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10/05/2022 | FRANCE | N°21/00136

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 10 mai 2022, 21/00136


ARRET N°



N° RG 21/00136





N°Portalis DBWA-V-B7F-CGWI

























Mme [T], [S] [Y] épouse [I]





C/





SOCIETE TRANSMI-SERVICES















COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE



CHAMBRE CIVILE



ARRET DU 10 MAI 2022





Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire, de Fort de Frane en date du 08 Décembre 2020, enre

gistrée sous le

n° 19/00742 ;





APPELANTE :



Madame [T], [S] [Y] épouse [I]

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Isabelle TAVERNY, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Jan-Marc FERLY, de la SELARL CQFD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de GUADELOUPE





INTIM...

ARRET N°

N° RG 21/00136

N°Portalis DBWA-V-B7F-CGWI

Mme [T], [S] [Y] épouse [I]

C/

SOCIETE TRANSMI-SERVICES

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 10 MAI 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire, de Fort de Frane en date du 08 Décembre 2020, enregistrée sous le

n° 19/00742 ;

APPELANTE :

Madame [T], [S] [Y] épouse [I]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Isabelle TAVERNY, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE

Me Jan-Marc FERLY, de la SELARL CQFD AVOCATS, avocat plaidant au barreau de GUADELOUPE

INTIMEE :

SOCIETE TRANSMI-SERVICES, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Lucien ALEXANDRINE, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2022, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 10 Mai 2022

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

En 2009, Madame [T] [Y] a acheté un véhicule chez un concessionnaire de la marque Audi. Le 27 juillet 2015, à la suite d'une panne de la boîte de vitesses, Madame [T] [Y] a confié son véhicule à la société TRANSMI-SERVICES aux fins de réparation. Elle indique que la voiture a été prise en charge en septembre 2015 et réparée pour un montant de 4.148,00 euros. Ces réparations étaient garanties six mois. En novembre 2015, soit deux mois après l'intervention de la société TRANSMI-SERVICES, Madame [Y] a constaté une nouvelle panne de la boîte de vitesses. Malgré le remplacement de la nouvelle pièce mécatronique, intervenant dans le cadre de la garantie, le véhicule n'a pas retrouvé son état de marche initial.

Une expertise amiable a été diligentée par Madame [Y]. Dans son rapport d'expertise en date du 29 février 2016, le cabinet CARAIB'EXPERTISE a conclu que la responsabilité de la société TRANSMI-SERVICES peut être engagée.

Une deuxième expertise amiable a été diligentée par l'assureur protection juridique de Madame [Y] et confiée au cabinet [H]. L'expert amiable a conclu à la mise en jeu de la responsabilité de la société TRANSMI-SERVICES sur deux points:

- les interventions de la société sur la boîte de vitesses n'ont pas permis au véhicule de retrouver son état de marche initial,

- l'immobilisation prolongée du véhicule sur le parking du garage n'a pas permis à Madame [Y] de solutionner le défaut d'étanchéité du pare-brise de son véhicule et d'éviter le dommage causé par l'eau dans l'habitacle.

Madame [Y] expose que, de mai 2016 à mai 2019, le véhicule a été immobilisé dans le garage ouvert de la société TRANSMI-SERVICES.

Madame [Y] a assigné ladite société devant le tribunal judiciaire de Fort-de-France.

Par jugement rendu le 8 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :

- DEBOUTE Madame [T] [S] [Y] épouse [I] de ses prétentions ;

- CONDAMNE Madame [T] [S] [Y] épouse [I] aux dépens ;

- CONDAMNE Madame [T] [S] [Y] épouse [I] à verser à la SASU TRANSMI-SERVICES la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 04 mars 2021, Madame [T] [S] [Y] épouse [I] a critiqué tous les chefs de jugement.

Dans des conclusions responsives n°2 en date du 02 février 2022, Madame [T] [Y] demande à la cour d'appel de:

- DIRE ET JUGER Madame [T] [Y] recevable et bien fondée en ses moyens ;

- INFIRMER le jugement en date du 08 décembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France en toutes ses dispositions;

- DIRE ET JUGER que la société TRANSMI-SERVICES est responsable des préjudices subis par Madame [T] [Y];

En conséquence ;

- CONDAMNER la société TRANSMI-SERVICES à verser à Madame [T] la somme de 15.000 euros en indemnisation du préjudice résultant de l'absence de réparation ;

- CONDAMNER la société TRANSMI-SERVICES à verser à Madame [T] la somme de 20.000 euros en indemnisation du préjudice résultant de la dégradation du véhicule ;

- CONDAMNER la société TRANSMI-SERVICES à verser à Madame [T] la somme de 44.080,00 euros en indemnisation du préjudice résultant du trouble de jouissance ;

- CONDAMNER la société TRANSMI-SERVICES à verser à Madame [T] la somme de 7.000 euros en indemnisation du préjudice moral subi ;

- CONDAMNER la société TRANSMI-SERVICES à payer à la société TRANSMI-SERVICES la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- DEBOUTER la société TRANSMI-SERVICES de toutes fins, moyens et conclusions.

Madame [T] [Y] expose que la faute de la société TRANSMI-SERVICES tient en un manquement à son obligation de réparation du véhicule et en un manquement à son obligation de restitution du véhicule. Elle fait valoir que, entre mai 2016 et mai 2019, la société TRANSMI-SERVICES n'a pas remédié aux dysfonctionnements constatés sur son véhicule et ne s'est pas conformé à son obligation contractuelle de résultat.

Elle indique que l'attestation rédigée par Monsieur [D] [K], garagiste, qui a pris en charge le véhicule les 09 mai 2019 et 23 août 2019, démontre que les réparations effectuées antérieurement se sont avérées inefficaces. Madame [T] [Y] prétend que les pannes successives du véhicule ne sont pas dues à une utilisation intensive du véhicule, celui-ci n'ayant parcouru que 1.000 kilomètres en trois ans, mais bien à l'absence de réparation. Elle ajoute que, au sortir du garage de la société TRANSMI-SERVICES, en mai 2019, son véhicule n'était pas en état de circuler dans des conditions normales de sécurité, de sorte que l'existence d'une faute, imputable à la société TRANSMI-SERVICES, est établie.

Par ailleurs, Madame [T] [Y] expose que, alors que son véhicule a été immobilisé trois années dans le garage ouvert de la société TRANSMI-SERVICES, il a subi une infiltration d'eau et une corrosion dans une connexion du faisceau fixé à l'avant-droit de l'habitacle dues à une absence d'attention ou de soins particuliers contre les intempéries. Elle fait valoir que le comportement de la société TRANSMI-SERVICES est fautif dans la mesure où elle n'a pas été précautionneuse du véhicule laissé sous sa garde. Elle prétend que la société TRANSMI-SERVICES ne peut se prévaloir d'une cause exonératrice de responsabilité, dès lors que son inertie, fautive, permet d'engager sa responsabilité. Madame [T] [Y] ajoute qu'une vidéo retranscrite et datée par un huissier de justice établit la réalité des détériorations survenues, alors que le véhicule se trouvait sous la garde de la société TRANSMI-SERVICES et lui sont imputables.

Dans ses conclusions d'intimé n°2 du 03 janvier 2022, la société TRANSMI-SERVICES demande à la cour d'appel de :

- DIRE ET JUGER la société TRANSMI-SERVICES recevable et bien fondée en ses moyens ;

A titre principal,

- CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire ;

- DEBOUTER Madame [T] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER Madame [T] [Y] à payer à la société TRANSMI-SERVICES la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la même aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Lucien ALEXANDRINE.

La société TRANSMI-SERVICES expose que les constatations réalisées par les experts sont antérieures à la date à laquelle Madame [T] [Y] indique avoir récupéré son véhicule, à savoir en mai 2019. Elle prétend que, lorsque l'appelante a récupéré son véhicule, celui-ci était en bon état de marche, les réparations idoines ayant été effectuées. Elle sollicite que les attestations rédigées par Monsieur [K] soient écartées des débats au motif qu'elles ne remplissent pas les conditions posées par l'article 202 du code de procédure civile et que, en outre, leur contenu est contradictoire. La société TRANSMI-SERVICES ajoute que, entre le 29 juin 2016 et le mois de mai 2019, le véhicule a parcouru 7.444 kilomètres et n'a donc pas été immobilisé comme le soutient Madame [Y], de sorte que l'existence d'un dommage et d'une faute n'est pas établie.

Par ailleurs, la société TRANSMI-SERVICES expose que les avaries liées à l'infiltration d'eau n'ont pas été provoquées par un dysfonctionnement de l'élément sur lequel a porté l'intervention du garagiste, à savoir le remplacement de la mécatronique. Elle fait valoir que l'infiltration d'eau constitue une cause étrangère à son intervention. Elle prétend également que la preuve de la détérioration du véhicule n'est pas rapportée, les deux pièces relatives à une vidéo présente sur le téléphone portable étant irrecevables. La société TRANSMI-SERVICES ajoute que ces pièces ne font pas état de la détérioration du véhicule litigieux mais de son état de propreté, de sorte que la responsabilité de l'intimée ne saurait valablement être engagée. Enfin, elle conclut que Madame [T] [Y] ne justifie pas de l'existence, de la nature et de l'étendue des préjudices invoqués.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence à la décision déférée à la cour et aux dernières conclusions des parties.

L'affaire a été plaidée le 11 mars 2022. La décision a été mise en délibéré au 10 mai 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'obligation de résultat.

En application des articles 1147 et 1315 anciens du code civil, la responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat.

Dès lors, il appartient à celui qui recherche cette responsabilité, lors de la survenance d'une nouvelle panne, de rapporter la preuve que les dysfonctionnements allégués sont dus à une défectuosité déjà existante au jour de l'intervention du garagiste ou sont reliés à celle-ci.

Il n'est pas contesté que, en raison d'une panne de la boîte de vitesses, Madame [T] [Y] a confié son véhicule à la société TRANSMI-SERVICES qui a procédé à une réparation en septembre 2015. Il est également établi que, après l'intervention du garagiste, Madame [Y] a été confrontée, à nouveau, à un problème de passage de vitesse.

Une première expertise amiable, non contradictoire, a été diligentée par Madame [Y]. Le véhicule a été examiné au domicile de l'appelante par un expert automobile du cabinet CARAIB' EXPERTISE. Dans son rapport d'expertise amiable en date du 29 février 2016, l'expert automobile a précisé que le convertisseur de couple hydraulique de la boîte de vitesses automatique est endommagé et que le couple moteur est trop important au niveau de ce convertisseur. Enfin, il a conclu que les dommages relevés sur le véhicule sont imputables à l'intervention de la société TRANSMI-SERVICES et que la responsabilité du garagiste peut être engagée.

Il est constant que le véhicule a de nouveau été confié à la société TRANSMI-SERVICES en mai 2016 aux fins que le garagiste mette fin aux désordres affectant la boîte de vitesses.

Une deuxième expertise amiable a été diligentée par l'assureur protection juridique de Madame [T] [Y]. Une réunion d'expertise, organisée le 25 mai 2016 dans les locaux de la société TRANSMI-SERVICES par Monsieur [V] [H], en présence de Madame [T] [Y] et de Monsieur [U] [Z], gérant du garage TRANSMI-SERVICES, a mis en évidence que le dysfonctionnement de la boîte de vitesses constaté d'emblée par l'expert automobile provient du volant moteur qui est demeuré défectueux malgré le remplacement de la pièce mécatronique.

Il résulte également du rapport d'expertise amiable clos le 06 juin 2017 que le véhicule litigieux a fait l'objet de multiples interventions et allers-retour, sur dépanneuse, entre la société AUTO GM (représentant la marque AUDI) et la société TRANSMI-SERVICES, sans que le garagiste ne parvienne à remédier au désordre affectant toujours le véhicule en cause.

En l'espèce, l'expert automobile a constaté le 15 mars 2017 que de nouveaux désordres affectaient le véhicule litigieux, à savoir un défaut de connexion du faisceau fixé à l'avant-droit de l'habitacle, causé par une infiltration d'eau au niveau du pare-brise du véhicule, de sorte que la boîte de vitesses a été affectée par une nouvelle panne consistant en un défaut de connexion au niveau de l'alimentation électrique, ce désordre étant toutefois sans relation avec les différentes interventions sur la boîte de vitesses.

A l'issue des opérations d'expertise, qui se sont déroulées de manière contradictoire sur une période comprise entre le 25 mai 2016 et le 05 avril 2017, Monsieur [V] [H] a conclu que :

- le véhicule a parcouru 7.448 kilomètres entre la première intervention du garage TRANSMI-SERVICES et la nouvelle panne survenue en mai 2016,

- le véhicule a été reconduit en roulant six kilomètres avant d'arriver au garage,

- malgré le remplacement de la nouvelle pièce Mécatronique dans le cadre de la mise en oeuvre de la garantie, le véhicule n'a pas retrouvé son état de marche initial,

- l'immobilisation prolongée du véhicule litigieux présentant un pare-brise non étanche, sur un parking non couvert, a provoqué une oxydation rapide au niveau des connexions fixées dans l'habitacle et situées sur le passage de l'eau.

Bien que ne produisant aucun ordre de réparation postérieur à la clôture du deuxième rapport d'expertise, la société TRANSMI-SERVICES a fait valoir que le véhicule n'a pas été immobilisé dans ses locaux depuis le 02 mai 2016 au motif qu'il aurait parcouru 7.444 kilomètres entre mai 2016 et mai 2019, avant sa prise en charge par un autre garagiste, Monsieur [D] [K].

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise amiable en date du 29 février 2016 que le compteur kilométrique du véhicule en cause affichait 158.698 kilomètres et il ressort du rapport d'expertise amiable en date du 06 juin 2017 que le compteur kilométrique du véhicule en cause affichait 158.704 kilomètres.

Dès lors, la cour relève que le véhicule a été immobilisé dans les locaux de la société TRANSMI-SERVICES pendant trois ans, de mai 2016 à mai 2019, et que, au cours de cette période, le garagiste n'a pas remédié aux désordres affectant la boîte de vitesses du véhicule que lui avait confié Madame [T] [Y].

Dans son attestation rédigée le 10 janvier 2022 conformément aux dispositions des articles 202 et suivants du code de procédure civile, Monsieur [D] [K], garagiste, a confirmé qu'il avait informé Madame [Y] de la nécessité de remplacer la totalité de la boîte de vitesses de son véhicule. Il a précisé que le véhicule AUDI en cause a été pris en charge une première fois le 09 mai 2019, date à laquelle il a procédé au changement du câble et du levier de la boîte automatique, avant de réceptionner une deuxième fois le véhicule le 23 août 2019, alors que celui-ci n'avait parcouru que 1.100 kilomètres (photographie du compteur kilométrique jointe: 159.798 kilomètres).

Dès lors, il est établi que les pannes persistantes affectant la boîte de vitesses du véhicule appartenant à Madame [T] [Y] découlent de l'insuffisance des prestations de la société TRANSMI-SERVICES au regard de son obligation de résultat.

Dans ces conditions, la cour déclare que la société TRANSMI-SERVICES a commis une faute au sens de l'article 1147 ancien du code civil et a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Madame [T] [Y].

Sur l'obligation du dépositaire.

Le conrat de louage d'ouvrage signé entre le garagiste et son client, strictement limité à la réparation du véhicule, n'exclut pas l'existence d'un contrat de dépôt de type classique, c'est à dire à titre gratuit, qui lui est accessoire et implique pour le dépositaire l'obligation, qui n'est toutefois que de moyens, de garder et de restituer en nature la chose qui lui a été remise, la preuve de la bonne exécution de ces obligations incombant au dépositaire lequel doit démontrer, pour s'exonérer de sa responsabilité, en cas de disparition ou de détérioration de la chose confiée, qu'elles lui sont étrangères en faisant la démonstration qu'il n'a commis aucune faute et a donné à cette chose les mêmes soins qu'à la garde des choses lui appartenant.

Ainsi, le garagiste qui reçoit un véhicule aux fins de réparation est tenu des obligations d'un dépositaire jusqu'à la restitution de celui-ci, et ce conformément aux dispositions de l'article 1927 du code civil.

Il est constant qu'aucune infiltration d'eau n'a été constatée par la société TRANSMI-SERVICES lors de la réception du véhicule litigieux le 02 mai 2016. Il n'est également pas contesté que, le 15 mars 2017, Monsieur [R], technicien et gérant de la société Technique Auto, a constaté qu'une connexion du faisceau fixé à l'avant-droit de l'habitacle présentait un défaut à cause d'une infiltration d'eau par le pare-brise du véhicule.

Si la société TRANSMI-SERVICES a procédé à la réparation de la partie visible du faisceau, en revanche elle n'a pas effectué les interventions nécessaires aux fins de remédier aux dommages causés au niveau de l'alimentation électrique de la boîte de vitesses par le passage de l'eau. Or, il résulte du rapport d'expertise amiable en date du 06 juin 2017 que l'immobilisation du véhicule AUDI en cause depuis le 02 mai 2016, dans les locaux de la société TRANSMI-SERVICES, sur un parking non couvert, a provoqué une oxydation rapide au niveau des connexions en raison des infiltrations d'eau. De surcroît et en sa qualité de professionnel, la société TRANSMI-SERVICES ne pouvait ignorer le défaut d'étanchéité au niveau du pare-brise, ce défaut étant connu sur ce type de véhicule selon l'avis donné par Monsieur [V] [H]. Il peut donc être reproché à la société TRANSMI-SERVICES un manque de soins à l'égard du véhicule que lui avait remis Madame [Y].

En raison des fautes commises par le garagiste dépositaire, il est établi que le véhicule a été détérioré et que la société TRANSMI-SERVICES ne justifie pas avoir procédé à sa remise en état, notamment en remédiant aux désordres constatés au niveau des connexions du faisceau, avant sa restitution à Madame [T] [Y] en mai 2019.

Dès lors, la société TRANSMI-SERVICES doit répondre en sa qualité de dépositaire des dégradations subies par le véhicule et est tenue de réparer le préjudice prévisible subi par le déposant.

Sur les préjudices.

La société TRANSMI-SERVICES sera déclarée responsable des préjudices causés à Madame [T] [Y] en raison des manquements à son obligation de résultat et à son obligation de garde.

Madame [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 20.000 euros au titre de l'indemnisation résultant de la dégradation du bien litigieux. Toutefois, Madame [Y] ne produit aucune base de calcul, ni aucun élément de comparaison de nature à déterminer la valeur de son véhicule avant et après immobilisation. Dès lors, ce chef de demande sera rejeté.

Par ailleurs, Madame [Y] sollicite l'allocation d'une somme de 15.000 euros en indemnisation du préjudice résultant de l'absence de réparation. Toutefois, l'appelante ne démontre pas en quoi ce préjudice serait distinct du préjudice subi en raison de la privation du véhicule immobilisé. En conséquence, ce chef de demande sera rejeté.

Madame [T] [Y] demande également réparation d'un préjudice de jouissance à compter du 02 mai 2016, date de remise du véhicule à la société TRANSMI-SERVICES, et jusqu'au 09 mai 2019, date à laquelle le garage [K] a pris en charge le véhicule, sur la base suivante: (1/1000ème x la valeur du véhicule fixée à 44.080 euros) x 1.102 jours d'immobilisation = 44.080 euros.

Aux termes d' une jurisprudence constante, l'existence comme le montant d'un préjudice relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond. Ceux-ci apprécient souverainement le montant du préjudice dont ils justifient l'existence par l'évaluation qu'ils en ont faite, sans être tenus d'en préciser les divers éléments. Les juges du fond ne peuvent refuser d'évaluer le montant du dommage dont ils constatent l'existence en son principe.

Il est constant que le véhicule litigieux a été immobilisé du 02 mai 2016 au 09 mai 2019 dans les locaux de la société TRANSMI-SERVICES.

La cour relève, en se référant au rapport d'expertise amiable en date du 06 juin 2017, que le garagiste avait avisé l'expert en mars 2017 qu'il ne pourrait pas réparer le véhicule dans l'immédiat, suite à une nouveau désordre constaté au niveau de l'alimentation électrique, ce défaut de connexion s'ajoutant à la panne non résolue affectant la boîte de vitesses automatique, sans pour autant que la société TRANSMI-SERVICES ne donne d'informations à Madame [Y] sur la durée d'immobilisation du véhicule.

Dès lors, la privation du véhicule immobilisé en cause sera retenue sur une période comprise entre le 02 mai 2016 et le 09 mai 2019.

Par ailleurs, l'appelante n'a remis à la cour aucune pièce justificative afférente aux frais qu'elle aurait engagés et liés à la privation du véhicule immobilisé. Elle ne produit pas non plus la facture d'achat du véhicule litigieux.

Toutefois, l'assiette du préjudice résultant de la privation du véhicule immobilisé est calculée en fonction de la valeur d'utilisation de la voiture avant l'accident, elle-même fonction de la catégorie du véhicule et de sa fréquence d'utilisation ( arrêts Cour de cassation 2ème chambre civile, 19 novembre 2009, n° 08-70.320 et n°08-70-346).

En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que, au cours de l'année 2015, Madame [Y] a déclaré un kilométrage de 20.000 kilomètres dans le cadre de son activité professionnelle. Il n'est pas non plus contesté que, avant son immobilisation, ce véhicule de six ans et demi , de marque AUDI modèle Q5 2.0 TDI, avait parcouru 158.704 kilomètres.

Compte tenu de ces éléments, il sera alloué à Madame [T] [Y] la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Enfin,la détérioration du véhicule appartenant à Madame [T] [Y] est établie en raison des fautes commises par le dépositaire, la société TRANSMI-SERVICES. Madame [T] [Y] sollicite l'allocation de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

La détérioration du véhicule causée par les infiltrations d'eau mais aussi par son exposition au soleil et aux intempéries sur un parking non couvert pendant trois ans ont causé au véhicule litigieux des dégradations visibles par le déposant. Le préjudice qui en résulte est un préjudice moral d'autant plus important que le garagiste a également manqué à son devoir d'information: en effet, la société TRANSMI-SERVICES ne produit aucune pièce se rapportant aux interventions réalisées sur le véhicule litigieux, aucun ordre de réparation n'étant versé à la procédure; elle ne démontre pas non plus avoir informé sa cliente de l'état d'avancement des travaux ou des difficultés rencontrées aux fins de mettre fin aux pannes récurrentes.

Il convient de réparer ce préjudice par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 6.000 euros.

Sur les demandes accessoires.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a condamné Madame [T] [S] [Y] épouse [I] aux dépens et l'a condamnée à verser à la SASU TRANSMI-SERVICES la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la société TRANSMI-SERVICES supportera les dépens de première instance et d'appel et conservera ses frais irrépétibles. Il est équitable qu'elle prenne en charge également les frais exposés par Madame [T] [Y] en appel qu'il convient d'évaluer à hauteur de la somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 08 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE la société TRANSMI-SERVICES responsable des préjudices causés à Madame [T] [Y] en raison

des manquements à son obligation de résultat et à son obligation de

garde ;

CONDAMNE la société TRANSMI-SERVICES à payer à Madame [T] [Y] la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la société TRANSMI-SERVICES à payer à Madame [T] [Y] la somme de 6.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ;

CONDAMNE la société TRANSMI-SERVICES à payer à Madame [T] [Y] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société TRANSMI-SERVICES aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Micheline MAGLOIRE, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00136
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;21.00136 ?
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