ARRET N°
N° RG 21/00231
N°Portalis DBWA-V-B7F-CHDH
Mme [K] [D]
C/
SARL AGS MARTINIQUE
COMPAGNIE D'ASSURANCE AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 07 JUIN 2022
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 16 Mars 2021, enregistré sous le n° 20/00048.
APPELANTE :
Madame [K] [D]
[Adresse 4], chez Monsieur [F]
[Localité 2]
Représentée par Me Séverine TERMON de la SELARL SHAKTI, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Romain LAFFLY, de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat plaidant, au barreau de LYON
INTIMEES :
S.A.R.L. AGS MARTINIQUE, prise en la personne de son gérant domicilié audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Audrey LISE-CADORE de la SELEURL LISE-CADORE AVOCATS, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Fabrice RENAUDIN, avocat plaidant, au barreau de MARSEILLE
Société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE
La société XL INSURANCE COMPANY SE, venant aux droits d'Axa Corporate Solutions Assurance par suite d'une fusion absorption emportant transfert de portefeuille
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Audrey LISE-CADORE de la SELEURL LISE-CADORE AVOCATS, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Fabrice RENAUDIN, avocat plaidant, au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Avril 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 07 Juin 2022
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Le 29 août 2014, Madame [K] [D] a signé avec la société AGS Martinique un contrat de déménagement. Madame [D] a payé un prix forfaitaire de 5 500,00 € TTC. Le 26 novembre 2014, Madame [K] [D] a signé avec le même co-contractant un contrat de dépôt en garde-meuble. Madame [K] [D] a payé 242,18 € de loyer pour le premier mois et 121,09 € pour le 2 ème mois. Dans la nuit du 11 au 12 janvier 2015, l'entrepôt dans lequel étaient stockés les effets de Madame [D] a été détruit dans son intégralité par un incendie. Madame [D] a été informée du sinistre par la société AGS Martinique par courrier du 26 janvier 2015.
A la demande de la MAIF, assureur de Madame [D], le cabinet SARETEC a établi un rapport le 07 août 2015 concluant à la responsabilité de la société AGS mais faisant mention de l'origine inconnue de l'incendie. M. [S] a été désigné en qualité d'expert judiciaire dans le cadre d'une enquête pénale. Il a déposé son rapport le 22 juillet 2015 aux termes duquel il a conclu que la cause de l'incendie était volontaire, l'incendie ayant été délibérément allumé à l'aide d'un liquide inflammable.
Le 9 novembre 2015, LA MAIF a réglé à Madame [D] la somme de 20 375 €, représentant l'indemnisation contractuelle des effets endommagés lors du sinistre du 12 janvier 2015.
Le 8 janvier 2018, Madame [D] a déposé plainte contre X pour incendie volontaire ou involontaire et dégradation de biens.
Par exploit du 10 janvier 2020, Mme [K] [D] a fait citer les sociétés AGS et Axa Corporate Solutions Assurance devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France aux fins de les voir condamner in solidum au paiement de la somme de 30.000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice matériel, outre 15.000 € pour préjudice moral et 3.500 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :
DEBOUTE Madame [K] [D] de ses prétentions ;
CONDAMNE Madame [K] [D] aux dépens ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 21 avril 2021, Madame [K] [D] a critiqué tous les chefs du jugement rendu le 16 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Dans des conclusions n°3 en date du 23 décembre 2021, Madame [K] [D] demande à la cour d'appel de :
REFORMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 16 mars 2021 en ce qu'il a débouté Madame [D] de ses prétentions, sauf en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute de la société AGS et l'impossibilité pour elle de se prévaloir d'une cause d'exonération de sa responsabilité ;
Statuant à nouveau de ces chefs ;
CONDAMNER in solidum la SARL AGS MARTINIQUE et la société XL INSURANCE COMPANY SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à verser à Madame [K] [D] la somme de :
- 125 € en remboursement de sa franchise d'assurance,
- 625 € en remboursement de l'abattement de 5 fois la franchise,
- 21 540,02 € en réparation de son préjudice matériel résultant de la perte de ses effets personnels,
- A titre subsidiaire, 12 392,94 € en réparation de ce même préjudice matériel résultant de la perte de ses effets personnels,
- 7 000 € en remboursement du prêt souscrit pour régler les frais de déménagement et de gardiennage de ses meubles, dépenses engagées en vain par la faute de la SARL AGS MARTINIQUE,
- 15 000 € au titre de son préjudice moral,
DEBOUTER la SARL AGS MARTINIQUE et la société XL INSURANCE COMPANY SE,
venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, de l'ensemble de leurs demandes.
CONDAMNER in solidum la SARL AGS MARTINIQUE et la société XL INSURANCE COMPANY SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER in solidum la SARL AGS MARTINIQUE et la société XL INSURANCE COMPANY SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, au paiement des entiers dépens liquidé, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de la SELARL SHAKTI.
Madame [K] [D] expose qu'il est établi que l'incendie a été délibérément allumé à l'aide d'un liquide inflammable, que le personnel de la société AGS Martinique brûlait assez souvent des déchets devant le local et que la locataire de la société AGS, la société OZIER LAFONTAINE, entreposait dans les locaux brûlés des emballages, notamment des sachets facilement inflammables. Elle fait valoir que la société AGS Martinique n'a pas été précautionneuse dans la garde des biens qui lui ont été confiés, qu'elle n'a pas respecté les normes de qualité et de sécurité des locaux qui lui incombaient en tant que professionnel dans l'activité de garde-meubles et qu'elle a manqué à son obligation de conservation et de restitution des choses déposées et à son obligation de conseil, l'appelante n'ayant pas été informée de la possibilité de souscrire un contrat d'assurance complémentaire auprès du dépositaire. Madame [K] [D] prétend que la société AGS Martinique n'apporte aucune preuve du caractère à la fois imprévisible, irrésistible et extérieur de l'incendie perpétré dans ses locaux, alors que, si le dépositaire avait pris les précautions nécessaires, les conséquences de l'incendie auraient été prévenues, du moins contenues. Elle indique également que la société AGS Martinique a commis une faute aggravée du fait de l'absence d'alarme, doublée d'une absence de gardiennage, alors même qu'elle louait les locaux à une société entreposant des sachets facilement inflammables, de sorte que les premiers juges ont retenu que la
société AGS Martinique ne pouvait se prévaloir d'une cause d'exonération de sa responsabilité. Madame [K] [D] ajoute que la société AGS Martinique n'a pas respecté les normes applicables à la profession de garde-meuble et édictées par l'AFNOR, ainsi que l'arrêté ministériel du 05 août 2002 relatif à la prévention des sinistres dans les entrepôts couverts soumis à autorisation sous la rhétorique 1510.
Par ailleurs, Madame [K] [D] expose que la décision de première instance doit être réformée en ce qu'elle l'a déboutée de toutes ses demandes indemnitaires. Elle fait valoir que l'indemnisation proposée par la MAIF à son assurée a été faite dans un cadre purement contractuel, ce qui n'interdit pas à l'assuré indemnisé, en vertu du principe de la réparation intégrale, d'agir contre le responsable du dommage pour solliciter le complément d'undemnisation qu'il n'aurait pas obtenu par l'application du contrat d'assurance. Madame [K] [D] sollicite le remboursement de la franchise d'un montant de 125 euros et de l'abattement limité à 5 fois la franchise, ainsi que le remboursement de la valeur du mobilier détruit dans l'incendie, déduction faite de l'indemnisation prise en charge par son assureur et en se référant à la valeur déclarée lors des opérations d'expertise amiable contradictoire. Elle sollicite également à hauteur de 7.000 euros le remboursement de son prêt à la consommation souscrit pour financer son déménagement. Madame [K] [D] ajoute que la perte de tous ses effets personnels lui a occasionné un préjudice moral important dont elle demande réparation.
Dans des conclusions n°1 en date du 05 août 2021, la société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE, qui vient aux droits de la société Axa Corporate Solutions Assurance conformément à la décision N°2019-C-65 de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution publiée au Journal Officiel du 29 décembre 2019, demandent à la cour d'appel de :
- Débouter Mme [D] de ses entières demandes pour cause d'exonération de la responsabilité de la société AGS.
Subsidiairement,
- Débouter Mme [D] de ses entières demandes comme non justifiées dans leur quantum.
A titre infiniment subsidiaire, limiter la demande de Mme [D] à la somme de 1.524,45 €.
- Condamner Mme [D] au paiement de la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la même aux entiers dépens.
La société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE exposent que l'incendie répond aux critères de la force majeure dès los qu'il s'agit d'un incendie criminel, qu'aucun élément ne pouvait laisser craindre un incendie criminel, qu'aucune faute imputable à la société AGS Martinique ne peut être retenue, qu'il est tout à fait anormal qu'un dépôt soit volontairement incendié, que l'évènement a été soudain, sans signe annonciateur et que l'évènement est rare, aucun incendie précédent n'étant mentionné dans les pièces produites. Elles font valoir que l'expert n'a relevé aucun manquement aux règles de sécurité et que la société AGS Martinique n'a commis aucune faute, les locaux étant fermés, sous alarme et télésurveillance. La société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE ajoutent que la société AGS Martinique ne pouvait rien faire contre un incendie criminel déclenché par une personne étrangère à la société et qui était impossible à circonscrire, de sorte que la responsabilité de la société AGS Martinique ne peut être retenue et qu'aucune action ne peut être intentée à l'encontre de son assureur.
Par ailleurs, la société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE exposent que les locaux de la société AGS étaient équipés de détecteurs infrarouge, qui se déclenchent en cas d'incendie, et d'un système de télésurveillance qui est aussi efficace qu'un système de gardiennage. Elles font valoir que l'expertise judiciaire n'a relevé aucune violation des normes des entrepôts couverts et que, au surplus, ce n'est pas une hypothétique violation des normes des entrepôts couverts qui est à l'origine de l'incendie mais un fait criminel. Elles soutiennent également que Madame [D] ne produit aucune pièce, telle des factures d'achat, permettant de justifier de sa réclamation à hauteur de 30.000 euros au titre du préjudice matériel. La société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE ajoutent qu'elles ne sont pas en mesure de vérifier la réalité du préjudice subi par Madame [D], la méthode de calcul adoptée par le cabinet d'expertise SARETEC étant ignorée et les annexes du rapport d'expertise n'étant pas versés aux débats. Enfin, elles concluent que l'indemnité compensatrice qui pourrait être allouée à Madame [K] [D] ne saurait excéder la somme de 7.622,45 euros, dès lors que qu'il résulte du contrat de déménagement que la responsabilité de la société AGS Martinique est limitée à la somme de 152,45 euros par objet avec un plafond de 7.622,45 euros pour l'ensemble du mobilier, et avant déduction de la somme de 6.098 euros déjà réglée à la MAIF subrogée dans les droits de Madame [D].
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2022.
L'affaire a été plaidée le 08 avril 2022. La décision a été mise en délibéré au 07 juin 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Conformément aux dispositions de l'article 1148 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 16 février 2016,il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit.
En application des articles 1928 et 1929 du Code civil le dépositaire est présumé responsable de la perte de la chose déposée. Il ne peut se dégager de cette présomption qu'en établissant que le dommage ne lui est pas imputable. Il peut se libérer en particulier en établissant l'existence d'un cas de force majeure ou la faute du déposant.
Si le dépositaire n'est tenu que d'une obligation de moyens, il lui incombe, en cas de perte ou détérioration de la chose déposée, de prouver qu'il y est étranger, en établissant qu'il a donné à cette chose les mêmes soins que ceux qu'il aurait apportés à la garde de celles qui lui appartiennent ou en démontrant que la détérioration est due à la force majeure. Par principe, le fait du débiteur ou de son préposé ou substitué ne peut constituer la force majeure.
Madame [K] [D] fait valoir que la société AGS Martinique n'a pas été précautionneuse dans la garde des biens qui lui ont été confiés, qu'elle n'a pas respecté les normes de qualité et de sécurité des locaux qui lui incombaient en tant que professionnel dans l'activité de garde-meubles et qu'elle a manqué à son obligation de conservation et de restitution des choses déposées. Madame [K] [D] prétend que la société AGS Martinique n'apporte aucune preuve du caractère à la fois imprévisible, irrésistible et extérieur de l'incendie perpétré dans ses locaux, alors que, si le dépositaire avait pris les précautions nécessaires, les conséquences de l'incendie auraient été prévenues, du moins contenues. Elle indique également que la société AGS Martinique a commis une faute aggravée du fait de l'absence d'alarme, doublée d'une absence de gardiennage, alors même qu'elle louait les locaux à une société entreposant des sachets facilement inflammables. Madame [K] [D] ajoute que la société AGS Martinique n'a pas respecté les normes applicables à la profession de garde-meuble et édictées par l'AFNOR, ainsi que l'arrêté ministériel du 05 août 2002 relatif à la prévention des sinistres dans les entrepôts couverts soumis à autorisation sous la rhétorique 1510.
En l'espèce, l'expert judiciaire, Monsieur [G] [S], a relevé dans son rapport d'expertise que les locaux occupés par les sociétés AGS et NOUVELLE OZIER-LAFONTAINE avaient recours aux prestations de deux entreprises de télé-
surveillance, la société CITA et la société AUREMA. L'expert a noté qu'il n'existait pas d'alarme incendie et que seule la société AUREMA disposait de quatre détecteurs à infrarouge, dont deux étaient en état de fonctionnement le 11 janvier 2015. De surcroît, chaque centrale d'alarme réalisait au moins un cyclotest quotidien. En l'occurrence, la centrale d'alarme AGS avait réalisé le 11 janvier 2015 à 15H48 un test de transmission aux fins de s'assurer que le système de télésurveillance était en service.
La cour relève que la société AGS ne disposait que d'un système de télésurveillance, les détecteurs à infrarouge étant situés dans les locaux occupés par la société NOUVELLE OZIER-LAFONTAINE.
L'expert judiciaire a retracé la chronologie des évènements:
- le 11 janvier 2015, à 19H31mn55 s, apparition d'un défaut sur un détecteur volumétrique à infrarouge situé au fond du stock de l'alarme d'AUREMA,
- le 11 janvier 2015 à 19H33mn37s, la société AUREMA envoie un patrouilleur,
- le 11 janvier 2015 à 19H35mn, un particulier téléphone aux pompiers pour leur signaler la présence d'un important dégagement de fumées derrière le supermarché CARREFOUR situé [Adresse 6],
- le 11 janvier 2015 à 19H35mn04s, arrivée sur les lieux du patrouilleur,
- le 11 janvier 2015 à 19H37mn03s, le détecteur commence à brûler,
- le 11 janvier 2015 à 19H37mn11s, hypothèse émise par la société AUREMA selon laquelle un coup de lampe a déclenché le détecteur,
- le 11 janvier 2015 à 19H43mn, arrivée des pompiers sur les lieux.
Il n'est pas non plus contesté que le personnel de la société AGS brûlait assez souvent des déchets devant le local sous douane à l'arrière du bâtiment, soit à proximité des locaux occupés par la société AGS.
Monsieur [G] [S] a conclu que le lieu d'origine de l'incendie était le local sous douane situé dans la partie de l'entrepôt occupée par la société AGS Martinique, que le point d'origine était situé dans un tronc d'arbre et que le premier aliment du feu était le tronc d'arbre. Toutefois, l'expert a mis en évidence que la cause de l'incendie était volontaire et que l'incendie avait été délibérément allumé à l'aide d'un liquide inflammable.
En revanche, le caractère irrésistible et imprévisible de cet incendie n'est pas démontré par la société AGS Martinique. En effet, il ne saurait être considéré qu'un incendie dans un local contenant des mobiliers divers est en permanence à l'abri de l'incendie et que celui-ci peut survenir à tout moment du fait d'évènements divers (défaillance du réseau électrique, incendie provoqué par les objets déposés, orages, foudre, actes de malveillance, vols fréquents dans ces entrepôts suscitant la convoitise, avec effraction par emploi de matières inflammables etc).
Dès lors, il appartenait à la société AGS Martinique, dépositaire rémunéré, et donc, aux termes des articles 1927 et 1928 du code civil, tenu d'une obligation de soins renforcée au regard du risque incendie qui revêtait un caractère non seulement prévisible, mais encore suffisamment menaçant. Or, dans la partie des locaux occupés par la société AGS, aucune alarme incendie n'avait été installée et aucun détecteur à infrarouge n'avait été mis en place.
De surcroît, l'arrivée d'un patrouilleur sur place, aux fins de vérifier les détecteurs situés dans les locaux occupés par la société NOUVELLE OZIER LAFONTAINE, a démontré que l'incendie avait été allumé dans une autre partie du bâtiment, à savoir au niveau du local sous douane, qui n'était pas sous la surveillance de la société AUREMA, les pompiers étant en l'occurrence alertés par un particulier de la présence d'un important dégagement de fumée.
Ainsi et bien qu'il ait une origine criminelle, l'incendie déclenché le 11 janvier 2015 ne saurait constituer un cas de force majeure exonérateur au sens de l'article 1929 du code civil, dès lors que la société AGS Martinique n'a pas apporté dans la garde de la chose déposée par Madame [D] les mêmes soins que ceux qu'elle aurait apportés à la garde de celles qui lui appartiennent. Dans ces conditions, la société AGS Martinique ne peut se prévaloir d'une cause d'exonération de sa responsabilité. La cour en déduit que le dépositaire a commis une faute en n'équipant pas l'entrepôt, dans la partie qu'il occupait, d'une alarme incendie ou de détecteurs à infrarouge, ce qui a eu pour conséquence de différer l'intervention des pompiers et de provoquer la destruction par le feu des effets mobiliers appartenant à Madame [K] [D]. La responsabilité du dépositaire est engagée envers le déposant. Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
Conformément aux dispositions de l'article 1933 du code civil, le dépositaire n'est tenu de rendre la chose déposée que dans l'état où elle se trouve au moment de la restitution. Les détériorations qui ne sont pas survenues par son fait, sont à la charge du déposant.
En l'espèce, Madame [K] [D] sollicite la somme de 21.540,02 euros en réparation de son préjudice matériel, après déduction de la somme de 20.375 euros qui lui a été versée par son assureur, la MAIF. A l'appui de ses prétentions, elle produit un rapport d'expertise amiable rédigé le 07 août 2015 par le cabinet Saretec Antilles.
Il est de jurisprudence constante que l'expertise amiable constitue un élément de preuve parmi d'autres sur lequel le juge peut fonder sa décision, dès lors que le rapport a été versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire. Le juge apprécie souverainement la portée de cette expertise. Il est donc libre d'en tenir compte ou de l'écarter mais il ne peut refuser de l'examiner dès lors qu'elle a été soumise au débat contradictoire. Toutefois, le juge ne peut fonder sa décision uniquement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci.
En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que le Cabinet Saretec Antilles a procédé à une estimation de la valeur des biens de Madame [K] [D] selon l'état de perte déclaratif qui lui a été transmis par l'appelante.
La cour relève qu'aucune facture ou duplicata de facture n'est versée aux débats par Madame [D] au soutien de ses prétentions. Il s'en déduit que le rapport d'expertise amiable en date du 07 août 2015 ne constitue pas un élément suffisamment probant aux fins d'évaluer le préjudice matériel subi par Madame [K] [D]. L'appelante ne rapporte pas non plus la preuve que le prêt personnel d'un montant de 7.000 euros souscrit le 05 août 2014 auprès de la Caisse d'Epargne ait été affecté à la prise en charge des frais de déménagement.
Enfin, Madame [K] [D] sollicite, dans le cadre du contrat d'assurance souscrit auprès de la MAIF, le remboursement par la société AGS Martinique de la franchise, ainsi que de l'abattement, appliqués par l'assureur. Toutefois, ce chef de demande ne saurait prospérer, dès lors que la franchise contractuelle et son abattement ne sont opposables qu'à l'assurée et et que le déposant n'a pas justifié auprès du dépositaire du quantum du préjudice invoqué.
En définitive, Madame [K] [D] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes en paiement présentées au titre du préjudice matériel.
L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
S'agissant du préjudice moral résultant de la perte de ses mobiliers et de ses effets personnels, Madame [K] [D] produit une attestation du psychologue clinicien qui l'a suivie entre décembre 2015 et janvier 2016 dans laquelle il est décrit une altération significative du fonctionnement social et professionnel de la patiente suite à la destruction de ses biens dans un incendie. Le préjudice moral est donc certain et sera évalué à la somme de 6.000 euros au paiement de laquelle les intimées seront condamnées in solidum.
Il sera alloué à Madame [K] [D] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Les dépens de première instance seront mis à la charge de la société AGS Martinique et de la société XL Insurance Company SE.
Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.
Succombant, la société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE seront condamnées in solidum aux dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 16 mars 2021 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'un montant de 15.000 euros présentée par Madame [K] [D] en réparation de son préjudice moral et en ce qu'il a condamné Madame [K] [D] aux dépens ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE in solidum la société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à payer à Madame [K] [D] la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;
CONDAMNE in solidum la société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à payer à Madame [K] [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum la société AGS Martinique et la société XL Insurance Company SE, venant aux droits de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL SHAKTI.
Signé par Madame Marjorie LACASSAGNE, conseillère, pour la présidente empêchée conformément à l'article 456 alinéa 1 du code de procédure civile, et Madame Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, P/ LA PRESIDENTE,