert de 250 m², une aire de stockage de 300 m², deux toilettes dans le hangar, un bureau à l'étage de 60 m² avec salle de bains et toilettes, un show-room de 15 m² » ne peut davantage être contestée, dans la mesure où il est établi que la SARL PRESTIGE PISCINES a quitté les lieux très probablement au cours de l'année 2013, et au plus tard le 31 décembre 2015. A compter de ce départ, la SARL POLYESTER CARAIBES a pu récupérer la totalité de la surface du hangar, pour 250 m2. Le nouveau contrat de bail qui lui a été consenti à ce moment-là, s'aligne exactement sur les conditions du bail conclu avec la SARL DALLAGE CARAIBES en termes de superficie et de montant du loyer, contrat dont la validité n'est pas contestée.

Par ailleurs, il est produit au débat un duplicata des conditions particulières de l'assurance professionnelle souscrite par la SARL POLYESTER CARAIBES auprès de la SA MAAF, édité le 27 juillet 2016, qui mentionne expressément que la surface des locaux professionnels couverte par l'assurance est de 300 m2, élément qui confirme que la SARL POLYESTER CARAIBES était bien locataire au jour du sinistre de l'intégralité du hangar de 250 m2 étant précisé que la SA MAAF, assureur de la la SARL POLYESTER CARAIBES, n'a pas contesté sa garantie s'agissant des dommages aux bâtiments.

Dans ces conditions, la cour estime que les tentatives de manoeuvre frauduleuses de la SCI WEM ne sont pas démontrées et que les erreurs affectant la date de conclusion du bail et sa durée ne peuvent constituer que des erreurs matérielles.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'au jour du sinistre, la SCI WEM avait donné à bail ses biens immobiliers situés [Adresse 6], à deux locataires distincts, la SARL POLYESTER CARAIBES et la SARL DALLAGE CARAIBES, chacune jouissant d'un hangar de 250 m2 pour un loyer de 4.000 euros HT par mois.

Contrairement à ce que soutient la SA MAAF, il n'appartient pas à la SCI WEM, au soutien de sa demande d'indemnisation, de démontrer la perception réelle des loyers antérieurement au sinistre, puisqu'elle bénéficie en toutes circonstances, en vertu des contrats de bail précités, d'un droit indiscutable à percevoir ces loyers.

En conséquence, la SA MAAF sera condamnée à indemniser la SCI WEM en réparation de son préjudice économique résultant de la perte des loyers.

La cour observe qu'aucune des parties n'a sollicité que la condamnation de la SA MAAF en réparation de ce préjudice, fondée sur la perte des loyers, soit limitée dans le temps ; ne pouvant statuer infra petita, la cour se limitera à accueillir la demande de la SCI WEM dans les termes de ce qui est réclamé.

En conséquence, la SA MAAF sera condamnée à payer à la SCI WEM une somme de 8.000 euros HT à compter du 26 juillet 2016.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

2°) Sur la demande d'indemnisation au titre des honoraires d'expert

En appel, la SCI WEM limite sa demande d'indemnisation des frais d'expertise au montant des honoraires du cabinet d'expertises GALTIER qui l'a assitée durant les opérations d'expertise aux côtés de l'expert mandaté par la SA MAAF assurances.

Il résulte des pièces produites que la SCI WEM a signé le 10 mai 2017 avec le cabinet d'expertises GALTIER un contrat de prestations de service, pour l'évaluation des dommages aux bâtiments lui appartenant, à la suite de l'incendie survenu le 26 juillet 2016.

Ce contrat précise que les honoraires HT de l'expert seront calculés sur la base de 5% du montant des dommages consécutifs au sinistre.

Il mentionne également en son article 11 relatif aux conditions de paiement, que les honoraires ont été fixés en considération des éléments d'information fournis ou présentés par le client, qui s'engage expressément à régler la prestation d'EXPERTISES GALTIER à la réception de la facture, et que le règlement des sommes dues postérieurement à la date d'exigibilité figurant sur la facture majorera de plein droit le montant de celle-ci d'une indemnité forfaitaire de 40 euros.

Le tribunal a considéré que les honoraires d'expert ne pouvaient plus être réclamés par la SCI WEM puisqu'il ressortait des éléments du débat que ces frais avaient été comptabilisés dans la somme de 867.426 euros retenue par le tribunal au titre de l'indemnisation du préjudice immobilier. Néanmoins, la SA MAAF ne reprend pas cet argument en appel et ne fournit aucun justificatif permettant de confirmer les constatations faites par le tribunal.

En revanche, c'est à bon droit, eu égard aux dispositions contractuelles liant la SCI WEM et le cabinet d'expertises GALTIER, que le tribunal a considéré qu'en l'absence de facture établie par le cabinet GALTIER- rendant exigible le paiement des honoraires au vu des éléments fournis par le client en particulier sur le montant des dommages consécutifs au sinistre- la demande d'indemnisation au titre des frais d'expertise ne pouvait qu'être rejetée.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

3°) Sur l'application des intérêts au taux légal

L'article 1237-1 du code civil prévoit qu'en touete matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

En fixant à une autre date que celle de sa décision le point de départ des intérêts, la cour d'appel ne fait qu'user de son pouvoir discrétionnaire.

En l'espèce, il apparait légitime de fixer le point de départ des intérêts assortissant la condamnation à paiement des indemnités dues par la SA MAAF assurances à compter de l'assignation en référé du 13 avril 2017, en conformité avec les dispositions de l'arrêt du 13 juillet 2018.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

4°) Sur la demande d'indemnisation des pertes indirectes

La SCI WEM sollicite l'indemnisation d'un préjudice économique lié à la déchéance du terme des deux emprunts qu'elle avait contractés auprès du Crédit Agricole pour financer l'acquisition et la valorisation de l'immeuble détruit par l'incendie du 26 juillet 2016.

Elle explique que la déchéance du terme des deux prêts trouve sa cause dans l'absence de perception des loyers par la SCI WEM et indique que le préjudice économique qui en résulte pour elle s'élève à la somme de 63 935,70 €.

Ce faisant, elle ne fait que reprendre, sans nouvelle justification complémentaire, le moyen soutenu devant les premiers juges et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents ( l'absence de preuve du lien de causalité entre la résiliation des prêts et la survenance du sinistre) que la cour adopte.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

5°) Sur les frais et dépens

Les circonstances du litige et les situations respectives des parties commandent que chacune d'elles conserve la charge de ses propres dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément au jugement déféré.

Pour les mêmes motifs et des considérations d'équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la SCI WEM au titre des pertes de loyers et la demande relative au point de départ des intérêts au taux légal,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES à payer à la SCI WEM la somme de 8.000 euros HT à compter du 26 juillet 2016 ;

DIT que les condamnations indemnitaires prononcées à l'encontre de la SA MAAF ASSURANCES dans le cadre du présent litige seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2017 ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ;

REJETTE les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00327
Date de la décision : 26/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-26;20.00327 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award