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05/07/2022 | FRANCE | N°21/00270

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 05 juillet 2022, 21/00270


ARRET N°



N° RG 21/00270





N°Portalis DBWA-V-B7F-CHHZ

























M. [D] [L]



Mme [T] [A] épouse [L]





C/



M. [G] [C]



SARL SEO CARAIBES



SMABTP















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 JUILLET 2022





Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judic

iaire de Fort de France, en date du 09 Mars 2021, enregistré sous le n° 20/00576





APPELANTS :



Monsieur [D] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Alain MANVILLE de la SELARL AMCOR JURISTE & ASSOCIES INTER-BARREAUX, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me David BODIN, MEMBRE DE LA SCP D'AVOCAT...

ARRET N°

N° RG 21/00270

N°Portalis DBWA-V-B7F-CHHZ

M. [D] [L]

Mme [T] [A] épouse [L]

C/

M. [G] [C]

SARL SEO CARAIBES

SMABTP

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 JUILLET 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 09 Mars 2021, enregistré sous le n° 20/00576

APPELANTS :

Monsieur [D] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Alain MANVILLE de la SELARL AMCOR JURISTE & ASSOCIES INTER-BARREAUX, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me David BODIN, MEMBRE DE LA SCP D'AVOCATS BEAUCHARD BODIN DEMAISON GIRET HIDREAU SHORTHOUSE, avocat plaidant au barreau de LA ROCHELLE ROCHEFORT

Madame [T] [A] épouse [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Alain MANVILLE de la SELARL AMCOR JURISTE & ASSOCIES INTER-BARREAUX, avocat postulant,au barreau de MARTINIQUE

Me David BODIN, MEMBRE DE LA SCP D'AVOCATS BEAUCHARD BODIN DEMAISON GIRET HIDREAU SHORTHOUSE, avocat plaidant au barreau de LA ROCHELLE ROCHEFORT

INTIMES :

Monsieur [G] [C]

[Adresse 9]. [K].

[Localité 5]

Représenté par Me Gérald SAE, avocat au barreau de MARTINIQUE

SARL SEO CARAIBES

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Sarah BRUNET de la SELARL SB, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX

LA SMABTP, Société Mutuelle d'assurance BTP

ès qualités d'assureur ARCD de SEO CARAIBES / Entreprise [H] / et AAR PLOMBERIE

Prise en la personne de son repésentant légal en exercice

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Sarah BRUNET de la SELARL SB, avocat plaidant, au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 05 Juillet 2022 ;

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Les époux [L] exposent avoir acquis en l'état de futur achèvement de la société Outremer Patrimoine Immobilier (O.M.P.I) une maison sise à [Localité 7], le lotisseur du projet étant la SARL LE HAMEAU D'ALET. Ils indiquent que la société SEO CARAÎBES était chargée du lot d'étanchéité, dans le cadre d'un contrat de sous-traitance signé avec la société OMPI.

Le chantier a débuté le 4 septembre 2008. La déclaration d'achèvement date du 31 décembre 2008. La date de livraison de la villa aux époux [L] est intervenue le 21 septembre 2009.

Monsieur et Madame [L] indiquent que, s'agissant de la maison d'habitation, il a été constaté un phénomène de très forts ruissellements et de coulée de boue, auquel il n'a pu être remédié malgré la réalisation d'un ouvrage de soutènement par l'entreprise [C].

Les époux [L] ont assigné afin de référé expertise :

- Le lotisseur la société LE HAMEAU d'ALET

- GAIA insurance enseigne de ALPHA INSURANCE, assureur dommages ouvrage

- [Y] [U] architecte

- le Cabinet [F] géomètre

- M. [G] [C] constructeur du mur de soutènement en ATALUS

- Monsieur [X].

Une expertise judiciaire a été ordonnée par décision rendue le 24 avril 2015 par le juge des référés près le tribunal de grande instance de Fort-de-France.

Par exploits d'huissier de justice de décembre 2015 et janvier 2016, l'assureur dommages ouvrage ALPHA INSURANCE a assigné afin d'extension de la mission d'expertise judiciaire la SMABTP, la MAF, le BET DUVILLE, Monsieur [E] [H], la société IMS RN, la compagnie l'AUXILIAIRE, le bureau de contrôle SOCOTEC, la société AXA Assurance et la société SEO CARAIBES.

L'extension de la mission d'expertise judiciaire a été ordonnée par décision rendue le 29 avril 2016 par le juge des référés près le tribunal de grande instance de Fort-de-France.

L'expert judiciaire désigné, Monsieur [I] [P], a rendu son rapport le 23 janvier 2018.

Les époux [L] ont sollicité devant le tribunal la condamnation solidaire de M. [C] et des autres défendeurs à leur verser les sommes de :

- 125.000,00 € en réparation des points 2,3,4 et 6,

- 4.800,00 € en réparation de la clôture,

- 6.652,44 € à titre de remise consentie à leur locataire,

- 5.615,10 € au titre d'une facture d'étude géologique

- l5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Soit la somme totale de 44.567,54 €.

Par jugement rendu le 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Fort de France a :

- Déclaré la société SEO CARAIBES et la SMABTP irrecevables en leur demande tendant à voir statuer sur une fin de non-recevoir ;

- Débouté les époux [L] de leurs demandes à l'encontre de la société SEO CARAIBES et Monsieur [G] [C] ;

- Condamné la SMABTP à garantir son assuré, la société AAR PLOMBERIE, et l'a condamnée ès qualité d'assureur de la société AAR PLOMBERIE à payer une somme de 1.600 euros aux époux [L] au titre de la réparation des désordres relatifs aux traces d'humidité sur les cloisons des WC, du couloir de la salle d'eau et du dressing sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

- Déclaré la SARL LE HAMEAU D'ALET responsable des désordres relatifs aux traces d'humidité dans l'angle de l'escalier, à la dégradation de la clôture de grillage côté fonds dominant, à la chute de pierres, à l'accumulation de fines contre le mur enterré sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

- Condamné la SARL LE HAMEAU d'ALET à payer aux époux [L] une somme de 129.800 euros en réparation du mur (125.000 euros) et de la dégradation de la clôture supportée par le mur(4.800 euros) ;

- Débouté les époux [L] de leur demande de condamnation au titre de la réduction de loyers et en remboursement de la facture IMS RN ;

- Condamné in solidum la SARL LE HAMEAU D'ALET et la SMABTP à payer les dépens comprenant les frais d'expertise outre 3.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Débouté Monsieur [C] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé l'exécution provisoire de droit du jugement ;

- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration enregistrée le 08 mai 2021 au greffe de la cour d'appel, Monsieur [D] [L] et Madame [T] [A] épouse [L] ont critiqué les chefs du jugement rendu le 09 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France en ce qu'il a mis hors de cause Monsieur [C], la SARL SEO CARAIBES et la SMABTP en tant qu'assureur de la société SEO CARAIBES, a débouté les époux [L] de leur demande de paiement de la somme de 6.652,44 euros au titre de la remise des loyers consentie à leur locataire et de leur demande en paiement de la somme de 5.615,10 euros au titre de la facture d'étude géotechnique de la société IMS RN, et a limité l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3.000 euros.

Dans des conclusions d'appelants signifiées le 24 et déposées le 28 juin 2021, Monsieur [D] [L] et Madame [T] [L] née [A] demandent à la cour de :

Réformer le jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 9 mars 2021 en ce qu'il a jugé que la SARL SEO CARAIBES et Monsieur [G] [C] n'ont pas concouru à la réalisation des désordres ;

En conséquence, statuant à nouveau :

Condamner in solidum Monsieur [C], la société SEO CARAIBES et la SMABTP à payer à Monsieur et Madame [L] une somme de 125.000 euros en réparation des points 2, 3, 4 et 6, ainsi qu'à la somme de 4.800 Euros TTC en réparation de la dégradation de la clôture en grillage (point n° 7).

Réformer encore le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes des époux [L] au titre de leurs préjudices annexes et en conséquence, statuant à nouveau :

Condamner in solidum Monsieur [C], la société SEO CARAIBES et la SMABTP à payer à Monsieur et Madame [L] 6.652,44 euros au titre de la remise de loyers consentie à leur locataire, ainsi qu'à la somme de 5.615,10 euros au titre de la facture d'étude géotechnique de la société IMS RN.

Réformer enfin le jugement en ce qu'il a limité à 3000 euros la somme allouée aux époux [L] au titre de leurs frais irrépétibles, et statuant à nouveau :

Condamner les mêmes, sous la même solidarité à payer à Monsieur et Madame [L] 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirmer pour le surplus en toutes ses dispositions le jugement.

Condamner in solidum Monsieur [C], la société SEO CARAIBES et la SMABTP aux entiers dépens d'appel, ainsi qu' à payer à Monsieur et Madame [L] 6.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles à hauteur de Cour d'Appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires.

Monsieur [D] [L] et Madame [T] [L] née [A] exposent, en se référant au rapport d'expertise judiciaire, que la pose non conforme par la SARL SEO CARAIBES du système de drainage type delta MS a engagé la responsabilité décennale du constructeur, mobilisant dès lors les garanties de son assureur, la SMABTP. Ils indiquent également que Monsieur [C] a engagé sa responsabilité décennale au motif que la membrane d'étanchéité de la nappe de drainage a été déchirée lors de la pose du mur en ATALUS 50. Ils ajoutent avoir subi des préjudices annexes, en l'occurrence des remises de loyer qu'ils ont dû accorder à leur locataire et des dépenses engagées auprès de la société IMS RN dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire.

Dans des conclusions en date du 1er juillet 2021, Monsieur [G] [C] demande à la cour de :

- Dire que M. [C] n'a aucun lien contractuel avec les consorts [L] qui ne sont liés qu'avec la société O.M.P.I ;

- Constater que M. [C] a été recruté par la société O.M.P.I. qui lui a demandé d'exécuter un travail selon ses directives avec des matériaux fournis par cette société ;

- Dire que c'est la société O.M.P.I. l'interlocuteur des consorts [L] et que c'est cette société qui doit répondre de tout manquement éventuel.

En conséquence :

- Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a mis M. [C] hors de cause et débouté les consorts [L] de toutes demandes à son encontre ;

- Dire que les consorts [L] devront verser à M. [C] la somme de 4 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dépens comme de droit.

Monsieur [C] expose qu'il n'a jamais réalisé des travaux d'étanchéité et n'a jamais posé de système de drainage, alors que l'expert a relevé que le système de drainage a été posé à l'envers.

Il fait valoir que l'expert n'est pas un technicien du droit et ne maîtrise nullement la notion de "fourniture de prestation", de sorte que la responsabilité de l'intimé ne peut être retenue, mais bien celle de l'O.M.P.I. qui était l'interlocuteur principal des époux [L].

Dans des conclusions d'intimé avec appel incident en date du 09 juillet 2021, la SMABTP et la société SEO CARAIBES demandent à la cour de :

- Rejeter l'appel formé par Monsieur et Madame [L] à l'encontre du jugement rendu le 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort de France ;

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a exclu toute responsabilité au titre de la garantie légale des constructeurs (article 1792 Code civil) de SEO CARAIBES ;

- Recevoir l'appel incident de la SMABTP et de SEO CARAIBES ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la garantie légale de AAR PLOMBERIE et la mobilisation des garanties souscrites auprès de la SMABTP ;

- Rejeter toute demande d'indemnisation à l'encontre de AAR PLOMBERIE sur le fondement de l'article1792 du Code civil ;

- Condamner Monsieur et Madame [L] à rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire d'un montant de 8.800 euros se décomposant comme suit :

- 1 600 € principal (désordre imputé à AAR PLOMBERIE)

- 3 000 € article 700 [in solidum]

- 4 200 € expertise [ in solidum]

TOTAL : 8 800 €

- Rejeter le surplus des demandes de Monsieur et Madame [L] ;

- Condamner Monsieur et Madame [L] in solidum à payer à la SMABTP et SEO CARAIBES la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Catherine RODAP, avocat au Barreau de Fort de France.

La SMABTP et la société SEO CARAIBES exposent que la SMABTP est assureur au titre de la responsabilité civile décennale de l'entreprise [H], de l'entreprise SEO CARAIBES et de l'entreprise AAR PLOMBERIE, et qu'une assurance dommages ouvrage a été souscrite auprès de la compagnie ALPHA INSURANCE, laquelle ne porte que sur la villa appartenant aux époux [L] et non sur le mur de soutènement en ATALUS 40 construit par l'entreprise [C]. Elles font valoir que l'expert judiciaire a relevé que les désordres de remontée d'humidité en pied de cloisons et les désordres de dégradation du film d'étanchéité et du

drainage vertical n'affectent pas la solidité de l'ouvrage et ne compromettent pas sa destination. Elles soutiennent que les remontées d'humidité proviennent d'un bac de douche non étanche et que la dégradation du film d'étanchéité installé sur le mur de la villa par la société SEO CARAIBES est due à l'appui du mur en ATALUS 50, donc à une cause extérieure, à savoir la pose du mur en ATALUS 50 qui s'appuie sans désolidarisation sur le drain et l'étanchéité du mur. La SMABTP et la SARL SEO CARAIBES ajoutent que l'expert judiciaire a fort justement caractérisé que tous les désordres affectant la villa des époux [L], à l'exception des remontées d'humidité imputables à un défaut d'étanchéité du bac de douche, proviennent du mur de soutènement en ATALUS 50, mal conçu et mal réalisé.

Par ailleurs, la SMABTP et la SARL SEO CARAIBES exposent que l'action introduite par les époux [L] est forclose, de sorte qu'ils seront tenus de restituer à la SMABTP l'intégralité des sommes payées au titre de l'exécution provisoire. Elles font valoir que, si le système de drainage type Delta MS a été posé à l'envers, en revanche cette malfaçon ne crée pas de désordre bien que le drainage soit moins efficace mais suffisant. Elles soutiennent que Monsieur [C] et la société O.M.P.I. sont responsables de la dégradation de l'étanchéité et du système de drainage vertical, ce désordre n'étant pas en outre de nature décennale. La SMABTP et la SARL SEO CARAIBES prétendent également qu'il ne peut être justifié d'aucune obligation in solidum, la société SEO CARAIBES n'ayant commis aucune faute et n'ayant pas concouru à l'apparition des désordres qui relèvent d'une mauvaise réalisation d'un mur de soutènement totalement distinct de l'ouvrage de la villa. Elles ajoutent que les désordres d'infiltration imputables à un défaut d'étanchéité du bac de douche ne sont pas de nature décennale comme l'a relevé l'expert, le tribunal judiciaire s'étant laissé induire en erreur par le procès-verbal de constat produit par les époux [L] et retenant de ce fait la responsabilité décennale du plombier, la société AAR PLOMBERIE.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions déposées.

L'affaire a été plaidée le 13 mai 2022. La décision a été mise en délibéré au 05 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la forclusion.

La SMABTP et la SARL SEO CARAIBES exposent que l'action introduite par les époux [L] est forclose.

La cour relève qu'il a été débattu de ces moyens et prétentions devant le conseiller de la mise en état. Par ordonnance rendue le 16 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré que l'action des époux [L] introduite par assignation des 06 et 13 mai 2020 est recevable et a débouté la SARL SEO CARAIBES et la SMABTP de leurs demandes.

Dans ces conditions, en l'absence de déférer le moyen soulevé par les intimées sera déclaré inopérant.

Sur les désordres.

Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Un désordre ne peut être pris en compte au titre de la garantie décennale qu'à la double condition suivante :

- la défectuosité doit être cachée au jour de la réception ;

- le dommage doit compromettre la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination.

Il est de principe que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage des responsabilités entre les divers responsables, qui n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers. La responsabilité des intervenants ne peut cependant être recherchée que pour des dommages à la réalisation desquels ils ont concouru, pour des travaux qu'ils ont contribué à réaliser.

Le premier juge a relevé à juste titre six désordres: les traces d'humidité en pied de cloison WC, couloir, salle d'eau et dressing, les traces d'humidité sous l'escalier, la chute de pierres provenant du fond dominant sur le terrain des époux [L], l'accumulation de particules fines contre le mur enterré de la maison s'élevant au-dessus de l'étanchéité, la dégradation de l'étanchéité et du système de drainage vertical et la dégradation de la clôture grillage côté fond dominant.

Le premier juge a également considéré que quatre désordres (la chute de pierres, l'accumulation de particules fines contre le mur enterré de la maison, la dégradation de la clôture grillage et les traces d'humidité dans l'angle de l'escalier) sont qualifiés de décennaux et sont directement en lien avec l'activité de la S.A.R.L. LE HAMEAU D'ALET en tant que lotisseur pour les malfaçons sur les talus et de la société OMPI en tant que maître d'ouvrage et constructeur contracteur général.

Sur la responsabilité décennale de la société AAR PLOMBERIE.

S'agissant d'un cinquième désordre qualifié de décennal, le premier juge a déclaré la société AAR PLOMBERIE responsable du désordre relatif aux traces d'humidité sur les cloisons des WC, du couloir, de la salle d'eau et du dressing et sous l'escalier sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

La SMABTP, assureur de la société AAR PLOMBERIE, conteste la qualification décennale retenue par le tribunal judiciaire au motif que l'expert a indiqué en dernière page de son rapport que les traces d'humidité en pied de cloison provenant du défaut d'étanchéité du bac de douche n'affectent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination.

L'expert judiciaire a constaté, lors de la réunion n°1 du 02 octobre 2015, que la stagnation d'eau importante observée au niveau du bac à douche était due à une absence d'étanchéité du joint de la douche et à une non-conformité de la pose du joint entre le bac à douche en résine et la faïence. Monsieur [I] [P] a noté, lors de la réunion du 05 septembre 2016, que, malgré le changement du bac à douche avec une nouvelle étanchéité et un nouveau pare-douche, une humidité (beaucoup plus faible) existait encore sous ce nouveau bac à douche, ainsi que des écoulements d'eau à l'extérieur sur le sol, l'étanchéité n'ayant pas été refaite entre le pare-douche et la faïence. Si l'expert a conclu en page 21 de son rapport que ces traces d'humidité ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, il a néanmoins relevé que ce désordre engendrait une humidité permanente.

Il résulte des pièces de la procédure et en particulier du procès-verbal de constat d'huissier en date du 22 octobre 2019 que l'humidité a atteint un niveau important au rez-de chaussée de la maison d'habitation, les murs situés côté morne de la maison étant affectés de désordres se traduisant par l'apparition de salpêtre, de traces marron et des dégradations au niveau des peintures et des enduits.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a considéré que l'important niveau d'humidité constaté le 22 octobre 2019, de nature à affecter la santé des habitants de la maison d'habitation, a rendu nécessairement l'ouvrage impropre à sa destination, de sorte que les désordres concernant les traces d'humidité sur les cloisons des WC, du couloir, de la salle d'eau et du dressing et sous l'escalier ont engagé la responsabilité décennale de la société AAR PLOMBERIE. La SMABTP, assureur de la société AAR PLOMBERIE, sera tenue de garantir son assuré. Le jugement de première instance sera confirmé sur ces points.

Sur le point n°2 Traces d'humidité dans l'angle de l'escalier.

Lors des réunions sur place, l'expert a relevé une trace d'humidité très limitée imputable certainement à de l'accumulation d'eau et de fines, lors d'un épisode pluvieux ancien, dont le niveau aurait dépassé celui de l'étanchéité et du drain. Maître [V] [J], huissier de justice, a constaté le 22 octobre 2019 que les murs présentent des traces d'humidité et d'infiltration d'eau, ainsi que la présence de salpêtre, particulièrement sous l'escalier en bois, de sorte qu'il ne peut être contesté l'aggravation de ce désordre depuis l'expertise judiciaire.

Monsieur [I] [P] a conclu que l'accumulation de fines contre le mur est causée par une malfaçon du talus n°2 pour laquelle le promoteur la S.A.R.L. LE HAMEAU D'ALET a été déclaré responsable par le premier juge.

En cause d'appel, Monsieur et Madame [L] ne démontrent pas en quoi l'apparition et l'aggravation de ce désordre résulteraient d'un manquement de la SARL SEO CARAIBES et de Monsieur [C] aux règles de l'art lors de l'exécution de leurs prestations.

Monsieur et Madame [L] seront déboutés de ce chef de demande.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur le point n°3 Chutes de pierres provenant du talus sur le terrain de la maison de Monsieur et Madame [L].

Les appelants font valoir que la responsabilité incombe de manière évidente au lotisseur la S.A.R.L. LE HAMEAU D'ALET mais sollicitent, sans développer de moyens à l'appui de leur prétention, dans le dispositif de leurs conclusions, la condamnation in solidum de Monsieur [C], la société SEO CARAIBES et la SMABTP à réparer ce chef de préjudice.

Le premier juge a retenu la responsabilité de la S.A.R.L. LE HAMEAU D'ALET en tant que lotisseur pour les malfaçons sur les talus, le dommage résultant de la chute de pierres ayant pour cause la réalisation d'un talus de grande hauteur nécessitée par l'implantation de la villa construite sur une plate-forme en décaissé, sans que les règles de l'art aient été respectées.

Les époux [L] ne rapportant pas la preuve que la responsabilité de la SARL SEO CARAIBES et de Monsieur [C] soit engagée seront déboutés de ce chef de demande.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur le point n°4 Le phénomène d'accumulation de fines.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé que le dommage résultant de l'accumulation de fines contre le mur enterré est lié à la construction du talus n°2, (qui n'est pas le talus en atalus construit par Monsieur [G] [C]) faite à l'encontre des directives du plan de prévention des risques majeurs prévisibles, du permis de construire et de l'étude de sol lesquels exigeaient une végétalisation des talus, et a déclaré responsable la S.A.R.L. LE HAMEAU D'ALET de ce désordre.

Monsieur et Madame [L] seront déboutés de ce chef de demande.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur le point n°6 Dégradation de l'étanchéité et du système de drainage vertical (type delta MS).

L'expert judiciaire a constaté que la membrane d'étanchéité et la nappe de drainage ont été déformées lors de la pose du mur en ATALUS 50 qui, en s'appuyant sur le complexe, a créé des tensions non prévues. Monsieur [P] a relevé que le système de drainage type MS a été posé à l'envers (picots côté terre alors qu'ils devraient se trouver côté mur) mais que cette malfaçon ne crée pas de désordre bien que le drainage soit moins efficace mais suffisant. L'expert judiciaire n'a noté aucune conséquence dommageable à la date de la deuxième réunion d'expertise mais a conclu que le désordre d'étanchéité risque de créer des infiltrations. Enfin, Monsieur [P] a indiqué que ce désordre d'étanchéité est imputable à Monsieur [G] [C] en tant que poseur des ATALUS fournis par la société OMPI et à la société OMPI en tant que constructeur contracteur général. Il a ajouté que Monsieur [C] se devait de demander à la société OMPI les plans de pose basés sur une étude d'un BET.

Il résulte des pièces de la procédure et en particulier du procès-verbal de constat d'huissier en date du 22 octobre 2019 que les prévisions de l'expert judiciaire se sont révélées exactes: en effet, les occupants de la villa litigieuse sont confrontés à des infiltrations d'eau dont l'ampleur rend l'ouvrage impropre à sa destination. S'il a été relevé que le défaut d'étanchéité du bac à douche et l'accumulation de fines sont l'une des causes des infiltrations constatées par l'huissier de justice, la localisation de ses infiltrations, situées au rez-de-chaussée et côté morne, correspond également au défaut d'étanchéité du système de drainage vertical illustré par le plan et la coupe AA de l'ouvrage figurant en page 16 du rapport d'expertise: en effet, la partie basse du talus (talus1 sur le plan) proche de la verticale est constituée d'un mur de soutènement en blocs de béton d'une hauteur de 2,50 mètres environ qui a été construit de part et d'autre de la villa par l'entreprise [C] mais qui s'appuie sans désolidarisation sur le drain et l'étanchéité du mur, de sorte que la dégradation de l'étanchéité imputable à l'entreprise [C] s'est traduite à terme par des infiltrations d'eau en cas de fortes précipitations selon les dires du locataire présent. Les traces d'humidité, présentes dans cinq pièces de la maison d'habitation au rez-de-chaussée, ont causé des dégradations importantes décrites par Maître [V] [J] dans son procès-verbal de constat le 22 octobre 2019: présence de salpêtre et de traces marron, enduit et peinture décroûtés, un bas de meuble hors d'usage, présence d'humidité sur un mur au niveau d'une prise électrique.

La cour relève que le non-respect des règles de l'art par l'entreprise [C] et la société AAR PLOMBERIE lors de l'exécution de leurs prestations a concouru à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, les désordres constatés étant de nature décennale.

La dégradation de l'étanchéité déchirée étant due à la pose des atalus effectuée par Monsieur [C] et s'étant traduite à terme par d'importantes infiltrations d'eau, la cour en déduit que l'entreprise [C] a concouru à la réalisation de ce désordre de nature décennale au sens de l'article 1792 du code civil. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que Monsieur [G] [C] n'avait pas signé de contrat de sous-traitance avec la société OMPI et l'intimé ne verse aux débats aucune pièce en ce sens. Il ressort également des pièces de la procédure que la réalisation d'un mur de soutènement par Monsieur [G] [C] est totalement distincte de l'ouvrage de la villa. Il y a donc lieu de considérer que Monsieur [G] [C] est intervenu en qualité de constructeur et a engagé par conséquent sa responsabilité décennale à l'égard de Monsieur et Madame [L]. Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.

En revanche et en l'absence de désordre constaté par l'expert judiciaire s'agissant de la pose à l'envers du système de drainage, les époux [L] ne rapportent pas la preuve que la responsabilité décennale de la SARL SEO CARAIBES soit engagée. Dès lors, ils seront déboutés de ce chef de demande formé à l'encontre la SARL SEO CARAIBES et de son assureur, la SMABTP. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur le coût des réparations mis à la charge de l'entreprise [C].

Monsieur [I] [P] a conclu que, pour remédier aux désordres concernant la chute de pierres et l'accumulation de fines, l'intégralité du talus d'une hauteur de l'ordre de cinq à six mètres et réalisé en quatre parties ( un talus en blocs de béton ATALUS 50, une banquette en terre, un talus de très forte pente et une deuxième banquette) devra être stabilisé au moyen d'une paroi clouée de 4 à 5 mètres de hauteur sur 27 mètres de long, de sorte que l'étanchéité de la membrane deviendra inutile.

Toutefois, il ressort de l'examen des devis versés aux débats que, dans le cadre des travaux de reprise, il s'avèrera nécessaire de procéder à la démolition du mur ATALUS, soit une prestation évaluée à la somme de 5.000 euros que Monsieur [G] [C] sera condamné à payer à Monsieur et Madame [L].

Sur le préjudice financier.

En cause d'appel, les époux [L] produisent l'étude de la société IMS RN qui propose de conforter le talus de déblai à l'amont de la maison des époux [L] par la réalisation d'une paroi clouée. Ces préconisations ont été reprises par l'expert judiciaire.

Par ailleurs, les conclusions de la société IMS RN confirment les constatations de l'expert judiciaire selon lesquelles les malfaçons sur les talus et l'accumulation de fines contre le mur enterré de la villa de Monsieur et Madame [L] sont imputables exclusivement à la S.A.R.L. LE HAMEAU D'ALET et la société OMPI.

Das ces conditions, il n'y a pas lieu de faire prendre en charge par la SARL SEO CARAIBES, la SMABTP et Monsieur [C] la facture de la société IMS RN. Les époux [L] seront déboutés de ce chef de demande. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Tant en première instance qu'en cause d'appel, Monsieur et Madame [L] ne produisent pas de quittances de loyer. En conséquence, ils seront déboutés de leur demande présentée au titre de la remise de loyers. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

Sur les accessoires. demandes

Les dispositions du jugement déféré sur les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

Il sera alloué la somme de 2.500 euros aux époux [L] au titre des frais irrépétibles dans le cadre de la présente procédure.

Les intimés seront déboutés de leurs demandes respectives présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait masse des dépens, Monsieur [G] [C] d'une part et la SMABTP et la SARL SEO CARAIBES d'autre part étant condamnés à en supporter la moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 09 mars 2021 dans toutes ses dispositions dont appel, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [D] [L] et Madame [T] [A] épouse [L] de leurs demandes à l'encontre de Monsieur [G] [C] ;

Statuant à nouveau,

DECLARE Monsieur [G] [C] responsable du désordre résultant du défaut d'étanchéité du mur de soutènement en ATALUS 50 sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;

Condamne Monsieur [G] [C] à payer à Monsieur [D] [L] et Madame [T] [A] épouse [L] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

CONDAMNE Monsieur [G] [C] à payer à Monsieur [D] [L] et Madame [T] [A] épouse [L] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

FAIT masse des dépens de la présente instance et dit qu'ils seront supportés à hauteur de la moitié d'une part par Monsieur [G] [C] et d'autre part par la SMABTP et la SARL SEO CARAIBES.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00270
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;21.00270 ?
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