COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
ARRET No
R. G : 11/ 00515
X... Y... Z... A... X... X... X... C/ B... C...
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2012
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Fort-de-France, en date du 23 Juin 2009, enregistré sous le no 09/ 00379.
APPELANTS :
Monsieur Alexandre X...... 97200 Fort de France
représenté par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Madame Marie Y...... 97200 Fort de France
représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Madame Josiane Z...... 97229 TROIS ILET
représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Madame Nadiège A...... 97200 Fort de France
représentée par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Monsieur Serge X...... 97232 LE LAMENTIN
représenté par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Monsieur Antony X...... 97200 Fort de France
représenté par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
Madame Christiane X...... 9720 Fort de France
représenteé par Me Gladys RANLIN de la SELARL RANLIN et ASSOCIES, avocats au barreau de MARTINIQUE
INTIMES :
Monsieur Guy B......... 97200 FORT DE FRANCE
représenté par Me Fred-Michel TIRAULT, avocat au barreau de MARTINIQUE
Monsieur Frédéric Félix C...... 97200 FORT-DE-FRANCE
représenté par Me Fred-Michel TIRAULT, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 mai 2012 en audience publique, devant la cour composée de :
M. FAU, Président de Chambre, chargé du rapport Mme DERYCKERE, Conseillère, Mme SUBIETA-FORONDA, Conseillère,
qui en ont délibéré, les parties ayant été avisées de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 14 SEPTEMBRE 2012.
GREFFIER : lors des débats, Mme RIBAL, Greffière,
ARRÊT : Contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Exposé du litige
Paul C..., né en 1856, a acquis de Arthur D..., par acte du 22 juillet 1898, une parcelle... à Fort-de-France, d'une superficie de 2ha 11a et 95ca, cadastrée section I no 190.
Cette parcelle a ensuite été divisée en parcelles section I no 913, 914, 926, 927 et 928.
Le 25 janvier 1989, Paulette Lise Annette, veuve X..., née le 15 février 1915, a fait dresser par Maître E..., notaire, un acte de notoriété prescriptive de la parcelle I 190, acte rectifié le 17 juillet 2000 la prescription acquisitive portant sur la seule parcelle I 913.
Le 5 janvier 2009, Guy B... et Frédéric C..., descendants de Paul C..., ont, sur le fondement des articles 2229 et suivants du code civil, assigné Mme X... devant le tribunal de grande instance de Fort-de-France en annulation de l'acte de notoriété prescriptive du 17 juillet 2000, publication du jugement à intervenir et condamnation au paiement d'une indemnité de procédure.
Régulièrement assignée, Mme X... n'a pas comparu.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 23 juin 2009, le tribunal de grande instance a prononcé la nullité des actes de notoriété prescriptive des 25 janvier 1999 et 17 juillet 2000, a dit que MM. B... et C... sont copropriétaires de la parcelle I 913, a ordonné la publication de la décision à la conservation des hypothèques, a condamné Mme X... au versement d'une indemnité de procédure de 1 500 euros et aux dépens, et a débouté MM. B... et C... du surplus de leurs prétentions.
Pour statuer comme il l'a fait le tribunal a retenu :
que l'un des témoins signataires de l'acte de notoriété du 17 juillet 2000 avait déclaré à un huissier de justice avoir signé pour rendre service ;
que ce même huissier de justice avait constaté que la parcelle litigieuse était en friche ;
que deux témoins avaient attesté qu'ils n'avaient jamais vu la défenderesse sur la parcelle et que celle-ci n'y avait jamais exercé une quelconque activité ;
que la parcelle litigieuse faisait partie d'une propriété acquise en 1898 par l'ancêtre commun des demandeurs ;
qu'il résultait d'attestations que depuis 1940 jusqu'à sa mort en 1987, Bernard C..., père de Frédéric C..., avait exploité cette parcelle et que depuis lors les demandeurs l'occupaient en qualité de copropriétaires.
Par déclaration d'avocat le 3 août 2009, Mme X... a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 3 juillet 2009.
Mme X..., appelante, est décédée le 25 mars 2010. L'instance a été reprise par ses héritiers, Alexandre X..., Marie Y..., Christiane X..., Josiane Z..., Nadiège A..., Serge X..., et Antony X....
Au terme de leurs conclusions de reprise d'instance et au fond, notifiées le 30 mai 2011, les consorts X..., poursuivant la réformation du jugement attaqué, demandent à la cour de débouter MM. B... et C... de leurs demandes à se voir reconnaître propriétaires par usucapion de la parcelle I 913, de les déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondés dans leur contestation de la validité des actes de notoriété des 25 janvier 1999 et 17 juillet 2000, de dire que Mme X... était légitime et incommutable propriétaire de ladite parcelle dont ses héritiers concluant sont devenus propriétaires, d'ordonner la publication de la décision à intervenir et de condamner MM. B... et C... à leur payer 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ces prétentions les appelants, qui ne contestent pas que les intimés soient propriétaires, seuls ou dans l'indivision, de parcelles jouxtant sa propriété, font valoir principalement :
que la parcelle litigieuse a été donnée à Mme X... par son parrain Arthur D..., à l'occasion de son baptême le 15 mai 1915 ;
que certains propriétaires voisins, dont les intimés, ont à certaines périodes étendu leurs cultures sur sa parcelle, ce dont elle s'est plainte et dont il résulte que MM. B... et C... ne peuvent évoquer une possession non équivoque, d'autant qu'ils la revendiquent ensemble ;
que Frédéric C... ne peut revendiquer la prescription acquisitive d'une parcelle dont il affirme qu'il est le légitime propriétaire puisque la tenant de son ancêtre ;
que les demandeurs à l'action n'ont pas hésité à suborner des témoins ;
que lorsque Mme X... a fait dresser en février 1990 un plan de la propriété Guy B... est venu par représentation des héritiers Annette signer le plan aux côtés de Mme X....
MM. B... et C... ont notifié leurs dernières conclusions le 11 octobre 2011 au terme desquelles ils sollicitent de la cour qu'elle confirme la décision entreprise dans toutes ses dispositions et condamne les consorts X... à leur verser une indemnité de procédure de 2 500 euros et à supporter les dépens comprenant l'intégralité des frais d'huissier y compris de constat.
Pour soutenir leurs prétentions ils font valoir que Mme X... et à sa suite les consorts X... communiquent des pièces qui sont insuffisantes à démontrer tout acte de possession, que l'un des témoins de l'acte de notoriété a avoué avoir été manipulé, et qu'à l'inverse eux apportent la preuve de leur présence sur la parcelle I 913 et d'actes de possession.
Le magistrat chargé de la mise en état a clôturé la procédure par ordonnance du 8 mars 2012.
Motifs de la décision
Selon le premier acte de notoriété prescriptive reçu par Maître Maurice E..., notaire à Fort-de-France, le 25 janvier 1989, trois témoins sont venus attester que Mme Annette veuve X..., avait reçu en donation la parcelle I 190, d'une contenance de 2ha 11a et 95ca, dans les années 1920 et la possédait depuis lors à titre de propriétaire.
Onze ans plus tard, le 17 juillet 2000, deux autres témoins viennent affirmer devant Maître Serge E... qu'en réalité la possession de Mme Annette veuve X... se limite à la parcelle I 913, d'une contenance de 1ha, 62a et 09ca. Dans l'acte il n'est pas indiqué depuis quelle durée Mme Annette veuve X... a la possession de cette parcelle.
Devant un huissier de justice, le 23 septembre 2008, François F..., l'un des deux témoins de l'acte de notoriété du 17 juillet 2000, a indiqué qu'il n'avait jamais eu de contact avant et après la signature de cet acte, acte qu'il a signé à la demande du propriétaire de parcelles voisines qui lui aurait dit que s'il ne signait pas il risquait de perdre sa propriété.
Il résulte ainsi des déclarations recueillies par un officier public ministériel que l'un des témoins à l'acte de notoriété rectificatif ne connaissait pas la personne au profit de laquelle était dressé cet acte et que la déclaration retranscrite selon laquelle Mme Annette veuve X... est propriétaire de la parcelle I 913 manque pour le moins de sincérité.
C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme Annette veuve X... ne justifiait pas, lors de l'établissement des deux actes de propriété prescriptive, d'une possession répondant aux critères de l'article 2229 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, et qu'il convenait en conséquence d'annuler ces deux actes.
Devant la cour, les consorts X... font valoir que leur auteur, Paulette Annette, veuve X..., était propriétaire de la parcelle I 913 pour l'avoir reçue de son parrain, Arthur D..., lors de son baptême, ensuite que les consorts C... et B... ne rapportent pas la preuve d'une usucapion de cette parcelle.
Les appelants ne produisent aucun acte de donation pouvant valoir titre de propriété. Cette donation serait en contradiction avec la vente consentie en 1898 à Paul C..., puisqu'émanant de la même personne.
Les appelants ne produisent aucune attestation établissant la possession de leur auteur sur la parcelle litigieuse. Les seuls témoignages sur cette possession sont ceux recueillis à l'occasion des deux actes de notoriété prescriptive annulés à bon droit par les premiers juges.
Il en résulte que Mme Annette veuve X... ne peut être considérée comme ayant été propriétaire par titre ou par prescription acquisitive de la parcelle I 913.
Le tribunal a jugé que Guy B... et Frédéric C... devaient être considérés comme ayant acquis par usucapion la parcelle I 913 au vu des attestations produites. Ont attesté :- M. Philippe H..., propriétaire voisin, connaître parfaitement le quartier depuis 1965, et avoir connu pour occupants de la parcelle I 913, Bernard C... (père de Frédéric C...) jusqu'à sa mort en 1987, et ensuite Frédéric C... ainsi que Guy B..., Michel C..., Alex C... ;- Sextius L..., copropriétaire mitoyen, connaître comme seul exploitant de la parcelle I 913 Bernard C... depuis les années 1940 jusqu'à la fin des années 1980 et, depuis la mort de celui-ci, Frédéric C..., Guy B..., Michel C... et, pendant quelques temps Alex C... ;- Inès I..., née en 1937, selon laquelle depuis sa naissance elle a toujours connu Bernard C... travailler sur le terrain I 913 ;- Estèphe C..., née en 1928, selon laquelle la propriété concernée, non désignée par elle, a toujours été occupée par les descendants de Paul C..., ses filles Fanny Annette et Adrienne J..., puis son petit-fils Bernard C..., et à la mort de celui-ci, en continuité ses fils et Guy B..., petit-fils d'Annette, Joséphine K..., arrière-petit-fils de J... et Michel C... arrière-petit-fils de Paul C....
Ces attestations excluent que Guy B... ait pu devenir propriétaire par prescription acquisitive de la parcelle I 913. Les actes de possession qui lui sont attribués ne peuvent remonter qu'après le décès de Bernard C... en 1987, soit depuis moins de trente ans, et ils sont équivoques puisque faits concurremment avec d'autres personnes.
Quant à Frédéric C..., il ne justifie pas être le seul héritier de Bernard C..., lequel pourrait, au vu des attestations ci-dessus, être considéré comme ayant acquis par prescription trentenaire la parcelle I 913. Frédéric C... ne peut donc être jugé seul propriétaire de ce bien dont le sort semble devoir être réglé dans le cadre de la succession de Bernard C....
Le jugement attaqué doit donc être infirmé sur la propriété de la parcelle litigieuse.
Les intimés étant jugés partiellement fondés dans leur action, cette action n'a pas été engagée de façon abusive et la demande de dommages-intérêts formée par les appelants sera rejetée.
Chaque partie succombant pour partie, les dépens seront supportés par ceux qui les auront engagés et il n'y aura pas lieu à application des articles 699 et 700 du code de procédure civile.
Les frais de publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques seront à la charge des consorts X....
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de notoriété prescriptive reçus le 25 janvier 1989 par Maître Maurice E..., notaire associé à Fort-de-France, publié au bureau des hypothèques, volume 3532 no 9, et le 17 juillet 2000 par Maître Serge E..., notaire associé à Fort-de-France, publié au bureau des hypothèques, volume 2000 P no 4438 ;
Déboute les consorts X... de leur demande de dire que Paulette Lise Annette, veuve de Antony X... était légitime et incommutable propriétaire de la parcelle cadastrée section I no 913, sise commune de Fort-de-France lieu-dit ..., et qu'ils sont devenus à sa suite propriétaires de cette parcelle ;
Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a que Guy B... et Frédéric C... sont copropriétaires de ladite parcelle et a condamné Mme Annette veuve X... au paiement d'une indemnité de procédure ;
Ordonne la publication du présent arrêt à la conservation des hypothèques de Fort-de-France aux frais des consorts X... ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens et qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions des articles 699 et 700 du code de procédure civile.
Signé par M. FAU, président de chambre, et Mme RIBAL, greffière lors du prononcé, auquel la minute a été remise.