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26/07/2022 | FRANCE | N°20/00275

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 26 juillet 2022, 20/00275


ARRET N° 22/319



N° RG 20/00275 - N° Portalis DBWA-V-B7E-CFEJ





Mme [A] [S] épouse [K]

Mme [P] [T] [S]







C/



Mme [E] [S]

Mme [U] [C] [S]

















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 26 JUILLET 2022





Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FORT-DE-FRANCE, en date du 02 Juin 2020, enregistrée sous le n° 17/

01889





APPELANTES :



Madame [A] [H] [S] épouse [K]

[Adresse 7]

[Localité 6] (Martinique)



Représentée par Me Alberte ROTSEN-MEYZINDI de la SELARL MATHURIN-BELIA & ROTSEN -MEYZINDI, avocat au barreau de MARTINIQUE



Madame...

ARRET N° 22/319

N° RG 20/00275 - N° Portalis DBWA-V-B7E-CFEJ

Mme [A] [S] épouse [K]

Mme [P] [T] [S]

C/

Mme [E] [S]

Mme [U] [C] [S]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 26 JUILLET 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FORT-DE-FRANCE, en date du 02 Juin 2020, enregistrée sous le n° 17/01889

APPELANTES :

Madame [A] [H] [S] épouse [K]

[Adresse 7]

[Localité 6] (Martinique)

Représentée par Me Alberte ROTSEN-MEYZINDI de la SELARL MATHURIN-BELIA & ROTSEN -MEYZINDI, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [P] [T] [S]

[Adresse 2]

[Localité 5] (Martinique)

Représentée par Me Raymond AUTEVILLE de la SELAS CABINET AUTEVILLE, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

Madame [E] [S]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée par Me Jiovanny WILLIAM, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [U] [C] [S]

[Adresse 8]

[Localité 4] (Martinique)

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mai 2022 sur le rapport de Marjorie LACASSAGNE, devant la cour composée de :

Président : Madame Christine PARIS, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 26 Juillet 2022

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'alinéa 2 de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [J] [M] [S], née le 3 août 1927 à [Localité 11].

Elle est entrée en religion en 1956 sous le nom de Soeur [Z].

Elle est décédée le 9 janvier 2013 à [Localité 12] (Isère) sans postérité.

********

Selon acte reçu le 17 décembre 2008 par Me [Y], notaire à [Localité 4], Madame [J] [M] [S], représentée par sa soeur Madame [E] [S] en vertu d'une procuration reçue le 28 septembre 2007 par Me [X], notaire à [Localité 10], a vendu à la SCI LES IBIS, représentée par son gérant [W] [N], neveu de la venderesse, un terrain [Adresse 9], cadastré section D numéro [Cadastre 3] pour un prix de 114.000 euros, qui a été versé par le notaire à Madame [E] [S].

Par testament olographe du 24 juillet 2012, Madame [J] [M] [S] a légué une parcelle de terre, située [Adresse 9], cadastrée section D n°[Cadastre 1], d'une contenance de 400m2 à sa soeur Madame [H] [S] épouse [K] et tout le surplus de ses biens à ses trois soeurs, pour un tiers chacune : Madame [C] [S], Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K]. Elle annulait toute procuration et tout acte qu'elle aurait rédigé au profit d'une autre de ses soeurs, Madame [E] [S].

Par exploit du 10 août 2017, Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] ont fait assigner Madame [E] [S] devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France au visa des articles 778, 815 et suivants du code civil, aux fins de voir liquider la succession de Madame [J] [M] [S], dire que Madame [E] [S] doit rapporter à la succession la somme de 114.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la vente, condamner Madame [E] [S] au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 778 du code civil, outre la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [C] [S] a renoncé à la succession le 16 mai 2018.

Par jugement contradictoire rendu le 2 juin 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a :

- déclaré recevable mais non fondée l'action en rapport à la succession de Madame [J] [M] [S] de la somme de 114.000 euros,

- débouté Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] de leurs demandes de rapport de cette somme à l'actif successoral ainsi que leurs demandes de dommages et intérêts fondées sur l'article 778 du code civil,

- débouté Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] de leur demande d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Madame [J] [M] [S],

- condamné in solidum Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] à payer à Madame [E] [S] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] aux dépens, y compris de mise en cause de Madame [C] [S].

Par déclaration électronique adressée au greffe le 20 juillet

2020, Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] ont interjeté appel de cette décision.

Madame [E] [S] s'est constituée intimée.

Par ordonnance en date du 14 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'instance de Madame [P] [T] [S] mais a relevé que cette dernière avait été assignée en intervention forcée par acte du 7 juin 2021, de sorte que l'instance n'était pas éteinte à son égard.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 octobre 2021, Madame [H] [S] épouse [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- dire que Madame [E] [S] s'est rendue coupable de recel successoral pour une valeur de 114'000 €

- dire que Madame [E] [S] ne démontre pas que sa s'ur [J] [S] avait la volonté de lui laisser le produit de la vente de son terrain, soit la somme de 114'000 €,

- ordonner la liquidation de la succession de Madame [J] [S] et désigner un autre notaire que la SCP [L] pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision successorale,

- subsidiairement, ordonner le partage complémentaire de la succession,

- en tout état de cause, débouter toute partie de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- enjoindre Madame [E] [S] de rapporter à la succession la somme de 114'000 € avec intérêts au taux légal, courant à compter de la date de signature de l'acte de vente le 17 décembre 2008,

- juger que par application de l'article 778 du code civil, Madame [E] [S] est déchue de tout droit sur la somme de 114'000 € en principal intérêt, recélée par elle,

- condamner Madame [E] [S] à payer à Madame [H] [S] épouse [K] la somme de 10'000 € à titre de dommages-intérêts, la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 778 du code civil, la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la somme de 8000 € en cause d'appel,

- condamner Madame [E] [S] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 janvier 2021, Madame [E] [S] demande à la cour de :

- déclarer les appelantes irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes, les en débouter,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- constater que Madame [E] [S] a effectué dans les intérêts et besoins vitaux de sa s'ur [J] [S] des dépenses dont le montant dépasse très largement la somme qui lui est demandée de rapporter à la succession,

- dire et juger que ce faisant, elle a agi dans le cadre d'une véritable gestion d'affaires, telle que prévue par les articles 1301 et suivants du code civil,

- à ce titre, dire et juger en conséquence qu'elle a droit à indemnisation de toutes les dépenses nécessaires qui ont été réalisées et donc de la succession de cette dernière,

- en tout état de cause, condamner les appelantes à lui payer la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts,

- les condamner à lui payer la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 17 mars 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 20 mai 2022 et mise en délibéré à ce jour

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément référé à la décision déférée et aux dernières conclusions notifiées.

MOTIFS

1°) Sur la recevabilité des demandes formées par Madame [H] [S] épouse [K]

Le tribunal a déclaré recevable l'action en rapport à la succession formée par Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K].

En appel, Madame [E] [S] fait valoir que les demandes formées par les appelantes sont irrecevables au motif que le partage de la succession de Madame [J] [M] [S] a déjà été effectué ainsi qu'il résulte d'une attestation immobilière dressée le 30 août 2013 par Me [B] [L], faisant état du testament olographe établi par la défunte le 24 juillet 2012.

Il convient d'observer que Madame [P] [T] [S] s'est désistée de son appel et ne formule plus aucune demande dans le cadre du partage de la succession de Madame [J] [M] [S].

L'attestation immobilière versée au débat ne constituant pas un acte de partage, les demandes formées par Madame [H] [S] épouse [K], qui sollicite toujours et à titre principal, le rapport à la succession par Madame [E] [S] d'une somme de 114.000 euros, dans le cadre d'une succession dont les opérations ne sont pas achevées, demeurent recevables.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

2°) Sur la demande d'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de Madame [J] [S]

L'article 815 du code civil prévoit que nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.

L'article 840 du code civil prévoit que le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève les contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé à prouver dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.

Pour débouter Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] de leur demande d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Madame [J] [M] [S], le tribunal a retenu que les demanderesses étaient les seules héritières de la défunte et qu'elle ne justifiaient d'aucune difficulté qui les opposerait l'une à l'autre dans le cadre du règlement de la succession.

Or, force est de constater en appel, que dans un souci d'apaisement, Madame [P] [T] [S] se désiste de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de Madame [E] [S] et qu'elle ne sollicite plus le rapport de la somme de 114'000 € à la succession, contrairement à sa s'ur [H] [S].

Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] s'opposent donc sur la manière de procéder au partage de la succession de leur soeur [J] [M] [S].

En conséquence, il y a lieu d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de ladite succession et de désigner la SCP [L], notaire à [Localité 4], qui est déjà en charge de la succession, ou son successeur, pour y procéder.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

3°) Sur les demandes de rapport à la succession et de dommages et intérêts

En application de l'article 778 du code civil, sans préjudice des dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un co-héritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation acceptation à concurrence de l'actif net sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenants à l'héritier dissimulé et qui aurait pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

Or, Madame [E] [S], à laquelle il est reproché un recel successoral, n'a pas la qualité d'héritière.

En effet, selon l'attestation notariée dressée par Me [B] [L] le 30 août 2013, reprenant le testament olographe établi par Madame [J] [M] [S] le 24 juillet 2012, décédée sans postérité, la défunte a laissé pour lui succéder trois de ses soeurs : Madame [H] [S], épouse [K], Madame [U] [C] [S] et Madame [P] [T] [S].

Bien que Madame [E] [S] se soit occupée de sa soeur [J] [M] [S] et de la gestion de ses affaires courantes pendant plusieurs décennies, force est de constater qu'elle n'a pas la qualité d'héritière dans la succession de cette dernière.

Dès lors, aucun recel successoral ne peut être reproché à Madame [E] [S] sur le fondement de l'article 778 du code civil, et partant, aucune demande de rapport à la succession ne peut être formée contre elle.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé par substitution de motifs, en ce qu'il a déclaré non fondée l'action en rapport à la succession de Madame [J] [M] [S] de la somme de 114.000 euros, et débouté Madame [H] [S] épouse [K] de ses demandes de rapport de cette somme à l'actif successoral ainsi que ses demandes de dommages et intérêts fondées sur l'article 778 du code civil.

4°) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire

Pour constituer une faute, une action en justice doit être manifestement dépourvue de fondement et révéler de la part de son titulaire un usage abusif dans le seul dessein de nuire à autrui.

En l'espèce, Madame [E] [S] sollicite la condamnation de Madame [P] [T] [S] et Madame [H] [S] épouse [K] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, mais ne rapporte la preuve ni d'un abus du droit d'agir en justice, ni de l'existence d'un préjudice.

La demande de dommages et intérêts sera en conséquence, rejetée.

5°) Sur les autres demandes

Les dispositions du premier juge relatives aux dépens et frais irrépétibles méritent confirmation.

Madame [H] [S] épouse [K] qui succombe au principal, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Madame [E] [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Madame [J] [M] [S] ;

Statuant de nouveau,

ORDONNE l'ouverture des opérations de liquidation et de partage de la succession de Madame [J] [M] [S], née le 3 août 1927 à [Localité 11] (Martinique) et décédée le 9 janvier 2013 à [Localité 12] (Isère) ;

DÉSIGNE la SCP [L], notaire à [Localité 4], ou à défaut son successeur, pour procéder à ces opérations, étant précisé que le notaire devra, dans le délai d'un an à compter de sa désignation, établir un projet d'état liquidatif, établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir ;

RAPPELLE qu'à défaut d'accord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, il sera procédé conformément aux dispositions de l'article 1373 du code de procédure civile ;

DÉSIGNE le président du tribunal judiciaire de Fort-de-France, ou tout magistrat délégué par lui, en qualité de juge commis ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Madame [H] [S] épouse [K] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE Madame [H] [S] épouse [K] à payer à Madame [E] [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Christine PARIS, Présidente de chambre et par Mme Micheline MAGLOIRE, Greffier, à qui la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00275
Date de la décision : 26/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-26;20.00275 ?
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