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28/09/2012 | FRANCE | N°10/00065

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 28 septembre 2012, 10/00065


ARRET No
R.G : 10/00065

Cie d'assurances GAN ASSURANCES

C/
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE LA MARTINIQUE (CCIM)
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2012

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, en date du 15 Janvier 2008, enregistré sous le no 05/03319.

APPELANTE :
GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal.30, Boulevard du Général de GaulleB.P 42197200 FORT DE FRANCE
représentée par Me Danielle MARCELINE, avocat au barreau de MAR

TINIQUE

INTIMEE :
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE LA MARTINIQUE (CCIM),agissant poursuites et dil...

ARRET No
R.G : 10/00065

Cie d'assurances GAN ASSURANCES

C/
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE LA MARTINIQUE (CCIM)
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2012

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, en date du 15 Janvier 2008, enregistré sous le no 05/03319.

APPELANTE :
GAN ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal.30, Boulevard du Général de GaulleB.P 42197200 FORT DE FRANCE
représentée par Me Danielle MARCELINE, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEE :
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE LA MARTINIQUE (CCIM),agissant poursuites et diligences de son Président en exercice
50 rue Ernest Deproge97200 FORT-DE-FRANCE
représentée par Me Sarah BRUNET, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Juin 2012, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme TRIOL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Présidente : Mme DERYCKERE, ConseillèreAssesseur : Mme SUBIETA-FORONDA, ConseillèreAssesseur : Mme TRIOL, Conseillère
Les parties ont été avisées de la date du prononcé de l'arrêt fixée au28 SEPTEMBRE 2012.
GREFFIER : lors des débats, Mme SOUNDOROM,
ARRET : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
EXPOSE DU LITIGE :
La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE de la MARTINIQUE )désignée ensuite CCIM( a fait construire un aérogare passager sur la commune du Lamentin. Une police unique de chantier a été souscrite auprès de la compagnie GAN ASSURANCES, le 3 octobre 1991. L'ouvrage a été réceptionné le 13 juillet 1995.
La structure métallique de passerelles étant affectée par la rouille, la CCIM a effectué une déclaration de sinistre, le 20 juillet 1999. Le cabinet d'expertise EUREX a été désigné. Il a considéré que les dommages n'affectaient pas la solidité de l'ouvrage et la compagnie GAN ASSURANCES a, de ce fait, refusé sa garantie.
Saisi par le CCIM, le juge des référés du tribunal de grande instance de Fort de France a, par ordonnance du 30 juin 2000, désigné un expert judiciaire, lequel a déposé son rapport en octobre 2005.
Suite à assignation de la compagnie d'assurances par la CCIM, le tribunal de grande instance a, par jugement contradictoire du 15 janvier 2008, dit que les demandes formées à l'encontre des intervenants à l'acte de construire irrecevables, dit que le GAN doit sa garantie décennale à la CCIM, condamne la compagnie d'assurances à verser à la CCIM la somme de 2 428 562,48 euros, somme qui sera révisée sur la base de l'indice brut 01 du bâtiment entre la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire et la date de signification du jugement, la somme de 15 000,00 euros, à titre de dommages intérêts toutes causes confondues, et celle de 5 000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée au greffe le 26 mars 2008, la compagnie GAN ASSURANCES a relevé appel du jugement.
Par ordonnance du 11 décembre 2008, l'affaire a été radiée puis remise au rôle sur les conclusions déposées au greffe le 21 octobre 2009.
Par de dernières conclusions déposées au greffe le 8 décembre 2011, la compagnie GAN ASSURANCES a demandé à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire que les désordres affectent des éléments d'équipement dissociables pour lesquels la prescription de la garantie de bon fonctionnement est acquise, dire que ces désordres ne rendent pas l'ouvrage impropre à sa destination et, en tous cas, n'affectent pas sa solidité, et, par conséquent prononce sa mise hors de cause et ordonne à la CCIM la restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré.
Elle a réclamé en outre que la cour dise l'effet interruptif du cours de la prescription de l'action en garantie décennale rattachable aux seuls désordres énumérés dans la déclaration de sinistre et l'assignation en référé et dise prescrits les nouveaux désordres qui seraient apparus et inclus par la CCIM dans des désordres généralisés, déclare donc irrecevable les demandes de la CCIM en raison de l'acquisition de la prescription de l'action en garantie décennale et en raison du non respect de la phase amiable de la procédure dont la mise en œuvre est d'ordre public.
A titre subsidiaire, elle a sollicité de la cour qu'elle valide la solution alternative d'un traitement anti corrosion et dise que l'indemnisation faite à la CCIM doit l'être sur une base hors taxe et rejette la demande annexe de condamnation à hauteur de 152 400,00 euros.
Elle a enfin réclamé la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 50 000,00 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle expose que la garantie décennale ne peut être acquise si les désordres affectant les éléments d'équipement dissociables rendent l'ouvrage impropre à sa destination. Elle conteste que la rouille soit par nature un désordre entrant dans la garantie décennale et souligne que l'expert judiciaire n'a caractérisé aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage évoquant uniquement que les oxydations mettaient en cause à terme la solidité des ouvrages. Elle affirme ensuite que la déclaration de sinistre était accompagnée de tableau et photos précisant la localisation des taches de rouille et n'était pas une déclaration de corrosion généralisée.
Par de dernières conclusions déposées au greffe le 24 janvier 2012, la CCIM a demandé à la cour de lui donner acte de ce que la prescription décennale a été interrompue par la déclaration de sinistre de juillet 1999, et les assignations ayant donné lieu aux ordonnances du 30 juin 2000, 26 janvier 2001, 6 juillet 2001, 21 février 2003 et l'assignation au fond des 14 et 15 janvier 2003, et de rejeter en conséquence les exceptions d'irrecevabilité et fins de non recevoir invoqués par l'appelante, de dire que le désordre de corrosion affectant les pré-passerelles, les pylônes support d'éclairage, la coursive technique R +3, l'escalier extérieur pignon est, les sous faces toiture des pignons est et ouest et les pieds de poteau en façade nord est un désordre de nature décennale, de confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le quantum des dommages intérêts et de condamner le GAN à lui payer la somme de 152 400,00 euros toutes causes de préjudices confondues et la somme de 50 000,00 euros, au titre des frais irrépétibles.
Au soutien de ses prétentions, elle se fonde sur le rapport d'expertise pour souligner que la corrosion est un désordre de nature décennale. Au titre de l'indemnisation due par le GAN, elle rappelle qu'au titre de la police unique de chantier souscrite, le GAN doit la réparation des dommages de nature décennale et le préfinancement de tous les travaux de réparation desdits désordres.
Elle explique que seule la solution d'un remplacement pur et simple des pré-passerelles est acceptable, qu'il faut mettre également à la charge de l'assureur le remplacement de l'escalier.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 2012.
MOTIFS DE L'ARRET :
Sur les fins de non recevoir soulevées par le GAN :
L'appelante soulève une première fin de non recevoir tirée de ce que la CCIM n'a pas préalablement respecté la phase amiable de la procédure. Cependant, la police décennale unique de chantier signée le 3 octobre 1991, par les parties, mentionne, en son article 3-6, le droit de chacune à s'adresser directement à la juridiction compétente. De plus, en réponse à la déclaration de sinistre rédigée par la CCIM, le 20 juillet 1999, la compagnie GAN ASSURANCES a opposé un refus à toute garantie des désordres déplorés, de sorte que la phase amiable de la procédure ne trouvait pas à s'appliquer.
Il convient donc de débouter l'appelante de ce moyen visant la recevabilité de l'action de la CCIM.
La compagnie d'assurances prétend ensuite que seuls les désordres limitativement énumérés dans la déclaration de sinistre du 20 juillet 1999 et dans l'assignation en référé du 28 avril 2000 seraient susceptibles d'entrer dans le délai de la garantie décennale. Cependant, les nouveaux désordres de corrosion trouvent leur siège dans l'ouvrage où cette même corrosion a été constatée et dont la réparation a été demandée en justice avant l'expiration du délai de la garantie décennale. Aussi, la prescription de l'action ne peut être, à bon droit, invoquée par l'appelante.
Sur la nature décennale des désordres :
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître de l'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Selon les dispositions de l'article 1792-2 du même code, la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend aux dommages qui affectent les éléments d'équipement de l'ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Les pré-passerelles, les pylônes supports d'éclairage, l'escalier extérieur, les sous faces de la toiture, les pieds de poteau ou la coursive technique, l'ensemble des éléments concernés par le phénomène de corrosion ici constaté sont, soit des éléments constitutifs, soit des éléments d'équipement indissociables de l'aérogare puisque leur démontage et leur remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière à l'ouvrage. Ils rentrent en conséquence dans les éléments susceptibles de faire jouer la garantie décennale.
Il ressort ensuite du rapport d'expertise judiciaire que la corrosion constatée sur l'ensemble de ces éléments est la conséquence directe d'une mauvaise préparation des supports et d'une mauvaise application du complexe anti corrosion. L'expert précise que l'élément déterminant est la mauvaise préparation du support. Il indique également que les désordres observés sur les pré-passerelles n'affectent pas la sécurité des passagers et que ces désordres sont plutôt esthétiques, mais que, la corrosion étant un phénomène évolutif, si rien n'est fait, à plus ou moins long terme, la sécurité des passagers pourrait être remise en cause.
Ainsi, l'expert, qui a déposé son rapport en octobre 2005, soit après expiration du délai de la garantie décennale, considère qu'à cette date, les désordres relevés sur les éléments d'équipement indissociables de l'ouvrage ne le rendent pas impropre à sa destination. Le phénomène de corrosion est, en effet, qualifié de désordre plutôt esthétique ne mettant pas en cause la sécurité des passagers.
Dans ces conditions, le tribunal, a considéré, à tort, que, parce que la corrosion est un phénomène évolutif, il s'agit d'un désordre rendant l'ouvrage impropre à sa destination. En l'espèce, il est au contraire démontré que le désordre n'est pas de nature à entrer dans le cadre de la garantie énoncée à l'article 1792 du code civil. Aussi, la cour doit-elle infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Le présent arrêt infirmatif vaut titre de restitution des sommes versées par l'appelante à l'intimée suite à l'exécution provisoire du jugement déféré. Il n'y a pas lieu de l'ordonner ni de dire que ces sommes produiront intérêts, au taux légal, à compter de la notification du présent arrêt, ce qui entre dans les règles normales d'excécution.
Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'équité justifie la condamnation de la CCIM au paiement de lasomme de 5 000,00 euros, au titre des frais irrépétibles.
L'intimée supportera les dépens, lesquels comprendront les frais d'expertise et ceux de la procédure de référé.
PAR CES MOTIFS :
Déclare l'action de la CCIM recevable ;
Infirme le jugement déféré sur le fond, en toutes ses dispositions,Et, statuant à nouveau ;

déclare que les désordres constatés affectant des éléments d'équipement indissociables de l'ouvrage n'entrent pas dans le cadre de la garantie décennale ;
Condamne la CCIM à verser à la compagnie GAN ASSURANCES la somme de 5 000,00 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la CCIM aux dépens, lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire et de la procédure de référé.

Signé par Mme DERYCKERE, présidente, et Mme RIBAL, greffière, lors du prononcé auquel la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00065
Date de la décision : 28/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

ARRET du 11 mars 2014, Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 mars 2014, 13-10.252, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.fort-de-france;arret;2012-09-28;10.00065 ?
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