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11/06/2010 | FRANCE | N°04/00247

France | France, Cour d'appel de Fort-de-France, Chambre civile, 11 juin 2010, 04/00247


ARRET No
R. G : 04/ 00247
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 11 JUIN 2010

X...

C/

Y... Cie d'assurances MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF) CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA MARTINIQUE (CGSSM)

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal de grande instance de Fort de France, en date du 10 janvier 2004, enregistré sous le no 03/ 02487

APPELANT :

Monsieur Jean-Pierre X......... 97200 FORT-DE-FRANCE

représenté par Me Ruffina FREITAS-ECOUE, avocat au barreau de FORT DE

FRANCE

INTIMES :

Monsieur Michel Y......... 97200 FORT-DE-FRANCE

représenté par Me René HELENON, avocat...

ARRET No
R. G : 04/ 00247
COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 11 JUIN 2010

X...

C/

Y... Cie d'assurances MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF) CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA MARTINIQUE (CGSSM)

Décision déférée à la cour : Jugement du tribunal de grande instance de Fort de France, en date du 10 janvier 2004, enregistré sous le no 03/ 02487

APPELANT :

Monsieur Jean-Pierre X......... 97200 FORT-DE-FRANCE

représenté par Me Ruffina FREITAS-ECOUE, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

INTIMES :

Monsieur Michel Y......... 97200 FORT-DE-FRANCE

représenté par Me René HELENON, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

Cie d'assurances MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF) 101 ancienne route de Schoelcher BP 7206 97275 SCHOELCHER CEDEX

représentée par Me René HELENON, avocat au barreau de FORT DE FRANCE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA MARTINIQUE (CGSSM) Place d'Armes 97232 LAMENTIN

non représentée
PARTIE (S) INTERVENANTE (S)
Madame Pauline Isabelle A... épouse X...... ... 97200 FORT-DE-FRANCE

représentée par Me Ruffina FREITAS-ECOUE, avocat au barreau de FORT DE FRANCE
COMPOSITION DE LA COUR :
Les parties ont été autorisées à déposer leur dossier le 16 Avril 2010 conformément aux dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile et informées en application de l'article 786-1 du même code du nom des magistrats amenés à délibérer soit :
Mme HIRIGOYEN, présidente de chambre, Mme DERYCKERE, conseillère, Mme BENJAMIN, conseillère,

et de la date du prononcé de l'arrêt fixée au 11 JUIN 2010
Ces magistrats en ont délibéré sur le rapport de Mme DERYCKERE ;

Greffier, lors des débats : Mme SOUNDOROM

ARRÊT : réputé contradictoire
prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

M. X..., grièvement blessé dans un accident de la circulation survenu le 28 janvier 2001, impliquant un véhicule conduit par M Y..., est appelant d'un jugement du tribunal de grande instance de Fort de France en date du 13 janvier 2004 qui l'a déclaré irrecevable en sa demande d'indemnisation de son préjudice corporel, eu égard à l'action publique qui était alors en cours.

Une fois la procédure pénale définitivement éteinte, la cour d'appel de Fort de France par arrêt du 11 avril 2008, a dit que le véhicule de M Y... est impliqué dans l'accident, que la preuve de la qualité de conducteur de M X... n'est pas rapportée, qu'en conséquence M Y... et son assureur la MAIF doivent réparer l'entier préjudice de M X..., et avant dire droit sur la liquidation du préjudice, ordonné une expertise médicale, et le versement à la victime d'une provision de 15 000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

L'expert a déposé son rapport le 2 février 2009.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées le 24 septembre 2009, M X..., qui estime que l'expert a fait une exacte appréciation des éléments de son préjudice corporel, demande à la cour en application de l'article 568 du code de procédure civile, de donner une solution définitive au litige en liquidant son préjudice corporel poste par poste après déduction de la créance de la CGSSM, et de lui allouer déduction faite des provisions servies, une somme totale de 443 288, 93 €, outre 5000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 10 décembre 2009, Mme Pauline X..., mère de la victime est intervenue volontairement pour demander la réparation de son préjudice par ricochet, en exposant qu'elle a assisté son fils pendant toute la durée du déficit fonctionnel temporaire et même au delà, pour l'aider à effectuer les actes de la vie courante, et demande 5000 € au titre de son préjudice patrimonial. Elle sollicite en outre 10 000 € pour son préjudice moral, à la vue de la douleur, de la déchéance et du handicap de son fils, ainsi que 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions régulièrement notifiées, et déposées au greffe de la cour le 14 janvier 2010, par lesquelles M Y..., et la MAIF, qui ne s'opposent pas à l'évocation par la cour des points qui n'ont pas encore été tranchés, formulent des offres d'indemnisation poste par poste, pour M X... ainsi que pour Mme X..., et rappellent que le montant de la provision à déduire est de 19 573, 47 €. Assignée devant la cour d'appel le 25 mai 2004 à personne habilitée, la CGSSM a par courrier reçu le 24 juin 2004, fait connaître l'état alors provisoire de ses débours, sans constituer avocat. L'arrêt sera réputé contradictoire.

MOTIFS
La cour ayant par arrêt du 11 avril 2008 implicitement statué sur la recevabilité de l'action et évoqué le fond en statuant sur la responsabilité, et en ordonnant une expertise avant dire droit sur la réparation du dommage, il n'appartient plus à la cour après retour de l'expertise, que de vider sa saisine en liquidant le préjudice corporel de M X... dont l'état est désormais consolidé, et celui de sa mère, victime indirecte de l'accident.
- Sur la réparation du dommage corporel de M X... :
Au vu de l'arrêt du 11 avril 2008 ayant condamné M Y... et la MAIF à réparer l'entier préjudice de M X..., et conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 immédiatement applicable dès lors que l'indemnité revenant à la victime n'a pas encore été définitivement fixée, le préjudice subi par M X... sera liquidé en tenant compte des éléments suivants :
Il doit être retenu du rapport d'expertise du Dr B... déposé le 2 février 2009, non contesté par les parties, que M X... passager sans casque d'une moto qui a percuté un véhicule en panne sur la chaussée, est passé par dessus ce véhicule, qui suite au choc, a roulé sur le corps de M X.... Il en est résulté un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale (quinze jours de coma), avec oedème cérébral important, corps étranger oculaire gauche, contusion pulmonaire, rupture hépatique avec hémopéritoine, fracture du bassin ayant nécessité à distance la pose d'une double prothèse de hanche (droite et gauche), et une fracture tibia-péroné de la jambe droite. Les suites médicales ont été difficiles, tant au plan moteur qu'en raison des séquelles du syndrome frontal associant des troubles neuropsychologiques et des troubles du comportement. La date de consolidation a été fixée au 22 octobre 2005, correspondant à l'autonomie retrouvée quand il a recouvré la possibilité de conduire seul une automobile.
Au moment de l'accident, M X... était âgé de 32 ans, il exerçait la profession de pompiste, était père d'un enfant de 4 ans, séparé de la mère, et n'a pas pu exercer son droit de visite et d'hébergement durant plusieurs années après l'accident. Il est retourné vivre au domicile de sa mère, qu'il n'a quitté que début 2007, et il a repris son activité professionnelle antérieure en 2008.
La MAIF joint à son dossier l'état définitif des débours de la CGSSM, que cette dernière lui a transmis le 19 mars 2009.

I)- PREJUDICES PATRIMONIAUX :

A)- PREJUDICES TEMPORAIRES :
- Dépenses de santé actuelles : (frais médicaux et assimilés) : les frais médicaux et d'hospitalisation ont été pris en charge par la CGSSM à hauteur de 371 831 €. M X... ne fait pas état de frais restés à sa charge.
- Pertes de gains professionnels actuels : Au vu des fiches de paie de l'année précédant l'accident, son salaire net imposable moyen était de 800 € par mois, soit 26, 35 € par jour. Sur 1032 jours d'incapacité totale de travail, la perte de salaires est donc de 27 192, 20 €, sur laquelle s'imputent les indemnités journalières versées à hauteur de 12 072, 60 €. Il n'y a pas lieu d'imputer la pension d'invalidité sur ce poste de préjudice. Il reste donc dû à M X... de ce chef une somme de 15 119, 60 €.

B)- PREJUDICES PERMANENTS :

- Dépenses de santé futures : l'expert judiciaire n'en prévoit pas.- Perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle : M X... a repris son activité de pompiste salarié au cours de l'année 2008. Entre la date de la consolidation en octobre 2005 et sa reprise d'emploi, il a été privé de salaires pendant deux années, au cours desquelles il a perçu une pension d'invalidité majorée pour tierce personne, alors qu'en travaillant sur cette période, il aurait perçu au vu des éléments évoqués ci-dessus, une rémunération de 20 000 €. S'il a pu reprendre son emploi, l'expert relève que son déficit fonctionnel permanent entraîne une répercussion sur son activité professionnelle, en particulier en raison de la pénibilité de la station debout prolongée, qui nécessitera à plus ou moins long terme un reclassement professionnel. Il est exact comme le relèvent les intimés que même en cas de reclassement, M X... percevrait au moins le SMIC, et ne subirait donc pas de perte immédiate de revenu. Mais il faut compter avec sa dévalorisation sur le marché de l'emploi, due à sa fatigabilité au travail, mais également aux séquelles cognitives de son traumatisme crânien, limitant le champ possible de sa reconversion, en lui fermant certaines catégories d'emplois, et en fragilisant sa permanence à l'emploi. Concrètement, les troubles neuropsychologiques relevés par l'expert se répercutant sur la mémoire, les difficultés d'apprentissages, et les troubles du caractère (impulsivité, agressivité), ont nécessairement une incidence professionnelle qu'il convient d'indemniser. En tenant compte de son âge (36 ans lors de la consolidation 41 ans actuellement), son évaluation de ce poste de préjudice comprenant les pertes de gains et l'incidence professionnelle à hauteur de 60 000 € sera admise. Mais s'impute sur ce poste la pension d'invalidité majorée de la pension tierce personne soit 77 800, 14 €, qui absorbe totalement l'indemnité ainsi fixée.

II)- PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX :

A)- PREJUDICES TEMPORAIRES :
- Déficit fonctionnel temporaire total : Il s'agit de l'indemnisation de la gêne personnelle dans les actes de la vie courante subie pendant la période d'incapacité. Celle-ci a été totale pendant 753 jours. Sur une base de 30 € par jour, ce chef de préjudice sera liquidé à la somme de 22 590 €.
- Déficit fonctionnel temporaire partiel : l'incapacité a été partielle durant 695 jours. Sur une base de 15 € par jour, ce chef de préjudice sera liquidé à la somme de 10 425 €.
- Souffrances endurées jusqu'à la consolidation : Evaluées par l'expert à 6/ 7, soient des souffrances qualifiées d'importantes dans la cotation médico-légale, la proposition des intimés à hauteur de 30 000 € sera déclarée satisfactoire.

- Préjudice esthétique temporaire : l'expert a évalué ce poste à 4/ 7. Les intimés opposent que ce poste de réparation est réservé à des préjudices très lourds. Mais il convient de noter que dans le cas de M X..., au vu ces certificats médicaux repris par l'expert dans son rapport, à deux ans de l'accident la marche était toujours impossible, et la station assise difficile, et au prix d'un encombrement important, ses vêtements ont dû être adaptés à son handicap. Et à 3 ans de l'accident, la reprise de la marche était possible avec deux cannes anglaises. Il a été également défiguré temporairement par des plaies à l'oeil et à la bouche. Sa demande à hauteur de 5000 € est donc parfaitement justifiée au regard de l'altération temporaire de son apparence physique, et il y sera fait droit.

B)- PREJUDICES PERMANENTS :

- Déficit fonctionnel permanent : son évaluation à 60 % par l'expert n'est pas discutée par les parties. Compte tenu de l'âge de la victime à l'époque de la consolidation, il sera retenu une base de point à 2900 €, soit une indemnité de 174 000 €. Les intimés n'expliquent pas en quoi en l'espèce, la pension d'invalidité servie par la CGSSM, qui compense l'incidence professionnelle due à son nouvel état, devrait s'imputer sur ce poste de préjudice de nature purement personnelle.
- Préjudice d'agrément : l'expert avait relevé que M X... était affilié à un club de handball avant l'accident, et qu'il était inscrit à un club de judo ou karaté et titulaire de la ceinture orange. Cependant, il doit être reconnu avec M Y... et la MAIF qu'il n'en produit aucun justificatif. Leur proposition d'indemnisation à hauteur de 15 000 € sera déclarée satisfactoire.
- Préjudice esthétique définitif : évalué par l'expert à 3/ 7, soit une qualification de dommage modéré, il est constitué de multiples cicatrices, dont un grand nombre situé sur le visage, le cou, les bras et avant-bras, ainsi que les jambes, soient des zones corporelles exposées à la vue, en particulier dans une zone tropicale comme la Martinique. Il sera alloué à M X... de ce chef une indemnité de 6000 €.
Au total, après imputation des sommes versées par l'organisme tiers payeur sur les seuls postes que ces prestations avaient vocation à réparer, il reste dû à M X... une somme de 278 134, 60 €, dont il convient de déduire les provisions versées par l'assureur, de 19 573, 47 €. M Y... est donc condamné in solidum avec la MAIF à payer à M X... une somme résiduelle de 258 561, 13 €, en réparation de son préjudice corporel.

- Sur la réparation du préjudice par ricochet de Mme X... :

La recevabilité de son intervention volontaire n'est pas discutée par les parties, ni la réalité des deux postes de préjudice qu'elle invoque.

Au titre de son préjudice patrimonial d'accompagnement, il sera retenu qu'elle a accueilli son fils à son domicile pendant 6 années après l'accident, au cours desquelles elle l'a assisté, assurant ainsi le rôle de tierce personne qui a été reconnu par l'expert à raison de 2 heures par jour jusqu'à la consolidation. A l'heure actuelle, il a toujours besoin d'être aidé notamment pour gérer son compte bancaire et rédiger des chèques. Il convient de faire droit à la demande d'indemnisation à hauteur de 5. 000 €.

Au titre de son préjudice moral, il sera retenu qu'âgée de 73 ans, elle subit également la répercussion de la perception des souffrances endurées par son fils, pendant toute sa longue période de rééducation, et de sa diminution physique et mentale liée à son handicap. Il convient de lui allouer de ce chef, une indemnité de 10 000 €.

- Sur les demandes accessoires :

Les intimés conserveront la charge des entiers dépens comprenant les frais d'expertise. Par ailleurs, l'équité commande d'allouer à M X... une indemnité de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et à Mme X..., une indemnité sur ce fondement de 1500 €.

PAR CES MOTIFS ;

Vu l'arrêt du 11 avril 2008,
Vu le rapport d'expertise déposé le 2 février 2009,
Liquidant les conséquences dommageables de l'accident subi par M X... le 28 janvier 2001,
Condamne in solidum M Y... et son assureur la MAIF, à payer à M X..., après déduction des provisions déjà servies, la somme de 258 561, 13 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne in solidum M Y... et son assureur la MAIF, à payer à Mme X... la somme de 15 000 € en réparation de son préjudice par ricochet,
Condamne in solidum M Y... et son assureur la MAIF, à payer à M X... la somme de 3000 €, et à Mme X... la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M Y... et son assureur la MAIF, aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise,

Déclare l'arrêt commun à la CGSSM ;

Autorise Me FREITAS-ECOUE à recouvrer ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Signé par Mme HIRIGOYEN, présidente, et par Mme SOUNDOROM greffier, auquel la minute a été remise.

LE GREFFIER, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Fort-de-France
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 04/00247
Date de la décision : 11/06/2010
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.fort-de-france;arret;2010-06-11;04.00247 ?
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