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05/07/2022 | FRANCE | N°20/00114

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 05 juillet 2022, 20/00114


ARRET N°



N° RG 20/00114



N°Portalis DBWA-V-B7E-CEPC

















M. [N], [F], [I] [G]



Mme [L], [R] [D] épouse [G]



S.C.I. [G]





C/





S.C.I. PERLINES



S.A.S. SODEX JARDIN DE BALATA





Mme [K] [O] [X]









COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 05 JUILLET 2022





Décision déférée à la cour : Jugemen

t du Tribunal de Grande Instance de Fort de France, en date du 17 Décembre 2019, enregistré sous le n° 17/00974 ;





APPELANTS :



Monsieur [N], [F], [I] [G]

[Adresse 8]

[Localité 3]



Représenté par Me Isabelle TAVERNY, avocat au barreau de MARTINIQUE



Madame [L], [R] [D] épouse [G]

[A...

ARRET N°

N° RG 20/00114

N°Portalis DBWA-V-B7E-CEPC

M. [N], [F], [I] [G]

Mme [L], [R] [D] épouse [G]

S.C.I. [G]

C/

S.C.I. PERLINES

S.A.S. SODEX JARDIN DE BALATA

Mme [K] [O] [X]

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 05 JUILLET 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort de France, en date du 17 Décembre 2019, enregistré sous le n° 17/00974 ;

APPELANTS :

Monsieur [N], [F], [I] [G]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Isabelle TAVERNY, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [L], [R] [D] épouse [G]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle TAVERNY, avocat au barreau de MARTINIQUE

S.C.I. [G], prise en la personne de ses co-associés

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentée par Me Isabelle TAVERNY, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

S.C.I. PERLINES, prise en la personne de son gérant en exercice

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Alban-Kévin AUTEVILLE de la SELAS ALLIAGE SOCIETE D'AVOCAT, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

La SCP PAYEN-GOBERT, avocat plaidant, au barreau de GUADELOUPE

S.A.S. SODEX JARDIN DE BALATA, prise en la personne de son gérant

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Alban-Kévin AUTEVILLE de la SELAS ALLIAGE SOCIETE D'AVOCAT, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [K] [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

La Cour n'a pu se réunir au complet ce jour, l'un des assesseurs étant retenu à l'audience de la chambre de l'instruction. L'affaire a été prise en collégiale bi-rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, après interrogation de la présidente de l'audience.

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Avril 2022 sur le rapport de Madame Marjorie LACASSAGNE, devant la cour composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 05 Juillet 2022 ;

ARRÊT : Défaut

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'alinéa 2 de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié dressé le 12 octobre 1998 par Me [T] [W], notaire à Fort-de-France, la SCI [G], représentée par Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] son épouse, a acquis des consorts [X] une parcelle de terre sur laquelle repose une maison sur pilotis construite en dur, sise sur la commune de Fort-de-France, lieudit « [Adresse 6] » cadastrée section [Cadastre 4].

Le 18 janvier 2001, la SCP [J] et [C] [W], notaire à Fort-de-France, a établi une attestation rectificative de l'acte précisant que : « c'est à tort et par erreur que si dans l'acte de vente en date du 12 octobre 1998 publié et enregistré à la Conservation des Hypothèques de FORT-DE-FRANCE le 28 octobre 1998 volume 1998 P numéro 4834, il n'a pas été indiqué l'existence de la servitude de passage au profit de l'immeuble vendu, pour permettre à celui-ci d'avoir accès à la route nationale numéro 3 et d'en revenir (') » et rectifiant la désignation de la parcelle comme étant bornée « au sud par un chemin de servitude de cinq mètres de large conduisant à la route nationale n°3 sur une longueur de cinquante mètres ».

Le 4 août 2011, Me [E] [Y], notaire à [Localité 2], a dressé un acte de notoriété acquisitive au profit de Monsieur [A] [H] sur la parcelle située au lieudit « [Adresse 6] », cadastrée section [Cadastre 5].

Par acte notarié dressé le 23 novembre 2011 par le même notaire, Monsieur [A] [H] a vendu cette parcelle à la SCI PERLINES.

Par acte notarié dressé le 11 juillet 2018 par Me [B], notaire à Fort-de-France, la SCI PERLINES a vendu la parcelle à la SARL SODEX JARDIN DE BALATA.

Se prévalant d'une servitude de passage sur la parcelle située au lieudit « [Adresse 6] », cadastrée section [Cadastre 5], la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] son épouse ont par exploit d'huissier du 10 avril 2017, fait assigner Monsieur [A] [H], la SCI PERLINES et Madame [K] [X] devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France d'une action en annulation de l'acte de notoriété acquisitive du 4 août 2011 et de tous les actes subséquents en particulier l'acte de vente du 23 novembre 2011 établi au profit de la SCI PERLINES.

Par acte d'huissier du 27 février 2018, la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] son épouse ont assigné en intervention forcée la SARL SODEX JARDIN DE BALATA.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 17 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Fort-de-France a :

- déclaré irrecevable l'action de la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] en annulation de l'acte de notoriété acquisitive de la parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 2] au bénéfice de Monsieur [A] [H] dressé le 4 août 2011 et des actes subséquents des 23 novembre 2011 et 11 juillet 2018,

- constaté le désistement partiel de la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de Monsieur [A] [H],

- débouté Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] de leur demande de dommages et intérêts,

condamné solidairement la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES à payer à la SCI [G] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné solidairement la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES à payer à la SCI [G] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière de Fort-de-France aux frais de la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G].

Par deux déclarations électroniques reçues au greffe le 17 mars 2020 à 19h22 et 20h18, la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] ont interjeté appel de la décision.

La SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES se sont constituées les 30 avril et 12 juin 2020.

Les procédures RG 20/116 et RG 20/114 ont été jointes sous le numéro RG 20/114.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 septembre 2021, la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G], demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 17 décembre 2019,

Statuant à nouveau,

- dire et juger l'action de la SCI [G] et des époux [G] recevable,

- annuler l'acte de notoriété acquisitive du 21 juin 2011 dressé le 4 août 2011 au profit de Me [A] [H] par devant Me [E] [Y], notaire à [Localité 2],

par conséquent,

- annuler tous les actes subséquents et en particulier l'acte authentique de vente établi au profit de la SCI PERLINES,

- constater que la SCI [G] est propriétaire indivis de la parcelle [Cadastre 5] qui constitue une voie d'accès,

- ordonner la publication du présent jugement à la Conservation des hypothèques de [Localité 2],

- condamner solidairement la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES à payer à la SCI [G] et aux époux [G] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus,

- condamner les mêmes aux dépens et au paiement d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel, ils font valoir que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ils ont intérêt à agir pour obtenir l'annulation de l'acte de notoriété acquisitive établie au profit de Monsieur [A] [H] le 4 août 2011 dès lors que d'une part, la parcelle [Cadastre 5] constitue le chemin de passage qui grève leur propriété et que d'autre part, Monsieur [A] [H] ne justifiait pas au jour de l'acte d'une possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

Ils estiment que les déclarations des témoins faites lors de l'établissement de l'acte de notoriété acquisitive sont insuffisantes pour considérer que Monsieur [A] [H] est le propriétaire de la parcelle [Cadastre 5]. Ils font observer d'ailleurs, que cet acte est en contradiction avec les éléments retenus par le tribunal d'instance de Fort-de-France dans son jugement en date du 5 novembre 2001, qui a considéré que la servitude était antérieure à l'acquisition de la parcelle par Monsieur [A] [H].

Ils font remarquer que dans l'acte de vente du 23 novembre 2011 au profit de la SCI PERLINES, le notaire avait précisé que la parcelle [Cadastre 5] constituait un accès permettant aux terrains objets de la vente de rejoindre la voie publique c'est-à-dire la route nationale n°3 et non un terrain de 155 m² dont une partie serait grevée d'une servitude de passage de 5 m ; la voie B 16 mesurant 5 mètres de large.

À l'appui de leur demande de dommages et intérêts, fondée sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, ils font valoir que l'acte de notoriété acquisitive a été obtenu sciemment en fraude de leurs droits. Ils indiquent rapporter la preuve de ce qu'ils sont exploitants du commerce implanté sur le fonds bénéficiant de la servitude de passage. Il considère que les nombreux litiges opposant les parties, aussi bien dans le contexte de leur propre activité commerciale que concernant l'entretien de la servitude, démontrent qu'il existait une volonté délibérée des intimés de s'accaparer la parcelle [Cadastre 5] pour les besoins de l'exploitation des jardins de Balata, en faisant fi des propriétés limitrophes nécessairement enclavées.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 septembre 2021, la SCI PERLINES et la SARL SODEX JARDIN DE BALATA demandent à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

juger et déclarer les sociétés recevables et bien fondées en leur appel incident,

Au fond,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G], les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts et ordonner la publication du jugement au service de la publicité foncière de Fort-de-France,

- si par extraordinaire, la cour devait juger l'action recevable, juger la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] mal fondés en leurs moyens et demandes et les en débouter,

- En tout état de cause, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES à payer à la SCI [G] la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts, débouter la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamner les sociétés au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- juger que la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES n'ont commis aucune faute susceptible d'engager leur responsabilité en faisant l'acquisition de la parcelle [Cadastre 5] et depuis cette acquisition,

- juger que la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice indemnisable,

- condamner la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] à leur payer la somme de 10 000 € à chacune à titre de dommages-intérêts,

- condamner la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] à leur payer à chacune la somme de 5000 € sur le fondement de l'article sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES soutiennent que l'action est irrecevable, pour défaut de qualité et d'intérêt à agir des époux [G] qui ne sont pas les propriétaires de la parcelle [Cadastre 4] et pour défaut de qualité et d'intérêt

à agir de la SCI [G] qui est un tiers aux ventes intervenues respectivement le 23 novembre 2011, entre Monsieur [A] [H] et la SCI PERLINES et le 11 juillet 2018, entre la SCI PERLINES et la SARL SODEX JARDIN DE BALATA.

Elles rappellent en outre qu'en première instance, la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] se sont désistées de leurs demandes formées à l'encontre de Monsieur [A] [H]. Elles demandent ainsi à la cour d'en tirer les conséquences à leur égard, dès lors qu'elles n'ont été attraites à la cause qu'en leur qualité d'acquéreurs successifs de Monsieur [H] et que l'indivisibilité du litige commande que le désistement prononcé à l'égard de celui-ci leur bénéficie également.

A titre surabondant, au fond, elles font remarquer qu'il n'existe aucun titre constatant l'accord de volonté originel du propriétaire du fonds dominant, que l'acte de vente de 1957 dont se prévalent les appelants ne contient pas de constitution d'une servitude conventionnelle. Elles font observer que les appelants ne rapportent pas la preuve de leur qualité de propriétaires indivis de la servitude sise sur la parcelle [Cadastre 5]. De leur côté, elles versent aux débats un relevé de propriété qui indique que le propriétaire de cette parcelle est bien la SARL SODEX JARDIN DE BALATA.

Selon elles, la SCI [G] persiste à confondre d'une part, le droit d'user d'une servitude en raison de l'état d'enclavement d'un immeuble qui ne dispose pas d'un accès à la voie publique et d'autre part, la propriété du terrain grevé de la servitude de passage. Elles rappellent que conformément à ce qui a été dit par le premier juge, la servitude n'est qu'un accessoire à un droit de propriété.

Elles ajoutent qu'il n'existe aucune fraude aux droits de la SCI [G] puisque l'acte de vente du 23 novembre 2011 au profit de la SCI PERLINES mentionne bien qu'il existe une servitude de passage pour tous les terrains qui bordent la parcelle [Cadastre 5] et que l'acte de vente du 11 juillet 2018 au profit de la SARL SODEX JARDIN DE BALATA reprend formellement l'existence de cette servitude de passage. Il est donc avéré, comme l'a relevé le premier juge, que le droit de passage de la SCI [G] a bel et bien été préservé.

Dans l'hypothèse où il serait considéré que la SCI PERLINES a acquis la chose d'autrui, elles demandent à la cour dire que la vente du 23 novembre 2011 a été conclue par un propriétaire apparent, Monsieur [A] [H] et de faire application de l'article 544 du code civil.

Elles estiment que les appelants ne rapportent la preuve d'aucun préjudice indemnisable, n'ayant subi aucun préjudice commercial ni aucun trouble de jouissance, d'aucune faute et d'aucun lien de causalité.

Elles sollicitent l'octroi de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts estimant que l'action initiée par la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] porte atteinte à leur réputation au regard des arguments fallacieux avancés, particulièrement graves dans un espace géographique insulaire comme la Martinique et au regard de leur activité économique reposant sur le tourisme.

La procédure a été clôturée le 16 décembre 2021 et l'affaire fixée à l'audience collégiale du 29 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément référé au jugement déféré et aux dernières conclusions notifiées.

MOTIFS

1°) Sur la recevabilité de l'action en annulation de l'acte de notoriété acquisitive du 4 août 2011

L'article 31 du code de procédure civile prévoit que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action.

En l'espèce, l'action formée par la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] tend à l'annulation de l'acte de notoriété acquisitive dressé le 4 août 2011 au profit de Monsieur [A] [H] sur la parcelle sise sur la commune de Fort-de-France, lieudit « [Adresse 6] », cadastrée section [Cadastre 5].

Les appelants soutiennent qu'ils ont intérêt à agir pour «  obtenir l'annulation de l'acte notarié du 4 août 2011 qui est de nature à remettre en cause la servitude de passage dont bénéficie la parcelle [Cadastre 4] sur la parcelle [Cadastre 5] ».

Il ressort des éléments du dossier que le 12 octobre 1998, la SCI [G] a fait l'acquisition d'une parcelle de terre sise sur la commune de Fort-de-France, lieudit « [Adresse 6] » cadastrée section [Cadastre 4]. Le 18 janvier 2001, une attestation notariée rectificative a constaté qu'il n'avait pas été mentionné dans l'acte de vente

« l'existence de la servitude de passage au profit de l'immeuble vendu, pour permettre à celui-ci d'avoir accès à la route nationale numéro 3 et d'en revenir » et rectifiant cette erreur, le notaire a indiqué que la parcelle vendue était bornée « au sud par un chemin de servitude de cinq mètres de large conduisant à la route nationale n°3 sur une longueur de cinquante mètres ».

Il n'est pas contesté qu'au sud de la parcelle [Cadastre 4], se situe la parcelle [Cadastre 5] qui constitue une voie de desserte qui longe le jardin de Balata et qui permet aux propriétés bâties et non bâties, contigües à cette voie, dont la parcelle [Cadastre 4], de rejoindre la [Adresse 9].

Ainsi, la SCI [G] est propriétaire de la parcelle [Cadastre 4], laquelle bénéficie d'une servitude de passage sur la parcelle [Cadastre 5] afin de pouvoir rejoindre la route principale.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la SCI [G] justifie d'un intérêt à agir à l'encontre des propriétaires voisins de la parcelle [Cadastre 5], puisqu'elle fait valoir que le titre de propriété originel de leur auteur ainsi que tous les actes translatifs de propriété subséquents portent atteinte à ses droits.

Dans ses conditions, son action en annulation de l'acte de notoriété acquisitive est recevable, nonobstant le désistement d'action prononcé en première instance à l'encontre de Monsieur [A] [H] et qui n'est valable que pour cette partie.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

En revanche, Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] son épouse, qui ne sont pas les propriétaires de la parcelle [Cadastre 4], ne justifient d'aucun intérêt à agir en annulation de l'acte de notoriété acquisitive du 4 août 2011.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré leur action irrecevable.

2°) Sur le bien fondé de la demande en annulation de l'acte de notoriété acquisitive du 4 août 2011

La SCI [G] sollicite l'annulation de l'acte de notoriété acquisitive établi au profit de Monsieur [A] [H] le 4 août 2011 sur la parcelle [Cadastre 5] au motif que cet acte «  est de nature à remettre en cause la servitude de passage dont bénéficie la parcelle [Cadastre 4] sur la parcelle [Cadastre 5] ».

A l'appui de sa demande, elle soutient que lors de l'établissement de l'acte de notoriété, les conditions de la prescription acquisitive prévues aux articles 2261 et suivants du code civil, n'étaient pas réunies ; que Monsieur [A] [H] ne justifiait pas d'une possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire, pendant plus de trente ans, sur la parcelle [Cadastre 5] ; qu'il ne « pouvait par usucapion devenir propriétaire d'un chemin de servitude simple voie d'accès ».

Or, dans le cadre de la présente procédure, la SCI [G] ne poursuit que la reconnaissance de la servitude de passage dont bénéficie la parcelle [Cadastre 4] sur la parcelle [Cadastre 5].

En effet, si elle demande à la cour de constater qu'elle a la qualité de « propriétaire indivis de la parcelle [Cadastre 5] », sur la base d'un relevé de propriété établi par l'administration fiscale et qui ne constitue pas un titre de propriété, en réalité, la SCI [G] opère une confusion entre le droit réel immobilier que constitue la servitude de passage grevant le fonds servant et le droit de propriété sur ce fonds.

Ainsi, contrairement à ce qu'elle affirme en page 12 de ses écritures, les propriétaires des parcelles longeant le jardin de Balata et bénéficiant de la servitude sur le chemin d'accès menant à la route nationale n°3 ne sont pas les « propriétaires indivis de la servitude » car une servitude est un droit réel immobilier attaché à un immeuble, et non à une personne, comme l'a justement rappelé le premier juge dans sa décision.

En contestant l'acquisition de la prescription au profit de Monsieur [A] [H], elle conteste le droit de propriété de celui-ci sur la parcelle [Cadastre 5], mais ne démontre pas en quoi l'acte dressé porte atteinte à l'existence ni même aux conditions d'exercice de la servitude de passage établie au profit de la parcelle [Cadastre 4] dont elle est propriétaire.

Le moyen tiré de l'absence de prescription acquisitive au profit de Monsieur [A] [H] s'avère donc inopérant.

De surcroît, en théorie, Monsieur [A] [H] a pu prescrire de manière régulière sur la parcelle [Cadastre 5] nonobstant l'existence d'une servitude de passage grevant cette parcelle et en dépit des litiges qui ont opposé le propriétaire du fonds servant et du fonds dominant relativement à l'exercice de la servitude.

Enfin, l'examen des actes critiqués par la SCI [G] révèle que la servitude de passage attachée à la parcelle [Cadastre 4] est préservée.

En effet, si l'acte de notoriété acquisitive du 4 août 2011 au profit de Monsieur [A] [H] décrit la parcelle [Cadastre 5] comme « un terrain nu » sans autre mention, en revanche, l'acte de vente du 23 novembre 2011 au profit de la SCI PERLINES précise bien que la parcelle [Cadastre 5] est constituée d'un « terrain nu à usage de voie d'accès desservant les propriétés qui le bordent » confirmant ainsi l'existence d'un droit de passage au profit des propriétés contigües, et notamment de la parcelle [Cadastre 4].

L'acte de vente du 11 juillet 2018 au profit de la SARL SODEX JARDIN DE BALATA comporte la même indication et précise, s'agissant des parcelles vendues autres que la parcelle [Cadastre 5], que « l'accès des parcelles vendues à la voie publique se fait par la parcelle cadastrée section [Cadastre 5] (') qui dessert également les parcelles qui la longent ».

En conséquence, la SCI [G] échoue à démontrer que l'acte de notoriété acquisitive du 4 août 2011 et les actes de vente subséquents sont de nature à remettre en cause la servitude de passage grevant la parcelle [Cadastre 5] au profit de la parcelle [Cadastre 4].

Elle sera donc déboutée de sa demande d'annulation de ces actes.

3°) Sur la demande de dommages et intérêts formée par les appelants

La SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] demandent à la cour de condamner solidairement la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES à leur payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus, en application de l'article 1240 du code civil.

C'est par une analyse pertinente des éléments qui lui ont été soumis que le premier juge a considéré que le préjudice commercial allégué n'était pas indemnisable faute de pouvoir identifier le réel exploitant des lieux, qu'il a relevé que l'installation d'un portail n'empêchait pas l'accès à la servitude de passage, mais qu'il a néanmoins constaté que l'exercice de la servitude par la SCI [G] se trouvait partiellement limité par d'autres facteurs résultant des agissements fautifs de la SARL SODEX JARDIN DE BALATA.

En appel, il est établi que l'exploitant de la boutique de souvenirs voisine du jardin de Balata est la SARL [V] dont le gérant est Monsieur [N] [G], société qui a conclu un bail commercial avec la SCI [G]. Il semble au vu d'un article de presse paru en septembre et octobre 2000, que les exploitants du Jardin de Balata ont par leurs agissements, empêché une partie de leur clientèle d'accéder aisément à la boutique de souvenirs [V], alors que celle-ci se situe à la sortie immédiate du jardin. Cet article de presse décrit un climat conflictuel entre les protagonistes et évoque une situation préjudiciable pour la boutique de souvenirs [V] et plus largement, pour l'accueil des touristes en Martinique.

Néanmoins, force est de constater que cet écrit date de plus de 20 ans et qu'il est insuffisant à lui seul, à caractériser l'existence d'un préjudice commercial ; en tout état de cause, seule la SARL [V], qui n'est pas partie à la procédure, pourrait en demander réparation.

Le préjudice des appelants s'établit donc conformément à ce qu'a retenu le premier juge. Le procès-verbal d'huissier établi par Me [P] [Z] les 10 et 14 août 2000 et versé au débat par les sociétés intimées ne permet pas à la cour de constater que le déversement des eaux usées et pluviales sur la voie d'accès, tel qu'il a été relevé par le constat d'huissier de Me [M] en 2016, a cessé.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la SARL SODEX JARDIN DE BALATA et la SCI PERLINES à payer à la SCI [G] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et qu'il a débouté les époux [G] de leur demande à ce titre.

4°) Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La SCI PERLINES et la SARL SODEX JARDIN DE BALATA demandent à la cour de condamner la SCI [G], Monsieur [N] [G] et Madame [L] [D] épouse [G] à leur payer la somme de 10.000 euros à chacune à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive.

Pour constituer une faute, une action en justice doit être manifestement dépourvue de fondement et révéler de la part de son titulaire un usage abusif dans le seul dessein de nuire à autrui.

Compte tenu de la solution donnée au litige, les sociétés intimées ne caractérisent l'existence d'aucun abus du droit d'agir en justice de la part des appelants. De surcroît, elle ne justifient d'aucun préjudice.

La décision du premier juge sera donc confirmé en ce qu'elle les a déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

5°) Sur les frais et les dépens

Les circonstances du litige et les situations respectives des parties commandent que chacune d'elles conserve la charge de ses propres dépens d'appel, ceux de première instance restant répartis conformément au jugement déféré.

Pour les mêmes motifs et des considérations d'équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la SCI [G] en annulation de l'acte de notoriété acquisitive de la parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 2] au bénéfice de Monsieur [A] [H] dressé le 4 août 2011 et des actes subséquents des 23 novembre 2011 et 11 juillet 2018 ;

Statuant à nouveau,

DECLARE recevable l'action de la SCI [G] en annulation de l'acte de notoriété acquisitive de la parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 2] au bénéfice de Monsieur [A] [H] dressé le 4 août 2011 et des actes subséquents des 23 novembre 2011 et 11 juillet 2018 ;

Au fond,

REJETTE la demande de la SCI [G] en annulation de l'acte de notoriété acquisitive de la parcelle [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 2] au bénéfice de Monsieur [A] [H] dressé le 4 août 2011 et des actes subséquents des 23 novembre 2011 et 11 juillet 2018 ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

REJETTE les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00114
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.00114 ?
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